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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. corr., 23 février 2009, n° 08-00796

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Conseillers :

MM. Fournier, Pradier

Avocat :

Me Bordes

TGI Grenoble, ch. corr., 10 déc. 2007

10 décembre 2007

LE JUGEMENT :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré X coupable d'avoir :

* à Le Versoud (38) de mars 2003 à mars 2005, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les motifs ou procédés d'une vente ou d'une prestation de service, sur l'identité et la qualité du fabricant en portant sur les documents commerciaux et les étiquettes des produits reconditionnés, des allégations fausses faisant référence à un partenariat avec le CAT de Saint-Jean-de-Maurienne, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-1-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 al. 1 du Code de la consommation

* à Le Versoud (38) entre octobre 2004 et mars 2005, ayant démarché à son domicile, sa résidence ou son lieu de travail, obtenu ou exigé de son client, directement ou indirectement, à quelque titre ou sous quelque forme que ce soit, un paiement, une contrepartie, un engagement ou une prestation quelconque, en l'espèce en se faisant remettre des chèques au moment de la commande à 189 reprises, avant l'expiration du délai de réflexion de 7 jours suivant la commande ou l'engagement, infraction prévue par les articles L. 121-28 al. 1, L. 121-26 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-28 du Code de la consommation et, en application de ces articles, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis, à une amende de 4 000 euro, a rejeté la demande de dispense d'inscription au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, a dit n'y avoir lieu à publication,

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats les faits suivants :

Le 22 novembre 2004, deux agents de la direction départementale de l'Isère de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, agissant à la suite de plaintes adressées à leur service et, notamment, d'une plainte émanant de la délégation départementale de la Loire de l'association des paralysés de France, se présentaient au sein de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée dénommée "Y", exploitée sous l'enseigne "Z", ayant son siège à Le Versoud et gérée par X qui était née du rachat en mars 2003 au prix d'environ 2 000 euro de l'association dénommée "A", alors en liquidation judiciaire.

Par procès-verbal clos le 20 juillet 2005, les contrôleurs indiquaient que l'activité principale de cette société consistait à conditionner des produits d'hygiène corporelle, de brosserie et de papeterie qui étaient ensuite vendus par démarchage auprès des collectivités et des particuliers. Elle employait six travailleurs handicapés à contrat à durée indéterminée dont cinq à temps plein et un à mi-temps.

Cette société avait utilisé un bon de commande remis à l'une des plaignantes comportant en en-tête et en gros caractère la mention suivante : "En partenariat avec le CAT de Saint-Jean-de-Maurienne pour le conditionnement des produits liquides, la fabrication de savonnettes, du fertilisant, des nichoirs à oiseaux, (...)". De même, dans un courrier du 4 août 2004 envoyé à la même plaignante figurait en en-tête et en petits caractères, la mention : "Pour la réinsertion des travailleurs handicapés en partenariat avec le CAT de Saint-Jean-de-Maurienne ". Cet établissement, contacté par la direction départementale de l'Isère de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, avant de commencer le contrôle de la société Y, avait déclaré que le centre d'aide par le travail était un simple fournisseur de cette société et qu'il n'existait entre eux aucun lien de partenariat particulier.

L'enquête établissait que la société Y, qui avait réalisé un chiffre d'affaires de 656 932 euro en dix-huit mois d'activité, du 1er avril 2003 au 30 septembre 2004, avait effectué des achats auprès du centre d'aide par le travail de Saint-Jean-de-Maurienne à concurrence de 1 819,60 euro en 2003, soit 0,75 % du chiffre d'affaires global du centre et de 3 356,05 euro jusqu'à fin octobre 2004, soit 1,46 % de ce même chiffre d'affaires et que ces sommes demeuraient négligeables, mêmes comparées au poste "coût d'achat des marchandises vendues" de la société Y pendant la même période.

L'enquête établissait également que les marchandises étaient revendues à un prix très élevé par rapport à leur prix d'achat et que les produits fournis par le centre d'aide par le travail de Saint-Jean-de-Maurienne ne représentaient que sept références sur les cent soixante-dix-neuf proposées à la clientèle, soit 3,9 %. En outre, contrairement à l'une des mentions critiquées, le centre d'aide par le travail ne conditionnait pas de produits liquides qui étaient fournis, en réalité, par une société dénommée "B". Au total, quarante-six produits ne provenant pas du centre d'aide par le travail de Saint Jean-de-Maurienne étaient commercialisés avec une étiquette mentionnant un partenariat fictif avec ce centre.

