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Décisions

CA Rouen, ch. corr., 20 juillet 2011, n° 10-01583

ROUEN

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boisseau

Conseillers :

Mmes Martin, Poitou

Avocat :

Me Dauge

TGI Dieppe, du 22 juin 2010

22 juin 2010

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

A la requête du ministère public, la SCEA X a été citée à comparaître devant le Tribunal correctionnel de Dieppe siégeant le 27 avril 2010, selon exploit d'huissier de justice délivré le 25 février 2010 à la personne de son cogérant, Y.

Elle était prévenue d'avoir à Saint-Michel d'Halescourt, Villiers-sous-Foucarmont, Dieppe, entre le 9 janvier 2008 et le 8 septembre 2008, en tous cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non contrat, trompé ou tenté de tromperies consommateurs et commerçants, et notamment la société Maison Brun et la société Dieppe Dis, sur la nature, l'espèce, les qualités substantielles, la composition, la teneur en principes utiles de marchandises, en l'espèce de 1008 bouteilles de cidre à 6 %, 288 bouteilles de cidre étiqueté " extra brut 6 % ", 192 bouteilles de cidre étiqueté " cidre doux 3 % médaille d'argent Paris 08 ", alors que :

- l'analyse du cidre doux révélait un taux d'alcool compris entre 3,88 % et 4,02 %, supérieur et non conforme au taux légal autorisé,

- l'analyse du cidre étiqueté à 6 % révélait un taux réel de 4,76 %, non conforme au taux légal permettant cet étiquetage,

- le terme extra brut n'est pas légalement autorisé pour le cidre,

Faits prévus et réprimés par les articles L. 213 -1, L. 213 -6 alinéa un du code de la consommation, 121-2, 131 38,131-392° à 9° du code pénal.

DECISION :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme,

Régulièrement citée à comparaître devant la cour siégeant le 26 mai 2011 par acte d'huissier de justice, la SCEA X comparaît en la personne de son cogérant Y, assisté de son avocat.

Il sera donc statué par arrêt contradictoire.

Au vu des énonciations qui précèdent et des pièces de la procédure, l'appel interjeté par le procureur de la République dans les formes et délai des articles 498 et suivants du code de procédure pénale, est régulier et recevable.

Au fond :

I- Les faits

Il résulte de la procédure les faits suivants :

Aux termes d'un procès-verbal clos le 17 février 2009, l'inspecteur de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la Haute Normandie constatait à la suite de prélèvements réalisés sur les bouteilles de cidre stockées en vue de la vente dans les locaux de la SCEA X le 9 janvier 2008, et réalisés le 2 juin 2008 sur les bouteilles de cidre vendus le 7 avril 2008 à la société maison Brun, et sur les bouteilles vendues à la société Dieppe Dis exploitant un centre Leclerc que :

- la mention " extra brut " figurant sur les bouteilles étiquetées " Z1 6 % " parmi les bouteilles détenues en vue de la vente, ne pouvait être utilisée car non prévue par la réglementation fixée par le décret du 30 septembre 1953 relatif à la teneur en sucre du produit, de nature à créer une confusion sur les caractéristiques et les qualités de ces cidres, dans l'esprit de l'acheteur et du consommateur,

- le titre alcoométrique des cidres doux parmi les bouteilles détenues en vue de la vente le 9 janvier2008 et les bouteilles vendues le 30 avril 2008 à la société Dieppe Dis était respectivement de 3,88 % vol. et de 4,02 % vol. alors que la réglementation dispose que la dénomination cidre doux est réservée au cidre présentant un titre alcoométrique volumique acquis à 20° C. au plus égal à 3 %, correspondant à une non-conformité de la marchandise à l'étiquetage,

- le titre alcoométrique volumique acquis de 6 % vol. mentionné sur les bouteilles de cidre Z2 vendues à la société maison Brun est non conforme à l'analyse de ce cidre ayant révélé un titre de 4,76 % vol.

