CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 25 octobre 2011, n° 2011-374
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Coleno
Conseillers :
Mmes Del Volgo, Michel
Avocats :
Mes Paczkowska, Frahi-Megyeri, Bravanot, Bensa, Demarchi
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LA PRÉVENTION :
Attendu que X a comparu sous la prévention suivante :
- d'avoir sur le territoire national, courant 2007 et depuis temps non couvert par la prescription, effectué une publicité comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant, sur la portée des engagements pris par l'annonceur et l'identité, les qualités ou aptitudes des prestataires de service en l'espèce notamment en diffusant une publicité et divers documents contenant le programme d'une formation " nutrition santé et environnement santé " indiquant l'Université Internationale de Monaco comme lieu de formation et la délivrance d'un " diplôme universitaire ", informations de nature à induire en erreur les candidats dans la mesure où l'Université Internationale de Monaco ne délivre aucun diplôme universitaire de ce type et ne louait que des locaux à M. X.
Faits prévus par art. L. 121-1, art. L. 121-5, art. L. 121-1-1 du Code de la consommation et réprimés par art. L. 121-6, art. L. 121-4, art. L. 213-1 al. 1 du Code de la consommation.
LE JUGEMENT :
Par jugement contradictoire du 4 décembre 2009, le Tribunal correctionnel de Nice a déclaré X coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné à la peine de 1 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 3 000 euro.
Statuant sur l'action civile, le tribunal a reçu Thérèse Carrie, Nathalie Vallet et Céline Demuth en leur constitution de partie civile et a condamné X à payer :
- à Thérèse Carrie la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts et celle 500 euro de en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale
- à Nathalie Vallet la somme de 4 500 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 500 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale
- à Céline Demuth la somme de 1 400 euro à titre de dommages et intérêts,
LES APPELS :
X a interjeté appel de ce jugement, en toutes ses dispositions, par déclaration au greffe du tribunal le 10 décembre 2009.
Le Ministère public a relevé appel incident le même jour.
Le 16 décembre 2009 Nathalie Vallet a interjeté appel sur les dispositions civiles.
Le 17 décembre 2009, Thérèse Carrie a interjeté appel sur les dispositions civiles.
DECISION :
RAPPEL SUCCINCT DES FAITS :
Thérèse Carrie épouse Panabière, Nathalie Vallet et Céline Demuth épouse Cistio se sont inscrites, en début d'année 2007 à une formation "Nutrition Environnement Santé" qu'elles avaient trouvée sur un site Internet. La documentation mise en ligne mentionnait que cette formation permettait, après la réussite d'un examen, d'obtenir un diplôme universitaire.
Elle avait suivi les cours dans les locaux de l'Université internationale de Monaco, à raison de 2 jours par mois, ou par correspondance et passé en décembre 2007 l'examen. Aucun diplôme ne leur était délivré.
Toutes trois déposaient plainte contre le responsable de la formation, X.
Mme Demuth, pharmacienne, s'était inscrite dans le cadre de la formation continue en mars 2007 ; la formation qu'elle avait suivie par correspondance, avait coûté 2 300 euro, la somme de 977 euro ayant été payée par son employeur.
Elle s'était rendue en décembre à Monaco pour passer l'examen. A l'issue les candidats avaient demandé quel type de diplôme allait être délivré, X avait alors répondu que des accords étaient en cours avec l'Université internationale de Monaco. En février 2008 elle avait appris auprès de l'Université internationale de Monaco que le partenariat avec X ne portait que sur les locaux.
A force de démarches et de réclamations, elle était parvenue à obtenir le remboursement de la somme de 960 euro. Elle indiquait au cours de son audition que personne n'avait obtenu de diplôme ; que depuis le lieu de formation avait changé et qu'il n'était plus question de diplôme universitaire.
Mme Vallet a payé sa formation au moyen de 2 chèques de 1 196 euro chacun. Elle avait contacté X au téléphone qui lui avait dit qu'il était question d'un diplôme universitaire. Elle avait suivi la formation à Monaco.
Mme Carrie a payé sa formation, qu'elle a suivie à Monaco, 1 620 euro. Elle a précisé qu'il y avait au cours de l'examen 5 personnes. A l'issue de l'épreuve, jugée très difficile, X et son assistante leur avaient indiqué que la société obtiendrait l'agrément pour la délivrance des diplômes en juillet, l'Université de Monaco mettant du temps à les délivrer.
Ne voyant rien venir, elle avait pris directement attache avec l'Université internationale de Monaco et avait alors appris que X était totalement étranger à l'établissement.
Elle avait demandé des explications à X qui lui avait fait savoir qu'elle avait raté l'examen. Il avait précisé que le diplôme était délivré par un organisme privé établi en Suisse dans le canton de Vaud, l'Université Européenne des sciences et ressources humaines avec lequel il avait signé une convention et dont il lui adressait une copie.
