CA Besançon, 2e ch. civ., 19 juin 2007, n° 06-00437
BESANÇON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sodex Etablissements Vieille (SARL)
Défendeur :
d'Houtaud
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Sanvido
Conseillers :
MM. Polanchet, Vignes
Avoués :
SCP Leroux, Me Graciano
Avocat :
Me Terryn
Faits et prétentions des parties :
Christophe d'Houtaud a commandé auprès de la SARL Sodex Etablissements R. Vieille, pour la construction de sa maison d'habitation, des rouleaux de sous-toiture bitume Forst BTX et des panneaux isolants Rockiel 444 qui lui ont été livrés le 23 juillet 2002 pour un montant de 17 698,13 euro selon facture du 31 juillet 2002.
Par ordonnance du juge d'instance de Pontarlier du 13 mars 2003, Monsieur d'Houtaud a été enjoint de payer à la SARL Sodex le solde restant dû de 3 598,77 euro.
Statuant sur l'opposition du débiteur, le tribunal a, le 5 juillet 2004, ordonné une expertise.
Après dépôt du rapport, le tribunal, statuant par jugement du 13 février 2006, auquel la cour se réfère pour l'exposé complet des faits et moyens, ainsi que pour les motifs, a:
- rejeté la demande en paiement de la SARL Sodex,
- condamné la SARL Sodex à venir récupérer à ses frais les matériaux inutilisés (14 rouleaux de sous-toiture Bitume Forst BTX et 110 m2 de panneaux isolants Rockciel 444) avant un délai de un mois à compter du jour de la signification de la décision sous astreinte de 5 euro par jour de retard,
- condamné la SARL Sodex à payer à Christophe d'Houtaud les sommes de:
- 263,12 euro au titre des frais de déménagement des matériaux
- 53,82 euro par mois à compter du 15 septembre 2005 jusqu'au jour de l'enlèvement par la SARL Sodex des Etablissements R. Vieille des matériaux, au titre des frais d'entreposage des matériaux,
- rejeté la demande reconventionnelle de Christophe d'Houtaud en paiement de dommages-intérêts,
- rejeté la demande de la SARL Sodex au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné la SARL Sodex à payer à Christophe d'Houtaud la somme de 900 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- condamné la SARL Sodex aux dépens, incluant le coût de l'expertise;
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 6 mars 2006, la SARL Sodex a interjeté appel de cette décision.
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Vu les dernières conclusions déposées le 22 novembre 2006 par l'appelante aux termes desquelles elle demande à la cour, après infirmation du jugement de:
- condamner Christophe d'Houtaud à lui payer la somme de 3 598,77 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2003,
- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
- débouter Christophe d'Houtaud de sa demande reconventionnelle,
- le condamner au paiement d'une indemnité de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu les dernières conclusions déposées le 12 janvier 2007 par Christophe d'Houtaud, intimé, concluant à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts et sollicitant pour le surplus, sur son appel incident, la condamnation de la SARL Sodex à lui payer le somme de 2 500 euro à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier et celle de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu les pièces régulièrement communiquées et la procédure;
Vu l'ordonnance de clôture intervenue le 5 avril 2007;
Motifs de la décision:
Attendu que Monsieur d'Houtaud, édifiant pour son propre compte une maison d'habitation à Houtaud, sans recourir à des entreprises, ni à un maître d'œuvre ou métreur, a commandé à la SARL Sodex différents matériaux de construction et a reproché à celle-ci d'avoir manqué à son obligation de conseil en ce qui concerne l'appréciation de la quantité de panneaux isolants Rockciel 444 fournie qui s'est avérée supérieure à ce qui était nécessaire et de lui avoir livré des éléments de sous-toiture Forst BTX incompatibles avec l'isolant Rockciel;
Que la SARL Sodex fait grief au premier juge d'avoir au-delà de l'obligation de conseil incombant à tout vendeur vis-à-vis d'un acheteur non-professionnel, mis à sa charge les obligations inhérentes au contrat de maîtrise d'œuvre et de métreur vérificateur, consistant à vérifier si la quantité des produits livrés n'est pas excédentaire ou si le procédé constructif mis en œuvre est adapté;
Attendu que selon l'article L. 111-1 du Code de la consommation, tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service;
Que dans le cadre de son obligation d'information et de conseil accessoire à son obligation de délivrance, le vendeur d'un matériel doit s'informer des besoins de son acquéreur, informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose vendue et de son aptitude à atteindre le but recherché;
Attendu, en l'espèce, que Monsieur d'Houtaud, bien qu'ayant entrepris de réaliser lui-même la construction de sa maison d'habitation, n'avait pas la qualité de professionnel du bâtiment et doit être regardé comme un consommateur profane;
Sur les panneaux isolants Rockciel 444;
Attendu que conformément à la commande de son client, la SARL Sodex lui a livré 350 m2 de panneaux isolants Rockciel 444, alors que, selon l'expert Prieur, 240 m2 ont été posés et que la trop grande quantité d'isolant fournie résulte du fait que la construction de Monsieur d'Houtaud possède de nombreux débords de toiture qui constituent des surfaces en dehors du volume chauffé qu'il n'était pas impératif d'isoler thermiquement;
