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Décisions

Cass. 1re civ., 26 janvier 2012, n° 10-26.981

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Lactalis ingrédient (SNC)

Défendeur :

Oligo distribution fabrication

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charruault

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel, SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Le Bret-Desaché

Paris, du 24 sept. 2010

24 septembre 2010

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à compter du mois de janvier 2005, différents éleveurs se sont plaints auprès de la société Tendriade-Collet, qui exerce également une activité d'élevage de veaux, de l'inappétence de ces animaux pour les produits Babilac Croissance puis Lactolait que la société Lactalis industrie commercialisait à partir d'aliments fabriqués par la société Laitière de Retiers ; que dans ceux-ci étaient incorporés des compléments minéraux vitaminés (CMV) fournis par la société MG2 Mix qui les réalisait à partir de sulfate de zinc acquis auprès de la société Oligo distribution fabrication (Oligo), laquelle importait celui-ci de Chine par l'intermédiaire de la société Jiangsu Overseas Group Material and Technology CO LTD ; qu'au cours d'une réunion du 4 mars 2005, la société Lactalis industrie a signalé à la société MG2 Mix que les essais qu'elle avait fait réaliser mettaient en cause le taux excessif de cadmium dans la composition de ses CMV ; que, par acte du 21 mars 2006, les sociétés Laitière de Retiers, Lactalis industrie et Tendriade-Collet ont assigné les sociétés MG2 MIX et Oligo ainsi que leur assureur, la société AGF IART, devenue Allianz IARD, en paiement d'une certaine somme sur le fondement des dispositions de l'article 1641 du Code civil et, subsidiairement, de l'article 1147 du même Code ; que la société Oligo et la société AGF IARD ont assigné en garantie la société Jiangsu Overseas Group Material and Technology CO LTD ; que la société Oligo s'est ensuite désistée de son appel, en ce qu'il était dirigé contre celle-ci ; qu'après avoir dit que l'action des sociétés Laitière de Retiers, Lactalis industrie et Tendriade-Collet était recevable sur le seul fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, la cour d'appel les a déboutées de toutes leurs demandes ;

Sur le second moyen, pris en ses cinq branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :

Attendu que l'arrêt observe d'abord que, suivant la directive 2002/32 CE du du 7 mai 2002, la teneur en cadmium des aliments pour veaux ne doit pas dépasser 5 mg/kg et que ce seuil avait déjà été précédemment retenu par un arrêté du 16 mars 1989, tandis que l'analyse des prélèvements effectués lors des investigations de la direction de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes avait révélé en l'espèce un taux anormalement élevé en cadmium, compris entre 51 000 mg/kg et 78 000 mg/kg ; qu'après avoir constaté que les produits vendus par la société MG2 Mix, qui en connaissait la destination, à la société Laitière de Retiers étaient ainsi indiscutablement affectés d'un vice, la cour d'appel a exactement retenu que cette dernière société possédant à la fois la qualité d'acquéreur professionnel et de vendeur, il ne pouvait s'agir pour elle d'un vice caché, en relevant notamment, sans dénaturer le plan de contrôle applicable, qu'étant elle-même soumise au respect du taux de cadmium imposé par la directive précitée et disposant des moyens techniques nécessaires pour procéder au contrôle du respect des seuils considérés, elle ne pouvait utilement soutenir qu'un contrôle laissant échapper un lot de 30 tonnes de CMV conduisant à la fabrication de 3149 tonnes d'aliments contaminés, respectait les exigences réglementaires et contractuelles applicables ; qu'en outre, c'est sans encourir le grief de la cinquième branche que l'arrêt, qualifiant également de professionnels compétents, d'une part la société Lactalis industrie, chargée de commercialiser les aliments litigieux, dont il rappelle qu'elle détient 80 % du capital de la société Laitière de Retiers et, d'autre part, la société Tendriade-Collet, faisant également partie du groupe Lactalis, rejette la demande commune de ces trois sociétés ; que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, les conclusions alléguées n'invoquant pas l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, n'est fondé en aucune de ses critiques ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu l'article 2244 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, applicable en la cause ;

Attendu que pour juger l'action des sociétés Laitière de Retiers, Lactalis industrie et Tendriade-Collet irrecevable en ce qu'elle était fondée sur les articles 1386-1 et suivants du Code civil, l'arrêt retient que la responsabilité du fait des produits défectueux a été invoquée, dans des conclusions du 12 novembre 2009, plus de trois ans après le mois de mars 2005, au cours duquel ces trois sociétés ont eu connaissance du dommage, en ajoutant qu'eu égard aux fondements initialement invoqués, l'acte introductif d'instance n'avait pu avoir pour effet d'interrompre la prescription à cet égard ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'il résultait de ses propres constatations que la demande en réparation du préjudice causé par la vente d'un produit dont il était allégué qu'il était contaminé par du cadmium tendait aux mêmes fins, qu'elle soit fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux ou sur la garantie des vices cachés, de sorte que l'assignation avait eu un effet interruptif quant à l'action fondée sur les articles 1386-1 et suivants du Code civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen : LA COUR - Casse et annule, mais seulement en ses dispositions relatives à la demande en ce qu'elle est fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux, l'arrêt rendu le 24 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.