La procédure était communiquée au procureur de la République de Dieppe à la suite du refus de la transaction proposée à hauteur de 1 500 euro et à l'absence de régularisation en matière d'étiquetage malgré les avertissements donnés depuis 2005.

II- Prétentions des parties

A l'audience, le ministère publie requiert que la cour prononce la culpabilité du prévenu et le condamne au paiement d'une amende.

Le prévenu fait plaider le caractère obsolète de la réglementation pour un cidre fermier, l'absence d'intention de tromper le consommateur et sa relaxe.

III- Motifs

Sur le qualificatif extra-brut :

Le décret du 30 septembre 1953 applicable en la matière prévoit trois qualificatifs facultatifs pour indiquer la teneur en sucre du cidre : doux, demi-sec, brut, ce dernier qualificatif correspondant à une teneur en sucre inférieure à 28 grammes par litre ; en commercialisant un cidre contenant 11 grammes de sucre par litre sous le seul qualificatif d'extra-brut, la SCEA X utilise un qualificatif non autorisé par la réglementation, et sans définition réglementaire ; bien que l'administration lui ait demandé de retirer cette mention par courrier du 22 mars 2005, elle figurait toujours sur les étiquettes des bouteilles commercialisées par la SCEA X en 2008 au motif invoqué d'un souci d'information du consommateur sur le caractère très sec du cidre.

Depuis novembre 2009, la société prévenue appose des étiquettes contenant l'indication de fantaisie "extra-brut" à côté de la mention réglementaire " brut " qui ne prête pas à la critique de l'administration aux termes d'un courrier adressé le 27 octobre 2009.

La recherche de l'information plus fine du consommateur sur les caractéristiques du produit vendu qui résulte des explications données par le fabricant et du nouvel étiquetage, fait apparaître que l'élément intentionnel du délit de tromperie n'est pas établi sur ce point, sachant par ailleurs que le même prix est appliqué aux différentes qualités des cidres commercialisés.

Sur l'inexactitude du titre alcoométrique :

La société prévenue ne conteste pas les analyses communiquées par l'administration ; celles-ci font apparaître une non-conformité de l'étiquetage avec les caractéristiques des cidres commercialisés pour :

- le cidre Z1 3% vol. mis à la vente et vendus avec des titrages alcoométrique de 3,88 et 4,02%, supérieures à la catégorie,

- le cidre Z2 6% vol. mis en vente et vendu alors que le titre alcoométrique volumique acquis à 200 C était de 4,76 %.

Le cidre fermier est caractérisé notamment par l'absence de pasteurisation dans le processus de fabrication se traduisant par une évolution de la fermentation en bouteille dans le sens d'une hausse du taux d'alcool ; pour résoudre cette difficulté, la SCEA X justifie avoir acquis en août 2008 un matériel de filtration qui maintient le titre alcoométrique.

S'agissant du défaut de conformité du taux alcoométrique volumique de 6%, la SCEA X reconnaît produire du cidre moins alcoolisé et donc plus doux que dans les années 1990 pour s'adapter à la clientèle, sans avoir changé les étiquettes, ce qu'elle a fait en septembre 2009 avec des étiquettes faisant figurer un taux de 5% ; pour autant, il ne résulte pas de ce défaut de conformité une intention de tromper le consommateur dans un intérêt commercial, tous les cidres ayant le même prix de revient et de vente.

L'élément intentionnel du délit de tromperie n'apparaissant pas établi au regard de l'évolution naturelle du cidre fermier, des efforts réalisés pour le stabiliser et à l'absence d'intérêt à tromper l'acheteur, la cour confirme le jugement déféré de relaxe.

Par ces motifs, - LA COUR, - Statuant publiquement et contradictoirement, - En la forme, - Déclare recevable l'appel du ministère public,

Au fond, - Statuant dans la limite de l'appel, - Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions pénales.