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Décisions

CA Chambéry, ch. com., 9 janvier 2010, n° 09-00407

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Eden d'Albiez (Sarl)

Défendeur :

Jeanpat (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Robert

Conseillers :

MM Busché, Morel

Avoués :

SCP Bollonjeon - Arnaud - Bollongeon, SCP Fillard - Cochet - Barbuat

Avocats :

SCP Benoist & Huellou-Blanc, Selarl Lamotte & Blanchin

CA Chambéry n° 09-00407

9 janvier 2010

EXPOSÉ DU LITIGE:

La Sarl Eden d'Albiez a fait l'acquisition le 20 septembre 2006 de deux ordinateurs PC auprès du magasin But exploité par la SAS Jeanpat, équipés d'un logiciel d'exploitation Windows préinstallé.

Le 12 octobre 2006 elle demandait au magasin But de lui fournir les deux logiciels d'installation du système XP qui n'avaient pas été livrés avec les ordinateurs.

Comme elle n'obtenait pas satisfaction elle saisissait le juge de proximité sur le fondement de l'article L. 122-1 du Code de la consommation qui prohibe la subordination de la vente d'un produit à l'achat concomitant d'un autre produit, aux fins de condamner la société Jeanpat à lui délivrer les deux logiciels et subsidiairement à lui verser une somme correspondante à leur prix,

Le juge de proximité se déclarait incompétent au profit de la juridiction commerciale, et par jugement en date du 8 janvier 2009 le Tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains statuant en matière commerciale déboutait la société Eden d'Albiez de l'ensemble de ses demandes. Le tribunal a considéré que la demanderesse ne démontrait pas qu'elle avait voulu acquérir des ordinateurs dépourvus de système d'exploitation ou pourvus d'un autre système, et que de ce seul fait la société Eden d'Albiez qui a avait en toute état de cause le choix de ne pas acheter le matériel qui lui était proposé et qui avait la qualité de commerçant recherchant un produit informatique adapté à son activité commerciale, ne rapportait pas la preuve d'une vente subordonnée.

Par déclaration en date du 19 février 2009 la société Eden d'Albiez a interjeté appel de cette décision aux fins de réformation. Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 octobre 2009 elle entend démontrer que la vente du logiciel préinstallé est liée à la vente du matériel informatique. Pour que l'obligation de délivrance soit totalement exécutée, le vendeur se doit de livrer aussi la partie logiciel, en l'occurrence les CD ou DVD d'installations du système d'exploitation.

Elle demande ainsi à titre principal à la cour d'enjoindre à la SAS Jeanpat "magasin But" de lui délivrer les deux logiciels d'installation des systèmes Windows XP correspondant aux deux machines achetées, sur un support indépendant en CD ou en DVD, sous une astreinte de 100 euro par jour de retard à compter de la décision à intervenir qui sera assortie de l'exécution provisoire.

À titre subsidiaire, elle sollicite la condamnation de la SAS Jeanpat "magasin But" à lui payer la somme de 867,22 euro pour le prix des logiciels Windows XP.

Elle sollicite en toute hypothèse la condamnation de la SAS Jeanpat à lui payer la somme de 1 000 euro de dommages et intérêts en réparation de son préjudice et celle de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Jeanpat "magasin But" fait valoir dans ses conclusions notifiées le 1er septembre 2009 qu'à titre principal elle doit être mise hors de cause étant donné qu'elle n'est ni constructeur du matériel ni éditeur de logiciel et qu'elle n'intervient pas dans la configuration des produits qui ont été vendus en l'état tels qu'elle-même les avait reçus.

À titre subsidiaire elle demande à la cour de débouter la Sarl Eden d'Albiez de ses demandes au motif que l'article L. 122-1 n'est pas applicable à deux sociétés qui ont la qualité de commerçantes. Elle fait en outre valoir que la vente d'un système d'exploitation avec des logiciels préinstallés sur des ordinateurs neufs correspond à l'intérêt du consommateur et n'entre pas dans les prévisions du texte précité.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il résulte des pièces versées aux débats que la Sarl Eden d'Albiez a fait l'acquisition, en toute connaissance de cause, de deux ordinateurs dont le système d'exploitation était préinstallé sur leur disque dur et constituait l'accessoire indispensable à leur utilisation.

La société Eden d'Albiez n'apporte pas la preuve que cette acquisition est constitutive d'une vente subordonnée au sens de l'article L. 122-1 du Code de la consommation dans la mesure où le produit mis en vente est composé d'un ordinateur neuf équipé de logiciels préinstallés. Le vendeur en l'espèce ne subordonne pas la vente d'un logiciel à l'achat d'un ordinateur, l'acheteur restant libre de faire l'acquisition du produit tel que proposé à la vente, à savoir l'ordinateur équipé du système d'exploitation, ou de choisir d'acheter distinctement le cas échéant auprès d'un autre fournisseur l'ordinateur neuf et le logiciel d'installation du système d'exploitation.

C'est en conséquence à juste titre que le tribunal a considéré que la société demanderesse, par ailleurs commerçante avisée, ne démontre pas avoir voulu acquérir un autre produit que celui proposé à la vente, et ne rapporte ainsi pas la preuve de l'existence d'une vente subordonnée.

Il en résulte en outre que la société Jeanpat "Magasins But" a rempli son obligation de délivrance de la chose, le produit mis en vente étant constitué par l'ordinateur neuf et par le logiciel préinstallé sur le disque dur, et non pas par le logiciel d'installation du système d'exploitation qui constitue un article distinct qui n'était pas proposé à la vente.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Par ces motifs, LA COUR Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Condamne la société Eden d'Albiez à payer à la société Jeanpat la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette les autres demandes ; Condamne la société Eden d'Albiez aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP Fillard / Cochet / Barbuat, avoués associés, en application des dispositions de l'article 699 du Code précité.