Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 25 juin 2009, n° 08-12.632

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Avocats :

Me Le Prado, SCP Gatineau, Fattaccini

Aix-en-Provence, du 21 nov. 2007

21 novembre 2007

LA COUR : - Joint les pourvois n° W 08-12. 632, n° X 08-14. 197 et n° X 08-20. 706 qui sont connexes ; - Attendu que M. X, médecin esthéticien, a, en mars et avril 1999, pour combler les rides du visage de Mme Y, effectué plusieurs injections de Dermalive, produit fabriqué par la société Dermatech et mis sur le marché en octobre 1998 ; qu'ayant présenté, dès septembre 1999, des nodules au niveau des sites d'injection et ayant dû subir l'ablation de nombreux granulomes, Mme Y a assigné M. X et la société Dermatech, actuellement représentée par M. E, liquidateur judiciaire, ainsi que l'assureur de celle-ci, la société Axa France IARD, en réparation de son préjudice ; que, par un premier arrêt du 21 novembre 2007, qualifié d'arrêt par défaut au motif que M. X, qui n'avait pas constitué avoué, n'aurait pas été assigné à personne, la cour d'appel a accueilli la demande de Mme Y à l'encontre de M. X, a rejeté les demandes dirigées contre la société Dermatech et mis hors de cause la compagnie Axa France IARD ; que par un arrêt rectificatif (Aix-en-Provence, 10 septembre 2008), la cour d'appel a substitué la qualification d'arrêt réputé contradictoire à celle initialement donnée au premier arrêt, en relevant que M. X avait été cité à personne ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° W 08-12. 632 de M. X dirigé contre l'arrêt du 21 novembre 2007 : - Attendu que M. X fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande formée contre la société Dermatech, d'avoir prononcé la mise hors de cause de la compagnie Axa France IARD et de l'avoir condamné à payer en deniers ou quittances à Mme Y la somme de 11 000 euro, alors, selon le moyen, que : - 1) si le défendeur ne comparait pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ; que l'article 13 de la directive CEE du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux doit être interprété en ce sens que les droits conférés par la législation d'un État membre aux victimes d'un dommage causé par un produit défectueux, au titre d'un régime général de responsabilité ayant le même fondement que celui mis en place par ladite directive, peuvent être limités ou restreints à la suite de la transposition de celle-ci dans l'ordre juridique interne dudit État ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les articles 1386-1 et suivants du Code civil étaient applicables à la demande d'indemnisation du dommage subi par Mme Y du fait de l'injection du produit Dermalive ; qu'en confirmant le jugement entrepris qui avait retenu la responsabilité de M. X sur le fondement de l'obligation de sécurité de l'article 1147 du Code civil, au prétexte qu'il n'était pas comparant et que le principe de sa responsabilité n'était pas contesté par les parties présentes, quand il lui appartenait de constater que l'absence de défectuosité du produit Dermalive qu'elle a relevé excluait la responsabilité de M. X, comme elle excluait celle de la société Dermatech, la cour d'appel aurait violé les articles 1147 et 1386-18 Code civil, ensemble l'article 472 du Code de procédure civile ; - 2) subsidiairement, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le produit Dermalive n'était " pas un médicament mais un produit d'esthétique commercialisé pour le comblement des rides " ; que la notice d'utilisation mentionnait seulement " le risque de réactions inflammatoires (rougeurs oedèmes) " ou " l'apparition d'autres effets secondaires " sans autre précision qu'il appartenait aux utilisateurs de " signal er au revendeur " ; qu'il s'en induisait que le produit Dermalive, qui a provoqué non pas de simples rougeurs ou oedèmes, mais des granulomes qu'il a fallu opérer, ne présentait pas la sécurité à laquelle il était raisonnable de s'attendre compte tenu de son utilisation purement esthétique et de sa présentation ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 1386-4 et 1386-11 du Code civil ; - 3) en outre, le producteur d'un produit est responsable de plein droit des conséquences de la défectuosité du produit à moins qu'il ne prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment où il a mis le produit en circulation n'a pas permis de déceler l'existence de ce défaut ; qu'en écartant en l'espèce la responsabilité de la société Dermatech au motif inopérant qu'elle démontrait avoir procédé à l'ensemble des tests exigés par les dispositions légales et réglementaires en vigueur au moment de la mise en circulation sans constater qu'il était impossible de déceler l'existence de son défaut quand les premiers juges avaient relevé qu'elle n'avait pas mis en œuvre tous les moyens que les données de la science lui offraient notamment à l'aide d'études scientifiques permettant de mettre en évidence l'ensemble des risques avant la mise sur le marché, l'expert ayant relevé " que ce sont les premiers patients injectés qui ont parfois fait les frais de cette expérimentation ", la cour d'appel n'aurait pas valablement motivé sa décision au regard des exigences de l'article 1386-10 et 1386-11 du Code civil ;

Mais attendu que M. X, intimé, qui avait comparu en première instance mais non dans l'instance d'appel, n'avait énoncé aucun moyen à l'encontre du jugement rendu contradictoirement, dont la cour d'appel a adopté les motifs ; que le moyen, mal fondé en sa première branche, est nouveau et mélangé de fait, partant irrecevable, en ses deux autres branches ;

Et sur le pourvoi n° X 08-20. 706 de M. X à l'encontre du premier arrêt et de l'arrêt rectificatif : - Attendu que les moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais, sur le moyen unique du pourvoi n° X 08-14. 197 de Mme Y, pris en ses cinq branches, dirigé contre le premier arrêt : - Vu les articles 1386-4 et 1386-10 du Code civil ; - Attendu que pour exonérer de sa responsabilité la société Dermatech et, en conséquence, la société Axa France IARD de sa garantie, l'arrêt retient que, compte tenu, d'une part, de ce que les éléments de la notice d'utilisation, à laquelle le praticien devait se référer, faisant état, au titre des effets indésirables, du risque de réactions inflammatoires (rougeurs, oedèmes) susceptibles " d'être associées à des démangeaisons, des douleurs à la pression pouvant survenir après l'injection ", devaient être portés à la connaissance de la patiente, et, d'autre part, de la récente mise sur le marché, Mme Y ne pouvait prétendre que le produit devait offrir une sécurité absolue, et que la société Dermatech, ayant obtenu un certificat de libre vente délivré par l'AFSSAPS, autorité sanitaire placée sous la tutelle du ministre de la santé, démontrait de ce fait avoir procédé à l'ensemble des tests exigés par les dispositions légales et réglementaires en vigueur au moment de la mise en circulation ;

Qu'en se déterminant ainsi, quand le produit, eu égard à la gravité des effets nocifs constatés dont ni la notice d'information remise au praticien ni la brochure publicitaire destinée à la patiente ne faisaient état, n'offrait pas, dans ces circonstances, la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre, alors même qu'il avait fait l'objet d'un certificat de libre vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs : - Rejette les pourvois formés par M. X ; - Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de Mme Y dirigée contre la société Dermatech et prononcé la mise hors de cause de la société Axa France IARD, l'arrêt rendu le 21 novembre 2007 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.