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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 21 janvier 2011, n° 09-05467

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Chhor
Sochon

Défendeur :

Allo Cuisines (SARL)
JPC Cuisines (Sté)
AD Cuisines et Bains Nemours (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

Mme Beaudonnet, M. Schneider

Avoués :

SCP Menard - Scelle - Millet, Me Huyghe

Avocats :

Mes Schneider-Macou, De Vaugelas-Gougeon

TGI Paris, 4e ch. section 1, du 8 déc. 2…

8 décembre 2008

Le 29 avril 2007, Mme Sochon et M. Chhor ont commandé une cuisine équipée sur le stand Arthur Bonnet à la foire de Paris pour un prix de 16 000 euro, et ont versé un acompte de 4 800 euro. Cet achat a été effectué sans crédit accordé par le vendeur.

Le 5 mai 2007, ils ont adressé à la société AD Cuisines & Bains Nemours un courrier de rétractation, indiquant annuler leur commande conformément à l'article L. 121-20 du Code de la consommation et demandant restitution de l'acompte versé.

L'acompte n'ayant pas été restitué, Mme Sochon et M. Chhor ont assigné la société JPC Cuisines, la société AD Cuisines & Bains Nemours et la société Allo Cuisines afin de faire prononcer la nullité de la vente pour dol et d'obtenir le remboursement de la somme de 4 800 euro.

La société Allo Cuisines, seule constituée, a conclu à l'irrecevabilité et au rejet des demandes, à l'exécution forcée du contrat et au paiement du solde du prix.

Par le jugement entrepris, du 8 décembre 2008, le Tribunal de grande instance de Paris a dit Mme Sochon et M. Chhor irrecevables en leurs demandes et les a rejetées.

Vu les dernières écritures, du 25 mai 2010, par lesquelles Mme Sochon et M. Chhor, appelants, sollicitent la nullité du contrat pour dol, le remboursement de l'acompte et la somme de 5000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 4 octobre 2010, la société Allo Cuisines sollicite l'exécution forcée du contrat, et à défaut entend conserver l'acompte versé et obtenir paiement du solde du prix soit la somme de 11 200 euro à titre de dommages-intérêts outre 5 000 euro au titre de l'article 700 CPC.

La société JPC Cuisines et la société AD Cuisines & Bains Nemours n'ont pas constitué ;

SUR CE

Sur la recevabilité

Considérant que le bon de commande signé par Mme Sochon et M. Chhor est à l'en-tête " Arthur Bonnet " ; que ce signe non précédé de la mention d'une société et non assorti d'une adresse, est utilisé à titre de marque ou d'enseigne ; qu'est annexé au bon de commande un document à l'en-tête " Arthur Bonnet, cuisines et bains ", sans précision d'adresse, mentionnant que les dossiers et poses sont répartis auprès de trois sociétés indépendantes concessionnaires de la marque " Arthur Bonnet " qui s'engagent à la bonne exécution du contrat de vente ; qu'à la fin de la foire de Paris, le concessionnaire responsable de leur projet les contactera et que " les 3 concessionnaires-revendeurs Arthur Bonnet sont représentés ci-joints : suivent les cachets des sociétés Allo Cuisines, Arthur-Bonnet JPC Cuisines et AD Cuisines & Bains Nemours ; que Mme Sochon a versé un chèque d'acompte à l'ordre de 'Arthur Bonnet ";

Que le 5 mai 2007, Mme Sochon et M. Chhor ont écrit à la société AD Cuisines & Bains Nemours, dont ils avaient rencontré le représentant, M. Alves Manuel, à la foire de Paris que le délai de 7 jours n'était pas expiré et qu'ils entendaient se rétracter ;

Que, parallèlement, par courrier du 10 mai 2007, la société Allo Cuisines, après les avoir remerciés d'avoir choisi la marque Arthur Bonnet, leur a indiqué être concessionnaire de la marque depuis 30 ans et prendre en charge leur projet ;

Considérant que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, ni le bon de commande ni son annexe, qui mentionnent les termes " Arthur Bonnet " ou " Arthur Bonnet, cuisines et bains " ne font référence à une société Arthur Bonnet ; qu'aucune identification d'une telle société (dénomination, adresse, statut juridique....) n'est mentionnée sur ces documents ;

Considérant que les conditions générales annexées au bon de commande rappellent que ledit bon est un document sur lequel sont portés entre autres informations identifiant l'entreprise (enseigne, dénomination sociale, adresse, numéro téléphone, fax, site Web, statut juridique...) les noms et signature du vendeur ; qu'en l'espèce seules les trois sociétés concessionnaires-revendeurs Arthur Bonnet assignées sont identifiées dans le bon de commande ;

Qu'il convient par conséquent, infirmant le jugement, de dire recevables les demandes des appelants dirigées contre les trois sociétés concessionnaires ;

