CA Rennes, 2e ch. com., 13 mai 2008, n° 07-01476
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sitter
Défendeur :
Espera France (SARL), Espera Werke GMBH (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Guillanton
Conseillers :
Mme Boisselel, Coccocinilo
Avocats :
SCP Brebion - Chaudet, SCP Bouges
EXPOSE DU LITIGE :
La société Espera Werke GMBH (société Espera Werke) fabrique et commercialise des matériels d'étiquetage et pesage.
Elle a une filiale en France, la société Espera France à laquelle elle vend ses produits. La société française les revend par son réseau de distributeur.
Monsieur Sitter a ainsi distribué les matériels de la société Espera France dès 1987 sur le grand Ouest : départements bretons, Vendée, Loire-Atlantique et Manche...
En mars 2003, la société Espera France a mis un terme aux relations commerciales qui la liait à Monsieur Sitter.
Celui-ci a contesté la rupture qu'il a considéré comme abusive, et a assigné la société Espera France en réparation du préjudice qu'il dit avoir subi tant en raison de cette rupture qu'en raison d'actes de concurrence déloyale et d'abus de position, et a assigné la société Espera Werke en responsabilité des agissements de sa filiale.
Par jugement du 23 février 2007, le Tribunal de commerce de Vannes a notamment :
- débouté Monsieur Sitter de toutes ses demandes,
- condamné Monsieur Sitter à payer à la société Espera France la somme de 6503,21 euro outre les intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2002,
- dit que les intérêts seront capitalisés,
- débouté les sociétés Espera France et Espera Werke GMBH de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamné Monsieur Sitter à payer à chaque société la somme de 5000 euro au titre des frais irrépétibles,
- condamné Monsieur Sitter aux dépens.
Monsieur Sitter a interjeté appel de cette décision.
Il demande à la cour de :
- infirmer la décision,
- dire que la société Espera France a engagé sa responsabilité par ses manquements contractuels et ses comportements parasitaires, par abus de position économique,
- dit que la société Espera Werke a engagé sa propre responsabilité en acquiesçant aux pratiques de sa filiale,
- condamner in solidum les deux sociétés à lui payer la somme de 1 301 278 euro, outre les intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
- les condamner in solidum à lui payer la somme de 10.000 euro à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- débouter les deux sociétés de toutes leurs demandes,
- les condamner solidairement à lui payer la somme de 40 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- outre les dépens de première instance et d'appel.
Il expose qu'il a été le distributeur exclusif de ces sociétés sur plusieurs départements pendant de nombreuses années, de 1987 à 2000, que la société Espera a ensuite fait de multiples opérations agressives et déstabilisantes, qu'il a accompli sa mission sans qu'aucun grief ne puisse lui être reproché, que sa polyvalence a toujours été acceptée par Espera, qu'il a vendu des matériels de Espera et des matériels d'autres sociétés qui n'étaient jamais concurrents. Il ajoute que la société Espera France a eu un comportement concurrentiel déloyal, tentant de désorganiser son entreprise, par des refus de livraison, le rallongement des délais de livraison, elle a fait du démarchage déloyal, fait du parasitisme. Il ajoute qu'elle n'a pas respecté ses obligations contractuelles de vendeur, qu'elle n'a fourni ni conseil ni information. Enfin, il indique qu'elle a abusé de sa situation économique, (L. 442-6 2°-b), lui imposant des modifications substantielles du contrat, et a rompu brutalement les relations commerciales (article L.442-6-5), ne lui accordant pas un préavis suffisant, et au surplus ne le respectant pas. Il précise que la société Espera Werke qui n'a fait aucune intervention auprès de sa filiale pour que cessent ses pratiques a commis une faute d'abstention qui engage sa responsabilité. Son préjudice d'exploitation causé par le comportement déloyal est très important, son préjudice né de la rupture brutale des relations commerciales également.
