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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 21 juin 2012, n° 10-09234

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Polyform (SARL)

Défendeur :

Fonds d'Assurance Formation de la branche Propreté (Sté), Association Opcalia

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseiller :

Mme Pomonti

Avocats :

Mes Benamou, Duplessis, Teytaud, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

TGI Créteil, du 30 mars 2010

30 mars 2010

Faits constants et procédure

La société Polyform a pour activité "la formation professionnelle, le conseil aux entreprises, l'assistance, la conception et la vente d'outils professionnels, pédagogiques, informatiques et d'évaluation, l'aide au recrutement, l'organisation de stages et congrès".

Elle dispense des actions de formation professionnelle dans divers secteurs économiques pour lesquels elle a obtenu des certifications et des labellisations. Elle exerce notamment une activité de formation pour les entreprises de la branche Propreté.

Le FAF Propreté (Fonds d'Assurance Formation de la branche Propreté) est un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) créé par une convention du 29 juillet 1993 qui a pour objet d'assurer la collecte de tout ou partie de la contribution obligatoire des entreprises au titre de la formation professionnelle continue et de la taxe d'apprentissage, de gérer les fonds qui leur sont versés, d'assurer la prise en charge des dépenses de formation des entreprises et de concourir à la réalisation des objectifs de la politique de formation définis par l'accord de branche.

Il finance ou rembourse aux entreprises, tout ou partie des frais de fonctionnement des stages et ceux concernant les stagiaires engagés pour la formation des salariés. Il contribue notamment au financement de tout ou partie des frais d'inscription et du coût pédagogique des formations ainsi qu'à la rémunération et aux charges sociales, légales et contractuelles des salariés en formation.

La société Récif est un cabinet de consultant qui a été choisi conjointement par la profession et par l'Etat dans le cadre du projet de mise en place de la filière certifiante dans le secteur de la propreté pour assurer l'ingénierie de l'instauration des certificats de qualification professionnelle.

Entre le 31 août 2007 et le 16 septembre 2008, le FAF Propreté a notifié à la société Polyform, des décisions de labellisation pour différentes formations professionnelles.

Par décision du 16 juin 2009, le conseil d'administration du FAF Propreté a délabellisé la société Polyform et a avisé ses clients des conséquences financières qui en résultaient (tarifs, modalités de règlement, subrogation).

La société Polyform a fait assigner à jour fixe le FAF Propreté devant le tribunal de grande instance de Créteil par acte extra judiciaire du 7 octobre 2009 aux fins de voir dire et juger que le système de labellisation et de délabellisation mis en place par le FAF Propreté de façon discrétionnaire et arbitraire, était constitutif d'une pratique anticoncurrentielle, que la décision de délabellisation de la société Polyform était constitutive d'une pratique anticoncurrentielle et constitutive d'une faute délictuelle lui ayant causé un préjudice et qu'au titre des factures, elle était créancière du FAF Propreté d'une somme de 482 742,54 euro.

Par jugement rendu le 30 mars 2010, non assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Créteil a débouté la société Polyform de l'ensemble de ses demandes, débouté le FAF Proprété de sa demande pour procédure abusive, condamné la société Polyform à payer au FAF Propreté la somme de 10 000 euro sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile , condamné la société Polyform aux dépens.

Vu l'appel interjeté le 29 avril 2010 par la société Polyform.

Par jugement rendu le 1er avril 2011 par le tribunal de commerce du Havre, la société Polyform a été placée en redressement judiciaire et Maître Eugène Beillard a été nommé en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Polyform et Maître Béatrice Pascual en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de ladite société.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 juin 2011, adressée à Maître Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Polyform, le FAF Propreté devenu l'association Ocpalia a déclaré sa créance au redressement judiciaire de la société Polyform.

Par acte extra judiciaire en date du 8 août 2011, FAF Propreté devenu l'association Ocpalia a attrait à la cause Maître Beillard, ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Polyform, et Maître Béatrice Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire de ladite société.

Selon procès-verbal du conseil d'administration de FAF Propreté du 8 décembre 2011, Opcalia, association de type loi 1901, vient désormais aux droits de FAF Propreté et ce par voie de fusion-absorption.

Par acte extra judiciaire en date du 2 mars 2012, Maître Eugène Beillard, ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Polyform, et Maître Béatrice Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Polyform, ainsi que la société Polyform ont fait assigner en intervention forcée l'association Opcalia afin de la voir condamner solidairement avec le FAF Propreté ou à tout le moins qu'elle garantisse les condamnations à intervenir à l'encontre du FAF Propreté.

Vu les dernières conclusions signifiées le 19 mars 2012 par lesquelles la société Polyform, Maître Beillard, ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Polyform, et Maître Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire de ladite société demandent à la cour :

- de donner acte à Maître Beillard et Maître Pascual de leur intervention en qualités respectives d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Polyform,

- d'infirmer le jugement du 30 mars 2010 rendu par le Tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'il a débouté les demandes de Polyform auxquelles la cour ne pourra que faire droit,

- de dire recevable et bien fondée, l'assignation délivrée par la société Polyform à l'organisme Ocpalia et de constater, suivant les conclusions signifiées le 8 mars 2012 par Ocpalia et le procès verbal du FAF Propreté en date du 8 décembre 2011, qu'Ocpalia vient aux droits et obligations du FAF Propreté à compter du 1er janvier 2012,

En conséquence, il est demandé à la cour :

A titre principal sur la pratique anticoncurrentielle, de dire et juger la société Polyform et ses mandataires, recevables et bien fondés dans l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de dire et juger, que le système de labellisation et de délabellisation mis en place par le FAF Propreté aux droits duquel se trouve Opcalia, de façon discrétionnaire et arbitraire, est constitutif d'une pratique anticoncurrentielle.