Au fond

Considérant que les appelants invoquent la nullité du contrat du 29 avril 2007 pour dol ; qu'ils soutiennent que le cuisiniste a abusé de leur confiance légitime pour les tromper, leur proposant une remise valable uniquement le jour même et affirmant qu'ils disposaient d'un délai de rétractation de sept jours, ce que les conditions générales de vente laissaient penser ; qu'ils ont été " piégés " par ce professionnel qui n'a pas fait preuve de loyauté dans la conclusion du contrat ;

Mais considérant que s'il apparaît sur le bon de commande qu'une remise a été consentie, aucun élément ne démontre que cette remise a été indiquée comme n'étant possible que le 29 avril 2007 ; que c'est en outre sans preuve que les appelants soutiennent que le vendeur leur a affirmé qu'ils disposaient d'un délai de rétractation de sept jours ; que les appelants n'établissent pas que le vendeur ait fait preuve de déloyauté et non d'une simple persuasion professionnelle ;

Considérant que M. Chhor et Mme Sochon ne peuvent soutenir avoir cru disposer d'un délai de rétractation prévu par l' article L. 121-21 du Code de la consommation en cas de démarchage à domicile alors qu'ils se trouvaient à la foire de Paris qui n'est pas un lieu non destiné à la commercialisation ou de ce même délai prévu par l'article L. 121-20 du même Code pour les ventes à distance, ce qui ne peut être le cas d'une vente conclue sur un stand en présence des parties ;

Qu'ils peuvent d'autant moins soutenir avoir légitimement pu croire à l'existence d'un tel délai de rétraction que :

- d'une part, les dispositions de l'article 5 des conditions générales de vente rappellent que 'Conformément à l'article 1583 du Code civil, le contrat est conclu dès lors qu'il y a rencontre des volontés respectives du vendeur et du client consommateur sur la marchandise et sur le prix. Le versement d'un acompte sert de preuve complémentaire pour démontrer cette rencontre de volonté et ainsi la conclusion du contrat. Chacun des contractants est tenu de respecter ses engagements. Le client consommateur ne peut revenir sur son engagement que dans les conditions déterminées par le Code de la consommation ; que cette clause attire l'attention sur le caractère ferme de la vente sans que la mention renvoyant au Code de la consommation affirme l'existence d'un délai de rétractation ;

- d'autre part, les tickets comme les invitations d'entrée à la foire rappellent que les achats effectué sur la foire de Paris, à l'exception de ceux faisant l'objet d'un crédit à la consommation, ne sont pas soumis aux dispositions relatives au délai de rétractation de sept jours du Code de la consommation ;

Considérant que les appelants ne rapportent pas la preuve de manœuvres pratiquées par le vendeur telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, ils n'auraient pas contractés ; que M. Chhor, directeur des Alliances et Mme Sochon, gérante de société, n'établissent pas davantage s'être trouvés dans une situation de faiblesse dont il aurait été abusé ;

Qu'ils doivent être déboutés de leur demande tendant à la nullité pour dol du contrat et par conséquent de toutes leurs demandes ;

Considérant que la société Allo Cuisines sollicite à titre principal l'exécution forcée du contrat ; que, compte tenu du délai écoulé au cours duquel les appelants ont contracté avec un autre fournisseur, l'exécution n'est pas possible ;

Considérant que, du fait de la résolution du contrat par M. Chhor et Mme Sochon, la société Allo Cuisines est fondée à obtenir des dommages-intérêts ; que la société Allo Cuisine soutient que le préjudice résultant pour elle de l'inexécution du contrat s'élève au montant du prix de vente des éléments matériels et agencements de la cuisine car, à l'issue de la foire, les contrats conclus sont répartis entre les trois revendeurs et qu'en l'absence de réalisation du contrat, elle subit un manque à gagner ; qu'elle sollicite à titre de dommages-intérêts la somme totale de 16 000 euro TTC par conservation de l'acompte (4 800 euro) et paiement du solde du prix convenu (11 200 euro) ;

Considérant qu'au vu du bon de commande et compte tenu du fait que la résolution imputable aux appelants est intervenue quelques jours après la signature du contrat avant prise des cotes et commencement d'exécution par l'intimée, le préjudice subi par cette dernière doit être évalué à la somme de 2 000 euro ;

Qu'il convient donc, après compensation, de condamner la société Allo Cuisine qui reconnaît avoir perçu l'acompte de 4 800 euro, à payer aux appelants la somme de 2800 euro ;

Considérant que l'équité ne conduit pas à faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement ; Statuant à nouveau, Dit recevables les demandes de M. Chhor et Mme Sochon ; Condamne la société Allo Cuisines à payer à M. Chhor et Mme Sochon la somme de 2 800 euro ; Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ; Condamne in solidum la société Allo Cuisines, la société JPC Cuisines et la société AD Cuisines et Bains Nemours aux dépens.