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Décisions

CA Paris, 12e ch. A, 13 octobre 2008, n° 07-09071

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Albert

Conseillers :

Mmes Chaussade, Colin

Avocats :

Mes Benazeth, Goutmann, Geneaux

TGI Evry, 6e ch., du 20 juin 2007

20 juin 2007

LA PREVENTION :

X a été renvoyé devant le Tribunal de grande instance d'Evry par ordonnance de l'un des juges d'instruction près ce tribunal en date du 31 juillet 2006 pour avoir, aux Ulis (91) et a Charenton-le-Pont (94), courant 1999 et le 23 décembre 2002, sur le territoire national et depuis temps non prescrit, au moyen des visites à domicile ou d'un démarchage par téléphone, abuse de la faiblesse ou de l'ignorance de Mme A pour lui faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit, en l'espèce, par remise à l'encaissement d'un chèque de 19 000 francs (2 896,53 euro) selon bon de commande de la société T où il gérait comme agent commercial alors que la victime n'était pas en mesure d'apprécier la portée de ses engagements ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la contraindre,

Infraction prévue par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L.122-8 du Code de la consommation,

Z a été renvoyée devant le Tribunal de grande instance d'Evry par ordonnance de l'un des juges d'instruction près ce tribunal en date du 31juillet 2006 pour avoir, aux Ulis (91) et à Charenton le Pont (94), entre 1999 et décembre 2002, sur le territoire national et depuis temps non prescrit au moyen des visites a domicile ou d'un démarchage par téléphone, en sa qualité d'associée et de gérante de fait de la SARL T, abusé de la faiblesse ou de l'ignorance de Mme A pour lui faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, en l'espèce par remise d'un chèque de 19 000 francs (2.896,53 euro) et signature d'un contrat de crédit selon bon de commande remis par la (2.896,53 euro) et signature d'un contrat de crédit selon bon de commande remis par la

SARL T alors que la victime n'était pas en mesure d'apprécier la portée de ses engagements ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la contraindre,

Infraction prévue par les articles L.122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation,

Y a été renvoyé devant le Tribunal de grande instance d'Evry par ordonnance de l'un des juges d'instruction près ce tribunal, en date du 31juillet 2006 pour avoir, aux Ulis (91) et a Charenton-le-Pont (94), entre 1999 et décembre 2002, sur le territoire national et depuis non prescrit, au moyen de visites à domicile ou d'un démarchage par téléphone, abusé de la faiblesse ou de l'ignorance de Mme A pour lui faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit, en l'espèce en se faisant remettre un chèque de 19 000 francs ( 2 896,53 euro) et en faisant souscrire un contrat de crédit selon un bon de commande de la SARL T alors que la victime n'était pas en mesure d'apprécier la portée de ses engagements ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la contraindre,

Infraction prévue par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation

infraction prévue par les articles L.122-8, L.122-9 du Code de la consommation et

réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation

W a été renvoyé devant le Tribunal de grande instance d'Evry par ordonnance de l'un des juges d'instruction près de ce tribunal en date du 31 juillet 2006 pour avoir, aux Ulis (91) et à Charenton-le-Pont, entre 1999 et décembre 2002, sur le territoire national et depuis temps non prescrit, au moyen des visites à domicile ou d'un démarchage par téléphone, en sa qualité de gérant de droit de la SRAL T, abusé de la faiblesse ou de l'ignorance de Mme A pour lui faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit sous quelques formes que ce soit, en l'espèce, par remise d'un chèque de 19 000 francs (2 896,53 euro) et signature d'un contrat de crédit selon bon de commande de la SARL T dont il était le gérant statutaire alors que la victime n'était pas en mesure d'apprécier la portée de ses engagements ou de déceler les ruses ou les artifices déployés pour la contraindre,

Infraction prévue par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L 122-8 du Code de la consommation

LE JUGEMENT :

LA COUR, par jugement contradictoire, a :

Sur l'action publique :

- Déclaré Y non coupable,

Relaxé Y des fins de la poursuite,

- Déclaré Z non coupable,

Relaxé Z des fins de la poursuite,

Ordonné la restitution du passeport à Z,

- Déclaré X non coupable,

Relaxé X des fins de la poursuite,

- Déclaré W non coupable,

Relaxé W des fins de la poursuite,

DECISION :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Mme A est seule appelante, à titre principal, des dispositions du jugement contradictoire rendu le 20 juin 2007, par le Tribunal de grande instance d'Evry, ayant déclaré Y, X, Z et W non coupables, et les ayant renvoyés des fins de la poursuite, pour les faits qualifiés d'abus de faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée ayant souscrit un engagement, prévu et réprimé par l'article L. 122-8 du Code de la consommation, et ayant déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de Mme A, mais l'ayant déboutée de ses demandes, au égard à la relaxe intervenue.