- de dire et juger que la société Polyform n'a commis aucun manquement administratif et financier et aucun manquement dans la conduite de sa mission de formation,

- de dire et juger que la décision de délabellisation de la société Polyform, au terme du conseil d'administration du FAF Propreté en date du 16 juin 2009, aux droits duquel se trouve Opcalia est constitutive d'une pratique anticoncurrentielle et abusive,

- de dire et juger que cette pratique anticoncurrentielle et abusive est constitutive d'une faute délictuelle ayant causé un préjudice à la société Polyform,

- de dire et juger qu'il existe bien un lien de causalité entre la faute du FAF Propreté aux droits duquel se trouve Opcalia et le préjudice de la société Polyform,

En conséquence de condamner, Opcalia venant aux droits et obligations du FAF Propreté, à payer la somme totale de 1 502 023 euro à la société Polyform et ses mandataires ès qualités, en réparation du préjudice subi,

A titre subsidiaire, si par impossible, la cour considérait que la délabellisation de la société Polyform résulte de l'application d'un contrat illicite, de dire et juger que la décision de délabellisation de la société Polyform résultant du conseil d'administration du FAF Propreté devenu Opcalia du 16 juin 2009, est nulle et de nul effet,

En conséquence, de dire et juger que la société Polyform est en droit de bénéficier des tarifs de prise en charge réservés, à compter du 8 octobre 2009, aux organismes de formation labellisés pour des contrats de professionnalisation,

- de dire et juger que cette décision de délabellisation, nonobstant sa nullité, a causé un préjudice à la société Polyform qui doit être réparé,

- de dire et juger que ce préjudice correspondant à la perte de CQP, entre le 1er août 2009 et la date du jugement à intervenir, qui correspond à un montant qui ne saurait être inférieur à 1 200 000 euro,

- de condamner, à titre subsidiaire, Opcalia venant aux droits et obligations du FAF Propreté, à payer à la société Polyform et ses mandataires es-qualités, une somme de 1 200 000 euro,

A titre principal, sur la responsabilité contractuelle du FAF Propreté devenue Opcalia, de dire et juger qu'au titre des factures de la société Polyform dont le paiement doit être pris en charge par le FAF Propreté aux droits duquel se trouve Opcalia, la société Polyform est créancière de ce dernier d'une somme de 165.662,97 euro TTC en principal,

- de condamner la société Opcalia venant aux droits et obligations du FAF Propreté, à payer à la société Polyform et ses mandataires es-qualités, la somme de 165.662,97 euro TTC en principal, à laquelle s'ajoutent les intérêts au taux légal à compter du 30ème jour de la date de chaque facture jusqu'au paiement,

- de rejeter toutes demandes, fins et conclusions du FAF Propreté et d'Opcalia venant aux droits du FAF Propreté,

En tout état de cause, de dire et juger que la société Polyform pourra, si bon lui semble, publier le jugement à intervenir, par voie de presse, dans un journal de presse généraliste et un journal de presse spécialisé,

- de condamner Opcalia venant aux droits et obligations du FAF Propreté à verser à la société Polyform et ses mandataires ès-qualités, la somme de 15.000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .

La société Polyform, Maître Beillard, ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Polyform, et Maître Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire de ladite société, considèrent que le système mis en place par le FAF Propreté, de labellisation, de délabellisation et les conditions tarifaires liées à ce système, est tout à fait arbitraire, discrétionnaire et irrégulier, dans la mesure où il ne répond à aucune procédure légale, réglementaire ou contractuelle préétablie.

De plus, ils soutiennent que le FAF Propreté devenu Opcalia engage sa responsabilité civile du fait de sa faute commise consistant en des pratiques anticoncurrentielles visant à limiter l'accès au marché des organismes de formation qui ne sont pas ou plus labellisés et le libre exercice de la concurrence entre les organismes de formation de la branche propreté.

Ils font état des préjudices matériel, social et économique dont a été victime la société Polyform qui, du fait de cette pratique anticoncurrentielle, a subi un véritable coup d'arrêt sur son activité de formation professionnelle pour la branche propreté qui représentait la quasi-totalité de son chiffre d'affaires et relèvent le lien de causalité évident entre cette faute et ces préjudices.

En outre, ils affirment que le FAF Propreté devenu Opcalia engage sa responsabilité contractuelle envers Polyform au titre des factures impayées.

Enfin, ils soulignent le caractère mal fondé de la demande d'expertise du FAF Propreté devenu Opcalia et contestent la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive du FAF Propreté aux droits duquel se trouve Opcalia.

Vu les dernières conclusions signifiées le 22 mars 2012 par lesquelles la société Ocpalia venant aux droits de FAF Propreté demande à la cour :

- d'acter qu'Opcalia vient au droits de FAF Propreté,

- de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté Polyform de toutes ses demandes,

- d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté FAF Propreté devenu Opcalia de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de Polyform pour procédure abusive,

A titre principal, de dire et juger qu'aucune pratique anticoncurrentielle ne peut être retenue à l'encontre du FAF Propreté devenu Opcalia,

En conséquence :

- de débouter Maître Eugène Beillard, ès-qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, et Maître Béatrice Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, ainsi que Polyform de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- de condamner Maître Eugène Beillard, ès-qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, et Maître Béatrice Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, ainsi que Polyform à payer au FAF Propreté une somme de 25 000 euro à titre de réparation de préjudice subi pour procédure abusive,

- de fixer la créance de la FAF Propreté au redressement judiciaire de Polyform à la somme de 25 000 euro pour le préjudice subi du chef de procédure abusive,

A titre subsidiaire, et au cas où une pratique anticoncurrentielle serait retenue à l'encontre d'Opcalia, de débouter Maître Eugène Beillard, ès-qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, et Maître Béatrice Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, ainsi que Polyform de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, compte tenu de la participation active de Polyform à la pratique anticoncurrentielle qui pourrait être retenue,

A titre très subsidiaire, et au cas où la cour retiendrait l'existence d'une pratique anticoncurrentielle de la part d'Opcalia, de débouter Maître Eugène Beillard, ès-qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, et Maître Béatrice Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, ainsi que Polyform de leurs demandes, lesquelles sont non fondées.

