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Décisions

CA Dijon, ch. civ. B, 26 février 2009, n° 08-00930

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ali

Défendeur :

Fagot

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Munier

Conseillers :

Mme Vieillard, M. Lecuyer

Avoués :

SCP Bourgeon-Boudy, me Gerbay

Avocats :

Me Ruther, SCP Dorey - Portalis - Pernelle - Fouchard - Bernard

TGI Dijon, du 30 avr. 2008

30 avril 2008

Le 11 mai 2004 Monsieur Thierry Fagot, exerçant sous l'enseigne SLPO, a vendu à Monsieur Jean-Noël Ali, pour équiper son véhicule Fourgon de marque Ford Transit, un moteur d'occasion moyennant le prix de 1 200 euro. Cette vente était assortie d'une garantie contractuelle de 6 mois.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 juin 2004, Monsieur Ali a avisé son vendeur que le moteur ne fonctionnait plus, de l'eau se mélangeant à l'huile. La garantie contractuelle lui a été refusée sur la base d'une clause d'exclusion figurant au contrat.

Par ordonnance de référé en date du 14 septembre 2004, Monsieur Grisot a été désigné en qualité d'expert. Il a déposé son rapport le 6 mars 2006.

Par acte d'huissier du 25 octobre 2006, Monsieur Jean-Noël Ali a fait assigner Monsieur Thierry Fagot en paiement, sur le fondement de la garantie contractuelle ou subsidiairement des articles 1641 et suivants du Code civil, des sommes de 1 794 euro au titre de la fourniture et du remplacement du moteur, 644,32 euro au titre des frais engagés et 20 000 euro au titre du préjudice subi.

Par jugement du 30 avril 2008, retenant que la garantie contractuelle n'était pas due mais que le moteur était affecté d'un vice caché lors de la vente, le Tribunal de grande instance de Dijon a condamné Monsieur Fagot à payer à Monsieur Ali la somme de 6 058,32 euro soit 1 200 euro au titre du remboursement du moteur vicié, 594 euro au titre de son remplacement, 564,32 euro au titre des frais de démontage, 3 700 euro au titre du préjudice matériel subi du fait de l'immobilisation du véhicule, a débouté Monsieur Ali de sa demande en paiement de frais irrépétibles et a condamné Monsieur Fagot aux dépens.

Monsieur Jean-Noël Ali a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 30 mai 2008.

Par conclusions déposées le 10 octobre 2008 il demande à la cour :

- à titre principal de dire que le moteur acquis auprès de Monsieur Fagot devait bénéficier d'une garantie contractuelle

- à titre subsidiaire, vu les articles 1641 et suivants du Code civil, de condamner Monsieur Fagot à lui payer les sommes de 1 794 euro au titre de la fourniture et du remplacement du moteur, 644,32 euro au titre des frais engagés et 20 000 euro au titre du préjudice subi.

Il fait valoir :

- que le refus de prise en charge au titre de la garantie contractuelle l'a contraint à solliciter une mesure d'expertise judiciaire

- que les conditions d'application de la garantie figurent au dos de la facture et qu'elles n'ont pas été portées à sa connaissance préalablement à la vente

- que les conclusions de l'expert quant à l'origine de la panne sont parfaitement claires et qu'elles ne sauraient être remises en cause

- qu'en raison du refus opposé par Monsieur Fagot à la prise en charge des travaux de pose et fourniture d'un nouveau moteur, il a été contraint d'arrêter sa profession de commerçant ambulant le 22 juin 2004, ne pouvant se permettre de louer un véhicule de remplacement ; que le tribunal a limité à tort son indemnisation à la somme de 3 700 euro, soit quatre mois ; qu'en toute hypothèse son préjudice ne pourrait être évalué à une somme inférieure à 14 800 euro en retenant une perte de revenus de 925 euro par mois pendant 16 mois, soit du 22 juin 2004 au 20 octobre 2005.