Aux termes de ses conclusions soutenues et déposées à la barre, Mme A, représentée par son conseil, conclut à l'infirmation du jugement entrepris, et à la condamnation solidaire de Y, X, Z et W à lui payer les sommes de 8 376,16 euro en réparation de son préjudice matériel, et 1 500 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

A l'appui de ses demandes, elle fait valoir que Y, lors de deux visites à domicile, profitant de sa naïveté, de sa mauvaise vue et e son âge, lui a fait signer deux bons de commande successifs relatifs à l'achat de divers meubles ainsi qu'une demande de crédit, qu'il s'est en outre fait remettre un chèque de 19 000 francs, que Z, gérante de fait de la société T, a rempli, pour son compte, à son insu, une demande de crédit auprès de la société Y, en indiquant une fausse date de conclusion du contrat et des ressources et des charges inexacts, que W était le gérant de droit de la société T et que X l'a démarché par téléphone avant la signature des contrats, que dès lors ces quatre personnes doivent être déclarées, solidairement entre eux, responsables de son préjudice car ils ont tous quatre commis des fautes de nature à engager leur responsabilité civile.

Elle soutient que cette situation a eu pour effet de lui causer un préjudice matériel d'un montant de 8 376,16 euro, montant des sommes dues à la société T,

Elle se prévaut également d'un préjudice moral consécutif au stress dû à la procédure civile diligentée par la société T et à la présente procédure, qu'elle évalue à 3 500 euro. Elle sollicite enfin une somme de 1 500 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

A l'audience, Y, Z, assistés de leurs conseils, ainsi que X et W, représentés par leur conseils respectifs, ont sollicités la confirmation du jugement entrepris.

Les faits ayant donné lieu aux poursuites sont les suivants :

Le 20 septembre 2001, Mme A portait plainte avec constitution de partie civile, auprès du doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance d'Evry des chefs de faux, usage de faux, escroquerie et abus frauduleux de la faiblesse d'une personne.

Elle exposait que le 14 septembre 1999, elle avait été démarchée à son domicile par un représentant de la société T pour lui vendre des meubles à crédit. Elle avait signé une offre préalable de vente à crédit concernant un canapé, d'un montant de 11 000 francs, sur un bon de commande, à l'entête de " l'U de l'ameublement ".

Le 30 septembre 1999, ce même représentant de commerce, prétextant que le bon de commande initial n'était pas valable, était revenu au domicile de Mme A et avait établi un nouveau bon de commande, à l'entête de la société T, relatif à l'achat d'un salon d'angle, un fauteuil, une table basse et un meuble téléphone, le tout pour un montant de 19 000 francs. Ce bon de commande portait la mention " ce bon annule et remplace le précédant " ainsi que le nom du vendeur, un dénommé " L ".

Ce vendeur se faisait remettre également un chèque de 19 000 francs, par Mme A, en règlement de la commande, qui était porté à l'encaissement le 19 octobre 1999. Ce chèque était encaissé par X.

Quelques temps après, la société Cofidis, informait Mme A que sa demande de crédit avait été acceptée, pour un montant de 20 000 francs. Contactée par Mme A, la société Cofidis lui indiquait que sa demande de crédit avait été réalisée, via la société T, afin de financer l'achat de meubles.

Mme A, dans l'impossibilité de rembourser un tel crédit en raison de la faiblesse de ses revenus, était assignée devant le Tribunal d'instance de Palaiseau par l'organisme préteur, qui devait la condamner.

Par réquisitoire introductif du 14 novembre 2001, une information judiciaire contre X était ouvert pour escroquerie, faux et usage de faux, abus de faiblesse.