D'après les renseignements communiqués par l'Université internationale de Monaco, le rattachement de X à cette université, remontait à février 2008. Entendu le 4 décembre 2008, X, Président de la SA Y, contestait toute responsabilité pénale.
Il soutenait que l'agrément dont bénéficiait la société depuis 2006 était celui de l'Université européenne des sciences et ressources humaines établie en Suisse et produisait à cet effet une convention de partenariat en date du 27 décembre 2006 ainsi qu'une attestation du président de cette université et deux attestations d'élèves ayant suivi la formation.
Il contestait avoir évoqué à l'issue de l'examen de décembre 2007 un agrément de l'Université de Monaco mais déclarait qu'en 2007, " aucun candidat n'avait été reçu ". Il a produit devant la cour les résultats de l'examen des trois plaignantes qui n'avaient jamais été jusqu'alors communiqués.
MOYENS DES PARTIES :
Céline Demuth épouse Cistio demande par courrier adressé par lettre recommandée avec avis de réception, de confirmer le jugement déféré.
Thérèse Carrie épouse Panabière demande par voie de conclusions déposées par son conseil de réformer le jugement déféré en ce qu'il a condamné X à lui payer la somme de 5 000 euro et de condamner ce dernier à lui payer la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts outre 1 500 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Elle évalue son préjudice matériel à la somme de 7 500 euro comprenant en sus du montant de la formation, les frais de déplacements, de séjour et des produits vendus par X pendant les cours ainsi que 2 500 euro au titre du préjudice moral pour s'être investie inutilement dans cette formation pendant plusieurs mois alors qu'elle était en recherche d'emploi.
Nathalie Vallet demande par voie de conclusions déposées par son conseil de condamner X à lui payer la somme de 4 139,40 euro au titre du préjudice matériel, comprenant le remboursement de la formation et des frais de déplacement, et 2 500 euro au titre du préjudice moral, ainsi que 3 000 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Le Ministère public a été entendu en ses réquisitions.
X demande par voie de conclusions déposées par son conseil de réformer le jugement entrepris et de prononcer la relaxe, le délit n'étant pas caractérisé et de débouter Mme Panabière de ses demandes.
Il fait valoir que :
- la plaquette informative relative au programme de formation n'a pas de caractère publicitaire
- l'acte incriminé n'est pas de nature à tromper
- l'élément intentionnel fait défaut
- Mme Panabière n'a subi de son fait aucun préjudice.
MOTIFS DE LA DECISION :
EN LA FORME,
Attendu que X, régulièrement cité, comparait assisté de son conseil ;
Que Thérèse Carrie épouse Panabière, régulièrement citée, est présente et assistée de son conseil ;
Que Nathalie Vallet, régulièrement citée, est présente ;
Que Céline Demuth épouse Cistio ne comparait pas ; qu'elle a adressé à la cour un courrier recommandé avec avis de réception parvenu le 21 septembre 2011 dans lequel elle indique qu'elle ne comparaîtra pas ;
Qu'il sera statué par arrêt contradictoire à l'égard de X, Thérèse Carrie épouse Panabière et par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Céline Demuth épouse Cistio;
Attendu que les appels formés par le prévenu, Nathalie Vallet, Thérèse Carrie épouse Panabière et le Ministère public sont recevables pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux.
AU FOND,
Sur l'action publique :
1 - Sur la culpabilité,
Attendu que X fait valoir au soutien de sa défense que la plaquette informative relative au programme de formation n'avait pas de caractère publicitaire ; que l'acte incriminé n'est pas de nature à tromper et que l'élément intentionnel fait défaut ;
Sur le caractère publicitaire de la plaquette :
Attendu qu'il ressort de la procédure et des débats que les plaignantes ont toutes accédé à la formation dispensée par la société Y via son site Internet ; qu'il s'agit là d'un moyen de diffusion d'informations visant un large public ; que la documentation mise en ligne pour l'année 2007, vantant " le nouveau programme 2007 ", était destinée à faire connaître les caractéristiques du produit, les tarifs et les garanties de qualité ; qu'elle comprenait les bons d'inscription ; que dans deux emplacements encadrés il était indiqué que la formation était dispensée par correspondance et que le nombre de places était limité à 30 ;
Que cette documentation avait donc vocation à faire diffuser auprès d'un large public les caractéristiques du produit en vue d'inciter le consommateur à souscrire à la formation ;
Que ces informations présentent toutes les caractéristiques d'une publicité commerciale ;
Sur le caractère trompeur des informations diffusées :
Attendu que la documentation diffusée sur Internet mentionnait en haut de page :
" Formation et Diplôme Universitaire " ;
Qu'il était mentionné dans la rubrique Garanties des Qualités : le suivi intégral de la formation et la réussite à l'examen permettra d'obtenir un diplôme universitaire en Nutrition & Environnement Santé ;
Que sous le lieu de la formation, il était indiqué en lettres majuscules :
" Université Internationale de Monaco " ;
