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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 21 janvier 2010, n° 08-07065

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Tomasso

Défendeur :

Ail Immobilier (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valantin

Conseillers :

Mme Calot, M. Regimbeau

Avoués :

SCP Gas, Me Debray - Chemin

Avocats :

Mes Babelana, Luc

TI Ecouen, du 3 juin 2008

3 juin 2008

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par mandat n° 5329 en date du 9 septembre 2007, Mlle Nadège Tomasso a confié à la Sarl Ail Immobilier exerçant sous l'enseigne 'Avis Immobilier' à Viarmes (95) un mandat de vente sans exclusivité portant sur un bien immobilier lui appartenant situé à [...], le prix de vente étant contractuellement fixé à la somme de 119 000 euro incluant une rémunération de 9 000 euro au profit du mandataire à la charge du vendeur.

Le 19 septembre 2007, M. Pierrel signait avec la Sarl Ail Immobilier un mandat de négociation exclusif n° 5339 pour une durée irrévocable de trois mois, contenant offre d'achat du bien litigieux au prix de 104 000 euro incluant la commission d'agence, acceptée et contresignée par Mlle Nadège Tomasso, soit net vendeur, une somme de 95 000 euro.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 septembre 2007, la Sarl Ail Immobilier demandait à Mlle Nadège Tomasso de venir régulariser dans les plus brefs délais le compromis de vente régularisé par M. Pierrel le jour même, lui rappelant la signature du mandat de négociation exclusif signé le 19 septembre 2007.

Cette demande a été transmise à Mlle Nadège Tomasso le 22 septembre 2007 à 19 h 11 par télégramme téléphoné.

Le 24 septembre 2007, Mlle Nadège Tomasso avisait l'agence par LRAR qu'elle dénonçait le mandat n° 5329.

Le 5 octobre 2007, le conseil de la Sarl Ail Immobilier mettait en demeure Mlle Nadège Tomasso de lui régler la somme de 9 000 euro fixée contractuellement aux termes du mandat à titre d'indemnité compensatrice forfaitaire.

Le 17 mars 2008, la Sarl Ail Immobilier a fait citer Mlle Nadège Tomasso devant le Tribunal d'instance d'Ecouen aux fins d'obtenir paiement de la somme de 9 000 euro pour faute dans l'exécution de son mandat.

*****

Le 5 septembre 2008, Mlle Nadège Tomasso a relevé appel du jugement réputé contradictoire rendu le 3 juin 2008 par le Tribunal d'instance d'Ecouen qui a :

- condamné Mlle Nadège Tomasso à payer à la Sarl Ail Immobilier la somme de 1 000 euro à titre de dommages-intérêts avec intérêt au taux légal à compter du 18 octobre 2007

- condamné Mlle Nadège Tomasso à payer à la Sarl Ail Immobilier la somme de 300 euro au titre des frais irrépétibles

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire

- condamné Mlle Nadège Tomasso aux dépens ;

*****

Mlle Nadège Tomasso, appelante, demande dans ses conclusions signifiées le 6 mai 2009, au visa de l'article " I 125-25 " du Code de la consommation, de :

constater que le mandat exclusif ne pouvait en l'espèce trouver application

infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions

constater que la Sarl Ail Immobilier s'est livrée à une exécution pour le moins agressive de la décision dont s'agit

condamner la Sarl Ail Immobilier à lui payer la somme de 2 000 euro à titre de dommages-intérêts et celle de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

*****

La Sarl Ail Immobilier exerçant sous l'enseigne " Avis Immobilier ", par conclusions signifiées le 30 septembre 2009, demande de :

vu les articles 1134 et 1984 du Code civil

la recevoir en son appel incident

condamner Mlle Nadège Tomasso à lui régler la somme de 9 000 euro à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2007

condamner Mlle Nadège Tomasso au paiement de la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 12 novembre 2009.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la nullité du mandat de vente du 19 septembre 2009

Considérant que Mlle Nadège Tomasso soutient que le mandat du 19 septembre 2009 n° 5339 est nul au regard des articles L. 121-25 du Code de la consommation, que ce mandat lui a été adressé par télécopie, qu'il n'existe pas deux exemplaires originaux de ce mandat, que celui-ci n'ayant pas été signé au sein de l'agence, elle devrait bénéficier des dispositions régissant le démarchage à domicile prévoyant un délai de 7 jours pour sa dénonciation, ce qui a été réalisé le 24 septembre 2007, que le mandat ne peut trouver application, ayant été dénoncé dans le délai prescrit ;