A titre infiniment subsidiaire, et au cas où la cour reconnaîtrait une pratique anticoncurrentielle de la part d'Opcalia, et au cas où un préjudice serait retenu au bénéfice de Polyform :

-de désigner tel expert comptable judiciaire qu'il lui plaira, aux frais avancés de Maître Eugène Beillard, ès-qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, et Maître Béatrice Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, ainsi que Polyform, y compris les frais de provision de mission, avec pour mission de : convoquer toutes les parties et leur conseil respectif, de faire les comptes entre les parties, de se faire remettre par les parties ou leur Conseil tous justificatifs utiles prouvant le préjudice allégué, de se faire communiquer toutes factures et tous justificatifs du bien fondé de la facture, de dire si chaque facture est due et si tout justificatif afférent a été établi en toute validité par Polyform conformément aux exigences légales en la matière, de se faire communiquer toutes les copies des relevés bancaires nécessaires à l'accomplissement de sa mission, de quantifier de manière certaine le préjudice existant, de manière générale faire toutes recherches et constatations permettant au tribunal de statuer sur les demandes, de vérifier le paiement de toutes factures cédées par Polyform à tous ses factors, d'interroger tous témoins pouvant apporter des éléments d'information,

- de dire que l'expert aura la faculté de se faire communiquer tous renseignements et tous documents mettant en évidence le préjudice allégué par Maître Eugène Beillard, ès-qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, et Maître Béatrice Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, ainsi que Polyform,

- de dire que l'expert pourra entendre tous sachants et appeler en consultation tous techniciens ou spécialistes auxquels il jugera nécessaire de recourir pour l'accomplissement de sa mission,

- de dire qu'en cas d'empêchement légitime ou de refus motivé de l'expert, celui-ci devra en informer le président ou l'un des conseillers de la cour d'appel, afin qu'il soit procédé à son remplacement,

- de dire que l'expert devra déposer son rapport auprès du secrétariat-greffe de la Cour d'appel de céans dans les six mois de la saisine,

En tout état de cause et y ajoutant, de condamner Maître Eugène Beillard, ès-qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, et Maître Béatrice Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Polyform, ainsi que Polyform à payer à Opcalia une somme de 30 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile , en sus des sommes octroyées sur le même fondement en première instance,

- de fixer la créance d'Opcalia au redressement judiciaire de Polyform à la somme de 30 000 euro pour le préjudice subi du chef de procédure abusive.

A titre principal, le FAF Propreté devenu Opcalia soutient que le processus de labellisation ne constitue en rien une pratique anticoncurrentielle compte tenu notamment de l'intervention de l'Etat.

De plus, il soutient que ce sont les manquements caractérisés de Polyform à ses obligations administratives et financières et à sa mission de formation qui ont entraîné la perte de la procédure simplifiée de paiement et sa délabellisation.

A titre subsidiaire, il affirme que la société Polyform et les organes de la procédure collective ne démontrent en rien une quelconque faute imputable au FAF Propreté et que les préjudices allégués par Polyform ne sont ni fondés, ni prouvés.

En outre, il soutient qu'en aucun cas sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée au titre des factures prétendument impayées compte tenu des 5 attestations émanant du commissaire aux comptes du FAF Propreté.

Enfin, il demande à la Cour de céans si cette dernière venait à reconnaître l'existence d'un quelconque préjudice subi par la société Polyform de désigner un expert afin de déterminer l'étendue dudit préjudice.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Motif

La société Polyform fait état de pratiques anticoncurrentielles de la part du FAF Propreté, dont elle aurait été victime.

Les FAF (fonds d'assurance formation) sont des organismes collecteurs paritaires créés par la loi n° 71-575 du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente qui agissent en application et dans le cadre d'un agrément de l'Etat et dont le fonctionnement est régi à la fois par la décision d'agrément accordé par l'Etat et les règles édictées par le Code du travail.

Les FAF sont dotés de la personnalité morale et ont pour mission de collecter les fonds des entreprises, de gérer les fonds qui leur ont été versés, d'assurer les prises en charge des dépenses de formation exposées par les entreprises et d'informer et de sensibiliser les entreprises et les salariés quant aux dispositifs de formation.

Le FAF Propreté est un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) créé par accord national du 29 juillet 1993 relatif à la formation professionnelle des salariés des entreprises de nettoyage, modifié par avenant du 21 novembre 1994 et agréé par l'Etat par décision du 22 mars 1995 .

Les OPCA, qui sont soumis à des règles de gestion précises, fonctionnent sous le contrôle de l'Etat qui peut retirer son agrément, notamment en cas de manquement à leurs obligations de fonctionnement.

La société Polyform dont l'activité est de dispenser des actions de formation professionnelle, qui a été à ce titre successivement labellisée puis délabellisée par le FAF Propreté, soutient que ce système de labelisation/délabellisation et les conditions tarifaires qui y sont liées sont opaques, arbitraires et discrétionnaires, n'obéissant à aucune procédure légale, réglementaire ou contractuelle préétablie, et constituent donc une pratique anticoncurrentielle visant à limiter, d'une part l'accès au marché des organismes de formation qui ne sont pas ou plus labellisés, d'autre part le libre exercice de la concurrence entre les organismes de formation de la branche propreté.

La demande de la société Polyforme est donc fondée sur l' article 420-1 du Code de commerce qui dispose que "sont prohibées, même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à 1°/ limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises."

La charge de la preuve de pratiques anticoncurrentielles entrant dans le champ d'application du texte susvisé, ayant pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, incombe à celui qui s'en prétend victime.

Avant de déterminer le marché pertinent et d'analyser l'existence d'actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions qui tendraient à des pratiques anticoncurrentielles, il convient d'étudier le fonctionnement de la labellisation critiquée par la société Polyform.

