CA Lyon, 6e ch., 21 avril 2011, n° 10-02408
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Balengo
Défendeur :
SFR (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mathieu
Conseillers :
Mmes Guigue, Collin-Jelensperger
Avoués :
SCP Aguiraud - Nouvellet, SCP Baufume - Sourbe
Avocats :
Mes Galichet, Semmel
Le 13 décembre 2002, Monsieur Ngub Malinga Balengo a souscrit un contrat de téléphonie et internet avec la SA Neuf Cegetel aux droits de laquelle est actuellement la société SFR, pour les lignes fixes de son cabinet médical, en dégroupage partiel.
Du 28 décembre 2007 au 8 janvier 2008, le cabinet médical s'est trouvé privé de tout moyen de communication téléphonique à la suite du dégroupage de la ligne téléphonique de Monsieur Balengo par la société Neuf Cegetel.
Monsieur Balengo a exposé qu'il avait demandé le dégroupage total le 18 décembre 2007, mais que le lendemain, le 19 décembre 2008, il avait annulé cette demande; il soutient que l'opérateur aurait dû respecter un délai de rétractation de sept jours avant de satisfaire à sa demande du 18 décembre 2007.
L'opérateur téléphonique a exposé que la souscription à une nouvelle offre de dégroupage total avait été faite par téléphone le 20 décembre 2007, après que Monsieur Balengo se soit renseigné, le 18 décembre 2007; que la demande a été faite à France Télécom le 26 décembre 2007, demande exécutée le 28 décembre 2007, ce qui a entraîné la coupure de la ligne. Il dénie qu'il y ait eu une rétractation.
Monsieur Balengo a alors résilié son abonnement le 28 décembre 2007 et l'opérateur téléphonique a procédé à la résiliation administrative de l'abonnement.
Une facture a été émise pour la somme de 175,81 euro pour la période du 14 décembre 2007 au 13 février 2008.
Par une mise en demeure du 26 février 2008, la société Neuf Télécom a demandé le paiement sous peine de suspension, alors que la facture était payable avant le 11 mars 2008.
Par un acte d'huissier en date du 3 octobre 2008, Monsieur Balengo a assigné la société Neuf Cegetel devant le Tribunal d'instance de Montbrison, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ; pour obtenir la condamnation de cette société à lui payer les sommes suivantes:
- 6 300 euro à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi outre intérêts au taux légal à compter du 1er février 2008, date de la mise en demeure,
- 1 500 euro à titre de préjudice moral,
- 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Neuf Cegetel a formé une demande reconventionnelle en paiement de la facture du 20 août 2008 d'un montant de 127,50 euro et d'une somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, demandes auxquelles Monsieur Balengo s'est opposé. Elle déniait toute responsabilité, et exposait que le dégroupage entraîne nécessairement une interruption de la ligne.
Par un jugement en date du 25 février 2010, le tribunal a rejeté toutes les demandes, et faisant masse des dépens, a dit que ceux-ci seront supportés par moitié par chacune des parties.
L'appel de Monsieur Balengo est du 2 avril 2010.
Vu les conclusions de Monsieur Balengo en date du 9 novembre 2010 tendant à l'infirmation du jugement. Monsieur Balengo demande qu'il soit jugé qu'il s'est rétracté de sa demande de dégroupage total le 19 décembre 2007 et que le contrat a été résilié le 28 décembre 2007.
Il demande la condamnation de la société Neuf Télécom à lui payer les sommes demandées en première instance, sauf à élever le préjudice moral à la somme de 2 000 euro et les frais irrépétibles à la somme de 3 500 euro. Il propose un décompte aux termes duquel, il ne doit aucune somme à l'opérateur téléphonique.
Vu les conclusions de SFR en date du 25 octobre 2010 tendant d'une part au rejet des pièces 25 et 26 non communiquées, d'autre part, principalement à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Monsieur Balengo de ses demandes, et reconventionnellement à la condamnation de Monsieur Balengo à lui payer la somme de 106,92 euro au titre de la facture du 20 août 2008 et celle de 1 600 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose que l'opération de dégroupage est effectuée par France Télécom à la demande du nouvel opérateur lorsque ce dernier dispose d'un mandat de dégroupage.