La société Espera France demande à la cour de :
- débouter l'appelant de ses demandes,
- confirmer le jugement,
- rejeter des débats la pièce n° 88
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner Monsieur Sitter à lui payer la somme de 15 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Monsieur Sitter aux entiers dépens qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Elle expose que Monsieur Sitter a communiqué peu avant la clôture une étude comptable établie par Monsieur le Donnant qu'elle n'a pu examiner en détail, que Monsieur Sitter a refusé de signer un contrat de concession de vente exclusif; qu'il n'a pas bénéficié d'une exclusivité d'approvisionnement pour l'ouest de la France, que les parties étaient en effet liées par des séries de vente successives, qu'il a plusieurs fois gravement manqué à ses obligations ce qui a justifié la rupture des relations commerciales, qu'il a toujours proposé à ses clients des matériels substituables. Elle n'a elle-même pas eu un comportement déloyal, qu'elle n'a pas abusé d'une position économique, que la rupture n'a pas été abusive. Elle indique qu'il convient de rejeter une étude qu'il a fait réaliser par un expert-comptable du cabinet Praxis, versée la veille de la clôture et qui comme telle ne peut être admise pour ne pas avoir respecté le principe du contradictoire, que les préjudices ne sont pas justifiés.
La société Espera Werke MGHB demande à la cour de :
- débouter l'appelant de toutes ses demandes,
- rejeter des débats la pièce n° 88.
- condamner Monsieur Sitter à payer la somme de 20 000 euro au titre des frais irrépétibles et supporter les entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.
Elle expose qu'elle n'a commis aucune faute délictuelle ou quasi délictuelle, qu'elle ne s'est pas immiscée dans le fonctionnement de sa filiale, qu'elle n'a non plus créé aucune apparence, que la réalité et le montant du préjudice subi par Monsieur Sitter ne sont pas établis.
La cour se réfère pour plus ample exposé des faits, moyens aux écritures des parties en date des 30, 31 janvier et 28 février 2008.
DISCUSSION :
SUR LE REJET DE LA PIÈCE N°88 VERSÉE AUX DÉBATS :
Considérant que cette pièce est une étude comptable établie par le comptable de Monsieur Sitter, Monsieur le Donnant le 27 novembre 2007,
Considérant que la lecture des conclusions de la société Espera France en date du 30 janvier 2008 révèle que cette société a pris connaissance de celles-ci, les a analysées, y a apporté la réponse qu'elle souhaitait ;
Considérant qu'au surplus, la date de la clôture, initialement fixée au 16 janvier, puis repoussée au 6 février et enfin au 5 mars, lui permettait également de répondre encore plus amplement si elle le souhaitait,
Considérant que le principe du contradictoire a été respecté ; que cette pièce ne sera pas rejetée des débats,
SUR LES RELATIONS EXISTANT ENTRE LES PARTIES :
Considérant que les parties ne s'entendent pas sur la nature des relations qu'elles ont entretenues jusqu' à la rupture de celles-ci intervenue en mars 2003 ; que Monsieur Sitter dit avoir été distributeur exclusif Espera France pour la " revente et l'après-vente des matériels de pesage , étiquetage fabriqués par la Spera Werke GMBH venant s'ajouter à son activité existante de commercialisation de matériel de pesage pour le compte de Mettler et Toledo ", que pour la société Espera France, Monsieur Sitter était un revendeur multimarques indépendant,
Considérant que la société Espera France a approché Monsieur Sitter en 1987, qu'elle lui a proposé en 1988 la signature d'un contrat de concession exclusive qu'il a refusée, pour des raisons sur lesquelles les parties ne s'accordent pas.