Attendu qu'il est constant que pour la période considérée, la formation délivrée par la société Y ne permettait pas l'obtention d'un diplôme universitaire de l'Université internationale de Monaco ;
Qu'il ressort des auditions des plaignantes que X avait déclaré à l'issue de l'examen qu'il n'avait pas encore obtenu l'agrément pour délivrer un diplôme, invoquant un retard de l'Université internationale de Monaco ;
Qu'il n'a jamais été question de l'Université européenne des sciences et ressources humaines domiciliée en Suisse dont il se prévaut ;
Que d'ailleurs nulle part dans la documentation incriminée il n'est fait référence à cette Université qui est, à la lecture de la convention du 27 décembre 2006 produite par le prévenu, un organisme associatif domicilié par une société Fidagest (SARL) établie à Renens en Suisse, sans plus de précision ;
Que ce même organisme associatif sera pourtant mentionné sur la documentation mise en ligne postérieurement aux réclamations des plaignantes ;
Qu'il s'ensuit que la diffusion par Internet de la documentation publicitaire en cause vantant la possibilité d'obtenir un diplôme universitaire en mentionnant l'Université internationale de Monaco, alors que cette dernière ne faisait que mettre à disposition ses locaux, était de nature à induire en erreur le consommateur moyen ;
Qu'il s'agit d'une publicité trompeuse ;
Sur l'élément intentionnel :
Attendu que la présentation de la documentation publicitaire en cause, mettant en bonne place les mentions litigieuses relatives au diplôme universitaire et à l'Université internationale de Monaco ne doit rien au hasard ; qu'elle résulte au contraire d'une volonté d'attirer l'attention du consommateur sur des critères susceptibles d'accrocher son adhésion ;
Attendu qu'il résulte ainsi de l'ensemble de ces constations et motifs, qu'en promettant au titre des garanties un diplôme universitaire dans un document commercial publicitaire où il est fait référence, en bonne place, à la seule Université internationale de Monaco, de telle sorte que le consommateur d'attention moyenne sera conduit à comprendre, à défaut d'autres indications, que ce diplôme est délivré par cette Université, X, directeur de la société Y, a sciemment commis le délit qui lui est reproché.
2 - Sur la peine,
Attendu que si l'exigence accrue de qualification professionnelle ouvre sans cesse de nouvelles perspectives aux entreprises de formation, il importe que ces entreprises, et leurs dirigeants agissent dans leur pratique commerciale de manière loyale à l'égard des consommateurs qui représentent avant toute chose des personnes qui portent des projets personnels et professionnels ;
Que le fait d'user de pratique commerciale trompeuse dans un tel domaine, conduisant ainsi les victimes à un investissement qui s'est révélé décevant, est grave ; que les faits reprochés à X, dont la cour aura compris qu'il est lui-même dans une situation professionnelle si ce n'est précaire du moins floue en dépit d'un parcours en faculté de médecine inabouti, méritent une sanction significative ;
Attendu que les circonstances de la cause ont été exactement appréciées par le tribunal dont le jugement doit être confirmé dans son principe de culpabilité et sur le prononcé d'une peine d'emprisonnement assortie du sursis et d'une peine de 3 000 euro d'amende sauf à être modifiée dans le quantum de la peine d'emprisonnement qui sera porté à 4 mois d'emprisonnement eu égard à la gravité de l'infraction et à la personnalité du prévenu ;
Qu'en conséquence, la cour condamnera le prévenu à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 3000 euro d'amende ;
Sur l'action civile :
Attendu que c'est à bon droit que le tribunal a reçu les parties civiles en leur constitution ;
Qu'elles se sont en effet engagées pour le suivi d'une formation coûteuse sur de fausses allégations publicitaires ;
Que leur engagement vicié, en ce qu'il a été consenti à partir d'une pratique commerciale trompeuse, est constitutif d'un préjudice matériel et moral découlant directement de l'infraction ;
Attendu qu'une formation, certes inaboutie, mais dont la qualité n'est pas discutée, a néanmoins été dispensée ;
Qu'il s'ensuit que le tribunal, en allouant à Mme Panabière la somme de 5 000 euro toutes causes de préjudices confondues et à Mme Vallet la somme de 4 500 euro toutes causes de préjudices confondues, a exactement apprécié le préjudice subi par elles et découlant directement de l'infraction ;
Qu'il en est de même de la somme allouée à Mme Demuth ;
Que sa décision sera également confirmée ;
Attendu que la cour condamnera en outre X à payer à Nathalie Vallet la somme de 1 000 euro et à Thérèse Carrie épouse Panabière la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais exposés en cause d'appel ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de X, Thérèse Carrie épouse Panabière et par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Céline Demuth épouse Cistio, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, En la forme, reçoit les appels formés par X, Nathalie Vallet, Thérèse Carrie épouse Panabière et le Ministère public. Au fond, Confirme le jugement déféré sur la culpabilité, Réforme sur la peine et statuant à nouveau condamne X à la peine de 4 mois d'emprisonnement.