Livv
Décisions

CA Saint-Denis de la Reunion, ch. corr., 6 novembre 2008, n° 08-00170

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gabin

Conseillers :

MM. Blot, Protin

Avocat :

Me Lagourgue

TGI Saint-Denis de la Réunion, du 29 fév…

29 février 2008

X prévenu de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, courant juillet 2004 à Saint-Denis, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

LA COUR :

Suivant procès-verbal établi le 14/12/2004, un inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, relatait les faits suivants :

- des publicités effectuées par la SARL Y ont été insérées dans le journal de l'Ile entre le 20 et le 26 juillet 2004,

- en gros caractères figuraient la mention " jusqu'à - 70 % en dessous des prix du marché ", " 90 euro/m² en magasin ", un astérisque renvoyant aux indications suivantes inscrites verticalement en caractères de petite dimension " promotion concernant les menuiseries dites de déstockage d'une quantité de 700 unités réparties sur les trois magasins Z. Les menuiseries des stocks sont des menuiseries uniques (hors menuiserie standard). Promotion valable jusqu'au 31 juillet 2004 inclus "

- dans sa réponse du 7 octobre 2004, le gérant X écrivait avoir acheté des lots de menuiseries, objet de la publicité, auprès de soldeurs à des prix défiant toute concurrence. Le prix annoncé était de 90 euro/m² et il avait considéré le prix moyen du marché à 300 euro/m² d'après les devis de ses concurrents (12 devis transmis par l'intéressé).

- l'examen de ces devis fait apparaître de grandes disparités de prix selon la nature des produits portes, porte-fenêtre, porte coulissante, aux fenêtres coulissantes, fenêtres abattant, jalousie etc. Suivant leur dimension est sans doute leur qualité [sic].

- l'examen des factures et des bons de commande adressés par le prévenu permet de constater que pour les menuiseries dites de déstockage les prix ont été pratiqués en contradiction avec la publicité précitée.

- il ressort de l'enquête que le prévenu a réalisé une campagne publicitaire annonçant un grand déstockage de menuiseries jusqu'à - 70 % en dessous des prix du marché avec en magasin un tarif de 90 euro/m².

- le prévenu a indiqué qu'il considérait le prix du marché à 300 euro/m², mais les devis de plusieurs concurrents qu'il a lui-même fourni montrent que ceux-ci proposent aussi des articles, vitrages compris, à moins de 300 euro/m². Ces prix s'échelonnent entre 121 et 203 euro

- par ailleurs, les factures des bons de commande de la SARL établissent qu'après les publicités, le prévenu a vendu des menuiseries de déstockage à plusieurs clients entre 300 et 503 euro/m².

- par suite, les publicités en cause étaient donc de nature à induire en erreur sur les prix, les conditions de vente des biens et sur la portée des engagements pris par les annonceurs en violation de l'article L. 121 du Code de la consommation.

Au terme d'une note du 14 mars 2005, le directeur départemental de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes précisait que :

- le fait d'annoncer d'un rabais de 70 % en se basant sur un prix de marché de 300 euro le mètre carré, prix de marché non justifié se situant entre 121 et 203 euro, et de plus, d'annoncer un prix pratiqué de 90 euro le mètre carré alors que certaines menuiseries déstockées ont été vendues entre 300 et 503 euro le mètre carré, constitue le délit de publicité de nature à induire en erreur, tels que définis par l'article 121 du Code de la consommation qui dispose que " est interdite toute publicité comportant sous quelque forme que ce soit des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après : ... prix et conditions de vente de biens ou services qui font l'objet de la publicité... "

- conformément à l'article L. 121-6, cette infraction est réprimée par des peines prévues à l'article L. 213 à savoir une amende de 37 500 euro et une peine d'emprisonnement de deux ans ou l'une de ces deux peines seulement, outre la publication du jugement,

- conformément à l'article L.121-5 " l'annonceur pour le compte duquel la publicité est diffusée et responsable, à titre principal, de l'infraction commise. Si le contrevenant est une personne morale, la responsabilité incombe à ses dirigeants... ".

- X en qualité de gérant de la société Y est donc pénalement responsable.

Devant le tribunal puis devant la cour, le prévenu fait valoir en la forme et avant l'examen au fond des faits reprochés nécessitant sa relaxe que au vu de l'examen des documents comptables que :

- les poursuites sont mal dirigées contre le gérant au lieu de la société.

- la publicité annonce " jusqu'à - 70 % en dessous des prix du marché - Grand déstockage - 90 euro/m² en Magasin", et il est indiqué sur le côté droit de la publicité "promotion concernant les menuiseries dites de déstockage d'une quantité de 700 unités réparties sur les trois magasins Z. Les menuiseries déstockées sont des menuiseries uniques (hors menuiserie standard)".

- cette publicité veut dire que sa société proposait des prix allant jusqu'à 70 % de remise par rapport au prix du marché, et lorsqu'elle atteignait ces 70 %, le prix du m² pouvait alors atteindre 90 euro/m².

