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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 25 février 2011, n° 09-12295

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vendrand

Défendeur :

Rôle Patrimoine (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bichard

Conseillers :

Mmes Marion, Guilguet-Pauthe

Avocats :

SCP Grappotte-Benetreau-Jumel, SCP Mira-Bettan

TGI Melun, du 3 mars 2009

3 mars 2009

LA COUR : - Vu le jugement rendu le 3 mars 2009 par le Tribunal de grande instance de Melun qui a:

-débouté la SARL Rôle Patrimoine de ses demandes à l'égard de M. Jacques Vendrand et de M. Etienne Vendrand et l'a condamnée à payer à M. Jacques Vendrand la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts,

-condamné M. Jean-Paul Vendrand à payer à la SARL Rôle Patrimoine la somme de 24 097 euro avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2007 capitalisable dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,

- débouté la société Rôle Patrimoine de sa demande de dommages et intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire,

- partagé les dépens par moitié entre la SARL Rôle Patrimoine et M. Jean-Paul Vendrand,

-condamné M. Jean-Paul Vendrand à payer à la SARL Rôle Patrimoine la somme de 2.000 euro et la SARL Rôle Patrimoine à payer à M. Jacques Vendrand celle de 2.000 euro à titre d'indemnité de procédure;

Vu l'appel formé par M. Jean-Paul Vendrand et ses dernières conclusions déposées au greffe le 18 novembre 2010 par lesquelles il demande à la cour, au visa des articles 54 et 59 de la loi du 31 décembre 1971, des articles L.111-1, L.121-16 et suivants, et L.121-23 et suivants du Code de la consommation, 6, 1116, 1117, 1134, 1135, 1382 du Code civil de :

-réformer le jugement,

Statuant à nouveau,

-dire illicite la " convention d'analyse des impôts directs locaux " et la déclarer nulle et de nul effet,

En conséquence,

-débouter la société Rôle Patrimoine de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

-dire que la société Rôle Patrimoine, par ses réticences et manœuvres dolosives, lui a causé un préjudice dont il est fondé à réclamer réparation,

En conséquence,

-condamner la société Rôle Patrimoine à lui verser, à titre de dommages et intérêts, une somme identique à celle qu'il sera éventuellement condamné à lui régler au titre de la " convention d'analyse des impôts directs locaux ",

A titre infiniment subsidiaire,

-dire manifestement excessif le montant des honoraires facturés et les réduire à un montant raisonnable,

-dire en tout état de cause qu'il ne saurait être tenu de régler une somme supérieure au 1/3 des honoraires de la société Rôle Patrimoine, soit à proportion de sa participation dans " l'indivision Vendrand ",

A titre très infiniment subsidiaire,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ramené le montant de la créance de la société Rôle Patrimoine à la somme de 24 097 euro,

En tout état de cause,

-condamner la société Rôle Patrimoine à lui verser la somme de 4 000 euro HT en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamner la société Rôle Patrimoine aux dépens ;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 27 septembre 2010 par la société Rôle Patrimoine qui demande à la cour, au visa des articles 815-3, 1153 alinéa 4, 1154, 1372 et suivants, 1134 du Code civil, 54 et 59 de la loi du 31 décembre 1971 et " les articles du Code de la consommation invoqués par M. Vendrand " de :

-confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. Vendrand au paiement de ses honoraires avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 juillet 2007 et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts,

-réformer le jugement sur le montant de la condamnation prononcée en principal et, statuant à nouveau,

-condamner M. Vendrand à lui payer la somme de 28 820,01 TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 19 juillet 2007 et capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 du Code civil,

-infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et, statuant à nouveau sur ce chef,

-condamner M. Jean-Paul Vendrand à lui payer la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive dans le paiement de sa créance,

-confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. Jean-Paul Vendrand à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamner M. Vendrand à lui payer la somme complémentaire de 4 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses nouveaux frais irrépétibles,

-infirmer le jugement en ce qu'il partage les dépens par moitié,

-condamner M. Jean-Paul Vendrand aux entiers dépens de première instance et d'appel;

Sur ce, LA COUR :

Considérant que Messieurs Jacques, Jean-Paul et Etienne Vendrand sont propriétaires en indivision d'un immeuble sis [...]; que le 10 décembre 2006, M. Jean-Paul Vendrand a signé avec la société Rôle Patrimoine une " convention d'analyse des impôts directs locaux " et, le même jour, un mandat de représentation pour former toute réclamation auprès des services fiscaux; que la société Rôle Patrimoine a saisi les services fiscaux et qu'en mars 2007, l'administration fiscale a accordé un dégrèvement d'un montant total de 24 097 euro au titre des taxes foncières 2005 et 2006 pour le bien immobilier sis à Melun ; que la société Rôle Patrimoine a facturé sa prestation à hauteur de 28 820,01 euro TTC et a mis Messieurs Jacques et Jean-Paul Vendrand en demeure de lui payer cette somme; que cette mise en demeure étant restée vaine, elle a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Melun Messieurs Jacques, Jean-Paul et Etienne Vendrand en paiement de la somme ci-dessus mentionnée; que le tribunal a statué dans le termes précités ;

Considérant qu'au soutien de l'appel, M. Jean-Paul Vendrand fait valoir que la convention signée entre les parties est nulle dans la mesure où :

- elle porte sur la réalisation de prestations intellectuelles soumises au monopole fixé par les articles 54 et 59 de la loi du 31 décembre 1971,

-aucune des mentions informatives reprises à l'article L. 121-18 du Code de la consommation ne figure sur les documents fournis par la société Rôle Patrimoine et aucun des documents transmis par cette société ne fait mention de l'existence d'un droit de rétractation,