Que l'agence réplique que Mlle Nadège Tomasso ne saurait dénier l'accord qu'elle a donné ainsi que la signature qu'elle a portée sur le document intitulé " mandat de négociation exclusif ", qu'il s'agit d'un engagement ferme de sa part dans le cadre d'un avenant au mandat régularisé initialement avec elle, que celle-ci a accepté la réduction du prix, que ce document constitue une acceptation de l'offre formée par M. Pierrel, que la télécopie utilisée comme moyen de communication d'une offre, ne correspond pas à une opération de démarchage, que l'avenant au mandat de vente s'analyse en une vente de biens et fournitures de prestations de services à distance, pratique réglementée par les dispositions des articles L. 121-16 et suivants du Code de la consommation, que l'avenant au mandat transmis par télécopie ne pouvait bénéficier de la faculté de renonciation dans un délai de 7 jours ;

Considérant que par mandat n° 5329 en date du 9 septembre 2007, Mlle Nadège Tomasso a confié à la Sarl Ail Immobilier exerçant sous l'enseigne " Avis Immobilier " un mandat de vente sans exclusivité portant sur un bien immobilier lui appartenant situé à [...], le prix de vente étant contractuellement fixé à la somme de 119 000 euro incluant une rémunération de 9 000 euro au profit du mandataire à la charge du vendeur ;

Que le 19 septembre 2007, M. Pierrel signait avec la Sarl Ail Immobilier un mandat de négociation exclusif n° 5339 pour une durée irrévocable de trois mois, contenant offre d'achat du bien litigieux au prix de 104 000 euro incluant la commission d'agence, acceptée et contresignée par Mlle Nadège Tomasso, soit net vendeur, une somme de 95 000 euro ;

Considérant que le mandat de négociation exclusif en date du 19 septembre 2007, ayant été seulement conclu entre M. Pierrel, le mandant et la Sarl Ail Immobilier, le mandataire, se trouve dépourvu d'effet à l'égard de Mlle Nadège Tomasso par application des dispositions de l'article 1165 du Code civil et le mandat négociation exclusif portant le n° 5339 ne saurait être qualifié d'avenant au mandat de vente du 9 septembre 2007 portant le n° 5329 ;

Que seule l'offre d'achat présentée par l'acquéreur a des effets juridiques à l'égard de Mlle Nadège Tomasso, vendeur, qui l'a acceptée en la contresignant ;

Que la circonstance que Mlle Nadège Tomasso ait accepté l'offre d'achat formulée par l'acquéreur insérée dans le mandat de négociation exclusif, ne transforme pas cette offre, transmise par télécopie par l'agence, au domicile de l'appelante, en une opération de démarchage à domicile soumise aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation ;

Considérant en effet, que l'offre d'achat de M. Pierrel transmise par télécopie par l'entremise de l'agence immobilière, s'analyse en une vente de biens et fournitures de prestations de services à distance, pratique réglementée par les dispositions des articles L. 121-16 et suivants du Code de la consommation, mais exclue de son champ d'application en vertu des dispositions de l'article L. 121-17 3° du Code de la consommation prévoyant que ne sont pas soumis aux dispositions de la présente section, les contrats conclus pour la vente des biens immobiliers ou portant sur d'autres droits relatifs à des biens immobiliers ;

Qu'il s'ensuit que l'offre d'achat transmise par télécopie ne pouvait bénéficier de la faculté de renonciation dans un délai de 7 jours et le moyen tiré de la nullité du mandat de vente du 19 septembre 2009 sera écarté ;

Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges, rappelant la stipulation contractuelle insérée au mandat de vente du 9 septembre 2007, selon laquelle " les biens devront, rémunération du mandataire comprise, être présentés au prix de 119 000 euro sauf accord ultérieur écrit des parties ", ont dit que Mlle Nadège Tomasso avait donné son accord sur un autre prix ;

Considérant en effet, que l'acceptation de l'offre de l'acquéreur par le vendeur le 19 septembre 2007, a noué le contrat, les parties étant d'accord sur la chose et sur le prix, celui-ci fût-il inférieur de 15 000 euro par rapport au prix de vente mentionné dans le mandat (95 000 euro net vendeur au lieu de 110 000 euro) ;

- Sur la responsabilité contractuelle du mandant en vertu des articles 1142 et 1152 du Code civil

Considérant que l'article 1142 du Code civil énonce que " Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur " ;

Considérant qu'il ressort des dispositions d'ordre public de l'article 7 de la loi du 2 janvier 1970 et des articles 72 et 73 du décret du 20 juillet 1972, que l'agent immobilier ne peut demander ou recevoir, directement ou indirectement, aucune autre somme, à titre de rémunération, de commission ou de réparation, que celle dont les conditions sont déterminées par le mandat ;

Que l'article 73 alinéa 2 précise que " Le montant de la rémunération ou de la commission, ainsi que l'indication de la ou des parties qui en ont la charge, sont portées dans l'engagement des parties. Il en est de même le cas échéant, des honoraires de rédaction, d'actes et de séquestre.