A titre préliminaire, il convient de remarquer que l'Etat a porté et cofinancé le projet de labellisation des organismes de formation préparant les certificats de qualification professionnelle (CQP) de la branche.

Ainsi, le cabinet Recif, cabinet de consultant spécialisé dans l'ingénierie de la formation professionnelle continue, a été choisi conjointement par la profession et par l'Etat, pour assurer l'ingénierie de la mise en place de CQP, à la suite d'un appel d'offre lancé à partir d'un cahier des charges validé par l'Etat et les partenaires sociaux de la branche dans le cadre du projet de mise en place de la filière certifiante dans le secteur de la propreté.

Il travaille sous l'égide de la commission nationale paritaire de l'emploi et de la formation professionnelle (CNPEFP) qui a défini les lignes stratégiques et a validé les procédures et les outils nécessaires à la mise en place de CQP visant à donner une certification aux personnels ayant de bas niveaux de qualification en poste ou récemment embauchés et qui a réalisé en 2007 un bilan de l'expérimentation du dispositif CQP.

Pour son travail d'instruction des dossiers de candidature au titre de la labellisation, le cabinet Recif est rémunéré par le fonds d'action à la réinsertion et à l'emploi (FARE) de la propreté qui s'occupe de la mobilisation des contrats de professionnalisation, la vérification de l'utilisation des fonds étant assurée par l'administration.

La société Polyform ne peut donc affirmer, comme elle le fait, que le cabinet Recif interviendrait sans aucune habilitation définie et en toute illégalité, dans le processus de labellisation des organismes formant les salariés du secteur aux CQP de la branche.

Par ailleurs, la société Polyform ne peut pas soutenir que le FAF Propreté est l'organisme certificateur alors que le Comité technique interne à la branche, composé des représentants des opérateurs de la branche, s'est vu confier les missions d'organisme certificateur par la CPNEFP du 27 juin 2006.

Enfin, l'ensemble du processus s'inscrit dans l'accord cadre "Engagement de développement de la formation" (EDDF) et la convention sur les mesures d'accompagnement relatifs à ce projet, signés par la fédération des entreprises de propreté (FEP), le FAF Propreté et l'Etat le 4 août 2005, avec prise d'effets rétroactive au 1er janvier 2005.

Ces deux textes s'appliquaient jusqu'au 31 décembre 2007 et ont été prorogés par avenant jusqu'à l'intervention de la loi du 24 novembre 2009 , de sorte que si un nouvel organisme certificateur a été créé en 2010, dans le cadre de la loi susvisée, un organisme certificateur indépendant était prévu bien avant cette loi.

En réalité, la labellisation est un dispositif impliquant tous les acteurs concernés, partenaires sociaux et Etat, dont le pivot est constitué par le comité technique national, agissant en lien avec la CPNEFP de la branche, le FAF Propreté en assurant l'animation.

La labellisation a été proposée et acceptée par la société Polyform qui a répondu à un appel d'offre de la branche propreté pour la labellisation d'un parcours de formation.

La labellisation qui lui a été accordée était circonscrite à des contrats particuliers (cf lettre du 31 août 2007) :

"-la mise en place du parcours de formation du CQP agent entretien et rénovation correspondant à l'architecture modulaire de la formation proposée par la profession,

-un public de nouveaux entrants en contrat de professionnalisation : en priorité jeunes de moins de 26 ans mais également un public adulte et/ou des personnes reconnues comme travailleurs handicapés,

-la mise en œuvre de ces actions sur le seul territoire suivant : Ile de France."

Les CQP délivrés sont inscrits au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

La société Polyform affirme que le système de labellisation mis en place par le FAF Propreté serait arbitraire et discrétionnaire. Elle ajoute qu'il n'aurait pas été prévu, lorsqu'un organisme de formation de la branche est labellisé, qu'il peut bénéficier d'avantages financiers particuliers, de tarifs spécifiques, et que, lorsqu'il perd le label, il perd également les avantages financiers et l'application du tarif.

Tout d'abord, elle ne peut arguer de la découverte après coup du système, alors qu'elle était inévitablement informée, au moins depuis une réunion du 19 octobre 2007 et un courrier du 3 janvier 2008, des tarifs appliqués liés à la labellisation des organismes de formation préparant les CQP du secteur.

D'ailleurs, si la société Polyform a répondu aux différents appels d'offre, c'est précisément pour bénéficier des avantages qui y étaient attachés, les courriers du FAF Propreté des 4 septembre 2007, 1er avril, 16 mai, 29 mai et 16 septembre 2008, mentionnant tous que "l'attribution de cette labellisation provisoire fera l'objet d'une procédure d'évaluation qui vous sera proposée ultérieurement".

Ensuite, il ne saurait être reproché au FAF Propreté de s'être engagé dans une démarche qualité vis à vis des organismes de formation, démarche qui justifie le mécanisme de la labellisation/délabellisation.

Le FAF Propreté, relayant la volonté de la branche de soutenir l'action des entreprises en faveur de l'acquisition de qualifications professionnelles de qualité, a noué des partenariats avec des organismes de formation susceptibles de contribuer à la mise en place de formations répondant à sa politique.

Le montant différent qu'il applique aux formations qu'il finance s'explique, d'une part par une volonté de dynamiser l'engagement des entreprises dans la démarche professionnelle par un coût attractif pour toucher le plus grand nombre de salariés, d'autre part par le souhait de mieux rémunérer les organismes de formation auxquels on demande des prestations ambitieuses et un investissement de départ important.

C'est ainsi qu'il a retenu un tarif préférentiel pour les organismes de formation préparant les CQP de branche dans le cadre de la période de professionnalisation de 25 euro HT de l'heure/stagiaire au lieu de 9,15 euro HT de l'heure/stagiaire, ce coût de référence servant de point d'appui à la politique de péréquation entre les OPCA.

