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Décisions

CA Riom, 1re ch. civ., 22 juin 2006, n° 05-02268

RIOM

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gay (Epoux), Du Temple (EURL)

Défendeur :

Peuch

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudron

Conseillers :

MM. Billy, Gautier

Avoués :

Mes Mottet, Rahon

Avocats :

Mes Pailloncy, Gaumet

TGI Clermont-Ferrand, du 29 juin 2005

29 juin 2005

Après avoir entendu à l'audience publique du 29 mai 2006 les représentants des parties, avisés préalablement de la composition de la cour, celle-ci a mis l'affaire en délibéré pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, indiquée par le Président, à laquelle a été lu le dispositif de l'arrêt dont la teneur suit, en application de l'article 452 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu le jugement rendu le 29 juin 2005 par le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand qui a rejeté l'ensemble des demandes formées par les époux Gay et l'EURL Du Temple contre M. Peuch;

Vu les conclusions d'appel signifiées par les époux Gay et l'EURL Du Temple, le 12 mai 2006, tendant à faire juger nul le contrat signé avec M. Peuch et obtenir le remboursement de la somme de 9 379,76 euro;

Vu les conclusions signifiées par M. Peuch, le 15 mai 2006, tendant à la confirmation de la décision déférée;

Attendu que les époux Gay, qui exploitent e" société, par le biais de l'EURL Du Temple, ont été victimes, le 11 décembre 2002, d'un incendie, qui a ravagé un de leurs bâtiments agricoles ; qu'après avoir déclaré le sinistre auprès de leur assureur, le GAN, ils ont confié la défense de leurs intérêts à M. Peuch, expert, aux termes d'un contrat d'ordre de mission, en date du 14 décembre 2002; qu'un accord est intervenu avec l'assureur sur le montant des dommages subis et sur l'indemnité à revenir aux exploitants, selon deux procès-verbaux d'expertise, en date du 7 mars 2003 mais que, par acte du 2 juillet 2004, les époux Gay ont assigné M. Peuch en nullité du contrat intervenu entre eux et en paiement de l'indu, perçu directement de l'assureur, soutenant que la convention n'était pas conforme aux exigences légales du Code de la consommation, réclamant le remboursement du paiement indu de la somme de 9 379,76 euro et, subsidiairement, la différence entre le montant des honoraires et celui effectivement réglé à ce titre par l'assureur ; que, par la décision déférée, le premier juge a rejeté leur demande, en relevant que le contrat litigieux ne relevait pas du Code de la consommation et que la somme de 9 379,67 euro, contractuellement prévue, était bien due, même si l'assureur avait, en vertu du contrat d'assurance souscrit, limité la garantie " honoraire expert " à la somme de 2 431 euro;

Attendu qu'en leurs écritures d'appel, les appelants maintiennent que l'ordre de mission du 14 décembre 2002 a été établi sur un formulaire pré-rempli, qui relève des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, régissant le démarchage à domicile, notamment en donnant expressément la possibilité d'annuler la commande, conformément aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 ; qu'ils soutiennent qu'ainsi les cocontractants sont expressément convenus de placer leurs relations contractuelles dans le cadre des dispositions du Code de la consommation qui impose, à peine de nullité, la présence de diverses mentions légales, inexistantes en l'espèce et notamment le lieu de conclusion du contrat, la date du sinistre, le prix global à payer et la reprise textuelle de certaines dispositions ; que, subsidiairement, ils entendent faire limiter la rémunération de l'expert à la somme de 22 341 euro prise en charge par l'assureur, soutenant n'avoir jamais voulu consentir des honoraires supérieurs à ceux prévus, au terme de leur contrat d'assurance ; que M. Peuch conclut à la confirmation, soulignant qu'il n'y a jamais eu démarchage à domicile et des dispositions du Code de la consommation ne bénéficiant qu'aux seules personnes physiques, alors que le contrat d'ordre de mission a été régularisé par l'EURL Du Temple, représentée par ses gérants, pour les besoins de l'activité professionnelle d'agriculteur; que, s'agissant des honoraires, il maintient qu'ils ont été contractuellement fixés, dans le cadre du contrat d'ordre de mission, à 5 % du montant des dommages subis, conformément aux usages en la matière et qu'il a perçu la somme de 9 379,76 euro dans le cadre d'une délégation d'honoraires parfaitement régulière;

