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Décisions

CA Aix-en-Provence, 10e ch., 9 mai 2012, n° 11-00446

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Barbe

Défendeur :

RSI Cote d'Azur
Vente Industrial Factor (Sté)
Axa France Iard (SA)
CPAM du Var

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vannier

Conseillers :

Mmes Bourrel, Tournier

Avocats :

SCP Tollinchi - Vigneron - Tollinchi, Selarl Liberas - Buvat - Michotey, SCP Boissonnet Rousseau

TGI Draguignan, du 8 déc. 2010

8 décembre 2010

Exposé du litige :

Après expertises médicale et technique ordonnées en référé le 9 mars 2005 et dépôt des rapports les 3 janvier 2006 et 18 décembre 2008, Monsieur Barbe, exposant avoir installé en janvier 2003 dans un local artisanal à Tourettes (83), un chauffe-eau électrique de marque Triton, qu'il avait acquis en 1991 auprès de la société Vente Industrial Factor, et avoir été grièvement blessé à la suite de l'explosion de ce chauffe-eau survenue le 7 février 2003, a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Draguignan, par actes d'huissier en date des 28 septembre, 1er octobre et 5 octobre 2009, 17 septembre 2010, la société Vente Industrial Factor, l'assureur de celle-ci la société Axa Assurances Iard, la CPAM du Var et le RSI Côte d'Azur, à l'effet d'obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel.

Par décision en date du 8 décembre 2010, le tribunal a déclaré Monsieur Barbe irrecevable en son action à l'encontre de la société Vente Industrial Factor, l'a condamné aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Vente Industrial Factor la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au motif qu'en application des articles 1386-1 et suivants du code civil, le fabricant du produit étant identifié, l'action en réparation intentée à l'encontre du vendeur non fabricant est irrecevable.

Monsieur Barbe a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration déposée au greffe le 7 janvier 2011.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 6 avril 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et des prétentions, Monsieur Barbe, soutenant notamment que le texte applicable est l'article 1386-7 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi du 19 mai 1998 et non dans celle résultant de la loi du 5 avril 2006 comme retenu par le tribunal, que l'expertise permet de retenir que le chauffe-eau était défectueux, défectuosité sans laquelle l'explosion ne se serait pas produite, que le mode d'emploi du chauffe-eau n'était en outre pas suffisamment clair sur les conséquences d'un branchement incorrect, demande à la cour de réformer la décision déférée en toutes ses dispositions et de :

- dire engagée la responsabilité pleine et entière de la société Vente Industrial Factor,

- condamner la société Vente Industrial Factor à lui payer les sommes suivantes :

° 4 500 euro au titre du déficit fonctionnel temporaire,

° 50 000 euro au titre du déficit fonctionnel permanent,

° 9 000 euro au titre des souffrances endurées,

° 4 000 euro au titre du préjudice esthétique,

° 30 000 euro au titre du préjudice d'agrément,

soit une somme totale de 97 500 euro, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et application de l'article 1154 du code civil,

- condamner la société Vente Industrial Factor aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement de la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions déposées le 22 juin 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et des prétentions, la Sarl Vente Industrial Factor demande à la cour au visa des articles 1386-1 à 1386-13 du code civil, de :

- déclarer irrecevable la procédure en ce qu'elle est engagée à l'encontre de la concluante et non à l'encontre de la société de droit anglais Triton PLC,

- subsidiairement, la déclarer non fondée et débouter Monsieur Barbe de ses demandes,

- plus subsidiairement, minorer les préjudices financiers et condamner la société Axa à garantir la concluante de toutes condamnations en principal, intérêts et frais qui seraient mises à sa charge, 'avec bénéfice de l'exécution provisoire',

- condamner solidairement Monsieur Barbe et la société Axa aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 4.000 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient notamment qu'il n'est pas démontré qu'elle ait vendu l'appareil litigieux, que le branchement de l'appareil était incorrect au regard des normes de sécurité, que l'appareil était localisé dans une pièce non protégée du gel et a également été mal utilisé, causes originelles du sinistre, qu'en outre, la notice était parfaitement précise, de sorte qu'aucune responsabilité ne saurait être retenue à son encontre.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 23 septembre 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et des prétentions, la société Axa France Iard, nouvelle dénomination d'Axa Assurances Iard, demande à la Cour au visa des articles 1386-7 et suivants du code civil, de :

- déclarer irrecevable l'action de Monsieur Barbe à l'encontre de la société Vente Industrial Factor,

- subsidiairement, débouter Monsieur Barbe de son action,

- plus subsidiairement, constater que la concluante assure la société Vente Industrial Factor, importateur, uniquement pour l'activité de négociant, que la garantie ne peut être mise en jeu pour l'activité de fabricant, non déclarée, et débouter la société Vente Industrial Factor de sa demande en garantie,

- condamner tout succombant aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour ceux d'appel.

Elle soutient notamment que la date d'achat du chauffe-eau n'est pas justifiée, date qui permet de déterminer si la législation sur les produits défectueux est applicable et si l'action est prescrite ou non ; subsidiairement, que la responsabilité du producteur doit être écartée eu égard aux conditions d'installation et d'utilisation du chauffe-eau et à l'absence de toute justification quant à l'entretien de l'appareil depuis son acquisition.

