CA Fort-de-France, ch. civ., 27 juin 2008, n° 05-01007
FORT-DE-FRANCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Société Mutualiste étudiante de la Région Antilles-Guyane (Sté)
Défendeur :
La Mutuelle des Etudiants
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bernard
Conseillers :
Mmes Molière, Hayot
Avocats :
Mes Macchi, Depoux, Debray, Archambault
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant procédure à jour fixe, la Mutuelle des Etudiants LMDE, a fait assigner la Société Mutualiste Etudiante de la Région Antilles-Guyane : Smerag, par acte du 13 septembre 2005, devant le Tribunal de grande instance de Fort-de France, pour obtenir, avec exécution provisoire, et au visa des articles L. 121-1 du Code de la consommation, et 1382 du Code civil :
- qu'il soit fait injonction à la Smerag de retirer toute communication publicitaire, sous quelque forme que ce soit, mentionnant les termes " centre national 617 ", " une présence sur toute la France " et " premier centre de sécu étudiante ", ou toute autre mention équivalente, dans le délai de huit jours à compter du jugement, sous peine d'une astreinte de 300 euro par infraction constatée, provisoire pendant le délai de 8 jours, définitive passé ce délai ;
- la condamnation de la Smerag à lui payer 200 000 euro à titre de dommages et intérêts, 7 500 euro au titre des frais irrépétibles, et à supporter les dépens ;
- l'autorisation de faire publier le dispositif du jugement dans quatre journaux au choix de LMDE, aux frais du défendeur, dans la limite de 1 000 euro.
La Smerag a conclu à l'irrecevabilité et au mal fondé des demandes, et au débouté de LMDE ;
Par jugement du 15 novembre 2005, le Tribunal de grande instance de Fort-de-France a :
- enjoint à la Smerag d'enlever de tout support publicitaire, les termes suivants ; " centre national 617 ", "une présence sur toute la France ", " premier centre de sécu étudiante ", dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, et sous peine d'une astreinte de 100 euro par infraction constatée,
- rejeté les demandes relatives à l'astreinte définitive et à la liquidation, ainsi que les demandes de dommages et intérêts présentées par LMDE,
- autorisé LMDE à faire publier le jugement dans trois journaux de son choix, aux frais de la Smerag, dans la limite de 1 000 euro,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la Smerag à payer LMDE 1 200 euro en application l'article 700 du NCPC et à supporter les dépens ;
Par déclarations des 13 décembre 2005 et 15 décembre 2005, la Smerag a relevé appel de cette décision ;
Les instances ont été jointes;
Vu les dernières écritures, de la Smerag, en date du 13 septembre 2007, qui demande à la cour :
- d'infirmer le jugement,
- de déclarer la LMDE irrecevable et mal fondée en ses demandes et l'en débouter,
- de la recevoir en sa demande reconventionnelle et de condamner la LMDE, à lui payer 7 000 euro en application de l'article 700 du NCPC ;
Et par lesquelles elle fait valoir, pour l'essentiel :
- que la LMDE n'établit pas l'existence matérielle des mensonges allégués, puisqu'il n'existe dans l'intégralité de la plaquette incriminée aucune mention: " Smerag, première sécurité sociale étudiante ",
- que la mention " sécurité sociale centre national 617, première sécurité sociale étudiante " n'est pas mensongère, et résulte d'une appréciation officielle de la Caisse Nationale d'Assurance maladie, de sorte qu'elle ne fait que mentionner dans sa plaquette son appartenance au centre gérant l'ensemble des mutuelles nationales, le centre national 617, auquel elle est adhérente,
- que la présentation même de la plaquette incriminée exclut toute équivoque,
- qu'à aucun endroit sur la plaquette il n'est indiqué que la Smerag dispose de centres d'accueil sur toute la France, mais qu'il est seulement rappelé la réalité de la couverture nationale au titre des prestations servies ;
Vu les dernières écritures de LMDE, en date du 13 septembre 2007, qui demande à la cour, au visa des articles L. 121-1 du Code de la consommation et 1382 du Code civil ;
- de confirmer le jugement, en ce qu'il a enjoint à la Smerag d'enlever de tout support publicitaire les mentions : "centre national 617", "une présence sur toute la France", et "premier centre de sécu étudiante";
- de confirmer le jugement, en ce qu'il a autorisé LMDE à faire publier le dispositif dans trois journaux de son choix, aux frais de Smerag, dans la limite de 1 000 euro ;
Et statuant à nouveau et ajoutant au jugement :
- de constater que la Smerag détourne les interdictions prononcées, en utilisant des mentions équivalentes à celles interdites et ayant le même contenu ;
En conséquence :
- d'enjoindre à la Smerag d'enlever de tout support publicitaire les mentions équivalentes à celles interdites par le jugement, sous astreinte de 300 euro par infraction constatée, provisoire pendant huit jours, et définitive passé ce délai;
- de se réserver la liquidation de l'astreinte ;
- de l'autoriser à faire publier le dispositif de l'arrêt dans quatre journaux de son choix, aux frais du défendeur, dans la limite de 8 000 euro ;
- de réformer le jugement et de condamner la Smerag à lui payer la somme de 200 000 euro à titre de dommages et intérêts
En tout état de cause, de condamner la Smerag à lui payer 20 000 euro au titre des frais irrépétibles, et à supporter les dépens, avec application de l'article 699 du NCPC ;
Par lesquelles elle fait valoir, essentiellement :
- que dans ses conclusions d'appelante, la Smerag se borne à reprendre les arguments qu'elle avait développés devant le tribunal, en ignorant la motivation adoptée par le premier juge, dont la pertinence est incontestable ;
- qu'elle n'ignore pas qu'il lui appartient de prouver la véracité du message publicitaire, ce qu'elle ne fait pas ;
- que comme le tribunal l'a démontré, le caractère mensonger, à un triple égard, du message publicitaire, est établi ;
- que les dommages et intérêts qu'elle réclame correspondent, à concurrence de 50 000 euro, à la réparation de son trouble commercial, et à concurrence de 150 000 euro à la moitié des investissements qu'elle a réalisés sur la zone de concurrence, pour la seule campagne 2005, 2006.