Entendue par les fonctionnaires de police agissant en vertu d'une commission rogatoire, Mme A apportait des précisions quant au démarchage dont elle avait fait l'objet. Elle déclarait qu'un dénommé M.L, se disant représentant de la société T lui avait vendu sur catalogue un canapé d'angle ainsi qu'un fauteuil en cuir. Mme A lui avait fait savoir qu'elle ne percevait qu'une faible retraite mais le démarcheur lui avait répondu qu'il s'occupait de toutes les démarches nécessaires à l'obtention du crédit. Elle lui fournissait tous les justificatifs de sa situation financière. Le crédit étant accordé, Mme A établissait un chèque d'un montant de 19 000 francs au dénommé " L ". La société Cofidis exigeait alors le paiement le 5 de chaque mois de remboursements d'un montant de 750 francs. Les mensualités ne pouvaient être honorées. Mme A téléphonait à la société T pour se plaindre de cette situation, et une dénommée " Mme Z " lui avait répondu que " L " était introuvable. La partie civile faisait également remarquer aux enquêteurs que sur le contrat de crédit de la société Cofidis il était indiqué qu'elle percevait 6 700 francs de revenus mensuels alors qu'elle avait précisé au dénommé " L " qu'elle ne percevait que 3 700 francs par mois.

L'ancien représentant légal de la société " U de l'ameublement ", d'où émanait le premier bon de commande signé par Mme A, M. J, déclarait qu'il ignorait tout de cette transaction mais ajoutait qu'il avait rencontré des difficultés avec un " apporteur d'affaires " à l'époque où il exerçait son activité. Il indiquait aux enquêteurs que cet individu se nommait M. V.

Entendue par les enquêteurs, la représentante de la société T, Mme Z, déclarait que la commande litigieuse lui avait été apportée par un agent commercial indépendant, M. X, moyennant le versement d'une commission. Elle précisait qu'à la mi-septembre 1999, la société T avait reçu un bon de commande de Mme A par l'intermédiaire de X, agent commercial indépendant. Le 6 octobre 1999, cette commande avait été livrée à Mme A. Par contrat, X était chargé de prospecter des clients pour le compte de la société, en qualité d'apporteur d'affaires, lorsque la transaction était conclue, il encaissait le règlement de la commande et en reversait une partie, sous forme de commission, à la société.

La photo d'identité de V était présentée à Mme A et celle-ci reconnaissait, dans un premier temps, le démarcheur qui s'était présenté à son domicile à deux reprises, sous le nom de " L ". La suite de l'enquête permettait d'établir qu'il s'agissait d'une erreur de la part de Mme A et la piste V était abandonnée.

X était entendu à deux reprises par les policiers. Il reconnaissait qu'il était apporteur d'affaires pour la société T. Lors de ses deux premières auditions, il ne donnait aucune indication sur la manière dont il avait démarché Mme A. Devant le magistrat instructeur, il prétendait tout d'abord ne plus se souvenir comment il avait démarché Mme A, puis, questionné sur l'encaissement sur son compte du chèque de 19 000 francs, il déclarait qu'il l'avait démarché uniquement par téléphone.

En revanche, il affirmait ne pas connaitre la société " U de l'ameublement ", et ne jamais utiliser le pseudonyme de " L ", contrairement à d'autres démarcheurs. De même, il affirmait ne pas savoir qui avait porté la mention " annule et remplace le précédent " sur l'un des bons de commande ni qui avait rempli le contrat de crédit.

M.X était mis en examen le 27 mai 2005 pour abus de faiblesse ou d'ignorance au préjudice de Mme A. Il se souvenait alors que le vendeur qui s'était rendu au domicile de Mme A se nommait Y, à l'époque salarié de la société T.

Entendue de nouveau, la partie civile confirmait qu'elle avait été démarchée par téléphone avant la visite du vendeur, mais elle ne pouvait pas se rappeler précisément de la date. Elle admettait que c'était bien sa signature qui figurait sur le contrat de demande de crédit original mais que ce n'était pas elle qui l'avait rempli et qu'elle n'avait pas pu indiquer ses revenus pour une somme de 6 700 francs alors qu'elle en percevait qu'à peine 3000 francs par mois. Elle reconnaissait également être la signataire des deux bons de commande de meubles, celui du 14 septembre 1999 et celui du 30 septembre 1999, comportant la mention " annule et remplace ".

L'enquête permettait alors d'établir que le dénommé " L " était en réalité Y. Il reconnaissait s'être rendu chez la victime à plusieurs reprises et avoir rédigé le bon de commande, daté du 30 septembre 1999.