Par conclusions déposées le 23 octobre 2008 Monsieur Thierry Fagot demande à la Cour de débouter Monsieur Ali de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il avance que la garantie contractuelle n'est pas due en raison de la clause d'exclusion figurant au dos de la facture, que le rapport est émaillé de lacunes qui ne permettent pas d'en retenir les conclusions de sorte que l'existence du vice n'est pas démontrée, qu'enfin Monsieur Ali, qui a cessé son activité le 22 juin 2004, soit 15 jours après la panne, ne peut affirmer que celle-ci l'a contraint à cette extrémité, étant donné que dès le 26 juillet 2004, il lui a été proposé le remboursement de son moteur.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la garantie

Attendu qu'aux termes de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, tout vendeur professionnel de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ;

Que la clause d'exclusion de garantie contractuelle qui figure au dos de la facture remise à Monsieur Ali nécessairement après la vente n'a donc pas été portée à sa connaissance au moment de la conclusion de celle-ci ; qu'elle ne peut ainsi être valablement invoquée par le vendeur ;

Attendu en tout état de cause que le tribunal a exactement retenu que le moteur vendu par Monsieur Fagot était atteint d'un vice caché lors de la vente ;

Qu'en effet un premier rapport d'expertise amiable, réalisé par Carthage & Associés et déposé le 25 juin 2004, avait conclu avant démontage que le moteur était bloqué par la présence d'eau dans un cylindre, que le liquide de refroidissement se mélangeait à l'huile et que trois hypothèses étaient à envisager : culasse fissurée, joint de culasse endommagée ou bloc moteur cassé suite au gel ;

Que l'expert judiciaire a pour sa part constaté que les pistons étaient bloqués dans les cylindres à la suite d'une présence importante d'eau et que le joint de culasse présentait des traces de passage d'eau entre le 1er et le 2e cylindre ; qu'il a considéré que compte tenu du très court temps d'utilisation, le moteur d'occasion acquis par Monsieur Ali devait déjà être affecté d'un passage d'eau dans les cylindres lors de la vente ; que le blocage du moteur et une présence importante d'eau dans l'huile ayant été constatés par Monsieur Renard du cabinet Carthage lors de son expertise du 22 juin 2004, il a écarté l'hypothèse du cabinet Cadexa selon laquelle la présence d'eau dans le moteur pouvait être due à l'immobilisation conséquente du véhicule dans la cour du garagiste avant l'expertise ; qu'enfin il a répondu très précisément aux dires de Monsieur Fagot en notant que la présence d'eau dans le filtre à air et le collecteur d'admission n'avait pas de relation avec l'origine de l'accident, que le liquide retrouvé dans les cylindres du moteur et en particulier dans le 3e cylindre provenait pour une certaine quantité d'un manque d'étanchéité entre la culasse et le bas moteur et qu'enfin le joint de culasse présentait un sertissage défectueux au niveau du ler cylindre et des faiblesses sur les autres cylindres ainsi qu'il ressortait des photographies annexées au rapport ;

Que l'ensemble de ces constatations rendent inopérantes les critiques élevées par l'intimé contre ce rapport et ruinent la thèse d'une infiltration d'eau dans le moteur pour une cause extérieure à celui-ci ;

Qu'il est constant que ce vice rend le moteur impropre à son usage et que Monsieur Fagot, vendeur professionnel, doit être tenu à réparer l'entier préjudice subi par Monsieur Ali ;

Sur le préjudice

Attendu que le premier juge a exactement considéré que Monsieur Fagot devait restituer le prix du moteur défectueux et régler la somme de 594 euro au titre du surcoût du moteur de remplacement, ainsi que la somme de 564,32 euro correspondant aux frais de démontage ;

Qu'il a, pour de justes motifs que la cour adopte, rejeté la demande en paiement de la somme de 80 euro, prix de l'expertise amiable ;

Que s'agissant du préjudice économique, si Monsieur Ali justifie avoir cessé ses activités de commerçant ambulant le 22 juin 2004, en revanche il n'est pas possible de retenir que la panne du moteur équipant son véhicule l'a empêché d'exercer toute activité pendant vingt mois comme il le soutient, et ce d'autant plus qu'il résulte des pièces annexées au rapport d'expertise que dès le 26 juillet 2004, Monsieur Fagot lui a proposé de lui rembourser son moteur ;

Que le préjudice économique de Monsieur Ali sera donc justement réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 euro ;

Sur les autres demandes

Attendu que Monsieur Jean-Noël Ali, qui succombe en son appel, sera débouté de sa demande en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que l'équité commande qu'il ne soit pas fait application du même texte au profit de Monsieur Fagot.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme la décision rendue le 30 avril 2008 par le Tribunal de grande instance de Dijon sauf en ce qu'elle a condamné Monsieur Thierry Fagot à payer à Monsieur Jean-Noël Ali la somme de 3 700 euro au titre du préjudice matériel subi du fait de l'immobilisation du véhicule, Réformant de ce chef et statuant à nouveau, Condamne Monsieur Thierry Fagot à payer à Monsieur Jean-Noël Ali la somme de 1 000 euro au titre de son préjudice financier, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.