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Décisions

CA Agen, ch. civ., 29 septembre 2009, n° 08-01967

AGEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Barbes (Epoux)

Défendeur :

Confort Sécurité Piscine (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme O'Yl

Avoué :

SCP Patureau & Rigault

Avocat :

Me Morisset

TGI Agen, du 20 nov. 2008

20 novembre 2008

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 28 octobre 2006, Monsieur et Madame Barbes ont commandé un couloir de nage de 20 m sur 3,2 m de marque Bluewood auprès de la société Cap Vil.

Le 11 novembre 2006, s'étant rendus à la foire de Bordeaux, ils ont commandé à la société Confort Sécurité Piscine (CSP) un abri de piscine de marque Cintral Azur, moyennant le prix de 24 500 euro TTC sur lequel ils ont versé un acompte de 8 500 euro. La date de livraison était fixée au 28 février 2007.

Invoquant l'incompatibilité de cet abri avec leur bassin et la violation de l'obligation d'information du vendeur, Monsieur et Madame Barbes, par acte du 8 mars 2007, ont fait assigner la Sarl Confort Sécurité Piscine en nullité de la vente.

Par jugement du 20 novembre 2008, le Tribunal de grande instance d'Agen a :

- débouté Monsieur et Madame Barbes de leur demande en nullité de vente de l'abri piscine commandé le 11 novembre 2006 et du surplus de leurs demandes,

- ordonné à Monsieur et Madame Barbes de prendre livraison de l'abri commandé le 11 novembre 2006, sous astreinte de 50 euro par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement pour l'étude de l'opération et ce, pendant trente jours et à compter de la notification de la date de livraison de l'ouvrage par la société CSP,

- les a condamnés à payer à la société CSP la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Monsieur et Madame Barbes ont relevé appel de cette décision.

Ils demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et :

- de prononcer la nullité pour dol de la vente conclue le 11 novembre 2006 avec la société CSP, en conséquence, d'ordonner le remboursement par la société CSP de leur acompte de 8 500 euro et de condamner la société CSP à leur payer la somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- à titre subsidiaire, de dire que leur consentement a été vicié par une erreur, en conséquence, de prononcer la nullité de la vente et d'ordonner le remboursement par la société CSP de leur acompte de 8 500 euro,

- plus subsidiairement, de condamner la société CSP à leur payer 8 500 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice du fait du manquement à l'obligation d'information précontractuelle du vendeur,

- à titre infiniment subsidiaire, de prononcer la résolution du contrat pour manquement au devoir de conseil et en conséquence, d'ordonner le remboursement de leur acompte de 8 500 euro,

- de condamner la société CSP à leur payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'appui de leurs demandes, Monsieur et Madame Barbes rappellent à titre principal les dispositions de l'article 1116 du Code Civil et celles de l'article L. 111-1 du Code de la consommation et font valoir que la société CSP, vendeur professionnel, n'a pas respecté son obligation de renseignement en omettant de les informer de l'incompatibilité de l'abri de piscine proposé avec leur piscine, ou à tout le moins, en omettant de leur donner avant la vente toutes les caractéristiques techniques pour leur permettre de faire un choix éclairé et en leur donnant même une fausse information, en faisant état d'une garantie décennale qui n'existait pas.

Soutenant qu'en présence d'une information complète, ils n'auraient pas commandé le produit litigieux, ils indiquent que selon une expertise qu'ils ont fait diligenter, l'abri ne peut pas être posé sur leur piscine et que n'étant pas des professionnels, ils n'étaient pas à même de juger de la faisabilité du projet alors que la compatibilité de l'abri était un élément déterminant du consentement.

Ils invoquent à titre subsidiaire l'erreur qui a vicié leur consentement et plus subsidiairement, le manquement de la société CSP à son devoir de conseil qui constitue une faute contractuelle et qui permet aux acquéreurs de solliciter la résolution de la vente.

La société Confort Sécurité Piscine, régulièrement assignée par acte d'huissier du 28 mai 2009 remis à une personne habilitée à le recevoir, n'a pas constitué avoué.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2009.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société Confort sécurité Piscine n'ayant pas constitué avoué, il y a lieu de statuer par arrêt réputé contradictoire,

Aux termes de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

En l'espèce, il n'est pas contestable que l'abri de piscine commandé le 11 novembre 2006 par les époux Barbes à la société CSP était destiné à être posé sur leur piscine alors en cours de construction sur leur propriété.

Peu après cette date, Monsieur et Madame Barbes ont douté de la compatibilité de cet abri avec leur piscine et ont tenté d'annuler leur commande. Ils se sont renseignés auprès de la société Cap Vil (entreprise assurant la pose de leur piscine) qui, par lettre du 4 janvier 2007, leur a indiqué que le fabricant de piscine lui avait confirmé que ce type d'abri était déconseillé pour leur bassin et qu'il remettait en cause la garantie fabricant. Il en précisait les raisons qui tenaient à un risque de déformation des margelles de la piscine, au fait que le rail de l'abri était plus large que les margelles ce qui augmentait encore le porte à faux sur la bordure extérieure et au fait que le rail devait reposer sur une ceinture béton qui était incompatible avec une piscine hors sol Bluewood dont le bois était l'atout esthétique recherché.