DISCUSSION
SUR L'INCIDENT DE COMMUNICATION DE PIECES
La société SFR demande que soient écartées des débats les pièces 25 et 26 de l'appelant. Aucune pièce portant ces numéros n'étant communiquées aux débats, l'incident sera rejeté.
LES FAITS
Le coût de l'abonnement de Monsieur Balengo avant le 18 décembre 2007, et de 46 euro TTC.
La fiche appel client du 18 décembre 2007 a enregistré HLC-modification inscription abonnement à 21H 44:43.
La fiche du traitement de la demande note la création le même jour à la même heure avec l'indication " modifiée 20/12/2007 8H 11:43 ".
La fiche : souscription à l'offre 100% neuf box (NEUF tv HD + ligne) à 29,90 euro mois, par téléphone au service clientèle neuf, le 20 décembre 2007.
Il est ainsi établi que la souscription non contestée à neuf box est du 18 décembre 2007 et qu'elle a été prise en charge le 20 décembre 2007 sous le N° de dossier AEFOC-20073521-3196194872.
La pièce 5.4.2 atteste de l'activation de la demande du 28 décembre 2007 et de la commande du 26 décembre au titre du dégroupage Total, satisfaite au 28 décembre 2007, qui a entraîné la coupure de la ligne. La société France Télécom confirme par un courrier du 26 décembre 2007 qu'elle a mis en œuvre le dégroupage total de la ligne.
Le dossier a été traité le 30 décembre 2007, activation le 30 décembre 2007 et suppression, 2 et 3 janvier 2008.
La fiche du service de résiliation appel du client est du 28 décembre 2007 16H 51 01. Monsieur Balengo a signé le 28 décembre 2007, sur un imprimé France Télécom la demande de résiliation du dégroupage total par laquelle le client reconnaît avoir noté que la signature entraîne la résiliation de l'ensemble des services souscrits auprès de l'opérateur concerné.
La fiche " suppression de l'abonnement 100% neuf box + tel illimitée + option de ligne " mentionne la demande de suppression de cet abonnement, avec le traitement au 2 janvier 2008, confirmé le 3 janvier 2008. Une fiche mentionne : " envoi d'un courrier de confirmation de prise en compte de la résiliation ADSL et téléphone au 2 janvier 2008 ".
La fiche contenant l'ordre de service pour la suppression note l'entrée le 2 janvier 2008 et la suppression effectuée le 3 janvier 2008.
Il résulte des courriers de France Télécom des 3 et 7 janvier 2008 que faute d'équipements disponibles au central où devait être rattachée la ligne, l'installation ne pourra être réalisée.
Il résulte du document 'offre d'accès à la boucle locale de France Télécom que " si pour une liaison ou une sous liaison donnée, une commande a été prise en compte, tant que son traitement n'a pas abouti (soit à une livraison effective, soit à son rejet final), aucune autre commande portant sur cette liaison ou cette sous liaison ne pourra être prise en compte) ".
Aucune pièce du dossier ne rapporte la preuve de ce que Monsieur Balengo s'est rétracté le 19 décembre de la souscription de l'offre 100 % neuf box le lendemain de la souscription.
La ligne téléphonique de Monsieur Balengo a été rétablie le 8 janvier 2008.
LE DELAI DE RETRACTATION
La lettre de Neuf en date du 21 décembre 2007, postée le 28 décembre 2007, confirme la prise en compte de la commande qui est en cours de traitement. Elle mentionne après la formule de politesse en petits caractères :
INFORMATIONS LEGALES:
" Vous disposez, conformément aux dispositions de l'article L. 121-20 du Code de la consommation, d'un délai de sept (7) jours francs à compter de l'acceptation de l'offre sur internet ou par téléphone, pour exercer votre droit de rétractation en adressant au service clientèle Neuf un courrier recommandé avec accusé de réception faisant état de l'exercice de votre droit de rétractation... "
Les dispositions relatives aux ventes de biens et fournitures de prestations de services sont applicables.