-son consentement a été vicié du fait des réticences et manœuvres dolosives de la société Rôle Patrimoine qui ne l'a pas informé de l'existence de son droit de rétractation et a usé de faux arguments pour l'amener à contracter ;

Considérant que " la convention d'analyse des impôts directs locaux " a été conclue au seul nom de M. Jean-Paul Vendrand qui en est le signataire; qu'aux termes de cette convention, M. Jean-Paul Vendrand a donné mandat à la société Rôle Patrimoine pour analyser les bases de calcul de ses impôts directs locaux au titre, notamment, des immeubles sis [...]; qu'aux termes du mandat de représentation que M. Jean-Paul Vendrand lui a également confié le 10 décembre 2006, cette société a reçu mission de faire toutes réclamations préalables nécessaires devant le service des impôts compétent, relatives aux impôts directs locaux de l'immeuble ci-dessus mentionné ; que sa prestation consistait à vérifier la réalité des surfaces, les caractéristiques des locaux et les calculs effectués par l'administration fiscale concernant les taxes foncières et à procéder, le cas échéant, aux démarches nécessaires à l'obtention d'un dégrèvement ; que ces activités ne sont pas de celles visées par les articles 54 et 59 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Considérant que M. Jean-Paul Vendrand expose que le contrat qu'il a conclu avec la société Rôle Patrimoine est régi par les dispositions applicables à la vente à distance mentionnées aux articles L. 121-16 et suivants du Code de la consommation, que l'article L. 121-18 de ce Code précise que l'offre de contrat doit notamment rappeler l'existence d'un droit de rétractation et que l'article L. 121-19 rappelle que l'existence de ce droit doit faire l'objet d'une confirmation par écrit au moment de l'acceptation définitive de l'offre, qu'à aucun moment du processus de conclusion du contrat, l'obligation d'information précontractuelle mise à la charge du professionnel n'a été respectée de sorte que la nullité du contrat est encourue ; qu'il ajoute que le site internet de la société Rôle Patrimoine fait état d'informations mensongères qui induisent le consommateur en erreur dans la mesure où il peut légitimement croire que les prestations fournies sont gratuites ; qu'il fait valoir que son consentement a été vicié du fait des réticences et manœuvres dolosives de la société Rôle Patrimoine qui d'une part ne l'a pas informé de l'existence de son droit de rétraction, d'autre part a usé de faux arguments pour l'amener à contracter ;

Mais considérant que le défaut d'information quant au droit de rétractation, qui ne constitue pas une réticence dolosive, n'est pas sanctionné par la nullité du contrat ; qu'en pareil cas, le délai de sept jours prévu pour l'exercice du droit de rétractation est porté à trois mois et que M. Jean-Paul Vendrand ne prétend pas avoir exercé son droit de rétractation dans ce délai ;

Et considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour approuve que le tribunal a retenu que M. Jean-Paul Vendrand avait été informé tant du quantum que des modalités de rémunération de la société Rôle Patrimoine ;

Considérant que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du contrat conclu entre les parties ;

Considérant que M. Jean-Paul Vendrand réclame, dans le cas où la demande de nullité de la convention ne serait pas accueillie, paiement de dommages et intérêts "à hauteur des sommes qu'il sera éventuellement amené à régler au titre de ladite convention"; que toutefois, faute d'apporter la preuve d'un lien de causalité entre les manquements reprochés à la société Rôle Patrimoine quant à son obligation d'information précontractuelle et le préjudice allégué, M. Jean-Paul Vendrand doit être débouté de cette demande ;

Considérant, sur le montant des sommes dues, que la convention prévoit que si les résultats de la réclamation formulée auprès des services du cadastre génèrent un remboursement ou une compensation des impôts directs locaux, " une somme égale au montant hors taxes du remboursement accordé et des intérêts moratoires éventuellement obtenus " sera versée à la société Rôle Patrimoine; qu'il est acquis que le dégrèvement obtenu s'est élevé à la somme globale de 24 097 euro ; que la convention ne précisant pas que la rémunération fixée doit s'entendre TVA en sus, la société Rôle Patrimoine ne peut prétendre qu'au versement de la somme de 24 097 euro ;

Considérant que M. Jean-Paul Vendrand, qui a seul contracté avec la société Rôle Patrimoine, ne peut opposer à celle-ci le fait que les prestations qu'elle a réalisées l'ont été pour le compte de l'indivision Vendrand ; que dès lors le jugement qui a condamné M. Jean-Paul Vendrand au paiement de la somme de 24 097 euro, laquelle ne saurait être réduite, doit être confirmé ;

Considérant que M. Jean-Paul Vendrand n'ayant pas résisté abusivement aux demandes formées à son encontre, la société Rôle Patrimoine sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

Considérant, vu l'article 700 du Code de procédure civile , que les dispositions du jugement à ce titre seront confirmées, que M. Jean-Paul Vendrand sera débouté de sa demande sur ce fondement et condamné à payer à la société Rôle Patrimoine la somme supplémentaire de 1 500 euro pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel ;

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a partagé les dépens par moitié entre M. Jean-Paul Vendrand et la société Rôle Patrimoine qui a été déboutée de ses demandes formées à l'encontre de M. Jacques Vendrand et M. Etienne Vendrand ; que les dépens d'appel seront supportés par M. Jean-Paul Vendrand ;

Par ces motifs, LA COUR : - Confirme en toutes ses dispositions le jugement, - Condamne M. Jean-Paul Vendrand à payer à la société Rôle Patrimoine la somme supplémentaire de 1 500 euro pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel, - Rejette toutes autres demandes.