Livv
Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 4 avril 2011, n° 10-00622

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Bostaetter

Défendeur :

Confort Plus (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rastegar

Conseillers :

Mme Mittelberger, Schneider

Avocats :

Selarl Arthus Conseil, Me Martin

TI Strasbourg, du 4 déc. 2009

4 décembre 2009

Le 27 juin 2005, M. Bostaetter a passé commande auprès de la Sarl Confort Plus en vue de la fourniture et de la pose de trois porte-fenêtres et de deux fenêtres en PVC au prix de 5 700 euro.

Invoquant l'existence de malfaçons, M. Bostaetter a sollicité et obtenu par ordonnance de référé la désignation d'un expert, M. Colin.

L'expert a conclu dans son rapport que l'encadrement de la fenêtre du salon avait été endommagé lors du scellement du dormant, que la Sarl Confort Plus s'était engagée à faire réaliser les travaux de reprise pour un montant de 643,55 euro et que la réfection des autres imperfections pouvait être estimée à 600,17 euro.

Par acte introductif d'instance du 7 février 2007, M. Bostaetter a attrait la Sarl Confort Plus devant le tribunal d'instance de Strasbourg pour obtenir l'annulation, subsidiairement la résolution judiciaire du contrat et la condamnation de la Sarl Confort Plus à lui payer la somme de 8 666,77 euro, la somme de 643,55 euro représentant le coût de la réparation des entourages de pierre, ainsi qu'un montant de 3 500 euro à titre de dommages-intérêts.

Il invoquait de multiples irrégularités au regard de la loi sur le démarchage à domicile

Il soutenait que les imperfections étaient considérables et nécessitaient une réfection complète, qu'il chiffrait à 8 666,77 euro.

Concluant au débouté de la demande, la Sarl Confort Plus répliquait qu'à la demande téléphonique de M. Bostaetter elle avait dépêché un technicien à son domicile pour prendre les mesures et établir un devis, et que la commande n'avait été passée que quelques jours plus tard avec paiement d'un acompte.

Elle faisait valoir qu'elle avait procédé aux reprises préconisées par l'expert le 18 octobre 2006 sauf la pose de deux tablettes extérieures qui faisaient défaut, qu'elle avait commandées dès le lendemain et dont M. Bostaetter n'avait cessé de différer les rendez-vous pour la pose avant de l'assigner devant le tribunal.

Par jugement du 29 janvier 2008, le tribunal d'instance a ordonné une expertise complémentaire confiée à M. Donius afin de déterminer si les désordres avaient été réparés.

L'expert a déposé son rapport le 7 janvier 2009.

Il concluait à la nécessité de remplacer les joints de tous les ouvrants, de déposer le châssis de la porte-fenêtre pour mettre en place une étanchéité, de poser des tablettes sur les portes-fenêtres du salon et de la cuisine, de régler toutes les fenêtres, l'ensemble de l'opération ayant un coût de 660 euro HT.

L'expert notait toutefois que pour des raisons de garantie, aucune autre entreprise n'accepterait de régler ces désordres, que le remplacement des joints périphériques ne bénéficierait pas de la garantie du fabricant et que la mise en place d'un joint supplémentaire serait difficilement réalisable à raison des frottements contre les feuillures ou des risques de dommage du cadre ou du système de fermeture.

Par jugement du 4 décembre 2009, le Tribunal d'instance de Strasbourg a considéré :

- que le déplacement d'un professionnel au domicile d'un consommateur pour la prise de mesures nécessaires à l'établissement d'un devis ne constituait pas un démarchage, de sorte que la loi sur le démarchage à domicile n'était pas applicable ;

- qu'il était donné acte à la Sarl Confort Plus de ce qu'elle justifiait avoir payé la réparation des encadrements de fenêtre endommagés ;

- que les travaux restant à exécuter étaient chiffrés par l'expert à 696,30 euro et que la Sarl Confort Plus devait être condamnée au paiement de cette somme ;

- que le trouble de jouissance lié à l'absence d'étanchéité devait être chiffré à 500 euro.

Le tribunal d'instance a ainsi débouté M. Bostaetter de sa demande de résolution ou d'annulation du contrat et a condamné la Sarl Confort Plus à lui payer la somme de 1 196,30 euro à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement, ainsi qu'un montant de 250 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Bostaetter a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Vu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de l'appelant M. Bostaetter reçues au greffe le 19 octobre 2010 tendant à l'infirmation du jugement déféré, à ce que la cour prononce l'annulation du contrat de vente et condamne la Sarl Confort Plus à lui payer la somme de 5 700 euro avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2007 ainsi qu'une somme de 3 441,89 euro à titre de dommages-intérêts, subsidiairement prononce la résolution du contrat de vente et condamne la Sarl Confort Plus à lui payer la somme de 3 441,89 euro à titre de dommages-intérêts, très subsidiairement, condamne la Sarl Confort Plus au paiement de la somme de 2 500 euro au titre du trouble de jouissance subi, et en toute hypothèse la condamne au paiement d'une somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de l'intimée la Sarl Confort Plus reçues au greffe le 30 août 2010 tendant à la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts, et sur son appel incident, à ce que la cour rejette les demandes de M. Bostaetter, subsidiairement en cas de résolution du contrat, à ce que la cour limite son obligation de restitution à la somme de 5.700 euro, et condamne M. Bostaetter à lui payer la somme de 2 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'un montant de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les pièces de la procédure ;

Sur le démarchage à domicile

Attendu que pour conclure à l'annulation du contrat en application des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile, M. Bostaetter fait valoir que suite à un contact téléphonique, la Sarl Confort Plus s'est rendue à son domicile le 27 juin 2006 et lui a proposé d'emblée de lui vendre et de lui poser des fenêtres, que le devis a été établi le même jour, immédiatement accepté et qu'un acompte de 700 euro a été remis.