Le titulaire de la carte ne peut demander, ni recevoir, directement ou indirectement, des commissions ou des rémunérations à l'occasion de cette opération d'une personne autre que celles mentionnées comme en ayant la charge dans le mandat et dans l'engagement des parties " ;

Que le mandat signé le 9 septembre 2007 prévoit au titre de la rémunération du mandataire : " La rémunération du mandataire dont le montant ou le mode de calcul est indiqué au recto, deviendra exigible le jour où l'opération sera effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit, signé par l'acquéreur et le vendeur " ;

Que l'opération au sens de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, n'ayant pas été effectivement conclue par l'entremise de la Sarl Ail Immobilier, celle-ci ne peut que prétendre à l'attribution de dommages-intérêts en prouvant une faute du vendeur ;

Considérant que la stipulation contractuelle suivante est insérée au contrat de mandat en date du 9 septembre 2007 : 'Clause pénale :De convention expresse et à titre de condition essentielle sans laquelle le mandataire n'aurait pas accepté la présente mission, le mandant (a) s'engage à signer aux prix, charges et conditions convenues toute promesse de vente ou tout compromis de vente, éventuellement assorti d'une demande de prêt immobilier avec tout acquéreur présenté par le mandataire-en cas de non respect des obligations énoncées ci-avant aux paragraphes a, b o ou c, il s'engage expressément à verser au mandataire en vertu des articles 1142 et 1152 du Code civil, une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue ci-avant' ;

Que cette clause pénale a pour objet de faire assurer par le mandant l'exécution de son obligation en contrepartie de celle à la charge du mandataire, d'entreprendre d'une façon générale toutes les démarches nécessaires pour mener bien la mission qui lui est confiée, rappelée au titre I du mandat de vente ;

Que s'agissant de l'évaluation du préjudice subi par la Sarl Ail Immobilier, celle-ci ne démontre pas avoir accompli des diligences particulières en vue du rapprochement des parties, tel que des frais d'annonces publicitaires ;

Que le pouvoir modérateur du juge prévu à l'article 1152 du Code civil, ne doit s'exercer que si la peine convenue est manifestement excessive ;

Qu'en l'espèce, il existe une disproportion manifeste entre le préjudice effectivement subi par l'agence immobilière et le montant conventionnellement fixé ;

Qu'en conséquence, l'évaluation du préjudice subi par le mandataire ne peut correspondre au montant de la rémunération contractuellement prévue (9 000 euro) qui est manifestement excessive au sens des dispositions précitées ;

Qu'il sera alloué à la partie intimée une indemnité compensatrice forfaitaire d'un montant de 3 000 euro ;

Que cette somme sera assortie des intérêts moratoires à compter du jour du prononcé du jugement déféré, sur la somme de 1 000 euro et à compter du présent arrêt pour le surplus, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du Code civil ;

Qu'il sera alloué à l'intimée une indemnité complémentaire en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

- Sur la demande reconventionnelle de Mlle Nadège Tomasso

Considérant que l'appelante fait valoir qu'elle a subi un réel préjudice du fait des procédures d'exécution diligentées malgré l'absence d'exécution provisoire du jugement ;

Mais considérant que l'appelante ne justifie pas avoir transmis à l'agence immobilière sa nouvelle l'adresse en temps utile et s'est gardée de produire la copie de l'acte de vente qu'elle a signé concernant le bien litigieux ;

Que Mlle Nadège Tomasso sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, à l'exception du quantum de la clause pénale, Statuant à nouveau de ce chef, Condamne Mlle Nadège Tomasso à payer à la Sarl Ail Immobilier la somme de 3 000 euro à titre d'indemnité compensatrice forfaitaire de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement déféré, sur la somme de 1 000 euro et à compter du présent arrêt pour le surplus, Y ajoutant, Condamne Mlle Nadège Tomasso à payer à la Sarl Ail Immobilier la somme de 1 300 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande.