CA Pau, ch. corr., 18 septembre 2008, n° 08-00030
PAU
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Saint-Macary
Conseillers :
Mme Pons, M. de Sequeira
Avocat :
Me Colmet
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
Le Tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan a été saisi en vertu d'une citation à prévenu en application de l'article 388 du Code de procédure pénale.
II est fait grief à X :
- d'avoir à Mont-de-Marsan (40) en tout cas sur le territoire national et depuis un temps non couvert par la prescription, entre le 1er février et le 18 juin 2004, effectué une publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix et les conditions de vente d'articles proposés à la vente et sur la portée des engagements pris par l'annonceur, en l'espèce en mentionnant sur le catalogue récapitulant les prix de référence des prix systématiquement supérieurs aux prix effectivement pratiqués et en faisant naître ainsi chez le consommateur l'illusion de bénéficier d'une forte remise,
infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation.
LE JUGEMENT :
Le Tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan, par jugement contradictoire, en date du 27 mars 2007 a renvoyé X des fins de la poursuite du chef de publicité mensongère ou de nature a induire en erreur, du 01/02/2004 au 18/06/2004, à Mont-de-Marsan (40),
infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation.
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
M. le procureur de la République, le 28 mars 2007 contre Monsieur X.
X, prévenu, a été assigné à la requête de Monsieur le procureur général, par acte en date du 28 février 2008, à mairie (AR signé le 10/03/2008), d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 13 mai 2008.
DÉCISION :
FAITS ET PROCEDURE :
Le 26 mai 2004, Jean-Marc Pruet qui a acquis du matériel de tuyauterie PVC auprès des Etablissements Y à Mont-de-Marsan, saisit la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes des Landes d'une réclamation ; en effet le commerçant, après avoir établi une facture de 280,75 euro le 12 mars 2004, réglée cinq jours plus tard, lui adresse quelques temps plus tard, avec relance et menaces de poursuite, une deuxième facture, de 516,55 euro.
Les fonctionnaires de ce service se rendent au magasin et constatent qu'aucun prix n'est étiqueté ni affiché sur ou devant les articles exposés : un catalogue est cependant mis à la disposition du public à l'accueil du magasin.
Le chef d'agence leur explique que les prix figurant sur ce catalogue sont des prix publics servant de base à l'établissement des factures.
Comparant les prix annoncés dans le catalogue avec les prix pratiqués, ils remarquent que sur certains articles, des écarts importants entre les prix appliqués à l'égard de différents clients, et certains prix parfois supérieurs à ceux du catalogue.
A partir des articles figurant sur la (les) facture(s) Pruet et des factures des six derniers mois, ils établissent un état récapitulatif du prix de vente public minimum et maximum proposé par l'entreprise : sur certains produits, il y a un écart de prix important, et des tarifs parfois supérieurs au prix catalogue.
Dans un second tableau ils relèvent les prix de vente publics proposés et les prix net pratiqués à des particuliers : les barèmes des prix proposés utilisés pour détailler les devis et factures sont systématiquement supérieurs aux prix effectivement payés par les clients.
Sur la facture de M. Pruet les rabais entre le prix public et le prix net se situent entre 35 et 70 %, huit des douze articles sont vendus avec un rabais de 68 %. Ils en déduisent que le prix public ou prix de référence, mentionné sur la facture délivrée au consommateur, tel qu'il figure sur le catalogue, n'est jamais pratiqué dans l'entreprise et sert seulement de base fictive pour laisser croire à l'acheteur qu'il bénéficie d'une forte remise.
Les enquêteurs notent enfin que les coefficients multiplicateurs appliqués par l'entreprise à ses prix d'achats pour établir le prix de vente à ses clients tels que figurant sur le catalogue, sont particulièrement élevés, entre 5,1 et 11,5 sauf sur un produit à 2 et 2,5 %.
Il est précisé que la vente aux particuliers ne représente que 5 % du chiffre d'affaires.
Un procès-verbal est dressé pour publicité mensongère.
Entendu, X, responsable de la société Y conteste l'infraction : il peut ne pas afficher les prix dès lors qu'il a un catalogue; les prix sur catalogue sont des prix de référence sur lesquels s'appliquent des remises selon les catégories de client; tous les clients ont accès au catalogue, posé sur un comptoir.
