Cass. com., 18 janvier 2011, n° 09-16.303
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pinot (conseiller doyen faisant fonction)
Avocats :
Me Le Prado, Me de Nervo, SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Didier, Pinet, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez
LA COUR : -Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 7 mai 2009), que la société Maschinenfabriken Bernard Krone Gmbh (la société Krone) a vendu une presse à fourrage avec pick-up à la société Amazone qui l'a revendue à la société Agri Ouest ; qu'à la suite d'une commande du 12 avril 2000, cette dernière l'a livrée à la société Gautronneau Denis (la société Gautronneau) le 15 mai 2000 ; que la machine ayant pris feu le 13 août 2000, la société Gautronneau a déclaré un sinistre à son assureur, la société caisse mutuelle d'assurances et de prévoyance - Aeras dommages (la société CMA) ; que la société CMA a diligenté une expertise amiable déposée le 17 mai 2001 ; que par ordonnance de référé du 5 mars 2002, les sociétés Gautronneau et CMA ont obtenu une expertise confiée à M. Y qui a conclu le 19 janvier 2004, après un pré rapport du 1er juillet 2003, à l'existence d'un vice de conception entraînant un risque d'incendie ; que par actes des 3, 4 et 19 août 2003, la société CMA a assigné les sociétés Ouest Agri, Amazone et leurs assureurs respectifs, la société Le Continent, aux droits de laquelle vient la société Assurance France Generali (la société Generali), et la société Royal & Sun Alliance, devenue la société Compagnie Royal International Insurance Holdings Limited en paiement de dommages-intérêts ; que la société Gautronneau est intervenue volontairement à la procédure ; que la société Amazone et son assureur ont assigné en intervention forcée et en garantie la société Krone ; que les procédures ont été jointes ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société Amazone fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de nullité de l'assignation de la société CMA contre la société Amazone, et de l'avoir condamnée à garantir la société Ouest Agri et la société Generali, dans la limite du prix payé par la société Ouest Agri à la société Amazone pour l'achat du matériel litigieux, alors, selon le moyen, qu'en laissant sans aucune réponse les conclusions de la société Amazone soutenant que l'imprécision de l'assignation de la société CMA lui avait causé un grief résultant de l'impossibilité où elle s'est trouvée de formuler avec précision l'assignation en intervention forcée contre la société Krone, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la société Amazone a, au fond, discuté du bien fondé de l'action en garantie des vices cachés, l'arrêt retient que les conclusions de la société Ouest Agri, sollicitant l'application de la garantie de la société Amazone, n'ont pas été signifiées par cette dernière à la société Krone ; que la cour d'appel, qui a établi que la société Amazone ne se trouvait pas dans l'impossibilité de formuler avec précision des conclusions en intervention contre la société Krone, a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Amazone fait grief à l'arrêt d'avoir annulé l'assignation par elle délivrée le 29 janvier à la société Krone, et de l'avoir déboutée de son appel en garantie contre cette dernière, alors, selon le moyen : - 1) que dans ses conclusions d'appel, la société Krone invoquait la nullité de l'assignation en intervention forcée du 29 janvier 2004, faute de demande formée contre elle ; qu'en prononçant la nullité de cette assignation en raison d'imprécisions empêchant la société Krone de comprendre à quel titre et sur quel fondement sa garantie était recherchée, grief tenant à la motivation insuffisante de l'appel en garantie et non à l'absence de demande, la cour d'appel a dénaturé les conclusions précitées, et a violé l'article 4 du Code de procédure civile ; - 2) qu'il résulte des termes clairs et précis de l'assignation en intervention forcée du 29 janvier 2004 que "la CMA recherche la responsabilité de la société Ouest Agri et de son assureur, la compagnie Le Continent, en sa qualité de vendeur du matériel litigieux à la société Gautronneau sur le fondement des dispositions de l'article 1641 du Code civil" et que "la société Amazone étant elle-même le vendeur de la presse cubique auprès de la société Ouest agri et se l'étant procurée auprès du fabricant, la société Krone, a donc intérêt (...) à appeler à la procédure son propre fournisseur à savoir la société Krone aux fins d'obtenir sa condamnation à la garantir de toutes condamnations en principal, intérêts et frais qui pourraient être prononcées à son encontre" ; qu'en décidant qu'une telle assignation, qui indiquait le lien contractuel existant entre la société Amazone et la société Krone ainsi que le fondement juridique du litige, était imprécise en ce qu'elle ne permettait pas à la société Krone de comprendre à quel titre et sur quel fondement sa garantie était recherchée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'assignation précitée, et a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la société Amazone a dénoncé le 29 janvier 2004 à la société Krone l'assignation délivrée en août 2003 par la société CMA en demandant à être garantie par la société Krone de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre ; que l'arrêt retient ensuite qu'à ce stade de la procédure aucune prétention n'était dirigée contre la société Amazone par la CMA et l'exposé du litige ne permettait pas à la société Krone de savoir quelle était la garantie concernée pour faire valoir utilement ses moyens de défense ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que l'imprécision de l'assignation du 29 janvier 2004 résidait dans l'absence de demande à l'encontre de la société Krone, la cour d'appel a, sans dénaturation, décidé que la société Krone ne pouvait pas comprendre à quel titre et sur quel fondement sa garantie était recherchée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Amazone fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à garantir la société Ouest Agri et la société Generali, dans la limite du prix payé par la société Ouest agri à la société Amazone pour l'achat du matériel litigieux, alors, selon le moyen, que l'action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un bref délai qui court à compter de la découverte du vice par l'acquéreur ; qu'en fixant le point de départ du bref délai au 1er juillet 2003, date du dépôt du pré-rapport de l'expert judiciaire, après avoir retenu qu'un expert amiable avait conclu dès le 17 mai 2001 à l'existence d'un vice de la machine, fût-ce sans précision de la nature de ce vice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 1648 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2005, applicable à la cause ;
Mais attendu qu'ayant retenu que l'avis de l'expert amiable du 17 mai 2001, imprécis sur la nature du vice, était insuffisant pour caractériser la découverte de l'existence d'un vice caché, et que la réalité de ce vice a été connue des parties lors du dépôt du pré rapport de M. Y le 1er juillet 2003, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a décidé que les assignations délivrées en août 2003 étaient intervenues dans le bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil et que l'intervention volontaire de la société Gautronneau par conclusions du 7 mai 2004 n'était pas tardive ; que le moyen n'est pas fondé.
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel : Rejette le pourvoi.