Considérant que néanmoins, les relations des parties se sont poursuivies, que Monsieur Sitter vendait les produits Espera sur le grand ouest (départements bretons + Loire Atlantique + Manche + Vendée), que la société Espera France lui adressait dans le courant des années 1990 les clients potentiels qu'elle avait pu rencontrer dans des salons, dès lors que ceux-ci se trouvaient sur le secteur de Monsieur Sitter, tout en traitant directement sur le secteur d'intervention de Monsieur Sitter certains clients, tels que la Cooper L ou Unicopa, que Monsieur Sitter vendait parfois hors de son secteur, de sorte qu'un " recentrage " était fait en mars 1992 sur les délimitations territoriales des uns et des autres, la société Espera France ne souhaitant plus qu'il y ait de dérogation; que, dans le même temps, Monsieur Sitter restait revendeur de produits concurrents de la société Espera sur ce même territoire, distribuant des produits Balanciai et Digi, proposant à la vente à la société Ty Ferm en novembre 1997 une machine automatique de pesage et d'étiquetage, et à la société Pan Fish une machine Espera à la place d'une machine Digi qui ne pouvait être livrée; que tout en le contestant, Monsieur Sitter l'admet néanmoins dans ses écritures " pour quelques cas exceptionnels",
Considérant que la preuve de l'exclusivité incombe à Monsieur Sitter, que l'exécution par chaque partie de ses obligations à l'égard de l'autre pendant cette période de relations commerciales entretenues entre 1987 et 2003 ne permet pas de retenir cette exclusivité ; que les parties ont au mieux profité de leur collaboration que Monsieur Sitter considéré comme un excellent vendeur a permis à la société Espera de s'investir dans le marché breton, que par la vente des produits Espera, Monsieur Sitter étoffait la gamme des produits qu'il proposait à sa clientèle, et ce, dans le cadre de contrats de ventes successives sans exclusivité,
- SUR LA RUPTURE DES RELATIONS COMMERCIALES :
Considérant que le courrier du 23 mars 2003 annonce la rupture des relations commerciales à l'expiration du délai de six mois à compter de la date, rupture se traduisant par l'abandon des conditions tarifaires privilégiées dont jouissait Monsieur Sitter, pour l'achat de machines et pièces détachées, que ce courrier fait de multiples reproches à Monsieur Sitter, concernant le comportement qu'il a adopté à l'égard de la société Espera tant les injonctions, que les procédures judiciaires, les refus de délais de livraison et de conditions tarifaires, concernant le comportement vis à vis de certains clients,
Considérant, il est vrai, que certains clients se plaignaient de Monsieur Sitter, les charcuteries Quillari pour le suivi de la maintenance, pour des facturations excessives, la société Viandouest pour des propos tenus, pour une attitude arrogante, mais que, dans le même temps, certains autres clients, la société Ronsard ou la société Arrive se disaient satisfaits, et il n'apparaît pas non plus que la société Espera France ait demandé des explications à Monsieur Sitter sur les plaintes de certains,
Considérant que la société Espera France a connu, selon le rapport de gestion 2000, un infléchissement de ses ventes, qu'à la même époque, la société Espera France a changé de dirigeant, Monsieur Bison remplaçant Monsieur Chareton; que la politique commerciale s'est modifiée; que certains tarifs ont été révisés par courrier du 4 octobre 2001, que Monsieur Sitter n'a pas admis, alors que la société Espera France avait toute liberté à cet égard de modifier ceux-ci dès lors qu'elle l'annonçait à Monsieur Sitter quatre mois à l'avance ; qu'il a été envisagé ainsi qu'il résulte du rapport de gestion de l'exercice clos au 31 décembre 2000 de mettre fin aux relations avec Monsieur Sitter, pour " permettre une distribution directe de tous les produits sur la Bretagne ",
Considérant qu'à la suite, les difficultés se sont multipliées,
Considérant qu'une procédure avait été engagée devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Vannes en février 2002 pour obtenir la livraison de divers matériels livrés le même mois par la société Espera France, qu'une autre procédure était diligentée un peu plus tard devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Nanterre qui condamnait le 19 avril 2002 la société Espera France à remettre du matériel sous astreinte à Monsieur Sitter; qu'une ordonnance sur requête devant le président du Tribunal de commerce de Nanterre du 30 octobre 2002 donnait l'autorisation de constater dans les locaux de la société Espera France à Antony l'état du matériel disponible en stock susceptible de satisfaire Monsieur Sitter,
Considérant que corrélativement, la société Espera France demandait à Monsieur Sitter d'honorer des factures restées impayées,
