CA Paris, 13e ch. A, 29 mai 2007, n° 06-07243
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guilbaud
Conseillers :
Mmes Sem, Geraud-Charvet
Avocats :
Mes Clenet, Matouk
RAPPEL DE LA PROCEDURE
LA PREVENTION :
X est poursuivi pour avoir à Paris, courant 2003 et 2004,
- effectué une publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur des encarts publicitaires dans la revue "Guide Pratique des Entreprises"
- ne mentionnant pas sur les offres le total des sommes correspondant au nombre d'emplacements publicitaires mais uniquement le montant unitaire de l'emplacement
- en n'indiquant pas la date de la parution du guide faisant l'objet d'une parution annuelle
- en faisant signer des bons de commande où le nombre d'emplacements achetés est déjà rempli et alors que les tarifs préimprimés ne sont jamais pratiqués, en l'espèce le prix, les conditions de vente, les résultats attendus et la quantité des encarts publicitaires,
le 21 novembre 2003, au préjudice de Cartron Gaël
Le 4 septembre 2003, au préjudice de Martin Catherine
Le 22 juillet 2003, au préjudice de Serrat Anissa
Le 6 janvier 2004, au préjudice de Dimou Pascal
Le 28 avril 2004, au préjudice de Theyssier François
Le 23 octobre 2003, au préjudice de Guiheux Arnaud
Le 10 septembre, au préjudice de Saggini Virginie
- trompé ou tenté de tromper la clientèle sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition, la teneur, les principes utiles, et en l'espèce en pratiquant une offre de prix exceptionnel par rapport aux tarifs pré-imprimés qui ne sont jamais pratiqués, en annonçant une revue à 1000 exemplaires sans aucun classement thématique ou géographique
LE JUGEMENT :
Le tribunal, par jugement contradictoire
- a rejeté l'exception de nullité de la procédure engagée contre X
- a déclaré X :
coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis courant 2003 et 2004 à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation
coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant 2003 et 2004 à Paris, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
et, en application de ces articles,
l'a condamné :
- à 6 mois d'emprisonnement avec sursis
- à une amende délictuelle de 10 000 euro
a ordonné la publication du jugement dans Ouest-France et le Figaro
l'a condamné à payer à titre de dommages et intérêts, la somme de :
- 500 euro à Mme Catherine Courbian épouse Martin
- 382,72 euro à M. Pascal Dimou
- 357,57 euro à M. Arnaud Guiheux
- 650,16 euro à M. François Theyssier et en outre la somme de 100 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 90 euro dont est redevable le condamné.
LES APPELS:
Appel a été interjeté par :
- Monsieur X, le 4 mai 2006
- Monsieur le procureur de la République, le 4 mai 2006 contre Monsieur Ben Hini Frédéric
DÉCISION :
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels interjetés par le prévenu et par le Ministère public à l'encontre du jugement entrepris ;
X, prévenu, comparait assisté de son avocat qui dépose des conclusions ; in limine titis, il soulève une exception de nullité de la citation en ce qu'elle vise, au titre du délit de publicité mensongère, une revue intitulée "Guide pratique des entreprises" qu'il n'a jamais éditée, et en ce qu'elle vise au titre du délit de tromperie "une revue" à "100 000 exemplaires" ce qui n'était pas le cas ; il soutient que ces erreurs sont contraires aux dispositions de l'article 551 du Code de procédure pénale et ne lui permettent pas de faire valoir sa défense ;
Monsieur l'avocat général demande au tribunal de joindre l'incident au fond et de rejeter l'exception soulevée ;
LA COUR, après en avoir délibéré, joint l'incident au fond et statuera par un seul et même arrêt sur l'exception et sur le fond ;
Catherine Courbian, partie civile, ne comparait pas devant la cour mais demande par lettre la confirmation du jugement; il sera statué à son égard contradictoirement en application de l'article 420-1 du Code de procédure pénale ;
Arnaud Guiheux, partie civile, ne comparait pas devant la Cour mais demande par lettre la confirmation du jugement ; il sera statué à son égard contradictoirement en application de l'article 420-1 du Code de procédure pénale ;
Pascal Dimou, partie civile, régulièrement cité à sa personne, ne comparait pas devant la cour; il sera statué par défaut à son égard ;
François Theyssier, partie civile, est représenté devant la cour par son avocat qui demande la confirmation du jugement ;
RAPPEL DES FAITS ET DEMANDES :
Courant 2003 et 2004 le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris était saisi de plaintes déposées par des commerçants et artisans à l'encontre des sociétés Y et Z, SARL dont le gérant était X, ayant pour activité la vente d'espaces publicitaires auprès de professionnels dans plusieurs revues paraissant annuellement : "1", "2", "3", "4", "5" ; certains se plaignaient de la non-parution de l'encart publicitaire les concernant, d'autres estimaient avoir été trompés sur la quantité des encarts publicitaires commandés et sur le prix de la prestation ; l'enquête faisait apparaître que les commerçants étaient démarchés téléphoniquement et recevaient par télécopie un bon de commande valant facture ; sur celui-ci figurait un tarif unitaire pré-imprimé et le tarif proposé, nettement inférieur, ainsi que des cases représentant le nombre d'emplacements (2, 4, 6, 8, 10, 12), déjà cochées; la somme globale due, c'est-à-dire le prix unitaire multiplié par le nombre d'emplacements, n'apparaissait pas sur le bon de commande ;
Entendu par les services de police, X arguait de sa bonne foi.
La direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) saisie pour avis, indiquait que les éléments constitutifs des délits de publicité mensongère ou de nature induire en erreur d'une part et de tromperie d'autre part, lui apparaissaient réunis ;
Le bulletin n° 1 du casier judiciaire de X ne porte pas trace de condamnation.
Devant la cour
Monsieur l'avocat général, sur le fond, requiert la confirmation du jugement déféré sur la déclaration de culpabilité pour les deux délits et ne s'oppose pas à ce que seule une peine d'amende soit prononcée, sans publication de la décision ;
X, par conclusions subsidiaires sur le fond, sollicite sa relaxe des deux chefs de prévention ; il fait valoir :
- sur la prévention de publicité trompeuse : que les bons de commande édités par les sociétés Y et Z ne sont pas constitutifs de supports publicitaires au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;
- sur la prévention de tromperie : que les dispositions du Code de la consommation ne s'appliquent pas au cas d'espèce, les annonceurs visés dans la citation ayant contracté dans le cadre et pour les besoins de leur activité professionnelle et non en qualité de consommateur ; que les bons de commande ne mentionnent aucun tarif non pratiqué et aucune diffusion à 100 000 exemplaires, et que les conditions générales des bons de commande comportent les mentions essentielles.
Sur ce,
Sur l'exception de nullité :
Considérant qu'il est constant que les sociétés dont X était le gérant publiaient les revues intitulées "1", "2", "3", "4", "5", et non "le Guide pratique des entreprises" comme indiqué par erreur dans la citation et qu'en outre les bons de commandes mentionnaient un tirage de la revue à "1 000 exemplaires minimum" et non à 100 000 exemplaires comme indiqué dans la citation ; que ces deux erreurs matérielles relatives à des éléments secondaires n'affectent pas la validité de la citation en cause, alors que celle-ci, qui comporte conformément à l'article 551 du Code de procédure pénale le détail des faits reprochés et la référence des textes dont la violation constitue une infraction poursuivie, est suffisamment précise pour que le prévenu ait été mis en mesure de préparer sa défense ; qu'il y a donc lieu de rejeter l'exception de nullité soulevée.
Sur le délit de tromperie :
Considérant que les seuls faits visés à la prévention, à savoir pratiquer une offre de prix exceptionnelle par rapport aux tarifs pré-imprimés qui ne sont jamais pratiqués (faits également visés au titre du délit de publicité mensongère) et annoncer une revue à 1 000 exemplaires sans aucun classement thématique ou géographique, sont insuffisants à caractériser à l'encontre du prévenu les faits de tromperie prévus et réprimés à l'article L. 213-1 du Code de la consommation ; qu'il y a donc lieu de relaxer X de ce chef de prévention ;
Sur le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur :
Considérant que l'article L. 121-1 du Code de la consommation a vocation à s'appliquer à "toute publicité", "sous quelque forme que ce soit" ; qu'un document contractuel tel un bon de commande est susceptible de constituer un support publicitaire s'il comprend des allégations de nature à déterminer l'acheteur à passer commande ; que tel est le cas en l'espèce des bons de commande envoyés par télécopie aux commerçants sollicités préalablement par téléphone, qui, en leur proposant une offre tarifaire qualifiée de "non-renouvelable" à un prix HT représentant moins du tiers du prix HT annoncé sur le document, avaient pour objet de les déterminer à signer immédiatement le contrat ; qu'en se servant de ce support pour afficher des tarifs de prestation qui n'étaient pas réellement pratiqués, en ne mentionnant pas sur les offres le montant total de la prestation en fonction du nombre d'emplacements commandés alors même que celui-ci était prédéterminé par l'annonceur, en n'indiquant pas la date de parution du guide alors qu'il s'agit d'une parution annuelle, X s'est rendu coupable des faits de publicité fausse ou de nature à induire en erreur visés à la prévention, comme l'ont à juste titre retenu les premiers juges ;
Qu'en répression de ce délit, la cour, prenant en compte l'absence d'antécédent judiciaire et la situation actuelle du prévenu, prononcera une seule peine d'amende.
Sur l'action civile :
Considérant que le tribunal a fait une exacte appréciation des préjudices résultant directement pour François Theyssier, Arnaud Guiheux, Pascal Dimou et Catherine Cartron, des faits de publicité fausse ou de nature à induire en erreur dont X a été déclaré coupable; que la cour confirmera donc le jugement sur l'action civile en ce qui concerne les dommages-intérêts alloués et pour François Theyssier la somme accordée au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard du prévenu et à l'égard de la partie civile François Theyssier ; contradictoirement en application de l'article 420-1 du Code de procédure pénale, à l'égard des parties civiles Catherine Cartron et Arnaud Guiheux, par défaut à l'égard de la partie civile Pascal Dimou ; Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public ; Sur l'action publique : Confirme le jugement entrepris en ce que il a déclaré X coupable des faits de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur ; l'Infirmant pour le surplus. Relaxe X des faits de tromperie ; Condamne X pour les faits de publicité mensongère à une amende de 3 000 euro ; Et aussitôt, le président a avisé le condamné, comme prévu par l'article 707-3 du Code de procédure pénale, que s'il s'acquittait de cette amende dans un délai d'un mois à compter de la date de la présente décision, ce montant serait minoré de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro. Le président a informé le condamné que le paiement de l'amende ne faisait pas obstacle à l'exercice des voies de recours. Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéressé de demander la restitution des sommes versées. Sur l'action civile : Confirme le jugement sur l'action civile.