Attendu qu'il ressort des documents au dossier qu'est bien intervenu, entre l'EURL Du Temple, représentée par ses gérants, les époux Gay, et M. Peuch, le 14 décembre 2002, un contrat d'ordre de mission, expressément régi, selon ses propres énonciations, par la loi du 22 décembre 1972, portant au verso le rappel de plusieurs dispositions de cette loi et notamment la possibilité d'une annulation de commande pendant un délai de sept jours ; qu'ainsi, les parties ont, expressément, entendu se placer dans le champ d'application de cette loi et du Code de la consommation ; qu'il est acquis et jugé que la loi sur le démarchage est bien applicable à la fourniture de services et notamment à la visite effectuée par le démarcheur d'un cabinet d'expertise auprès d'un agriculteur, après un sinistre dans son exploitation; que si le champ d'application de la loi est limité aux personnes physiques, la liberté contractuelle ouvre aux cocontractants la faculté de se placer sous le régime de dispositions légales qui, au regard de la délimitation légale de leur champ d'application, ne seraient pas applicables et que, dès lors, des dispositions protectrices relatives au démarchage peuvent, par ce biais, protéger une personne morale comme l'EURL Du Temple ; que le contrat litigieux, qui concerne l'expertise d'un sinistre, échappe à la compétence professionnelle des époux Gay, agriculteurs et qu'ainsi, les dispositions de la loi du 22 décembre 1972 sont bien susceptibles d'être invoquées; qu'au terme de celles-ci, le contrat écrit doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions et, notamment, la reproduction, de manière apparente, des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation, la simple constatation, par le juge, de l'absence des mentions obligatoires exigées par le texte suffisant à justifier la nullité du contrat conclu ; que le contrat doit, notamment, comprendre, à peine de nullité, un formulaire détachable, destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation par le client ; qu'il est acquis qu'en l'espèce, ce formulaire détachable fait défaut ainsi que, particulièrement, la mention du prix global à payer, et les modalités exactes de son calcul, affectées d'une relative indétermination en raison du caractère sommaire et elliptique de la mention manuscrite portée au contrat : "5 % des dommages ; qu'au reste, M. Peuch ne discute pas l'irrégularité du contrat au regard des dispositions du t2ode de la consommation, se bornant à soutenir qu'il échappait à son champ d'application ; qu'au regard des irrégularités invoquées et constatées, il y a bien lieu, par infirmation, de déclarer nul le contrat d'ordre de mission intervenu entre l'EURL Du Temple et M. Peuch et de condamner ce dernier à rembourser la somme de 9 379,76 euro indument perçue ; que le contrat invoqué étant nul, il appartiendra aux parties de redéfinir, amiablement ou sous arbitrage judiciaire, les conditions de l'intervention de M. Peuch et, notamment, la juste rémunération à laquelle il peut prétendre, au regard du travail qu'il a effectué au profit de l'EURL Du Temple ; que l'équité commande d'allouer à cette dernière, pour les frais non taxables inutilement exposés par ses soins, dans la présente procédure, une somme de 1 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme en totalité la décision déférée; Statuant à nouveau, Prononce la nullité du contrat d'ordre de mission intervenu le 14 décembre 2002 entre l'EURL Du Temple et M. Peuch; Condamne M. Peuch à payer à l'EURL Du Temple la somme de 9 379,76 euro en remboursement de celle indûment perçue et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 2 juillet 2002, valant mise en demeure; Condamne M. Peuch à verser à l'EURL Du Temple une somme de 1 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne M. Peuch aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.