La société Polyform ne peut arguer du caractère non contractuel et opaque de ces tarifs, alors qu'au surplus ce mécanisme de différenciation des taux de prise en charge des formations organisées par les entreprises est autorisé par l' article R. 6332-23 du Code du travail qui prévoit que chaque année les OPCA établissent et rendent publique la liste des priorités, des critères et des conditions de prise en charge des demandes présentées par les employeurs, ce que fait le FAF Propreté après chaque conseil d'administration. Au demeurant ce tarif incitatif de 25 euro HT de l'heure/stagiaire a été diminué à 15 HT de l'heure/stagiaire en octobre 2009, ce qui démontre que son évolution est distincte de celle de la labellisation.

En tout état de cause, l'entreprise conserve un libre choix quant au prestataire de formation auquel elle a recours.

Enfin, la procédure de paiement direct dite 'de subrogation' est une convention de paiement passée entre le FAF Propreté, l'entreprise lui ayant versé ses fonds de formation professionnelle continue et l'organisme de formation choisi par l'entreprise, permettant au FAF Propreté de payer directement le prestataire de formation. Elle est sans rapport avec le système de labellisation/délabellisation.

Après l'analyse du procédé de labellisation, il convient de décrire le marché pertinent, l'article 420-1 du Code de commerce exigeant une restriction de concurrence sur un marché déterminé.

En l'espèce il s'agit de la formation professionnelle continue de la branche de la propreté qui représente 18 000 entreprises environ, employant 420 000 salariés dont la grande majorité (90 %) se situe à un bas niveau de qualification.

C'est en vue de permettre la formation professionnelle de ces salariés et le développement des entreprises du secteur que la branche s'est organisée, avec le concours politique financier et technique de l'Etat, compte tenu de la modicité des moyens propres résultant de ses caractéristiques professionnelles.

Et c'est pour assurer cette formation professionnelle qu'intervient la société Polyform créée en 2000, de même que de nombreuses autres entreprises, ces entreprises étant en concurrence sur ce marché de la formation professionnelle dans la branche propreté.

L'article 420-1 du Code de commerce interdit les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions qui tendent à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises.

La société Polyform prétend qu'elle serait victime d'une coalition, au sein du FAF Propreté, dont certains administrateurs sont des cadres appartenant à des sociétés de formation professionnelle de la branche, concurrentes de Polyform, qui avaient intérêt à voir cette dernière perdre sa labellisation et disparaître de la branche.

Il convient cependant d'observer que parmi les organisations de formation labellisées figurent des organismes variés, tels que les Greta de l'éducation nationale, les organismes de formation privés, des associations de formation Loi de 1901, dont la diversité exclut l'existence d'une coalition.

En outre, les membres de la délégation patronale formant le conseil d'administration du FAF Propreté sont désignés par la fédération des entreprises de propreté (FEP) signataire de l'accord constitutif du FAF. Ils siègent à ce titre au conseil d'administration et en aucun cas à titre personnel ou au titre de l'entreprise qui les emploie. Ils ont pour mission de gérer le FAF Propreté conformément à la réglementation tout en veillant à ce que les intérêts défendus par la FEP soient pris en compte dans les décisions du FAF Propreté.

Il en est de même pour les membres du collège salarié du conseil d'administration qui ont également pour mission de gérer le FAF Propreté conformément à la réglementation tout en veillant à ce que les intérêts défendus par leur organisation soient pris en compte dans les décisions du FAF Propreté.

Dès lors, ce n'est pas parce que les entreprises choisies par la FEP pour la représenter au conseil d'administration du FAF Propreté exercaient par ailleurs une activité concurrente de celle exercée par la société Polyform, que l'on peut affirmer, comme le fait cette dernière, en oubliant le caractère paritaire des délibérations du FAF Propreté, que les décisions de cet organisme seraient prises pour la satisfaction des intérêts particuliers de ces entreprises.

Il faut également relever que la société Polyform n'a jamais formulé la moindre observation quant au fonctionnement du FAF Propreté et plus particulièrement du système de labellisation tant qu'elle en bénéficiait.

Elle ne peut arguer de la découverte après coup du système, alors qu'elle était inévitablement informée, au moins depuis le mois de janvier 2008, des tarifs appliqués liés à la labellisation des organismes de formation préparant les CQP du secteur.

En réalité, la détermination par le FAF Propreté de priorités et critères de prise en charge des demandes présentées par les entreprises et de forfaits différenciés est étrangère au litige qui concerne exclusivement la rupture anticipée du contrat passé entre la FAF Propreté et la société Polyform pour la mise en œuvre des CQP de la branche au motif, soutenu par l'intimée, des manquements répétés de la société Polyform à ses obligations contractuelles.

Il convient donc de vérifier la réalité des manquements de la société Polyform à ses obligations contractuelles qui, selon le FAF Propreté, ont entraîné la perte de la procédure simplifiée de paiement dite 'de subrogation' et la délabellisation de ladite société.

Pour obtenir la prise en charge par le FAF Propreté des frais de formation, l'organisme prestataire doit fournir les documents administratifs et financiers exigés par les textes et notamment par l'article R. 6332-25 du Code du travail, que ce soit pour le contrat de professionnalisation ou pour le droit individuel à la formation (DIF).

Or, le FAF Propreté démontre d'importants dysfonctionnements administratifs, organisationnels et financiers de la société Polyform.

C'est ainsi que par un courrier du 2 mars 2009, le FAF Propreté lui écrivait en réponse à un courrier du 20 février déplorant les délais de règlement :

"....Actuellement, nous prenons en charge vos dossiers complets et conformes et à vous lire, 42 % sont mis en attente pour non-conformité : manque de justificatifs, erreur dans le nombre d'heures facturées, libellé de la facture non conforme au programme initial, arrivée tardive (4 mois après la réalisation de la formation) etc...