La CPAM du Var, assignée à personne habilitée par acte d'huissier en date du 8 avril 2011, et le RSI assigné au siège social par acte d'huissier du même jour, n'ont pas constitué de représentant devant la cour ;

par courrier du 12 avril 2011, la CPAM a avisé la cour que Monsieur Barbe n'était pas affilié auprès d'elle à la date des faits ;

par courrier du 13 avril 2011, le RSI a indiqué à la cour que les prestations versées jusqu'à l'année 2006 étant archivées, sa créance est de 0 euro.

La clôture de la procédure est en date du 20 mars 2012.

Motifs de la décision :

Il sera statué par décision par défaut en application de l'article 474 du code de procédure civile, l'une des parties défaillantes n'ayant pas été assignée à sa personne.

Il est constant que Monsieur Barbe n'a pas été en mesure de produire la facture d'achat du chauffe-eau ;

toutefois, il a versé aux débats une notice d'installation et d'utilisation de celui-ci sur laquelle est mentionnée la date du 20 novembre 1991 ;

il résulte par ailleurs de l'expertise que la société Vente Industrial Factor est le distributeur en France des chauffe-eau de marque Triton et le rédacteur de la notice remise avec ceux-ci.

Il convient en conséquence de retenir que cette date est celle de l'achat et que celui-ci a été effectué auprès de la société Vente Industrial Factor.

Si Monsieur Barbe fait valoir à juste titre que compte tenu de cette date, il ne peut être fait application des articles 1386-1 et suivants dans leur rédaction résultant de la loi du 5 avril 2006, il ne peut en revanche solliciter l'application du texte résultant de la loi du 19 mai 1998 en se référant à la date du sinistre, cette loi étant applicable aux seuls produits dont la mise en circulation est postérieure à son entrée en vigueur, à savoir le 21 mai 1998, ce qui n'est pas le cas du chauffe-eau litigieux.

L'action engagée par Monsieur Barbe à l'encontre de son vendeur doit donc être examinée au regard de l'article 1147 du code civil, mais interprété à la lumière de la Directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985, qui aurait dû être transposée dans le droit interne le 30 juillet 1988 au plus tard, soit avant la mise en circulation du chauffe-eau ;

Il en aurait été en tout état de cause de même, s'il avait été fait application de l'article 1386-7 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi du 19 mai 1998.

Il s'ensuit que Monsieur Barbe en reprochant à son vendeur le défaut de sécurité du produit vendu, alors qu'il a connaissance de l'identité du fabricant, ne peut voir son action prospérer, cette action devant être déclarée irrecevable, la directive susvisée prévoyant une action sur ce fondement à l'encontre du seul fabricant lorsqu'il est connu.

Si la régime mis en place par la directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels la garantie des vices cachés ou la faute, l'action de Monsieur Barbe ne peut pour autant davantage prospérer sur le fondement de la faute qui serait liée à une insuffisance de la notice établie par la société Vente Industrial Factor :

L'expert a souligné de façon pertinente que cette notice était suffisamment claire pour que Monsieur Barbe ait indiqué de lui-même dès le début de l'expertise que l'installation du chauffe-eau n'était pas conforme au manuel d'installation puisque raccordé à un robinet alors qu'il aurait dû être en écoulement libre, que le manuel indiquait que la garantie ne couvrait pas les organes détériorés par un montage non conforme aux instructions, que toute indemnité était exclue même en cas d'accident de personne, que l'attention des utilisateurs était également attirée par des étiquettes en rouge apposées sur l'appareil rappelant les consignes de sécurité

(sur le carter d'habillage de l'appareil, mention de la nécessité d'un entretien régulier de l'accessoire de l'appareil, d'une absence d'utilisation de l'appareil s'il existe un risque qu'il soit gelé, d'une coupure immédiate du courant à l'interrupteur de sécurité si l'eau cesse de couler ; sur le châssis fixé au mur, étiquette enlevée par Monsieur Barbe qui attirait l'attention sur le fait que la sortie de l'appareil agissait comme un trou d'aération et ne devait en aucun cas être connectée à un robinet ou tout autre accessoire non recommandé par le fabricant) ;

Monsieur Barbe ne peut donc reprocher à la société Vente Industrial Factor, l'absence de mention expresse dans la notice d'un risque d'explosion en cas de branchement incorrect : si l'expert a retenu que la cause de l'explosion du chauffe-eau est une utilisation incorrecte du chauffe-eau (non respect notamment de l'écoulement libre de l'eau chaude), couplée au non-fonctionnement d'un organe de sécurité (absence d'éjection de la bille de sécurité), l'attention de Monsieur Barbe avait suffisamment été attirée tant dans la notice que sur les étiquettes qui venaient compléter celle-ci, sur la nécessité de se conformer aux prescriptions et sur la possibilité d'accidents de personne.

Les demandes de Monsieur Barbe à l'encontre de son vendeur ne peuvent donc prospérer ni sur le fondement de l'obligation de sécurité ni sur celui de la faute.

Monsieur Barbe succombant en ses prétentions, doit supporter les dépens tant de première instance que d'appel, dépens dont la définition est donnée par l'article 695 du code de procédure civile.

Il sera débouté en conséquence de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Il n'est pas inéquitable de le condamner sur ce fondement à payer à la société Vente Industrial Factor la somme de 1 800 euro.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par décision rendue par défaut, Confirme la décision du Tribunal de grande instance de Draguignan en date du 8 décembre 2010 en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Déboute Monsieur Barbe de ses demandes en ce qu'elles sont fondées sur la faute. Rejette toutes demandes plus amples ou contraires. Condamne Monsieur Barbe aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Vente Industrial Factor la somme de 1 800 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Déboute Monsieur Barbe de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.