L'article L. 121-18 prévoit une offre de contrat et en l'espèce il s'agissait d'une offre 100 % neuf box.
L'article L. 121-19 prévoit que le consommateur doit recevoir par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition, en temps utile et au plus tard au moment de la livraison, notamment la confirmation des informations contenues à l'offre, une information sur les conditions et les modalités d'exercice du droit de rétractation.
Ce courrier a été expédié le 28 décembre 2007.
Or, si pour les contrats de prestations de services le délai court à compter de l'acceptation de l'offre, il est reporté au jour où le consommateur a eu connaissance de l'acceptation de l'offre et des informations prévue prévues par l'article L. 212-19. Le défaut de communication de ces informations aura des effets sur le point de départ du délai.
La société Neuf Cegetel ne pouvait en conséquence pas exécuter la souscription à l'offre 100 % neuf box avant l'expiration du délai de rétractation.
Que l'on prenne comme point de départ du délai de rétractation, le 18 décembre 2007, comme le fait Monsieur Balengo ou la réception de l'information, la société Neuf Cegetel n'aurait pas dû exécuter la demande de Monsieur Balengo dès le 20 décembre 2007.
De ce manquement découle la demande prématurée à France Télécom et la coupure de la ligne.
Monsieur Balengo est en conséquence fondé à demander à être indemnisé du préjudice qui lui a ainsi été causé.
La coupure a été effective du 28 décembre 2007 au 8 janvier 2008. Pour établir son préjudice, Monsieur Balengo produit cinq attestations de patientes qui attestent n'avoir pas pu joindre leur médecin. Il produit le grand livre général de l'année 2007 et sa déclaration de revenus 2007.
Or, s'agissant d'une période de fin d'année, le 28 décembre 2007 est un vendredi, le 1er janvier 2008 étant un mardi, la perte éventuelle de revenus doit pouvoir s'apprécier au vu de documents objectifs, agendas, carnet de rendez-vous, fermeture éventuelle du cabinet médical pour les fêtes de fin d'année.
Par ailleurs, en sa qualité de médecin gynécologue obstétricien, Monsieur Balengo doit pouvoir être joint à tout moment, ce qui implique qu'il dispose d'une téléphonie mobile.
Ces éléments permettent d'évaluer le préjudice matériel et moral subi à la somme de 1 000 euro, somme à laquelle sera condamnée la société SFR. S'agissant d'une indemnité fixée au jour de l'arrêt, il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une condamnation au paiement d'intérêts au taux légal à compter du 11 février 2008.
SUR L'APPEL INCIDENT EN PAIEMENT DE LA SOMME DE 106,92 EUROS EN PAIEMENT DE LA FACTURE DU 20 AOUT 2008.
La société SFR demande le paiement de la facture de clôture du compte.
Monsieur Balengo présente un compte établi en appliquant notamment lui-même un prorata de l'abonnement résilié.
<EMPLACEMENT TABLEAU>
Monsieur Balengo sera en conséquence condamné à payer la somme de 47,02 euro.
SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait masse des dépens et dit que ceux-ci seront supportés par moitié par chacune des parties.
La société SFR qui succombe principalement sur l'appel de Monsieur Balengo, sera déboutée de ses demandes à ces titres et sera condamnée à payer à ce dernier la somme de 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, infirme le jugement en toutes ses dispositions. Condamne la société SFR à payer à Monsieur Ngub Malinga Balengo la somme de mille euro (1 000,00 euro) à titre de dommages intérêts. Condamne Monsieur Ngub Malinga Balengo à payer à la société SFR la somme de 47,02 euro. Condamne la société SFR à payer à Monsieur Ngub Malinga Balengo la somme de 1 500,00 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance et d'appel distraits au profit de la SCP Aguiraud-Nouvellet, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.