- l'interprétation de la publicité et des documents produits par la société est erronée, puisque l'inspecteur ne relève que 13 produits sur l'ensemble des devis produits et en déduit que les prix du marché s'échelonnent entre 121 et 203 euro sans indiquer à quelques produits spécifiques se rapportent cette fourchette de prix.

- il produit les calculs qu'il a pu faire sur 91 articles sur la base desquels le prix moyen par produit doit être calculé.

- le montant facturé par la SARL Y pour chaque produit vendu doit être comparé avec les prix moyens du marché pour déterminer si l'infraction a été ou non commise.

- comparaison faite, il estime qu'il est démontré que la société a pratiqué des prix bien en deçà de ceux du marché, dépassant même, fréquemment le taux de 70 % de remise,

- il n'existe donc pas de fausses allégations, indications présentations fausses de nature à induire en erreur sur les prix de la menuiserie.

Décision du tribunal correctionnel et procédure subséquente :

Par acte au greffe en date du 29/10/2008, le Ministère public a relevé appel principal du jugement contradictoire rendu par le Tribunal correctionnel de Saint-Denis du 29/02/2008, qui statuant sur l'action publique :

- a rejeté l'exception de nullité de la procédure,

- a prononcé la relaxe de X des fins de la poursuite lui reprochant d'avoir à Saint-Denis, en tout cas dans le département de la Réunion, courant juillet 2004, et en tout cas depuis temps non prescrit, a effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix, en l'espèce de la menuiserie (procès-verbal du 14 décembre 2004). Faits prévus par l'art. L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1° C. consommation, et réprimés par l'art. L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 C. consommation.

Cet appel interjeté dans les formes et délai de la loi est recevable.

Par écritures déposées à l'audience le 18/09/2008, X demande à la cour l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de procédure, et sa confirmation en ce qu'il l'a relaxé au titre de l'infraction reprochée.

Le Ministère public s'en rapporte à justice.

Le prévenu, représenté par son conseil, demande à nouveau la prise en compte de son exception et dans le cas contraire d'être renvoyé des fins de la poursuite.

Sur ce, LA COUR

a) Sur l'exception de nullité de la citation :

Attendu que le prévenu fait valoir en cause d'appel que chacun des actes (mandement de citation, citation à prévenu) est dirigé à son encontre sans autre précision sur sa qualité, alors que la publicité objet des poursuites engagées a été faite pour le compte de la société Y sans que son propre nom y apparaisse et que l'article L. 121-5 du Code de la consommation vise expressément qu'est responsable la personne pour le compte de laquelle la pratique commerciale trompeuse est mise en œuvre ;

Que dès lors, selon le prévenu, la personne qui aurait dû être susceptible de poursuite est la seule SARL Y représentée par son gérant, et non lui-même en son nom personnel contre qui les poursuites ont été mal engagées ;

Attendu que l'art. 551 alinéa 1er C. pr. pén. exige que la citation, si elle est délivrée à la requête du Ministère public, mentionne le fait poursuivi, vise le texte de répression et précise notamment la qualité de prévenu ;

Que ces prescriptions légales ne contraignent pas aussi, s'agissant du gérant, de l'identifier en tant que tel dès lors que l'acte faisant convoquer le prévenu à l'adresse du siège social de la SARL Y dont il est le gérant l'a dès lors mis en mesure de préparer sa défense non seulement sur sa responsabilité pénale, celle-ci pouvant être engagée en cas d'infraction commise en cette qualité, mais aussi sur celle de la société qu'il dirige et pour le compte de laquelle la pratique critiquée a été mise en œuvre, comme le révèle d'ailleurs ses écritures très complètes sur ces deux questions ;

Qu'en conséquence, aucune nullité n'est encourue de ce chef et la décision entreprise sera confirmée sur ce point, étant observé que le prévenu qui n'a pas formé appel n'est pas fondé à soutenir en cause d'appel les mêmes moyens ;

b) Sur le fond

Attendu que l'analyse des prix telle qu'adoptée par la DGCCRF au sein de son procès-verbal établi le 14.12.2004, sur la base du coût de seulement 13 articles intégrés parmi d'autres dans une douzaine de devis n'aboutit qu'à une évaluation partielle, et donc partiale, des prix du marché s'échelonnant entre 121 et 203 euro alors que l'étude complète faite par le prévenu sur l'ensemble des articles révèle des prix moyens différents ;

Qu'en outre, la comparaison entre ces prix moyens et le montant facturé par la SARL Y pour chacun des produit vendu ne démontre pas les assertions de la DGCCRF selon laquelle les prix ne seraient pas en dessous de ceux du marché et allant à cette occasion jusqu'à 70 % de remise comme annoncé ;

Que dans ces conditions, il n'existe de façon avérée aucune fausse indication ou présentation de nature à induire en erreur le consommateur sur les prix de la menuiserie vantée ;

Qu'il convient de confirmer la décision entreprise qui a renvoyé des fins de la poursuite le prévenu en sa qualité de gérant de la SARL Y.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, et en dernier ressort ; En la forme : Déclare l'appel du Ministère public recevable ; Au fond : Déclare le Ministère public mal fondé en son appel ; En conséquence, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.