Au cours de son audition, il reconnaissait avoir travaillé pour la société T et porter le pseudonyme " L " lorsqu'il effectuait ses ventes, s'être rendu à plusieurs reprises chez Mme A, avoir rédigé un des bons de commande et avoir apposé la mention " ce bon annule le précédent ".

En revanche, Y affirmait que c'était la " directrice " de la société T qui avait renseigné le formulaire de demande de crédit, Mme Z. Le 30 décembre 2005, Y était mis en examen pour abus de faiblesse ou d'ignorance au préjudice de Mme A. Au cours de son interrogatoire, Y déclarait spontanément qu'il avait reçu des menaces de mort de la part de Z qui lui aurait dit par téléphone " j'ai rendez-vous chez le juge, ne racontes pas n'importe quoi "... " tu dis surtout que c'est mon frère qui t'a embauché. Si tu ne fais pas ça, je te préviens, j'ai maître Bijaoui, ça va te couter cher. ". Il précisait également que, selon lui, la commande de Mme A figurant sur le bon de commande du 30 septembre 199 n'était pas affectée d'un crédit dans la mesure où il avait indiqué " zéro mensualité, réglé le jour de la livraison ".

Z était de nouveau entendue par les enquêteurs. Elle déclarait qu'elle avait créé la SARL T, à l'enseigne T, avec son frère en août 1997. Elle confirmait que Y avait été employé comme vendeur dans cette société et qu'il faisait du démarchage, et que X avait été " téléprospecteur " puis démarcheur pour le compte de la société. Z confirmait en outre qu'elle établissait les dossiers de crédits pour les clients et qu'elle se chargeait d'envoyer tous ces documents aux organismes de crédit.

S'agissant de la vente de meubles à la partie civile, elle indiquait que Y avait bien vendu le canapé à celle-ci et reconnaissait qu'elle avait rempli la demande de crédit (" demande de réserve d'argent " ou crédit revolving), mais que la signature figurant au bas de celui-ci était celle de la cliente, Mme A. Elle déclarait qu'elle avait indiqué le montant des revenus mensuels de la victime, soit 6 700 francs, au vu des pièces fournies par celle-ci notamment l'avis d'imposition qu'aurait fourni la partie civile. Elle reconnaissait que X avait déposé le chèque de 19 000 francs, émis par Mme A, sur son propre compte. Elle ajoutait que cette méthode était pratiquée dans sa société.

Les pièces jointes à la demande de crédit ne pouvaient être versées à la procédure, en effet, la société Cofidis indiquait, sur réquisition adressée dans le cadre de l'instruction, qu'aucune autre pièce n'avait été conservée par l'organisme de crédit, à l'exception du contrat original qu'elle adressait.

Interrogée sur le fait que Mme A ait pu souscrire un contrat de crédit alors que le jour même elle émettait un chèque encaissé par X, Z ne fournissait aucune explication logique et se bornait à dire que " les vendeurs peuvent faire ce qu'ils veulent sur place " ; cette dernière affirmation étant en contradiction totale avec les déclarations de Y qui avait précédemment affirmés que c'était elle qui rédigeait de tels actes.

Une confrontation générale était organisée le 12 mai 2006, entre X, Z et Y. X confirmait qu'il avait encaissé le chèque de 19 000 francs émis par la partie civile sur son propre compte, qu'il avait démarché Mme A par téléphone et pour le compte de la société T. Il laissait entendre que c'était bien Z qui gérait de fait la société. En revanche, il ne pouvait fournir aucune explication compréhensible sur le fait que la victime avait signé un contrat de crédit alors qu'elle avait payé comptant.

Y confirmait que Z gérait de fait la société T et que c'était elle qui avait décidé de son embauche et non son frère, W. Il précisait qu'il obéissait aux directives de Z, notamment lorsque à propos du chèque de 19 000 francs celle-ci lui avait dit " tu ne remplis surtout pas l'ordre, on mettra un tampon dessus ".

Z persistait à nier son rôle de gérante et déclarait qu'en réalité elle n'était qu'une simple secrétaire. Interrogée sur le montant très important de sa rémunération annuelle (soit 51 058 euro), comparée à celle, modeste, de son frère W qui était le gérant de droit, elle se bornait à dire qu'elle " faisait un gros boulot ". Elle contestait également avoir menacé Y.