Entendu sur ces faits le 22 novembre 2004 et le 18 mars 2005, X déclarait qu'il employait huit commerciaux rémunérés uniquement à la commission. Il expliquait qu'il avait repris les étiquettes utilisées par l'association qu'il avait rachetée en 2003 en changeant simplement la raison sociale. II précisait que dans l'en-tête des bons de commande, la mention "association A" avait été remplacée par "Z pour la réinsertion des travailleurs handicapés" et que la mention "en partenariat avec le CAT de Saint-Jean-de-Maurienne (...)" avait été simplement reproduite. Il indiquait aussi que son plus gros chiffre d'affaires était réalisé auprès des maires et des collectivités de Savoie.

Il justifiait l'emploi du terme "partenariat" par le fait qu'il achetait des produits au centre d'aide par le travail de Saint-Jean-de-Maurienne et précisait : "Je pense que cette mention peut avoir un impact sur une clientèle qui connaît le handicap car elle connait la signification du mot CAT ". Il indiquait également que les deux autres centres d'aide par le travail qui le fournissaient n'étaient pas mentionnés car l'un des deux avait refusé de l'être, restant évasif sur la position de l'autre centre et oubliant que sa société comprenait quatre centres d'aide par le travail et non trois parmi ses fournisseurs. Il expliquait aussi que le centre de Saint-Jean-de-Maurienne acceptait de conditionner les produits en facturant les heures de travail ce qui lui permettait de délivrer des attestations d'heures travaillées par des handicapés aux collectivités clientes qui le réclamaient. Pourtant, en première instance, il faisait plaider que la mention "C" n'avait pas de signification pour le consommateur moyen qui en ignorait le sens, ce qui ne pouvait l'influencer. Il soutenait également qu'il avait repris le texte des bons de commande de l'association "A" en demandant à l'imprimeur de remplacer le terme "association" par celui de "Z" uniquement dans un souci d'économie.

Par ailleurs, dans un procès-verbal de délit distinct, clos le 9 septembre 2005, les agents de la direction départementale de l'Isère de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes établissaient que, sur quatre cent quatre-vingt-deux commandes passées entre octobre 2004 et mars 2005, cent soixante-douze, soit 36 %, n'avaient pas bénéficié du délai de rétractation de sept jours prévu en matière de vente par démarchage à domicile.

Le 8 juillet 2007, X avait indiqué qu'il n'avait jamais refusé de rembourser un client annulant sa commande même après l'expiration du délai de sept jours et, qu'en quatre ans d'exercice, il avait eu très peu d'annulation de commande. En première instance, le prévenu ne contestait pas la matérialité de ces faits. II déclarait que cette pratique était courante dans le secteur de la vente à domicile, qu'une note de service mentionnait : "ne pas prendre le règlement à vos clients lors de la vente, le client doit nous l'expédier par courrier" mais que, malgré ses instructions, certains clients renonçaient au délai de rétractation car ils connaissaient bien les vendeurs et préféraient les payer directement plutôt que d'envoyer leur paiement par courrier après l'expiration du délai de rétractation. Il reconnaissait qu'il avait laissé perdurer cette pratique dont il endossait l'entière responsabilité mais seulement "par inadvertance".

Sur les poursuites exercées à raison de ces faits, le Tribunal de grande instance de Grenoble a statué par un jugement contradictoire, prononcé le 10 décembre 2007, dont il a été régulièrement relevé appel le 18 décembre 2007 par le prévenu et le 21 décembre 2007 par le procureur de la République.

A l'audience de la cour, le Ministère public requérait la confirmation de la peine prononcée en première instance.

Le prévenu faisait plaider sa relaxe en ce qui concerne le délit de pratique commerciale trompeuse et l'indulgence pour l'autre infraction qu'il reconnaissait avoir commise.

Sur ce, LA COUR :

1) Sur la culpabilité :

- Sur le délit de pratique commerciale trompeuse :

Attendu que l'article L. 121-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au moment des faits et du prononcé du jugement déféré, énonce qu'est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après : existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de leur utilisation, motifs ou procédés de la vente ou de la prestation de services, portée des engagements pris par l'annonceur, identité, qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires ;

Attendu que l'article 83 de la loi n° 2008-776 sur la modernisation de l'économie du 4 août 2008 a modifié, à la suite de l'article 39-II de la loi n° 2008-3 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs du 3 janvier 2008, l'article L. 121-1 du Code de la consommation ; que les faits poursuivis sont incriminés en des termes équivalents mais sous la qualification différente de pratique commerciale trompeuse ; qu'en effet, l'article L. 121-1, I, 2 du Code de la consommation dispose qu'une pratique commerciale est trompeuse lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant, notamment, sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; qu'en conséquence, le délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, s'agissant de faits commis avant la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, demeure punissable ;

