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Décisions

Cass. com., 7 décembre 2010, n° 09-71.355

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano

Agen, du 21 sept. 2009

21 septembre 2009

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Pyrénées Diesel, concessionnaire de la marque Renault Trucks, après avoir effectué des travaux sur le compas et le vérin de la benne d'un camion, a acheté ce camion-benne à la société propriétaire ; que par bon du même jour, la société Saubeau a passé commande à la société Pyrénées Diesel de l'engin à la condition particulière suivante : "vendu en l'état" ; que la société Pyrénées Diesel a établi la facture de cette vente à la société Saubeau ; qu'ensuite, celle-ci l'a revendu à M. X ; qu'avant de délivrer l'engin, elle a procédé à sa remise en état, et confié la réparation du compas du vérin à la société Delorme ; qu'au cours de l'utilisation de l'engin pour des travaux, les fixations ont lâché, entraînant la chute de la benne et divers dégâts au véhicule ; que M. X a assigné en référé la société Saubeau en paiement de provision et que cette société a assigné à son tour en référé la société Delorme et la société Pyrénées Diesel aux fins de garantie ; que le juge des référés a joint les deux instances et ordonné le renvoi de l'affaire au fond ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses trois premières branches : - Attendu que la société Pyrénées Diesel fait grief à l'arrêt de la condamner à relever et garantir la société Saubeau de la totalité des condamnations prononcées à son encontre et, notamment à restituer le prix du camion, soit 33 000 euro, à M. X et à payer à ce dernier la somme de 22 288,74 euro en réparation de préjudices d'exploitation, alors, selon le moyen : - 1) que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant que la mention "véhicule vendu en l'état, vu et connu de l'acheteur, sans garantie" portée par la société Pyrénées Diesel sur sa facture du 20 décembre 2005 adressée à la société Saubeau était inopposable car elle était tardive et n'entrait donc pas dans le champ contractuel, de sorte que seule la mention du bon de commande selon laquelle le véhicule était "vendu dans l'état" aurait été opposable à la société Saubeau, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à s'expliquer sur un tel moyen relatif à l'inclusion de la facture dans le champ contractuel qu'elle a relevé d'office, a violé l'article 16 du Code de procédure civile ; - 2) qu'en jugeant que la société Saubeau avait passé commande à la société Pyrénées Diesel d'un camion par bon du 20 octobre 2005 pour en déduire que la facture établie le 20 décembre 2005 pour la vente de ce camion était tardive et que ses stipulations n'entraient pas dans le champ contractuel, tandis qu'il résultait des termes clairs et précis du bon de commande que celui-ci était daté du 20 décembre 2005, de sorte que la facture était concomitante à la commande et que ses stipulations entraient dans le champ contractuel, la cour d'appel a dénaturé ce bon de commande, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; - 3) qu'est valable la clause d'exclusion de garantie stipulée entre professionnels de la même spécialité et apposée sur la facture de vente ; qu'en écartant la stipulation d'exclusion de garantie selon laquelle le véhicule était "vendu en l'état, vu et connu de l'acheteur, sans garantie", au motif impropre que cette clause avait été stipulée sur une facture, tandis qu'une telle stipulation valait exclusion de garantie des vices cachés et que cette exclusion était entrée dans le champ contractuel des parties à la vente, professionnels de même spécialité, la cour d'appel a violé l'article 1643 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que par bon du 20 octobre 2005, la société Saubeau a passé commande à la société Pyrénées Diesel de ce matériel moyennant le prix de 17 500 euro HT condition particulière suivante : "vendu en l'état" et que seule cette mention lui est opposable ; qu'il retient encore que la mention "véhicule vendu en l'état, vu et connu de l'acheteur, sans garantie" portée par la société Pyrénées Diesel sur sa facture du 20 décembre 2005 adressée à la société Saubeau, tardive et partant non entrée dans le champ contractuel, lui est en revanche inopposable ; qu'ainsi, la cour d'appel, sans encourir les griefs de la première branche du moyen tiré de l'applicabilité de la facture litigieuse qui était dans le débat, a souverainement constaté que ni la facture ni l'exclusion de la garantie des vices cachés n'avaient reçu l'accord des parties, peu important l'erreur de date à laquelle le bon de commande avait été signé, cette date étant inopérante ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le pourvoi incident : Sur les deux premiers moyens, rédigés en termes identiques, réunis : - Attendu que la société Saubeau fait grief à l'arrêt d'ordonner la résolution de la vente du camion en vertu de l'article 1641 du Code civil, de la condamner à restituer le prix du camion, soit 33 000 euro, à M. X, et de porter à la somme de 22 288,74 euro sa condamnation envers M. X en réparation de ses différents préjudices d'exploitation, alors, selon le moyen : - 1) que l'action rédhibitoire en garantie des vices cachés ne peut être accueillie que si le vice présente une gravité suffisante ; que la cour d'appel, statuant par motifs propres, a retenu que le coût de réparation du camion s'élevait à 28 000 euro environ, que son prix de vente hors taxes était de 33 000 euro et que la comparaison de ces deux sommes caractérisait un vice d'une gravité suffisante pour autoriser la mise en œuvre de l'action rédhibitoire ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le coût des réparations qu'elle retenait s'entendait toutes taxes comprises ou hors taxes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du Code civil ; - 2) que l'expert chiffrait dans son rapport le coût de réparation de la benne à la somme de 28 246,22 euro TTC ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que le coût de la remise en état du camion s'élevait à 28 246,22 euro HT, pour en déduire que ce coût rendait les réparations économiquement injustifiées, et partant retenir l'existence d'un vice caché, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise, et violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; - 3) qu'en n'expliquant aucunement d'où elle déduisait un montant de remise en état de 28 246,22 euro hors taxes, là où l'expert l'avait chiffré à la somme de 28 246,22 euro toutes taxes comprises, la cour d'appel, qui n'a nullement justifié de ce différentiel de près de 20 % par rapport aux conclusions expertales, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du Code civil ; - 4) que la résolution de la vente implique que les parties soient remises dans le même état que si la vente n'avait pas eu lieu ; qu'en se bornant à condamner la société Saubeau à rembourser le prix d'achat du camion à M. X, sans ordonner corrélativement à l'acquéreur de restituer la chose vendue à la société Saubeau, la cour d'appel a violé l'article 1644 du Code civil ;