Attendu cependant que s'il appartenait à la SARL Sodex d'apprécier la quantité de panneaux isolants à fournir à Monsieur d'Houtaud en fonction du métré établi par celui-ci, il ne lui incombait pas de vérifier la fiabilité dudit métré ou de procéder elle-même à un nouveau métré, opération qui échappait à sa compétence, et qu'il y a d'ailleurs lieu de relever à cet égard que les indications données par le maître de l'ouvrage avaient conduit, ainsi que l'a relevé l'expert, la société Doras, consultée au titre d'une mise en concurrence des fournisseurs de matériaux, à estimer la quantité à livrer à 90 m2 de moins que nécessaire, alors qu'il est reproché à l'appelante d'avoir fourni 110 m2 en trop;
Que contrairement à l'appréciation du premier juge, l'inadéquation de la quantité livrée à la quantité nécessaire pour réaliser les travaux d'isolation ne peut être imputée à un manquement du vendeur à son obligation de conseil, alors que le devis attirait l'attention du client sur la nécessité de faire toutes vérifications préalables pour élaborer sa commande en fonction des détails du chantier et qu'aucun élément ne démontre l'immixtion du représentant de la SARL Sodex dans l'établissement du métré;
Attendu, en conséquence, que Monsieur d'Houtaud ne peut prétendre s'abstenir de régler les panneaux isolants excédentaires et que le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la SARL Sodex de sa demande en paiement desdits matériaux et ordonné à celle-ci de les reprendre dans le délai d'un mois à compter de sa signification sous astreinte de 5 euro par jour de retard
Sur l'incompatibilité de la sous-traitance Forst BTX avec l'isolant Rockciel :
Attendu que par lettre du 21 janvier 2002, Monsieur d'Houtaud avait informé la SARL Sodex du principe retenu d'isolation du toit sur la charpente, sans qu'il ait été précisé s'il était ou non prévu une circulation d'air entre l'isolant et la sous-face de la toiture;
Qu'au titre de son devoir de conseil, il appartenait au vendeur professionnel de s'assurer des conditions de mise en œuvre de l'isolation par l'implantation d'un écran de sous-toiture au contact de l'isolant sans ventilation en sous-face, ce qui impliquait que l'écran fourni soit hautement perméable à la vapeur d'eau, et de la compatibilité entre eux des matériaux fournis;
Que selon l'expert Prieur, la solution prévue était compatible avec la construction située à 810 mètres d'altitude, la présence d'une lame d'air entre l'isolant et la sous-face n'étant préconisée par les normes techniques qu'en zone haute-montagne, c'est-à-dire pour des constructions situées à une altitude supérieure à 900 mètres;
Attendu, cependant, qu'il a été relevé par l'expert, que l'écran de sous-toiture Forst RTX devait, selon ses caractéristiques techniques, toujours être ventilé en sous-face et ne répondait pas aux normes de haute perméabilité à l'eau, de sorte qu'il ne pouvait être posé au contact de l'isolant Rockciel;
Qu'il s'ensuit que le tribunal a, à bon droit, retenu que la SARL Sodex avait manqué à son obligation de conseil et ordonné la reprise par celle-ci, sous astreinte, du matériel Forst BTX;
Que l'appelante devra en outre rembourser à l'intimé le prix des matériaux objet de cette commande, "soit 879,06 euro TTC", de sorte que l'intimé reste lui devoir la somme de 2 719,71 euro;
Sur la demande de dommages-intérêts:
Attendu que Monsieur d'Houtaud expose avoir dû faire l'avance de frais de location de locaux du fait du retard pris par la construction, de transfert de marchandises, d'expertise, d'avocat et avoir en outre subi un préjudice moral;
Qu'outre le fait qu'il ne produit aucun justificatif à cet égard, il y a lieu de prendre en considération la circonstance que la responsabilité de la SARL Sodex ne peut être recherchée que pour une partie des matériaux livrés;
Qu'il s'ensuit que les dommages-intérêts réparant le préjudice subi par l'intimé seront limités à la somme de 1 500 euro;
Attendu que la SARL Sodex qui succombe partiellement en son appel sera condamnée aux dépens et ne peut prétendre au bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Qu'il y a lieu en revanche de la condamner à payer à Monsieur d'Houtaud une indemnité de 1 200 euro sur ce même fondement;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré, Réforme partiellement le jugement rendu le 13 février 2006 par le Tribunal d'instance de Pontarlier, Statuant à nouveau, Condamne Christophe d'Houtaud à payer à la SARL Sodex Etablissements Vieille la somme de deux mille sept cent dix-neuf euro soixante et onze centimes (2 719,71 euro) avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2003, Condamne la SARL Sodex Etablissements Vieille à payer à Christophe d'Houtaud la somme de mille cinq cents euro (1 500 euro) à titre de dommages-intérêts, Ordonne à la SARL Sodex Etablissements Vieille de reprendre à ses frais les quatorze (14) rouleaux de sous-toiture Bitume Torst BTX dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de cinq euro (5 euro) par jour de retard, Condamne la SARL Sodex Etablissements Vieille à payer à Christophe d'Houtaud la somme de mille deux cents euro (1 200 euro) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute les parties de leurs plus amples demandes, Condamne la SARL Sodex Etablissements Vieille aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise, avec pour ceux d'appel, possibilité de recouvrement direct au profit de Maître Graciano, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.