Attendu que la Sarl Confort Plus considère que les dispositions précitées ne sont pas applicables, alors que le contact téléphonique a été suivi du déplacement d'un technicien au domicile du consommateur pour la seule prise de mesures en vue de l'établissement ultérieur d'un devis, qu'un devis a été ensuite adressé le 22 juin 2005, que le 27 juin 2005, le bon de commande a été signé aux termes d'une négociation contractuelle entamée quelques semaines plus tôt et qu'un chèque de 700 euro a accompagné la signature du bon de commande.

Attendu que s'il est constant que M. Bostaetter a lui-même contacté par téléphone la Sarl Confort Plus et qu'à sa demande, un technicien de cette société s'est rendu à son domicile, les pièces produites par les parties ne permettent pas de considérer qu'il y a eu, comme le soutient l'intimée plusieurs phases successives constituées par un premier rendez-vous en vue de la prise de mesures, l'envoi ultérieur d'un devis le 22 juin 2005 puis l'envoi par M. Bostaetter de son acceptation le 27 juin 2005 accompagné d'un acompte sur le prix convenu ;

qu'en effet les parties ne produisent l'une et l'autre qu'un seul document daté du 27 juin 2005 comportant sur sa partie gauche la fiche technique avec prise des mesures, et sur sa partie droite le bon de commande signé à Reichstett par les deux parties ;

qu'il n'est justifié ni d'un rendez-vous distinct pour la prise de mesures, ni de l'envoi d'un devis le 22 juin 2005, de sorte qu'il doit en être déduit que le rendez-vous à domicile sollicité par M. Bostaetter a été suivi de la signature du contrat ;

qu'ainsi le contrat est soumis aux dispositions de la loi sur le démarchage à domicile s'appliquant " au démarchage au domicile d'une personne physique...même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente ou la fourniture de services " (article L. 121-21 du Code de la consommation) ;

que s'il est certain que la nature de la prestation impose la prise de mesures et donc un déplacement du professionnel au domicile du consommateur, c'est bien la signature du contrat au domicile du consommateur qui fait entrer l'opération dans le champ d'application de la loi sur le démarchage à domicile ;

que cette solution doit être retenue même si cette signature a été précédée de pourparlers.

Attendu que le contrat comporte de multiples irrégularités au regard des exigences du Code de la consommation ;

qu'ainsi l'article L. 121-23 du Code de la consommation impose " la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts " alors que le bon de commande ne désigne la fourniture que sous le vocable générique 'fourniture et pose de menuiserie PVC' sans plus de précision ;

que le verso du bon commande comporte certes un formulaire de rétractation, mais il ne peut être détaché sans amputer le corps du contrat de sa partie essentielle laquelle comporte précisément la signature des parties, contrairement aux dispositions de l'article L. 121-24 du Code de la consommation ;

qu'enfin, il est admis par la Sarl Confort Plus que l'acompte de 700 euro a été remis par un chèque accompagnant la signature du contrat soit le 27 juin 2005, contrairement aux dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation prohibant la remise d'acompte avant l'expiration du délai de rétractation de sept jours.

Attendu que le non respect des dispositions d'ordre public des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation est sanctionné par la nullité du contrat, sans préjudice de l'octroi de dommages-intérêts.

Attendu qu'il convient par conséquent de prononcer l'annulation du contrat et de condamner la Sarl Confort Plus à restituer le prix perçu soit la somme de 5.700 euro.

Attendu que du fait de l'annulation du contrat, M. Bostaetter se verra dans l'obligation de déposer et remplacer les menuiseries et devra ainsi exposer des frais supérieurs au prix du contrat initial ;

que pour mémoire, M. Bostaetter a produit 5 devis de travaux et que l'entreprise la moins-disante la société Heidrich, a par devis du 28 novembre 2006, chiffré à 6 691,89 euro le coût de la dépose, fourniture et pose de menuiseries en PVC ;

qu'ainsi, M. Bostaetter est en droit d'obtenir à titre de dommages-intérêts la somme de 991,98 euro correspondant à la dépose complémentaire à exposer pour obtenir la dépose et le remplacement des fenêtres et porte-fenêtres ;

que les dommages-intérêts complémentaires revendiqués sont la conséquence de l'inexécution fautive que l'appelant reproche à la Sarl Confort Plus sachant que ce fondement juridique ne peut être mis en œuvre lorsque, comme en l'espèce, le contrat est rétroactivement annulé ;

que par voie de conséquence, la demande de dommages-intérêts complémentaire pour troubles de jouissance ne peut qu'être rejetée.

Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. Bostaetter l'intégralité des frais non compris dans les dépens ;

qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Déclare les appels recevables ; Rejette l'appel incident ; Dit l'appel principal fondé ; Infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau, Prononce la nullité du contrat du 27 juin 2005 ; Condamne la Sarl Confort Plus à payer à M. Bostaetter la somme de 5 700 euro (cinq mille sept cents euro) avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2007, date de la demande en justice ; Condamne la Sarl Confort Plus à payer à M. Bostaetter la somme de 991,98 euro (neuf cent quatre-vingt-onze euro quatre-vingt-dix-huit cents) à titre de dommages-intérêts ; Condamne la Sarl Confort Plus à payer à M. Bostaetter la somme de 2 000 euro (deux mille euro) en application de l'article 700 du Code de procédure civile.