Mais attendu que, sous couvert d'un manque de base légale et de violation des articles 1134 et 1644 du Code civil, le moyen critique une omission de statuer sur deux chefs de demande ; que, selon l'article 463 du Code de procédure civile, cette omission ne peut être réparée que par la juridiction qui s'est prononcée et ne saurait ouvrir la voie à la cassation ; que le moyen est irrecevable ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Saubeau fait enfin grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la société Delorme, alors, selon le moyen : - 1) que l'obligation de résultat qui pèse sur le garagiste en ce qui concerne la réparation des véhicules de ses clients, emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage, dès lors que le dommage trouve sa source dans un organe surlequel le garagiste est intervenu ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations des juges du fond, d'une part, que la société Delorme a été chargée par la société Saubeau d'une réparation sur le vérin compas de la benne, et est effectivement intervenue sur ce vérin compas, d'autre part, que le dommage trouvait sa cause dans une rupture des fixations de ce même vérin compas ; qu'en écartant cependant toute responsabilité de la société Delorme, aux motifs inopérants qu'elle n'avait effectué qu'une soudure sur le vérin compas sans intervenir sur sa bague et ses goupilles défectueuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; - 2) que le garagiste réparateur, tenu d'un devoir de conseil, doit s'assurer de l'efficacité de son intervention, et à ce titre avertir son client de la nécessité de procéder à des réparations complémentaires sur l'organe qui fait l'objet de son intervention ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté, d'une part, que la société Delorme avait été chargée par la société Saubeau, qui s'était aperçue d'un problème au vérin de la benne, d'effectuer une réparation sur ce vérin compas, d'autre part, que le vice affectant la chose et à l'origine du dommage concernait les fixations du vérin compas ; qu'en écartant cependant toute responsabilité de la société Delorme, aux motifs inopérants tirés de ce que cette société n'avait procédé qu'à une soudure sur le vérin compas de la benne sans intervenir sur les goupilles et les bagues s'étant avérées défectueuses, et du faible montant de sa facture, sans rechercher comme elle y était invitée si la société Delorme, chargée par la société exposante d'effectuer une réparation sur le vérin compas de la benne, n'était pas tenue de vérifier la nécessité d'autres réparations, sur cet élément de la benne, que la soudure à laquelle elle a procédé, et d'en avertir son client, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la société Delorme, chargée par la société Saubeau de la réparation du vérin, en l'espèce une soudure, n'était pas intervenue sur les bagues et les goupilles défectueuses, siège du vice, a, sans être tenue de procéder à une recherche non demandée, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche : Vu les articles 1644 et 1645 du Code civil ; - Attendu que pour condamner la société Pyrénées Diesel à garantir la société Saubeau de la restitution du prix de vente et la réparation de préjudices d'exploitation prononcées à son encontre au profit de M. X, l'arrêt retient que les vices cachés affectant l'engin préexistaient à la vente intervenue entre la société Saubeau et la société Pyrénées Diesel ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le vendeur initial ne peut être tenu de garantir le vendeur intermédiaire de la restitution du prix auquel ce vendeur est tenu du fait de la résolution de la vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Rejette le pourvoi incident ; Casse et Annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Nouvelle Pyrénées Diesel à relever et garantir la société Etablissements Saubeau de la totalité de ses condamnations et de sa condamnation aux dépens de première instance, l'arrêt rendu le 21 septembre 2009, entre les parties, par la Cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Montpellier.