Attendu que l'enquête a établi que les bons de commande et les étiquettes de quarante-six produits commercialisés par la société Y portaient la mention : " En partenariat avec le CAT de Saint-Jean-de-Maurienne pour le conditionnement des produits liquides, la fabrication de savonnettes, du fertilisant, des nichoirs à oiseaux (...) "que le terme "partenariat" suppose que des liens privilégiés aient été développés entre les différentes entités concernées, se traduisant par une collaboration fréquente voire habituelle et pouvant donner lieu la signature d'accords ; qu'en l'espèce, l'interrogation du centre par le travail de Saint-Jean-de-Maurienne par les services de la direction départementale de l'Isère de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a montré l'inexistence d'un quelconque partenariat entre lui-même et la société Y ; qu'un tel partenariat ne peut non plus être déduit des relations commerciales existant entre ces deux entités qui se résumaient à la fourniture par le centre de produits vendus par la société Y dans des proportions négligeables puisque seulement sept produits provenaient du centre sur cent soixante-dix-neuf références proposées, ne représentant qu'environ 5 % du total des achats de l'entreprise ;

Que, de même, l'enquête a établi que les produits liquides vendus par l'entreprise ne provenaient pas du centre d'aide par le travail de Saint-Jean-de-Maurienne mais qu'ils étaient, en réalité, fournis par une autre société ;

Qu'ainsi, la référence à un partenariat imaginaire, qui plus est "pour le conditionnement des produits liquides", constituent des allégations fausses sur l'origine et la qualité du fabricant des produits proposés à la vente qui permettent de caractériser l'élément matériel du délit de pratique commerciale trompeuse reproché au prévenu ;

Attendu qu'il résulte des déclarations de X qu'il n'aurait laissé apparaître les mentions inexactes sur les bons de commande et sur les étiquettes que "dans un souci d'économie" ; qu'ayant procédé nécessairement à la modification des supports incriminés qui étaient auparavant au nom de l'association qu'il a rachetée, il lui suffisait, sans dépense supplémentaire, de faire supprimer ces mentions fausses qui n'avaient pas lieu d'être conservées sur ces supports ; que le maintien de ces mentions, dont il connaissait la fausseté, ne se justifie que par l'impact commercial que ces mentions pouvaient avoir, notamment en Savoie, où il réalisait, selon ses déclarations, "son plus gros chiffre d'affaires" ; qu'ainsi, il apparaît que l'infraction a bien été commise intentionnellement ;

Qu'il convient, en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable de ce chef ;

- Sur le délit de demande ou d'obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion en matière de démarchage à domicile :

Attendu que le prévenu reconnaît la matérialité des faits du non-respect du délai de réflexion en matière de démarchage à domicile qui lui sont reprochés, matérialité qui résulte, en outre, de l'enquête du service de contrôle et des procès-verbaux de gendarmerie ; que l'argument selon lequel il s'agirait d'une simple négligence ne saurait en rien excuser son comportement, dès lors que le législateur a prévu ce délai de réflexion dans un but impératif de protection du consommateur auquel ce dernier lui-même ne peut renoncer ;

que, de plus, la rotation rapide des commerciaux de la société contredit l'argument selon lequel les clients préféraient payer directement ces commerciaux parce qu'ils les connaissaient de longue date ;

qu'enfin, la commission de cette infraction dans plus du tiers des commandes passées par l'entreprise ne pouvait qu'être connue du chef d'entreprise qui avait institué ce procédé en mode de gestion habituel des dossiers et ce, en fraude de la loi ; qu'en conséquence, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable de ce chef ;

2) Sur la peine :

Attendu que le prévenu exerce actuellement une activité de commercial pour laquelle il perçoit un salaire mensuel déclaré de 3 000 à 4 000 euro et qu'il est marié et père de trois enfants à charge ; que, par ailleurs, son casier judiciaire du prévenu ne porte mention d'aucune condamnation; que, pour mieux tenir compte de sa personnalité et de ses revenus, compte tenu également de la gravité des faits qui lui sont reprochés, il est condamné à une amende de 4 000 euro ;

qu'en revanche, la demande de dispense d'inscription de cette condamnation au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire n'étant pas justifiée, est rejetée ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière correctionnelle et après en avoir délibéré, conformément à la loi : confirme le jugement du 10 décembre 2007 du Tribunal de grande instance de Grenoble quant à la déclaration de culpabilité, l'infirmant quant à la peine : condamne X à 4 000 euro d'amende, constate que l'avertissement prévu à l'article 707-3 du Code de procédure civile sur le paiement des amendes sans sursis a été donné au condamné dans la mesure de sa présence effective à l'audience où le présent arrêt a été rendu, rejette la demande de dispense d'inscription de la condamnation au bulletin numéro 2 du casier judiciaire, dit le condamné tenu au paiement du droit fixe de procédure, le tout par application des dispositions des articles susvisés.