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Décisions

CA Paris, 8e ch. A, 5 octobre 2006, n° 05-05289

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Arius Partenaires (SA), Sephira (SAS), Vericheck (SARL)

Défendeur :

Gluck, Cissé

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Baland

Conseillers :

Mmes Bonnan-Garçon, Degrelle-Croissant

Avocats :

M Cordeau, SCP Fanet - Serra - Ghidini, SCP Autier, SCP Varin-Petit

TI Pantin, du 19 janvier 2005

19 janvier 2005

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mesdames Gluck et Cissé sont des infirmières libérales dont le cabinet est installé au [...]. Elles ont été démarchées dans leur local professionnel par un préposé de la société Vericheck qui leur a vendu un terminal et un logiciel de transmission servant à communiquer avec la sécurité sociale pour le traitement de la carte vitale. Un contrat de location de longue durée a ensuite été conclu pour l'utilisation du logiciel avec une société Arius Partenaire pour 48 mois au loyer mensuel de 38,38 euro.

Cependant ce dispositif mis en service à la fin juin et début juillet 2003 ne leur donnait pas satisfaction et elles manifestaient, mais en vain, l'intention de résilier les contrats.

Par acte d'huissier de justice du 27 avril 2004, Mesdames Gluck et Cissé ont assigné les sociétés appelantes en nullité des contrats pour non-respect des exigences des articles L.121-21 et suivants du Code de la consommation.

Respectivement, les 04 et 17 mars 2005, et le 04 avril 2005, les sociétés Arius Partenaires, Vericheck, Sephira ont interjeté appel d'un jugement contradictoire du tribunal d'instance de Pantin en date du 19 janvier 2005 qui :

- dit nuls et de nuls effets les contrats litigieux passés entre Mesdames Gluck et Cissé et les sociétés appelantes,

- en conséquence, ordonne la restitution du matériel par Mesdames Gluck et Cissé aux sociétés appelantes à la première demande de celles-ci,

- condamne in solidum les sociétés appelantes à payer en principal et frais le montant des mensualités échues et à échoir des sommes mises à la charge de Mesdames Gluck et Cissé par les conventions annulées,

- ordonne l'exécution provisoire de cette décision,

- condamne les sociétés appelantes à payer à Mesdames Gluck et Cissé, prises séparément in solidum une indemnité de 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- les condamne également in solidum aux dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 4 juillet 2005, la société ARIUS PARTENAIRE SA sollicite l'infirmation du jugement, le débouté de toutes demandes, fins et conclusions de Mesdames Gluck et Cissé, la condamnation conjointe et solidaire de Mesdames Gluck et Cissé au paiement de la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'au entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 26 mai 2006, la société Vericheck SARL sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de Mesdames Gluck et Cissé au paiement de la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 et de tous les dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 26 juillet 2005, la société SA Sephira sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, le prononcé de la résiliation de chacun des contrats, et la condamnation conjointe et solidaire de Mesdames Gluck et Cissé au paiement de la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans leur dernières conclusions en date du 19 janvier 2006, Mesdames Gluck et Cissé sollicitent la confirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions et demandent, en conséquence :

- dire nul et de nul effet les conventions souscrites par Mesdames Gluck et Cissé avec les sociétés appelantes,

- dire nulle et de nul effet l'autorisation de prélèvement consentie par Madame Gluck sur son compte bancaire ouvert à la BNP et dire qu'aucune somme n'est due par Madame Gluck à aucune des trois sociétés appelantes,

- condamner in solidum les appelantes à payer à Madame Gluck la somme de 71,76 euro pour frais de rejet facturés par sa banque à multiplier par le nombre de mois qui se seront écoulés depuis le mois de juillet 2003 jusqu'au jour où les sociétés appelantes feront cesser les prélèvements soit en l'état 2 152,80 euro au jour de dépôt des présentes écritures,

- dire qu'aucune somme n'est due à Sephira par Mesdames Gluck et Cissé au titre d'un bouquet de services.

A titre subsidiaire, si la cour ne prononce pas sur la nullité, Mesdames Gluck et Cissé demandent la résiliation du contrat et lui faire produire les mêmes effets pécuniaires que ci-dessus.

Ces dernières sollicitent aussi la condamnation in solidum des sociétés appelantes à payer à Madame Gluck et à Madame Cissé une somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts et de 1 300 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'au paiement des dépens de première instance et d'appel.

