Livv
Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 16 novembre 2011, n° 11-00903

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

LC Automobiles (SARL)

Défendeur :

DUARTE (Consorts)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Le Boursicot

Conseillers :

M. Gallais, Mme Boisselet

Avoués :

Me Couppey Leblond, SCP Colin Voinchet Radiguet Enault, Avocats : Mes Brument, Guesdon, SCP Dambry

CA Rouen n° 11-00903

16 novembre 2011

Le 18 novembre 2008, Maxime Duarte a acquis un véhicule d'occasion de marque Volvo modèle XC 90 auprès de la société LC Automobiles, au prix de 19 900 euro, réglé en partie par reprise d'un véhicule immatriculé au nom de Manuel Duarte, son père. Le nouveau véhicule a été immatriculé au nom de Manuel Duarte dans le cadre d'un accord entre eux.

Par acte d'huissier du 5 août 2009, Manuel et Maxime Duarte, agissant conjointement, ont assigné la société LC Automobiles devant le Tribunal de grande instance de Dieppe, afin d'obtenir la résolution de la vente, sur le fondement des articles L. 121-20 et suivants du Code de la consommation s'agissant d'une vente à distance rétractée par lettre recommandée avec avis de réception en date du 22 novembre 2008, et subsidiairement des articles 1116,1641 et suivants du Code civil.

Par jugement du 17 novembre 2010, le Tribunal de grande instance de Dieppe, retenant pour l'essentiel que la faculté de rétractation prévue par l'article L. 121-20 du Code de la consommation n'a pas été exercée dans le délai utile, mais que l'ampleur des défauts non apparents du véhicule ne correspondait pas à un état d'usure mécanique normal et justifiait la mise en œuvre de la garantie des vices cachés, a :

- prononcé, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, la résolution de la vente,

- condamné la société LC Automobiles à restituer à Maxime Duarte la somme de 19 900 euro outre les intérêts au taux légal avec effet à compter du 24 décembre 2008, contre restitution du véhicule vendu,

- condamné la société LC Automobiles à verser en outre à Maxime Duarte les sommes de 1 891,27 euro en réparation de son préjudice matériel, et 750 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La société LC Automobiles en a relevé appel le 16 février 2011.

Dans ses dernières écritures, du 13 septembre 2011, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet des moyens, elle fait valoir que la vente n'est pas une vente à distance dans la mesure où le site "la centrale.fr" n'est qu'un annonceur, et que les défauts présentés par le véhicule étaient soit connus de l'acquéreur, soit couverts par la garantie souscrite lors de la vente, et qu'aucune impropriété à destination n'est caractérisée, puisque les acquéreurs ont continué à se servir normalement du véhicule.

Elle demande donc à la cour de :

- rejeter les demandes de Manuel et Maxime Duarte,

- les condamner à lui payer les sommes de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts, et 3 000 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures, du 27 septembre 2011, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet des moyens, Manuel et Maxime Duarte font valoir que la vente s'est bien conclue par courriel, peu important que la remise du véhicule se soit effectuée quelques jours après. Subsidiairement, ils maintiennent que les désordres présentés par le véhicule, tels que constatés lors de l'expertise amiable, justifient l'annulation de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, peu important que le véhicule ait été utilisé normalement après la vente, puisque de nombreuses et coûteuses réparations ont été nécessaires.

Plus subsidiairement encore, ils exposent que le rapport de contrôle technique du 25 septembre 2008 ne leur a été remis que postérieurement à la vente, ce qui constitue à leurs yeux une réticence dolosive justifiant l'annulation de la vente.

Ils demandent donc à la cour de :

- condamner la société LC Automobiles sur le fondement de l'article L. 121-20 du Code de la consommation à leur rembourser le prix de vente contre restitution du véhicule, avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2008,

- subsidiairement, confirmer la résolution de la vente,

- plus subsidiairement encore, annuler la vente sur le fondement de l'article 1116 du code civil,

- condamner la société LC Automobiles à payer à Maxime Duarte les sommes de 3 651, 57 euro en réparation de leur préjudice matériel, et 500 euro en réparation de leur préjudice de jouissance,

- leur allouer une indemnité de procédure de 3 000 euro.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2011.

SUR QUOI LA COUR :

Sur l'application des articles L. 121-16 et suivants du Code de la consommation :

Ce texte dispose que les dispositions protectrices des articles L. 121-16 à 20-5 s'appliquent à toute vente conclue sans la présence physique simultanée des parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs technique de communication à distance. Or, en l'espèce, s'il est vrai que les parties sont entrées en contact à l'aide d'un site internet dédié à la mise en relation entre vendeurs et acquéreurs notamment d'automobiles, la vente ne s'est définitivement formée que lors de la rencontre physique entre les parties qui a eu lieu lors de la remise du paiement et du véhicule mégane repris par LC Automobiles, ainsi que des documents administratifs nécessaires à la réimmatriculation des deux véhicules, seule une réservation étant opérée avant cette rencontre, avec l'envoi postal d'un chèque d'acompte de 500 euro.

Le Tribunal a par ailleurs justement observé qu'à supposer applicables les textes ci-dessus cités, la lettre recommandée du 22 novembre 2008 ne pouvait valoir exercice du droit de rétractation, puisque son objet premier tendait à voir prendre en charge des réparations sur le véhicule, et ne visait l'annulation de la vente que dans l'hypothèse d'un refus du vendeur de s'exécuter.

Le jugement sera donc confirmé sur le rejet de la demande sur ce fondement.

