CA Grenoble, 2e ch. civ., 5 juin 2012, n° 11-00582
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Castorama France (SA)
Défendeur :
Mutuelle Assurance des Commercants et Industriels de France (MACIF), Paul, Esse Bagno (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cavelier
Conseiller :
M. Paris
Avocats :
SCP Pougnand, Me Ramillon
Le 1er août 2009, un dégât des eaux est survenu dans l'institut de beauté situé [...] dont Madame Laurence Paul est propriétaire.
Suite à une expertise amiable contradictoire mise en œuvre à l'initiative de l'assureur de Madame Paul, la société Macif, cette dernière a indemnisé Madame Paul de la somme de 9 597,00euro.
Soutenant que le sinistre dégât des eaux est imputable à la rupture brutale d'un raccord flexible reliant le mitigeur au réseau privatif de distribution d'eau froide, Madame Paul et la société Macif ont fait citer, suivant exploits d'huissier des 29 avril et 4 mai 2010, le vendeur, la société Castorama et le présumé fabricant, la société Esse Bagno devant le tribunal de grande instance de Valence à l'effet de les voir condamnées in solidum à payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à:
1) Madame Paul, la somme de 7.556,00euro déduction étant faite des prestations servies par la société Macif,
2)la société Macif, la somme de 9 597,00euro suivant quittance subrogative du 21 février 2010,
3) aux requérantes, une indemnité de procédure de 1 500,00euro.
Par jugement en date du 25 novembre 2010, le Tribunal de grande instance de Valence a:
*débouté Madame Paul et la société Macif de leurs demandes formées à l'encontre de la société Esse Bagno,
*condamné la société Castorama à payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à:
1) Madame Paul, la somme de 7 556,00euro,
2) la société Macif, la somme de 9 597,00euro,
3) Madame Paul et à la société Macif la somme de 1 000,00euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration en date du 28 janvier 2011, la société Castorama a relevé appel de cette décision.
Par dernières conclusions en date du 19 septembre 2011, la société Castorama sollicite:
*à titre principal, de déclarer irrecevable l'action adverse, les demanderesses connaissant dès les opérations d'expertise, le nom du fournisseur,
*subsidiairement, débouter Madame Paul et la société Macif au regard de l'absence de démonstration d'une défectuosité du produit vendu à l'origine du préjudice allégué,
*très subsidiairement, condamner la société Esse Bagno à la relever et garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre,
*en tout état de cause, condamner Madame Paul et la société Macif ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 3 000,00euro au titre de ses frais irrépétibles
Par écritures récapitulatives du 25 août 2011, Madame Paul et la société Macif demandent la confirmation du jugement entrepris, sauf à porter le montant de l'indemnité de procédure à la somme de 3 000,00euro.
La société Esse Bagno citée le 5 juillet 2011 à personne habilitée à recevoir l'acte, n'a pas constitué avocat.
La clôture de la procédure est intervenue le 5 avril 2012.
Sur ce:
Attendu que Madame Paul et la société Macif fondent leur action sur les articles 1386-1 et suivants du Code civil relatifs aux produits défectueux ;
Attendu que Madame Paul en versant aux débats, une facture en date du 18 juin 2006, justifie avoir acheté un mitigeur auprès de la société Castorama ;
Attendu en premier lieu que la société Castorama soulève sur le fondement de l'article 1386-7, l'irrecevabilité des demandes adverses au motif que les intimées connaissaient dès les opérations d'expertise le nom du fabricant;
Que la société Castorama affirme qu'elle-même a acheté les mitigeurs auprès de la société Esse Bagno, son intermédiaire avec la société Paini
Attendu que si effectivement , Madame Paul et son assureur, la société Macif ont fait citer la société Esse Bagno en qualité de fabricant, la société Castorama qui ne verse aux débats outre les extraits K bis des sociétés Paini France et Esse Bagno, qu'une facture du 5 mai 2006 de la société P-Trade et une facture du 24 avril2006 de la société Paini, ne démontre aucunement, en l'absence de toute facturation provenant de la société Esse Bagno, qu'elle a acheté le mitigeur litigieux à cette société;
Attendu qu'il ne ressort pas de l'expertise amiable que la société Esse Bagno aurait fourni la société Castorama en mitigeurs ;
Qu'ainsi, il existe une réelle interrogation sur le rôle de cette société Esse Bagno non convoquée aux opérations d'expertise ;
Attendu qu'il s'en déduit que c'est par seule mesure de précaution que Madame Paul et la société Macif ont attrait la société Esse Bagno, dont vraisemblablement le nom a circulé lors des opérations d'expertise;
Que c'est à juste titre que le tribunal a rejeté les demandes de Madame Paul et de la société Macif à l'égard de cette entreprise, en retenant qu'en l'absence de tout élément probant, la qualité de fabricant ne pouvait être reconnue à la société Esse Bagno ;
Attendu que par application de l'article 1386-7, le producteur ne pouvant être identifié, le vendeur, en l'espèce la société Castorama, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur;
Attendu dès lors, que Madame Paul et la société Macif sont parfaitement recevables à poursuivre la société Castorama ;
Que celle-ci, qui n'a pas constitué avocat en première instance, n'a d'ailleurs pas usé du délai de 3 mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée, pour valablement désigner son propre fournisseur ou le producteur ;
Attendu en deuxième lieu, que la société Castorama soutient que ses adversaires ne démontrent pas la réalité de la défectuosité du produit ;
Attendu qu'aux termes de l'article 1386-4, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ;
Attendu qu'il ressort du PV de constatation contradictoire que le flexible équipant le mitigeur s'est rompu au niveau du sertissage du raccord en aval de l'écrou de serrage alors qu'il ne présentait aucune trace côté réseau;
Qu'il est ainsi démontré un manque de solidité du flexible et un manque subséquent de la sécurité normale à laquelle l'utilisateur peut légitimement s'attendre alors que le mitigeur installé par un professionnel, s'est rompu à l'issue d'une courte période d'utilisation, en l'espèce au bout de seulement 3 années alors que pour un produit de cette nature, le consommateur peut légitimement s'attendre à une plus grande pérennité du produit;
Attendu que le rapport d'expertise relève que suite à la rupture de ce flexible, un dégât des eaux a affecté le local professionnel de Madame Paul nécessitant divers travaux sur la nécessité desquels les 3 experts dont celui mandaté par la société Castorama s'accordent unanimement ainsi que sur le chiffrage des préjudices subis;
Attendu dès lors que c'est à bon droit que le tribunal a condamné la société Castorama à payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à Madame Paul, la somme de 7 556,00euro et à la société Macif, la somme de 9 597,00euro;
Attendu par voie de conséquence que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions;
Attendu que la société Castorama succombant, elle supportera les frais de ses adversaires, non compris dans les dépens;
Attendu enfin, pour les mêmes raisons qu'elle sera condamnée aux entiers dépens de l'instance avec distraction en cas de demande, au profit de l'avocat des intimés.
Par ces motifs, -LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi, - Confirme en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 novembre 2010 par le Tribunal de grande instance de Valence.