Considérant qu'en outre, la société Espera France confiait à Monsieur Prat, un de ses anciens salariés, par avenant du 31 octobre 2002, la charge de reprendre les bretons puisque les relations avec Monsieur Sitter n'étaient pas satisfaisantes,
Considérant que ces divers éléments rapportés brièvement révèlent que les relations commerciales entre les parties étaient " en survie artificielle " depuis l'année 2001, de ce que la rupture annoncée dans le courrier du mois de mars 2003 n'était pas surprenante, ne pouvant pas ne pas avoir été envisagée par Monsieur Sitter ; que la cessation des relations commerciales n'a pas de caractère brutal,
Considérant, par ailleurs, que la société Espera France a donné un délai de préavis de six mois à Monsieur Sitter avant la cessation de leurs relations avec des tarifs préférentiels ; que ce délai, compte tenu des circonstances dans laquelle la rupture est intervenue, et compte tenu du fait que Monsieur Sitter avait manifestement la possibilité de se réorganiser puisqu'il pouvait se fournir en produits similaires, doit être considéré comme suffisant,
Considérant que Monsieur Sitter ne peut demander réparation d'un préjudice pour rupture des relations commerciales,
- SUR LE COMPORTEMENT DÉLOYAL DE LA SOCIÉTÉ ESPERA ERANCE :
Considérant que Monsieur Sitter fait plusieurs reproches à la société Espera France, qui relèvent de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de la société Espera France, - refus de livraisons et des retards dans les livraisons, mauvaises informations, violation des obligations de vendeur - et également, de la mise enjeu de la responsabilité délictuelle de la société Espera France - démarchage des clients et parasitisme économique, abus de son état de dépendance économique -,
Sur la mise en jeu de la responsabilité contractuelle :
Considérant que la société Espera France indique elle-même avoir conclu avec Monsieur Sitter de nombreux contrats de vente soumis au droit de la vente,
Considérant que la société Espera France avait fait savoir par fax du 9 avril 1987 qu'elle souhaitait connaître les prévisions de Monsieur Sitter de quatre à six semaines, qu'il apparaît qu'aucun engagement de délai n'avait été pris ; que la société Espera France devait faire tout son possible pour que les commandes soient satisfaites dans des délais normaux ; que dès 2001, des retards apparaissaient ; que Messieurs Chemille et Raffrat indiquaient que les délais en approvisionnement en pièces détachées et neuves étaient trop longs ; que Monsieur Sitter engageait des procédures en février 2002 pour obtenir la livraison des commandes passées depuis le mois de novembre 2001; que les explications données par Monsieur Bison sur sommation interpellative du 2 février 2002 ne peuvent être suffisantes. Qu'il apparaît en effet, que dans le même temps, Monsieur Bison indiquait aux clients de Monsieur Sitter, rencontrés sur le salon CFIA le 7 mars 2002, que s'ils commandaient directement auprès de la société Espera France, ils seraient livrés en 24 à 48 heures, et que, selon Monsieur Marvier, les commandes pouvaient être satisfaites dans les deux à trois semaines; que certains retards de livraison apparaissaient comme de véritables refus de livraisons des commandes,
Considérant, de même, que les informations techniques relatives aux matériels vendus n'étaient pas livrées ainsi qu'il résulte des conclusions du rapport de l'expert commis dans le litige qui a opposé la laiterie du Val d'Ancenis à Monsieur Sitter et à la société Espera France, que les mails de Monsieur Pasquier vont dans le même sens,
Considérant, que s'agissant de matériel technique complexe, la société Espera France avait une obligation d'information et de conseil qu'elle n'a pas respectée, retenant des informations techniques et des données actualisées ; qu'il est établi, tout particulièrement dans le litige opposant la laiterie du Val d'Ancenis à Monsieur Sitter et à la société Espera France, que celle-ci ne lui a pas livré les informations nécessaires,
Considérant ainsi qu'à juste titre peuvent être reprochées des violations par la société Espera France de ses obligations contractuelles de délivrance, d'information et de conseil, dans les ventes consenties à Monsieur Sitter,
- Sur la mise en jeu de la responsabilité délictuelle:
Considérant que selon les documents versés aux débats, la société Ponsard avait souhaité en 1999 faire un comparatif avec son fournisseur habituel, l'entreprise Sitter et a reçu la visite de Monsieur Bijon, dirigeant de la société Espera France, qui ne souhaitait pas " perdre ce client de son portefeuille ", mais qu'elle est restée fidèle à son fournisseur ; que d'autres clients ayant fait des réclamations avait reçu la visite de Monsieur Bison; que ce comportement de la part de la société Espera France qui répondait à des sollicitations ne peut êtte considéré comme déloyal; que des clients ont rencontré Monsieur Bison dans des salons professionnels, et ont entendu dire par celui-ci, alors qu'ils se plaignaient de délais trop longs, qu'en s'adressant directement à la société Espera France, ils obtiendraient des pièces sous 24 à 48 heures, au lieu de 8 à 10 semaines s'ils s'adressaient à Monsieur Sitter ; que de tels propos, qui dénigrent l'efficacité de Monsieur Sitter révèlent de la part de la société Espera France une attitude déloyale dès lors qu'il est établi qu'elle ne mettait aucune volonté pour satisfaire rapidement les commandes de Monsieur Sitter alors qu'elle était en mesure de le faire dans la plus part des cas, et que ce comportement déloyal tentait de " courcircuiter " Monsieur Sitter,
Considérant, toutefois que le comportement de la société Espera France ne peut être considéré comme parasitaire, que Monsieur Sitter n'établit pas quels efforts intellectuels, quels investissements il a pu faire, dont la société Espera France aurait tenté de s'approprier, " s'immisçant dans son sillage afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts, de son savoir-faire ", tentant ainsi de s'approprier à peu de frais une clientèle qu'il a mis " plus de quinze ans à construire " ; qu'en effet, Monsieur Sitter peut toujours démarcher cette clientèle et lui proposer d'autres produits substituables ou non d'ailleurs,
Considérant qu'il est encore soutenu que l'importance de la part de la société Espera dans le chiffre d'affaires de Monsieur Sitter ( 50,70 %) en 1999) révèle son état de dépendance par rapport à Espera France, qu'en imposant unilatéralement des modifications substantielles du contrat - modification de tarifs, paiement des équipements avant livraison à 8 semaines -, la société Espera France a abusé de son étatde dépendance économique ; que la société Espera France indique que la partie de son activité consacrée à Espera France était minoritaire au regard de son activité globale, que Monsieur Sitter pouvait faire varier cette activité comme il l'entendait, que par ailleurs, il pouvait se fournir en produits équivalents auprès d'autres fournisseurs, que de la sorte il n'était pas dans un état de dépendance économique ; que, tout d'abord, aucun contrat n'a jamais été signé; qu' ensuite, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la part de la société Espera France dans le chiffre d'affaires de Monsieur Sitter variait de 23,34 % à 50,70% et que cette variation était à la seule initiative de Monsieur Sitter, qu'enfin, Monsieur Sitter qui était vendeur multimarques pouvait trouver des produits de substitution à ceux de la société Espera France, ainsi qu'il l'a fait avec la société Pan Fish et la société Ty Ferm ; que Monsieur Sitter pouvait donc refuser l'application d'un nouveau tarif, ou encore refuser de payer les marchandises avant livraison, mais qu'il ne l'a pas fait parce que son état ne le lui permettait pas,
Considérant que peut être reproché à la société Espera France un comportement déloyal pour avoir dénigré Monsieur Sitter,
- SUR LA REPARATION DU PREJUDICE :
Considérant que Monsieur Sitter fait état d'une perte de marge bénéficiaire entre le premier janvier 2001 et le premier mars 2003 puis au-delà, soit d'une perte de 554 411 euro, du fait des agissements de la société Espera France; que la société Espera France expose que cette perte d'exploitation n'est nullement justifiée ; que la démonstration " biaisée " qu'il fait, en référence à son plus gros chiffre d'affaire depuis 17 ans,
Considérant que Monsieur Sitter soutient également ne pas avoir pu écouler son stock, dont il fixe la valeur à 134 007 euro, que la société Espera France réplique en indiquant qu'elle n'avait aucune obligation de reprise, et que Monsieur Sitter a délibérément choisi de ne pas l'écouler ;
Considérant qu'il fait état également d'un préjudice moral, qu'il fixe à la somme de 10 000 euro,
Considérant enfin que Monsieur Sitter fait état de la perte de sa clientèle, que Monsieur Donnant a fixée à la somme de 1 226 087 euro,
Considérant en ce qui concerne les stocks, que le courrier du 5 mars 2003 précise que, passé le délai de six mois, Monsieur Sitter ne pourra plus opérer au nom d'Espera pour le service après-vente, sur les machines installées dans la région où il exerce; qu'il ne lui était pas ainsi interdit de l'écouler pendant le délai de six mois, que Monsieur Sitter par ailleurs ne justifie pas de l'existence de ce stock et de sa valeur,