Vu l'ordonnance de clôture, en date du 10 janvier 2008.
MOTIFS ET DÉCISION:
L'article 121-1 du Code de la consommation interdit toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des indications ou présentations fausses, ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent notamment sur les qualités ou aptitudes d'un prestataire de services ;
Ce texte a vocation à s'appliquer aux mutuelles étudiantes, qui éditent des brochures à caractère informatif destinées à être remises à de possibles souscripteurs, et qui constituent un support publicitaire au sens du texte ;
La LMDE, comme la Smerag, ont vocation à gérer le régime obligatoire de sécurité sociale étudiante, et à proposer des prestations mutualistes santé complémentaires ;
Toutefois, leur rayon d'action est différent: la LMDE, qui a succédé à MNEF, est une mutuelle nationale régie par le Code de la Mutualité, dont l'objet est de couvrir et de gérer, dans toutes les académies du territoire français, le régime obligatoire de sécurité sociale des étudiants, ainsi que de leur proposer des assurances complémentaires santé, la caisse nationale d'assurance-maladie lui ayant attribué le numéro de centre 601 ;
La Smerag a le même objet, mais son rayon d'action est régional, et se limite à l'académie Antilles-Guyane; la caisse nationale assurance-maladie lui a attribué le numéro de centre 617 ;
La brochure publiée par la Smerag, porte les mentions, en couverture, et en page intérieure : " sécu étudiante, centre national 617 " ; dans les pages intérieures, " La Smerag, centre 617 de sécurité sociale étudiante, qui vous assure une présence sur toute la France en restant la plus proche de vous ", puis "une couverture nationale pour la tranquillité " ;
Ces mentions présentent de manière ambigüe l'étendue des services de la Smerag ;
En effet, lorsqu'elle indique qu'elle "assure une présence sur toute la France", et "une couverture nationale", et ajoute la mention "national", à "centre 617" alors que le numéro de centre 617 que lui a attribué la caisse nationale d'assurance maladie ne lui octroie aucun caractère national, l'étudiant potentiel peut raisonnablement penser que la Smerag a un représentant sur toute la France, et que sa compétence s'étend à tout le territoire national alors qu'elle n'a qu'une compétence régionale, qui ne lui permet de souscrire des contrats qu'avec des étudiants des académies Antilles-Guyane, et ces mentions sont donc de nature à l'induire en erreur ;
La Smerag a également diffusé, le 4 juin 2005, une lettre mailing à destination de tous les parents des étudiants, où elle se présente comme " le premier centre de sécu étudiante " ;
Cette affirmation est fausse, si l'on se réfère aux chiffres produits par la Smerag, qui démontrent que la LMDE lui est largement supérieure quant aux affiliations sur le plan national ;
En conséquence, il y a lieu de confirmer que le jugement déféré en ce qu'il a fait application du texte précité, et enjoint la Smerag d'enlever de tout support publicitaire les mentions litigieuses, sous astreinte, et ordonné la publication du jugement dans trois journaux, aux frais de la Smerag ;
Le rejet par le premier juge de la demande en paiement de dommages et intérêts présentée par la Smerag est justifié, dès lors qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une diminution de ses affiliations, et qu'il n'est pas justifié que sa campagne de publicité sorte de l'ordinaire d'une recherche de marchés ;
La demande présentée devant la cour tendant à enjoindre à la Smerag d'enlever de tout support publicitaire, toute mention équivalente à celle interdite, ne peut être accueillie, la cour ne pouvant interdire que des mentions précises, dans les conditions prévues par le texte précité ;
La Smerag, qui succombe, supportera les dépens, et au titre des frais irrépétibles, elle sera condamnée à payer à LMDE la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du NCPC.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire ; Confirme en toutes ses dispositions, l'arrêt déféré ; Rejette les demandes de nouvelles interdictions présentées par LMDE ; Condamne la Smerag à payer à LMDE la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du NCPC, Et la condamne aux dépens, en application de l'article 699 du NCPC.