Rappelez vous également que vos services ne lettraient pas notre compte client jusqu'à très récemment, ce qui les amenaient à nous réclamer des factures déjà réglées, voire à envoyer une fois par semaine un de vos salariés pour pointer ce qui avait été réglé!!! Vous pouvez comprendre qu'une telle perte de temps pour nos services ne soit plus envisageable.

Votre société d'affacturage, elle-même, ne pointe pas les factures réglées et nous les réclame!!!

De plus certaines actions (contrats et périodes de professionnalisation) sont réglables 4 fois par an et non par tranche toutes les semaines.

Nous vous faisons parvenir en double toutes les semaines les ordres de virement, un pour vous, un pour la société d'affacturage.

Quant à l'éventualité d'une procédure de recouvrement à notre encontre, la législation précise bien que 'l'activité des OPCA ne peut en aucun cas se réduire à une simple activité de prestataire', notre prise en charge engage notre responsabilité devant l'Etat et les organes de contrôle, nous réglons sur justificatifs adéquats.

Notons que vous êtes le seul organisme de formation à rencontrer ce type de problème auprès de notre OPCA, ce qui nous interroge.

La saisie de nos factures à régler est régionale et, jusqu'à votre courrier, ceci n'avait pas posé question à aucun de nos partenaires. Vous mêmes étant régionalisé nous ne voyons pas en quoi cela entraîne un effet retard ou une confusion, vous réclamez là où vous facturez!

Les forfaits de prise en charge sont différents selon que l'organisme de formation est partenaire ou non des deux réseaux liés à nos deux démarches de branche, vous êtes partenaire de l'un, qui correspond à votre coeur de métier, pas de l'autre, qui ne l'était pas lorsque les organismes de formation ont été choisis.

Que vous le regrettiez, nous l'entendons bien, mais actuellement nous sommes satisfaits du nombre de prestataires disponibles sur cette action.

Quant aux pratiques commerciales dont nous avons abordé le manque de déontologie, nous regroupons un certain nombre d'informations à ce sujet afin de les soumettre à un de nos prochains Conseils d'Administration pour avis....."

De nombreuses pièces sont jointes en annexe par le FAF Propreté pour étayer les affirmations contenues dans ce courrier (factures de 2007 envoyées en 2009, doubles demandes de paiement des mêmes factures par le factor et par Polyform, nombreux problèmes avec les banques, très important échange de correspondances entre les parties de janvier à juin 2009....)

Le FAF Propreté fait également état de nombreux manquements de la société Polyform à sa mission de formation, tel que cela résulte du 'Bilan des organismes de formation labellisés pour la mise en œuvre des CQP de la Propreté dans le cadre des contrats de professionnalisation pour l'année 2008" (pièces n° 71 et 72 du FAF Propreté).

Ce bilan classe les organismes en trois catégories, les organismes en adéquation avec les missions attendues, les organismes à accompagner pour un recadrage ou n'ayant pas de candidats à évaluer en 2008 et les organismes "à problèmes", présentant la ou les difficultés suivantes : "peu de relations avec les prescripteurs, pas de démarches commerciales, pas de référents identifiés, pas de bilan de positionnement, pas d'adéquation entre profil du candidat/besoin de l'entreprise/parcours de formation, candidats très éloignés du diplôme, préconisation trop systématique de la totalité des modules opérationnels, absence des candidats au moment de l'évaluation, fort taux de rupture, faible taux de réussite".

Un bilan détaillé de chaque organisme fait état, pour 2008, des appréciations des équipes en région et dans certains cas de l'avis du comité technique de l'organisme certificateur puis ont été indiquées les évolutions constatées sur leurs activités en 2009.

Il a été relevé pour Polyform Ile de France, labellisée CQP, agent de propreté, les dysfonctionnements suivants :

-les salariés en formation n'ont pas été positionnés en amont, l'organisme a souvent modifié, en cours de formation, le CQP visé (par exemple le parcours laveur de vitres initialement prévu devient un parcours agent machiniste classique ou agent rénovation); il n'y a donc aucun lien avec le poste de travail;

-la gestion des inscriptions des candidats aux évaluations a généré d'importants dysfonctionnements pour l'organisme certificateur et les évaluateurs :

*le manque de suivi de parcours de formation des stagiaires a entraîné une planification anarchique des évaluations,

*les dates d'évaluations n'ont pas été soumises au préalable aux entreprises et aux salariés,

*l'organisme ne s'est pas assuré de la bonne transmission des convocations aux salariés,

*pour remplacer les candidats absents, les candidats présents ont été convoqués la veille pour le lendemain,

*un nombre important de candidats absents à l'évaluation alors que les évaluateurs professionnels sont mobilisés pour les accueillir,

*des candidats se présentent à l'évaluation munis d'un certificat médical contre-indiquant l'usage de la mono-brosse, donc aucune possibilité de valider un CQP,

*à l'évaluation, les évaluateurs et les régulateurs constatent trop souvent que les candidats ne pratiquent pas les techniques en entreprise,

*certains évaluateurs, qui consacrent de leur temps aux évaluations des certifications de la profession ont indiqué à l'organisme certificateur qu'ils ne voulaient plus être mobilisés pour des évaluations de candidats trop éloignés du CQP visé ou qui se présentent à l'évaluation contraints et forcés par leurs entreprises ou par l'organisme,

*globalement, en 2009, 151 candidats étaient programmés pour se présenter aux évaluations et seulement 104 d'entre eux ont été évalués, ce qui représente un taux d'absentéisme de 31 % pour un taux national de 19,9 %.

Il a été relevé pour Polyform Le Havre, labellisée agent de service propreté et CQP, les dysfonctionnements suivants :

En amont de l'action :

-aucune relation avec les prescripteurs, cet organisme développe principalement les périodes de professionnalisation (14 CQP évalués en période de professionnalisation),

-le référent n'a pas été encouragé dans son action et a démissionné,

-très peu de contrats ont été signés alors que cet organisme avait au départ des objectifs ambitieux,

-pas de volonté de développer les contrats de professionnalisation. Il était prévu des ateliers 'découverte métier' (ADM) et des bilans orientation propreté (BEP) systématiques sur toute l'année 2008; l'organisme a décidé d'annuler la mise en place de ces dispositifs au dernier trimestre 2008 car il ne parvenait pas à avoir suffisamment de candidats positionnés,

-il semble que l'organisme n'ait pas mis les moyens nécessaires à la réalisation de cette démarche.