W, demeurant aux Etats-Unis, sans titre de séjour valable, après expulsion de cet Etat, était interpellé dès son arrivée en France. Il indiquait que son séjour aux Etats-Unis, avait débuté en avril 2001. Concernant la société T, il soulignait le rôle prééminent de sa sœur Z et indiquait qu' " elle s'occupait des papiers " et rédigeait les factures. Il mentionnait, toutefois, qu'il était au sein de la société " deux ou trois fois par semaine ", mais qu'il ne prenait aucune décision sans sa sœur.

Au cours de sa fouille, était trouvée une note rédigée par lui, reprenant tous les points litigieux susceptibles d'être abordés lors d'une audition. Il déclarait alors que sa sœur lui avait téléphoné afin de lui dicter ces notes dans le but de recouper ses propres déclarations. W était mis en examen du chef d'abus de faiblesse ou d'ignorance et placé sous contrôle judiciaire. Au cours de son interrogatoire de première comparution, il confirmait l'ensemble des déclarations qu'il avait faites aux enquêteurs.

L'expertise médicale de Mme A permettait à l'expert de conclure que " on peut certainement considérer cette personne comme vulnérable au regard de son âge et sa naïveté. Elle est une proie facile pour le vendeur qui a parfaitement sur mettre à profit sa religiosité pour gagner sa confiance et arriver à ses fins ".

Au terme des investigations conduites par le juge d'instruction, le parquet considérait que les faits reprochés étaient constitutifs d'une infraction pénale et requérait le renvoi de Y, X, Z et W devant le tribunal correctionnel du chef d'abus de faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée ayant souscrit un engagement, prévu et réprimé par l'article 122-8 du Code de la consommation.

Le juge d'instruction rendait pour sa part une ordonnance conforme à ces réquisitions, ordonnait un non-lieu à l'égard des quatre mis en examen des chefs d'escroqueries, faux et usage de faux et les renvoyait devant le tribunal correctionnel du chef d'abus de faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée ayant souscrit un engagement.

Les premiers juges relaxaient les quatre prévenus des fins à la poursuite et après avoir reçu Mme A en sa constitution de partie civile, rejetait au fond ses demandes.

Sur l'existence d'une infraction pénale :

Considérant qu'il sera rappelé que la cour, statuant que le seul appel de la partie civile d'une décision de relaxe, ne pourra prononcer aucune peine à l'encontre des quatre mis en cause, mais devra examiner si les faits qui lui sont délivré constituent une infraction pénale, et statuer, en cas de besoin, sur les intérêts civils.

Considérant qu'il n'est pas contesté que A a été démarchée par téléphone par X, courant septembre 1999, pour le compte de la société T pour l'achat de meubles, qu'ayant manifesté son intérêt, alors qu'elle était désireuse depuis quelques temps de se porter acquéreur d'un canapé, elle a eu la visite d'un premier démarcheur, vraisemblablement V, qu'elle a signé le 14 septembre 1999, un premier bon de commande intitulé offre préalable de vente à crédit, à l'entête de U de l'ameublement, pour l'achat d'un canapé pour un montant de 11 000francs, qu'à la suite de cette visite à son domicile de Y, à deux ou trois reprises, salariés de la société T, elle a signé un second bon de commande, annulant et remplaçant le précédant bon de commande, le 30 septembre 1999, à l'entête de cette société, pour l'achat d'un canapé, d'un fauteuil, d'une table basse, d'un meuble téléphone, pour un montant de 19 000 francs, qu'elle a également signé un formulaire d'une offre de crédit auprès de la société Cofidis, pour un montant de 20 000 francs, ainsi qu'un chèque de 19 000 francs, qui sera encaissé en octobre 1999 par X, la société T lui devant de l'argent au titre de diverses commissions, que les deux bons de commande ont été remplis par les deux démarcheurs concernés et l'offre de crédit par Z, que les meubles commandés ont été livrés à A le 6 octobre 1999, que cette dernière a apposé sur le bon de livraison la mention " montage et livraison conforme " ;

Considérant que le 20 septembre 2001, Mme A a porté plainte avec constitution de partie civile, auprès du doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance d'Evry des chefs de faux, usage de faux, escroquerie et abus frauduleux de la faiblesse d'une personne, alors que par acte du 21 mai 2001, elle était assignée devant le Tribunal d'instance de Palaiseau pour ne pas avoir honoré le paiement des échéances du crédit à la consommation qui lui avait été accordé par la société Cofidis, à la suite de l'offre préalable accepté par Mme A, le 6 septembre 1999 ;