Sur ce, LA COUR : - qui se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et à la décision déférée.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a retenu que le contrat souscrit par Mesdames Sabine Gluck et Yacine Cissé, conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile, ne répondait pas aux exigences de forme et de fond édictées par l'article L.121-1 et suivants, notamment par l'absence de possibilité de renoncer au contrat dans le délai de 7 jours.

L'application de cette possibilité dans le cadre d'un démarchage n'était pas ignorée de la SARL Vericheck qui, par lettre du 10 juillet 2003, répondait à celle de Mesdames Sabine Gluck et Yacine Cissé lui demandant la résiliation du contrat, en leur rappelant que la commande du 6 juin 2003 était régie par les articles L.121-1 du Code de la consommation donnant la possibilité à l'acquéreur de se rétracter dans un délai de 7 jours à compter du jour de la commande. La SARL Vericheck ne peut utilement faire valoir qu'elle a commis une erreur isolée dans cette réponse car celle-ci montre la mauvaise foi dont elle fait preuve, connaissant parfaitement les dispositions utiles à opposer un refus à toute tentative de résiliation de la part de ses clientes, et voulant ignorer celles qui lui créent des obligations envers ces dernières.

Même si ce matériel informatique et le logiciel peuvent servir à l'activité professionnelle des infirmières exerçant à titre libéral en permettant des relations avec la Sécurité Sociale pour la prise en charge des frais de leurs patients, cette aide technique ne peut être considérée comme participant de leur activité professionnelle et des soins qu'elles dispensent et n'a pas de lien direct avec celle-ci. Cela n'introduit pas une spécificité technique très supérieure à celle d'un matériel non spécifique utilisé par un autre professionnel libéral, comme le soutient la SARL Vericheck.

Dans leur lettre du 8 juillet 2003 demandant la résiliation du contrat, Mesdames Sabine Gluck et Yacine Cissé faisaient clairement référence au délai de rétractation de 7 jours car elles précisaient " en considérant la date effective de mise en service du dispositif à la date de formation, démonstration et téléchargement du logiciel correspondant aux actes infirmiers soit le jeudi 02/07/2003 ", car la représentante de la SARL Vericheck leur aurait confirmé la possibilité de rétractation dans ce délai, car la commande de ce matériel se fait sans que l'acheteur ait eu une démonstration.

La SAS Sephira commercialisant son système Intellio par le démarchage effectué par la SARL Vericheck, son contrat de prestations de service est ainsi annulé. La SA Arius Partenaires soutient que l'action est mal dirigée à son encontre car le contrat a fait l'objet d'une cession par la SA Arius Partenaires au profit de la société BNP Paribas Lease Group qui recouvre le montant des loyers. Elle invoque une clause du contrat d'abonnement conclu par Mesdames Sabine Gluck et Yacine Cissé selon laquelle elles ont accepté la cession éventuelle du contrat. Mais ce contrat portant sur la location du matériel a été conclu avec la SA Arius Partenaires, l'établissement cessionnaire n'étant indiqué que par un cachet, difficilement lisible de surcroît, sur le contrat, sans qu'ait été respectée la clause 9 du contrat qui prévoit une régularisation administrative de cette cession par le locataire. Et cette même clause comporte la mention que 'nonobstant l'acceptation de l'établissement cessionnaire, qui se substitue au bailleur d'origine, le suivi du contrat sera assuré par le bailleur d'origine, qui reste l'interlocuteur du locataire pour toutes demandes concernant l'équipement'. Mesdames Sabine Gluck et Yacine Cissé ont donc valablement assigné la SA Arius Partenaires pour contester la validité du contrat. Celui-ci ayant lui-même été conclu après démarchage au domicile de Mesdames Sabine Gluck et Yacine Cissé, doit répondre aux exigences de l'article L.121-23 du Code de la consommation et doit être également déclaré nul.

Le jugement entrepris doit être confirmé.

Le droit de défendre ses intérêts en justice ne dégénère en abus de nature à justifier l'allocation de dommages-intérêts qu'en cas d'une attitude fautive génératrice d'un dommage. Une telle preuve n'est pas rapportée à l'encontre des appelantes. La demande de dommages-intérêts doit être rejetée.

L'équité commande de rembourser Mesdames Sabine Gluck et Yacine Cissé de ses frais non compris dans les dépens par l'allocation d'une indemnité de 1.300 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR - Confirme le jugement entrepris.