Considérant que la rupture n'a pas été considérée comme brutale de sorte qu'aucun préjudice ne peut être subi et réparé en raison de celle-ci,
Considérant que la perte de clientèle n'est pas établie, que Monsieur Sitter peut toujours proposer à ses clients des produits substituables aux produits Espera France, ou encore des produits Espera France avec certes pour lui une marge bénéficiaire plus faible
Considérant que les difficultés qu'il a rencontré avec les retards et les refus de livraisons, le dénigrement dont fait l'objet lui ont causé un trouble commercial ; que toutefois, la part du marché de la société Espera France dans le chiffre d'affaires de Monsieur Sitter, la possibilité pour Monsieur Sitter de la faire évoluer, l'existence d'une clientèle restée fidèle, justifient que la réparation tic son préjudice de ce chef soit fixée à 40 000 euro; que, par ailleurs, la covauté de la société lui a causé un préjudice moral qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 10 000 euro,
- MISE EN JEU DE LA RESPONSABILITE DE LA SOCIÉTÉ ESPERA WERKE :
Considérant qu'il est reproché à la société Espera Werke de s'être abstenue de toute intervention auprès de sa filiale dont elle connaissait les agissements et d'avoir ainsi commis une faute d'abstention engageant sa responsabilité ; que Monsieur Sitter soutient que la société Espera Werke était tenue informée des agissements illicites de sa filiale et qu'elle n'a rien fait,
Considérant que la société Espera Werke réplique en indiquant que la société Espera France a toujours pris ses décisions sans une quelconque immixtion de sa part, qu'elle n'a jamais entravé son autonomie, jamais créé la moindre apparence vis à vis de Monsieur Sitter, que son abstention résulte d'un comportement normal,
Considérant que Monsieur Sitter a souhaité impliquer la société Espera Werke dans le conflit qui l'opposait à la société Espera France par de multiples courriers auxquels celle-ci n'a pas répondu; que si la société Espera Werke était destinataire des rapports de gérance de sa filiale, c'est en raison du jeu des règles légales en la matière, que son abstention ne peut être considérée fautive ; qu' aucune obligation légale ou conventionnelle ne la contraignait à intervenir dans la gestion de sa filiale, que son abstention n'était pas dictée par une intention de nuire à Monsieur Sitter, que la preuve d'une faute de cette société n'est pas rapportée,
Considérant que Monsieur Sitter sera débouté de sa demande de mise en cause de la responsabilité de la société Espera Werke,
- DEMANDE DE LÀ SOCIÉTÉ ESPERA FRANCE CONTRE MONSIEUR SITTER :
Considérant que les factures dont le paiement est demandé correspondent à des ordres ou des devis acceptés par Monsieur Sitter,
Considérant que Monsieur Sitter les conteste et estime ne rien devoir,
Considérant que de multiples courriers ont été échangés à ce sujet par les parties ; qu'en définitive, les factures n°453 8 du 26 novembre 2002, n°4605 du 30 avril 2003, n°554 du 12 août 2002. Et n° 2030 du 31 mai 2001 correspondent à des ordres de Monsieur Sitter ou à un devis qu'il a accepté 3 que ces factures sont retenues dans leur intégralité ; que la facture n° 4451 du 29 mars 2002 pourra être minorée du montant de la carte ESO non conforme à la consommation et sera accueillie à hauteur de 2308,22 euro,
Considérant que Monsieur Sitter sera condamné à payer à la société Espera France la somme globale de 6 503,21 euro outre les intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2002, intérêts qui seront capitalisés dès qu'ils seront dus pour une année entière,
- SUR L'INDEMNITÉ DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :
Considérant que Monsieur Sitter versera à la société Espera Werke la somme de 6000 euro au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles, qu'il n'y a pas lieu à indemnité au profit de Monsieur Sitter et de la société Espera France,
- SUR LES DÉPENS :
Considérant que Monsieur Sitter et la société Espera France qui succombent tous deux supporteront chacun la moitié des dépens dont il aura été fait masse, que les dépens seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,
DÉCISION :
Par ces motifs, LA COUR, - Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats la pièce n°88, - Infirmant le jugement en ce qui concerne la réparation du préjudice subi par Monsieur Sitter, et l'indemnité allouée à la société Espera France au titre des frais irrépétibles, - Statuant à nouveau, - Condamne la société Espera Franc à payer à Monsieur Sitter la somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts, - Dit n'y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles au profit de la société Espera France, - Confirme le jugement déféré pour le surplus, - Déboute les parties de leurs autres demandes.