Pendant l'action : Au moment de l'évaluation, les régulateurs et les évaluateurs ont constaté que certains salariés étaient très éloignés de l'emploi visé et ne savaient ni lire, ni écrire le français.

Après l'action : Pas de lisibilité possible sur le suivi après formation.

Evolution 2009 : En 2009, le FARE n'a pas renouvelé son partenariat.

66 candidats en période de professionnalisation étaient inscrits auprès de l'organisme certificateur et seulement 33 ont été évalués, ce qui représente un absentéisme de 50 %.

L'organisme certificateur n'a jamais été prévenu à l'avance des absences des candidats aux évaluations : ce sont les évaluateurs qui perdaient leur temps sur place.

Les situations rencontrées par les évaluateurs sont retranscrites dans les rapports envoyés par eux à l'organisme certificateur et sont résumées par l'observation suivante : "Cet organisme pose des problèmes à tous les stades de la démarche et crée des situations allant à l'encontre des buts recherchés, à savoir la considération, la reconnaissance et la valorisation du métier".

Tous les manquements de la société Polyform relatés ci-dessus sont confirmés par de très nombreuses attestations produites en annexes 73, 74, 76 à 81 et 83 par le FAF Propreté.

Ils sont également attestés par le bilan des évaluations CQP de septembre 2009 à juin 2010 et par le constat de Maître Hoba, huissier de justice, réalisé à la demande du FAF Propreté le 21 juillet 2010, démontrant l'inadaptation des locaux de la société Polyform à l'évaluation de candidats qui y était prévue le jours même, certes postérieurement à la délabellisation mais alors que la société Polyform intervenait toujours en qualité d'organisme de formation.

A la lumière de ces éléments, il est compréhensible et justifié que le FAF Propreté ait décidé de ne plus appliquer la procédure simplifiée de paiement et ait supprimé la labellisation dont la société Polyform bénéficiait.

Le manque de sérieux de la société Polyform est encore caractérisé dans la cadre du projet cofinancé par le Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP) et le FAF Propreté (pièce n° 248 de l'intimée).

En outre, le FAF Propreté a toujours agi en accord avec la Délégation Générale à l'Emploi et à la Formation Professionnelle (DGEPF) dépendant du Ministère de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi qui, en réponse à une interrogation du FAF Propreté par courrier en date du 9 octobre 2009, lui écrivait le 21 octobre 2009 en confirmant que c'était bien le conseil d'administration de l'OPCA (le FAF Propreté) qui était 'l'organe décisionnaire et responsable juridiquement' pour retirer un label à un organisme de formation défaillant.

Ce courrier indiquait également : "Le montant de 9,15 euro HT horaire est le forfait prévu à l'article B. 6332-87 du Code du travail pour la prise en charge des actions d'évaluation, d'accompagnement et de formation par les OPCA, lorsqu'aucun accord de loi ne fixe un forfait différent pour la prise en charge par les OPCA des mêmes dépenses.

Ce forfait ne saurait constituer une référence absolue; cependant, dans la mesure où il n'a pas soulevé de position majeure ni un obstacle à l'essor des contrats ou périodes de professionnalisation, il semble que ce montant puisse être considéré comme raisonnable."

La société Polyform ne peut tirer de ce courrier une demande de "validation à posteriori' par le FAF Propreté de ses pratiques qui démontrerait 'qu'il n'existe aucune règle préétablie de labellisation et de délabellisation".

Il résulte en effet de l'ensemble des motifs ci-dessus énoncés que c'est à juste titre que le FAF Propreté a privé la société Polyform de la procédure simplifiée de paiement et de la labellisation par procès-verbal de son conseil d'administration du 16 juin 2009.

Cette décision a été prise en respectant le parallélisme des formes, tant pour l'attribution que pour le retrait de la labellisation, la procédure mise en place ayant d'ailleurs été validée par la Délégation pour l'Emploi.

La société Polyform n'a pu ignorer le caractère provisoire de l'attribution de cette labellisation, clairement rappelé dans les cahiers des charges auxquels elle a répondu ainsi que dans les décisions de labellisation qui lui ont été notifiées. Il était précisé que ces attributions feraient l'objet d'une procédure d'évaluation.

En définitive, le système de labellisation/délabellisation mis en place par le FAF Propreté n'est, ni discrétionnaire, ni arbitraire et la délabellisation dont la société Polyform a fait l'objet ne constitue pas une pratique anticoncurrentielle.

Il n'existe aucune cause de nullité de la décision de délabellisation de la société Polyform résultant du conseil d'administration du FAF Propreté du 16 juin 2009.

La société Polyform doit donc être déboutée de l'ensemble de ses demandes liées à l'existence d'une pratique anticoncurrentielle dont elle aurait été victime ou à la nullité de la décision de délabellisation la concernant résultant du conseil d'administration du FAF Propreté du 16 juin 2009.

La société Polyform réclame sur le fondement contractuel paiement de la somme de 165 662,97 euro qui lui serait encore due par le FAF Propreté au titre de factures impayées.

La société Polyform produit à l'appui de sa demande des listings des factures restant dues, des factures réglées, des versements effectués par le FAF Propreté (pièces n° 103 à 110 et 67), des tableaux de synthèse des sommes dues par celui-ci (pièces n° 25, 46), documents non validés par un expert comptable ou un commissaire aux comptes.