Sur la demande au titre de la garantie des vices cachés :

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue la rendant impropre à l'usage auquel elle est destinée ou qui en diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

En l'espèce le véhicule, sorti d'usine le 12 juin 2003, avait un kilométrage de 150 010 km (moteur diesel). L'acquéreur a souscrit une garantie de six mois couvrant le remplacement de certaines pièces et la main d'œuvre correspondante.

Dès le 22 novembre 2008, l'acquéreur s'est plaint auprès de son vendeur de divers désordres sur le véhicule, à savoir une usure excessive des disques de freinage, un support moteur fissuré, l'absence de remplacement de la pompe à eau lors du changement du kit de distribution, et des difficultés au démarrage qu'il a imputées à la batterie. Il a sollicité le 7 décembre 2008 une résolution de la vente à l'amiable qui lui a été refusée, LC Automobile offrant cependant par courrier du 23 janvier 2009 de prendre une partie des réparations souhaitées à sa charge. Cependant Maxime Duarte a maintenu par courrier du 27 janvier 2009 sa demande de résolution amiable, consistant en la restitution pure et simple du véhicule et de son prix de vente, augmenté des frais de remplacement des bougies de préchauffage (135 euro), offre qui n'a pas été acceptée.

Le véhicule est tombé en panne le 13 février 2009, le démarreur étant hors d'usage et le volant moteur étant également endommagé, ce qui a entraîné l'immobilisation du véhicule pendant 44 jours, Maxime Duarte acceptant de financer pour compte de qui il appartiendra la remise en état de 1 648 euro pour pouvoir reprendre le véhicule et limiter son immobilisation, la garantie souscrite ne couvrant que le démarreur proprement dit, soit le tiers de la réparation. L'expertise amiable diligentée le 26 mars 2009 par l'assureur de Maxime Duarte, la Macif, en présence d'un expert missionné par LC Automobiles, et d'un troisième expert, assistant les consorts Duarte, a confirmé que le démarreur avait présenté une anomalie ayant entraîné l'usure de la couronne du volant moteur, que les disques de freins avant étaient également usés, que le support moteur supérieur était à changer, que l'un des injecteurs n'était pas conforme et que la pompe à eau n'avait apparemment pas été remplacée lors du changement de la distribution, ceci malgré la facture produite par LC Automobile.

L'observation de l'expert selon laquelle "les difficultés de démarrage signalées dès l'origine par Monsieur Duarte, comme une éventuelle faiblesse de batterie devaient, très certainement, avoir un lien avec le germe de l'anomalie du démarreur' n'a donné lieu à aucun commentaire de LC Automobiles.

Il est ainsi démontré que l'anomalie présentée par le démarreur était préexistante à la vente, tout comme l'usure des disques de freins relevée par l'expert, puisque le contrôle technique préalable à la vente le mentionne.

La panne de démarreur, résultant d'une anomalie dont l'antériorité à la vente est établie, a bien eu pour effet de rendre le véhicule impropre à son usage puisqu'il a été immobilisé jusqu'à réparation. Le fait qu'il se soit agi d'un véhicule d'occasion présentant un kilométrage important, même pour un véhicule diesel n'ôte pas à ce défaut son caractère rédhibitoire, tant parce qu'il fait obstacle à toute utilisation du véhicule que parce qu'il engendre une réparation importante, étant en outre rappelé que l'essentiel de l'argumentaire commercial de LC Automobile consiste à mettre en avant le fait qu'elle commercialise des véhicules entièrement révisés et réparés dans les règles de l'art, ce qui n'avait manifestement pas été fait en l'espèce. Il est également indifférent qu'après cette réparation, les consorts Duarte aient pu utiliser normalement le véhicule, au prix cependant de nouvelles réparations.

Le jugement sera donc confirmé sur la résolution de la vente, et la condamnation de la société LC Automobiles à restituer le prix de vente, étant cependant précisé que les intérêts au taux légal courront à compter de l'assignation seulement, soit du 5 août 2009.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Le principe de la résolution de la vente étant confirmé, LC Automobiles sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

En revanche Maxime et Manuel Duarte sont bien fondés à réclamer le remboursement des frais de réparations exposés sur le véhicule dont ils justifient, et qui dépassent son entretien normal, à hauteur de 3 071 euro compte tenu de la prise en charge partielle de la réparation du 31 mars 2009 au titre de la garantie. L'immobilisation du véhicule a été justement réparée par l'indemnité allouée par le tribunal à défaut de toute pièce produite sur ce point par les consorts Duarte. Leurs demandes intéressant les frais correspondant à l'entretien normal du véhicule, telles que les révisions, changement de pneus et de disques de freins et contrôle technique qui constituent la contrepartie de l'usage du véhicule à titre gratuit, compte tenu de la résolution prononcée, seront rejetées.

Sur les autres demandes :

LC Automobiles, qui succombe en son recours supportera les dépens d'appel, ainsi qu'une indemnité complémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile que l'équité conduit à fixer à la somme de 1 000 euro.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris sur la résolution de la vente, la restitution réciproque du véhicule et du prix de vente et l'indemnité allouée au titre de la perte de jouissance du véhicule pendant 44 jours, sauf à préciser que le prix de vente portera intérêts au taux légal à compter du 5 août 2009, Réformant partiellement, condamne également la société LC Automobiles à rembourser aux consorts Duarte la somme de 3 071 euro au titre des frais de réparation du véhicule, Rejette le surplus des demandes au fond, Confirme le jugement sur les dépens et l'indemnité de procédure de première instance, Condamne la société LC Automobiles à payer aux consorts Duarte la somme complémentaire de 1 000 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile, La condamne également aux dépens d'appel, avec recouvrement direct au profit des avoués de la cause.