Quatre catégories de remises sont pratiquées :
- une remise globale propre à chaque catégorie de client concernant une famille d'articles donnée ;
- une remise sur certains produits d'appel ;
- une remise pour un client particulier sur une famille de produits donnée ;
- une remise pour un client donné sur un produit donné.
Egalement la possibilité de remises chantiers, d'où les différences relevées par le procès-verbal.
Cité devant le Tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan, X bénéficie le 27 mars 2007 d'un jugement de relaxe.
Par déclaration du 28 mars 2007 le Ministère public interjette appel de la décision.
Renseignements:
Aucune condamnation n'est inscrite au casier judiciaire du prévenu.
Sur quoi, LA COUR :
L'appel est recevable et régulier en la forme.
En droit, les prix, qui sont libres doivent être affichés et faire l'objet d'une information loyale des consommateurs. A défaut d'étiquetage, notamment dans des magasins de fournitures industrielles, lesquels vendent davantage à des professionnels et artisans qu'à des particuliers, comme la société du prévenu, la mise à disposition d'un catalogue supplée l'affichage des prix (circulaire du 19 juillet 1988).
Le délit de publicité trompeuse est constitué, indépendamment de conséquences réelles pour l'usager ou le consommateur, dès lors que l'information donnée est fausse ou de nature à induire en erreur.
En l'espèce le dommage dont s'était initialement plaint M. Pruet, lequel provenait d'une double facturation ou d'erreur dans la facturation sur des quantités, ne résulte nullement de ce que les prix annoncés sur le catalogue des Etablissements Y ne seraient jamais pratiqués.
Il n'est pas contesté par le prévenu que les prix catalogue servent de prix de base, à partir desquels des remises étaient usuellement concédées, à des taux très divers.
Il ressort des pièces versées au dossier que les commerces exerçant dans la même activité, pratiquent un système analogue de remises, même si, à l'inverse des deux autres sociétés, la SN Y ne fait pas figurer sur ses catalogues, factures et documents commerciaux un avertissement tel que "Les prix ci-dessus indiqués correspondent à nos prix publics. Lors de la validation de votre panier, vos prix personnalisés vous seront communiqués et votre commande sera valorisée avec vos propres prix" (Ets X), "Attention : ce service vous propose des prix publics et non pas des conditions personnalisées" (site Internet XXX).
Il ne ressort pas du procès-verbal de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et des pièces annexées, ni de la réclamation de M. Pruet, que l'existence et le niveau des remises ait été avancé dans les publicités du prévenu, catalogue notamment, ni que le consommateur ait été trompé ou "manipulé" par la perspective de remises fictives.
Le fait que le prix catalogue ne soit jamais pratiqué ne suffit pas en lui-même à constituer le délit, le principe de la liberté des contrats et de la liberté des prix laissant à tout commerçant la possibilité de négocier les prix, sous réserve de l'interdiction de la vente à perte. Non plus que le niveau particulièrement élevé des coefficients multiplicateurs appliqués aux prix d'achat pour établir le prix catalogue.
La pratique reprochée au prévenu n'apparaît pas résulter d'une majoration abusive ou artificielle du prix catalogue, prix de référence, mais ressort davantage d'un usage habituel dans la profession ou la branche, que d'une manipulation ou tromperie, telle que déduite par le procès-verbal de constatation.
Du reste ce procès-verbal note-t-il des écarts dans les deux sens par rapport au prix catalogue sur les prix proposés. Et le prévenu observe-t-il que les remises sont nombreuses mais diverses en fonction des catégories de produits, des clients ou des quantités.
L'intention dolosive du prévenu n'apparaît pas établie de façon certaine, même au niveau d'un défaut de précaution pour s'assurer de la clarté et de la sincérité des informations diffusées auprès du public, la diversité des remises consenties en fonction de critères pluriels, parfois combinés, automatiquement calculés par informatique pour les clients habituels, ne révélant pas nécessairement la volonté ou la simple conscience d'abuser ou risquer d'abuser ses clients, notamment des particuliers qui achèteraient occasionnellement chez lui.
La décision de relaxe sera donc confirmée.
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit l'appel comme régulier en la forme, Au fond, Confirme la décision dont appel en ce qu'elle a relaxé X du chef de publicité mensongère. Le tout par application de l'article 470 du Code de procédure pénale.