Elle produit également une attestation de son commissaire aux comptes du 14 juin 2010 dont il résulte que la créance de la société Polyform sur le FAF Propreté est au 30 juin 2009, soit à la date de sa délabellisation, de 803 380,55 euro au titre du solde d'un compte clients et de 262 204,66 euro au titre d'un solde de créances cédées à BNP Factor, c'est à dire un total de 1 065 584,66 euro, les sociétés d'affacturage ayant restitué toutes les factures à la société Polyform.

Cependant, la société Polyform ne peut en tirer un quelconque argument, concernant l'engagement par le FAF Propreté de sa responsabilité contractuelle, alors qu'il a déjà été expliqué plus haut que les non paiements s'expliquaient par l'absence de communication des pièces justificatives nécessaires.

Cette somme de 1 065 584,66 euro n'a pu être attestée par le commissaire aux comptes que sur la base de documents comptables c'est à dire les factures émises et les règlements encaissés mais celui-ci ne peut affirmer que les factures émises sont justifiées, notamment par les documents nécessaires à leur règlement par l'intimée.

Au demeurant, la somme de 165 662,97 euro réclamée par la société Polyform sur le fondement de sa pièce n° 109, au titre de factures impayées est incompréhensible et en tout état de cause injustifiée.

En effet, la pièce n° 109 est une synthèse des factures non payées au 7 décembre 2011sur la base d'un listing, qui n'est pas validé par le commissaire aux comptes de la société, selon laquelle une somme de 173 965,96 euro serait due, montant qui ne correspond pas au montant réclamé de 165 662,97 euro.

Ce chiffre résulte, à la lecture des conclusions de la société Polyform de la déduction de la somme qu'elle estimait lui être due au 30 août 2011, soit 209 302,05 euro, des montants payés depuis lors, soit 16 887,52 euro le 30 novembre 2011, 7 513,87 euro en février 2011 et 19 237,69 euro en décembre 2011.

On aboutit effectivement à 165 662,97 euro mais ce chiffre ne peut être retenu pour les raisons suivantes :

-on ignore comment l'appelant arrive à la somme de 209 302,05 euro qu'il estimait lui être due au 30 août 2011,

-il n'est pas possible de déduire de ce montant dû au 30 août 2011 la somme de 7 513,87 euro qui aurait été payée en février 2011, c'est à dire antérieurement,

-l'appelant a omis de déduire la somme de 10 934 euro correspondant selon lui "à des factures de 2007/2008 pour des montants de l'ordre de 200 euro en moyenne, dont les justificatifs ont été archivés et ne peuvent être communiqués à nouveau au FAF Propreté sans perdre un temps considérable pour Polyform".

Ainsi, la société Polyform ne rapporte pas la preuve que le FAF Propreté lui doit effectivement la somme qu'elle réclame.

Parallèlement, le FAF Propreté produit cinq attestations de son commissaire aux comptes en date du 29 octobre 2009 dont il résulte les éléments suivants :

-s'agissant des factures réclamées par BNP Paribas Factor le 27 mai 2009, certaines ont fait l'objet d'une relance alors que le règlement avait été directement adressé à Polyform, sans qu'aucune instruction de paiement ne figure sur ces factures,

-des règlements ont été effectués à Polyform pour démarche de branche en tant qu'organisme de formation labellisé en 2008 pour un montant total de 1 174 655 euro (118 315 euro HT pour le contrat de professionnalisation, 1 056 340 euro HT pour les périodes de professionnalisation),

-s'agissant de l'état des créances réclamées par le nouveau factor, la Société Générale, trois types de position ont été identifiées :

*relances pour lesquelles aucune facture n'a été reçue par le FAF Propreté,

*sommes réglées directement à Polyform, conformément à l'instruction écrite sur la facture,

*factures reçues mais non encore réglées en attente de pièces justificatives.

-il restait dû à la date de l'attestation, au titre des factures dont le paiement devait intervenir prochainement un montant total de 50.047 euro HT, soit 1 225 euro HT au titre des contrats de professionnalisation et 48 822 euro HT au titre des autres dispositifs,

-les factures en instance pour un montant total de 9 706 euro ne pouvaient être réglées compte tenu de pièces manquantes (attestations de présence, programme, bulletins de salaire, convention) pour 8 081,50 euro ou dans l'attente de fonds (les adhérents n'ayant pas versé leurs cotisations ne peuvent se voir régler des formations) pour 1 629,50 euro HT.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société Polyform doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 165 662,97 euro, aucune expertise judiciaire n'apparaissant nécessaire pour statuer sur ce point.

L'association Ocpalia venant aux droits du FAF Propreté réclame la fixation au redressement judiciaire de la société Polyform d'une indemnité de 30.000 euro pour procédure abusive.

Cependant, le simple fait de se méprendre sur l'étendue de ses droits ne constitue pas un abus de procédure, alors qu'il n'est pas démontré que la procédure serait particulièrement infondée, téméraire et malveillante.

Le fait que la société Polyform soit la seule société qui a initié un contentieux à l'encontre du FAF Propreté, devenu Ocpalia à la suite d'une délabellisation ne constitue en effet pas un argument justifiant sa condamnation pour procédure abusive, aucun autre élément n'étant avancé par l'intimée.

Il convient donc de rejeter la demande de l'association Ocpalia venant aux droits du FAF Propreté en dommages et intérêts pour procédure abusive.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication dans la presse du présent arrêt formulée par la société Polyform qui succombe dans ses prétentions.

L'équité commande d'allouer à l'association Ocpalia venant aux droits du FAF Propreté une indemnité de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Deboute les parties de leurs plus amples demandes, Condamne la société Polyform, Maître Beillard, ès-qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Polyform, et Maître Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Polyform, à payer à l'association Ocpalia venant aux droits du FAF Propreté une indemnité de 10 000 euro au titre de l' article 700 du Code de procédure civile , Condamne la société Polyform, Maître Beillard, ès-qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Polyform, et Maître Pascual, ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Polyform, aux dépens d'appel, qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l' article 699 du Code de procédure civile .