En cours de procédure, les époux Barbes se sont adressés au cabinet d'expertise Claverie qui, au vu d'une part, du bon de commande de l'abri, du schéma de dimensions rail et d'un courrier descriptif de la société CSP et d'autre part, des caractéristiques de leur piscine, a indiqué que l'abri vendu par la société CSP ne pouvait pas être posé sur leur piscine pour les raisons suivantes :

- les rails ne sont pas adaptés aux margelles,

- les dimensions des margelles et la position du rail support des coulissants sont incompatibles,

- les margelles ne peuvent résister aux contraintes des rails et de l'abri.

Cette analyse, qui émane d'un ingénieur expert spécialiste en piscines et qui confirme l'avis précédemment donné par le fabricant de la piscine dos époux Barbes, permet de retenir que ces derniers ont acquis auprès de la société CSP un abri inadapté à l'usage auquel il devait l'employer.

L'obligation d'information mise à la charge du vendeur professionnel par l'article L. 111-1 du Code de la consommation lui impose de se renseigner sur les besoins de l'acheteur et de l'informer de l'adéquation du matériel à l'utilisation prévue.

De plus, il appartient au vendeur professionnel de prouver qu'il a exécuté son obligation de renseignement.

Cette preuve n'est pas apportée par les éléments du dossier et il apparaît au contraire que la société CSP n'a pas respecté son obligation.

En effet, dans le cadre de cette obligation, le vendeur aurait dû, avant d'accepter la commande des époux Barbes, se renseigner sur les caractéristiques de leur piscine en vérifiant si elle pourrait ou non supporter l'abri litigieux afin de leur indiquer si cet élément correspondait à leur besoin.

Or, bien que les époux Barbes aient indiqué à la société CSP que leur piscine était en cours de réalisation et qu'ils en aient fourni les plans ainsi qu'il résulte d'une mention manuscrite portée sur le bon de commande, celle-ci ne les a pas éclairés utilement sur les conditions d'utilisation de l'abri de piscine et sur les risques présentés par son installation sur leur piscine.

Cependant, si la société CSP n'a pas satisfait à son obligation d'information, ce seul manquement ne peut suffire à entraîner la nullité du contrat dès lors qu'il n'est pas établi qu'il avait un caractère intentionnel et qu'il a provoqué une erreur déterminante chez ses co-contractants. Or, aucun élément objectif ne démontre que la société CSP a volontairement dissimulé aux époux Barbes un élément essentiel à leur consentement. Le tribunal a ainsi retenu à bon droit qu'un dol par réticence n'était pas caractérisé et il ajustement débouté les appelants de leur demande de nullité du contrat sur ce fondement.

En revanche, le manquement de la société CSP à son devoir de conseil est de nature à justifier la résolution de la vente, sollicitée à titre subsidiaire devant la cour par les époux Barbes.

Il n'est pas contestable en effet, au vu de la mention manuscrite suivante, portée sur le bon de commande : "piscine non finie à ce jour > plans", que les époux Barbes avaient précisé au vendeur qu'ils avaient commandé une piscine qui était en cours de réalisation.

Il découle naturellement de cette circonstance que dans l'esprit des co-contractants, l'abri de piscine que les époux Barbes souhaitaient acquérir devait nécessairement pouvoir s'adapter à leur piscine. Or, compte tenu de l'avis formel et explicite donné par le cabinet d'expertise Claverie, il est certain que la société CSP leur a vendu un bien qui ne correspondait pas à celui qu'ils recherchaient alors qu'ils l'avaient informée de leur besoin et qui créait même un risque d'effondrement des margelles de leur piscine et de destruction de l'abri.

Il est dès lors établi que le vendeur n'a pas informé ses cocontractants sur les contraintes techniques et d'utilisation de l'abri de piscine, pourtant d'un prix non négligeable de 24 500 euro, qu'il ne leur a pas donné un avis pertinent sur la compatibilité de cet abri avec leur piscine et qu'il a ainsi méconnu l'obligation de conseil qui lui incombait.

Cette obligation, qui constitue un accessoire de l'obligation de délivrance du vendeur, s'imposait d'autant plus en l'espèce que les époux Barbes n'avaient aucune compétence particulière en la matière.

II ya lieu en conséquence, compte tenu de la gravité du manquement de la société CSP, de prononcer la résolution du contrat de vente à ses torts et de la condamner à restituer aux époux Barbes l'acompte de 8 500 euro qu'ils lui ont versé.

Il convient par ailleurs, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, de condamner la société CSP à payer à Monsieur et Madame Barbes la somme de 1 500 euro au titre des frais exposés dans cette procédure et de la condamner aux entiers dépens.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort, Confirme le jugement rendu le 20 novembre 2008 par le Tribunal de grande instance d'Agen en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame Barbes de leur demande en nullité de la vente, Infirme le jugement déféré en ses autres dispositions, Et statuant à nouveau : Prononce la résolution de la vente d'un abri de piscine, conclue le 11 novembre 2006 entre la société Confort Sécurité Piscine et Monsieur et Madame Barbes, Condamne la société Confort Sécurité Piscine à rembourser à Monsieur et Madame Barbes la somme de 8 500 euro versée à titre d'acompte, Condamne la société Confort Sécurité Piscine à payer à Monsieur et Madame Barbes la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Confort Sécurité Piscine aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.