Considérant que le juge d'instruction a rendu une ordonnance conforme aux réquisitions du ministère public, ordonnant un non-lieu, à l'égard des quatre mis en examen , des chefs d'escroquerie, faux et usage de faux et les a renvoyés devant le tribunal correctionnel du seul chef d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée ayant souscrit un engagement ;

Considérant que le délit d'abus de faiblesse incriminé par l'article L 122-8 du Code de la consommation suppose en premier lieu, pour être constitué, l'existence d'un état de faiblesse ou d'ignorance de la victime, préalable à la sollicitation et indépendant des circonstances dans lesquelles elle a été placée pour souscrire l'engagement, qu'en l'espèce, au moment des faits, A était âgée de 66 ans, qu'il résulte du rapport d'expertise médical, effectué en janvier 2003, dans le cadre de la présente procédure, que si Mme A fait montre d'une grande religiosité et d'une certaine naïveté, l'expert n'a pas relevé de difficultés de compréhension particulière sur le plan mental et a constaté que A était cohérente dans son discours, apparaissait en bonne santé et sans handicap physique, qu'il a également relevé que le diabète et l'hypertension dont elle souffrait étaient équilibrés, et n'a noté aucun trouble du jugement, que la partie civile n'a pas sollicité une contre-expertise en cours d'instruction ;

Considérant que le certificat médical produit à l'audience par la partie civile qui décrit un état de faiblesse résultant des conséquences du diabète et d'un accident cardio-vasculaire dont souffre Mme A et décrit des troubles de mémoire, une désorientation temporo-spatiale et des difficultés de compréhension, a été rédigé 9 ans après les faits, alors que la partie civile était désormais âgée de 75 ans, qu'en outre ce document ne précise pas la période à laquelle l'état de santé de cette dernière s'est dégradé et notamment la date de l'accident cardio-vasculaire cérébral dont a été victime Mme A, alors que cet accident n'est pas évoqué dans le rapport d'expertise susvisés et que la partie civile se décrivait alors comme étant " en bonne santé " ;

Considérant dès lors que ce certificat médical ne saurait remettre en cause les constatations effectuées par le docteur Bailay dans le cadre de l'expertise médicale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'état de faiblesse de la partie civile, au moment de la signature par elle des deux bons de commande et de l'offre de crédit auprès de la société cofidis, n'ets pas avéré, que dès lors A était en mesure d'apprécier les conséquences des engagements qu'elle prenait en signant deux bons de commande pour l'achat de meuble et une offre de crédit ;

Considérant au surplus que Mme A a déclaré de façon constante qu'elle souhaitait, depuis quelques temps acheter un canapé mais que ses enfants ne l'emmenaient pas dans les magasins de meubles pour effectuer cet achat, que, selon ses propres déclarations, elle a d'ailleurs dit à l'un des deux démarcheurs, venus à son domicile, qu'elle touchait une petite retraite et qu'elle était donc prête à " donner " 5000 francs chaque mois pour l'achat de ces meubles, qu'il est constant qu'elle a , pour ce faire, signer deux bons de commande, à quinze jours d'intervalle, le seconde annulant le précédent, qu'il s'évince de ses éléments que Mme A n'a pas agi sous la contrainte, qu'il apparaît au contraire des pièce de la procédure, qu'après la livraison, elle a déclaré a Z qu'elle était satisfaite de smeubles livrés, qu'en outre cette dernière n'a porté plainte que deux ans après les faits, alors qu'elle était assignée par la société de crédit Cofidis devant les juridictions civiles en non-paiement des échéances du prêt consenti par cette société ;

Considérant que s'il est constant que quatre personnes, Y, X, Z et vraisemblablement V, ont participé à la vente des meubles à Mme A, les pièces de la procédure ne mettent pas en évidence l'existence de ruse ou d'artifice, utilisés par l'un ou l'autre des protagonistes pour parvenir à la conclusion de cette transaction ;

Considérant, en conséquence, que l'ensemble des éléments susvisés ne permet pas de caractériser l'existence d'une infraction ;

Sur l'action civile :

Considérant que les faits ne constituent pas une infraction pénale, qu'il y a lieu en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la partie civile de ses demandes.

Par ces motifs, LA COUR, - Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, - Reçoit l'appel de A, partie civile, - Constate que les faits qui lui sont déférés ne constituent pas une infraction pénale ; - Confirme le jugement entrepris dans ses dispositions civiles.