CA Douai, 2e ch. sect. 2, 13 octobre 2009, n° 08-05038
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Eymery
Défendeur :
Micro Channel Hardware (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Olivier
Conseillers :
Mme Neve de Mevergnies, M. Deleneuville
Avoués :
SCP Carlier-Regnier, Me Quignon
Avocats :
Mes Mokrowiecki, Gillet
Par contrat sous seing privé de concession exclusive en date du 20 décembre 2004, la SA Micro Channel Hardware a confié à la SARL Webstyle-Soft, représentée par Monsieur Philippe Eymery, la commercialisation en France de ses logiciels dénommés "fileXpress". Dans ce cadre, Monsieur Philippe Eymery a passé commande le 5 janvier 2005 de 250 exemplaires du logiciel pour le prix de 8 180,50 euro hors taxes, un acompte de 2 454,75 euro étant versé à la commande.
Par jugement du 6 novembre 2007, le Tribunal de commerce de Lille a, notamment, rejeté la demande de Monsieur Philippe Eymery en résolution judiciaire de la vente, et condamné ce dernier à payer à la SA Micro Channel Hardware la somme de 5 727,75 euro, solde du montant de la facture, outre intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2005, enfin rejeté toutes les autres demandes.
Monsieur Philippe Eymery a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions déposées le 12 mars 2008, il demande l'infirmation du jugement déféré et sollicite que soit ordonnée la résolution judiciaire de la vente des 250 logiciels en cause ; il soutient, à cette fin, que la commercialisation des logiciels est impossible en France car leur emballage est, selon lui, contraire à la réglementation française qui prévoit l'emploi obligatoire de la langue française ; or le recto de l'emballage des logiciels est essentiellement rédigé en anglais.
Il demande en conséquence condamnation de la SA Micro Channel Hardware à lui restituer l'acompte à hauteur de 2 297 euro, et à lui payer la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SA Micro Channel Hardware, dans ses dernières conclusions déposées le 3 juin 2008, demande la confirmation de la décision déférée et la condamnation de Monsieur Philippe Eymery à lui payer la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle fait valoir, pour l'essentiel, que les termes anglais figurant sur le recto de l'emballage du logiciel peuvent être considérés comme entrés dans le langage courant de l'informatique, et, comme tels, satisfont aux règles de la législation française en la matière. En outre, le verso de l'emballage comporte une description notamment en langue française, et il en est de même pour le manuel d'utilisation ; enfin, l'installation du logiciel est prévue notamment en français et, dans ce cas, les commandes apparaissent aussi dans cette langue. Elle ajoute que Monsieur Philippe Eymery n'établit pas l'impossibilité pour lui de commercialiser les logiciels en France, ce d'autant qu'il indique lui-même en avoir placé 15 exemplaires auprès d'une société française de vente par Internet.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande principale
- sur la conclusion de la vente
Aux termes de l' article 1583 du Code civil , la vente est parfaite entre les parties dès qu'il est convenu de la chose et du prix. En l'espèce, Monsieur Philippe Eymery ne conteste pas être engagé, par la commande qu'il a passée à la SA Micro Channel Hardware le 5 janvier 2005, comme acquéreur de 250 logiciels "FileXpress" 6.2 pour le prix unitaire de 32,73 euro hors taxes, et ne conteste pas davantage que le matériel commandé a bien été livré. Par conséquent, il est tenu de l'obligation principale de l'acquéreur de payer le prix convenu telle qu'elle est rappelée par l'article 1650 du Code Civil.
- sur la demande de résolution de la vente
Monsieur Philippe Eymery fonde cette demande sur l'inexécution par la SA Micro Channel Hardware de son obligation contractuelle de délivrer une chose conforme à la réglementation à laquelle elle est soumise et aux exigences du marché de l'acheteur. C'est à lui qu'il appartient de rapporter la preuve de cette inexécution en application des dispositions de l'article 1315 du Code civil.
Monsieur Philippe Eymery soutient, à cet égard, que la chose vendue ne satisfait pas aux exigences de la loi n° 94-665 du 4 août 1994, en particulier son article 2. Aux termes de ce texte, "Dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi (...) d'un produit ou d'un service, ainsi que dans les factures et quittances, l'emploi de la langue française est obligatoire." Une note de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, produite aux débats par Monsieur Philippe Eymery (sa pièce numéro 11), fait état de ce que l'absence de traduction en langue française est admise dans certains cas, notamment que lorsque sont employés des termes et des expressions "entrés dans le langage courant ou résultant de conventions internationales".
Sur ce point, Monsieur Philippe Eymery reproche à la SA Micro Channel Hardware que, sur le recto de l'emballage des logiciels qui lui ont été vendus par cette dernière figurent les expressions "The easiest Database" et "Dynamic Database". Certes, ces expressions sont en langue anglaise. Cependant, à la lecture des indications figurant en langue française au verso du même emballage, lesquelles comportent nombre de termes techniques propres à ce domaine (par exemples "interface", "champs", "champs locaux", "intégrateur"), il apparaît que les logiciels objets de la commercialisation, et par conséquent du litige, s'adressent à des utilisateurs possédant déjà une expérience poussée en bureautique, et recherchant un produit évolué dans ce domaine. Il s'agit donc de personnes largement initiées à cette matière et, par conséquent, à même de comprendre sans difficulté le terme de "data base" qui, se traduisant en français par "base de données", est couramment utilisé en tant que tel dans ce secteur de la bureautique avancée. Dans ces conditions, il peut être considéré que le terme de "data base" est entré dans le langage courant de l'informatique pour le type de client auquel le logiciel s'adresse. L'adjectif "dynamic" qui est associé à ce terme sur l'emballage est facilement compréhensible pour un francophone puisque sa consonance est identique à celle du terme français. Quant à l'adjectif "easiest", il ne sert qu'à présenter un avantage du produit qui est sa facilité d'utilisation, et non pas à le désigner en tant que tel ; s'agissant précisément des avantages du produit et de ses caractéristiques permettant, pour un client potentiel, de le préférer à un autre, ceux-ci sont décrits au verso en trois langues dont le français signalé par un drapeau français ; l'information sur ce point apparaît ainsi, en l'espèce, suffisamment donnée dans la langue du client potentiel, de telle manière que son choix soit éclairé en conformité avec la législation applicable.
Monsieur Philippe Eymery fait encore valoir, pour appuyer sa position, que la société FNAC a refusé de référencer le produit pour le seul motif de la présence, au recto, de mentions en langue anglaise, mais il ne le démontre pas dès lors qu'il ne verse au débat aucune pièce rapportant la réaction effective de cette société sur son offre de produits. De même, il affirme, mais sans l'établir, que la DGCCRF a "confirmé la non-conformité de l'emballage du logiciel à la loi du 4 août 1994 relatif à l'emploi de la langue française" ; en effet, s'agissant de cet organisme, il verse aux débats uniquement la note générale qui a été visée plus haut, accessible à quiconque sur Internet, et non pas un avis circonstancié et individualisé concernant le produit en cause contrairement à ce que son affirmation laisse penser.
Il en résulte que Monsieur Philippe Eymery ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'inexécution, par la SA Micro Channel Hardware, de ses obligations contractuelles.
Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal l'a débouté de sa demande en résolution de la vente, et l'a condamné en conséquence à payer le solde du prix des marchandises vendues outre intérêts. Le jugement déféré sera donc confirmé dans son intégralité.
Sur les demandes accessoires
Monsieur Philippe Eymery, succombant en son appel, doit supporter les dépens en application de l'article 696 du Code de Procédure Civile. Dès lors, il ne peut être fait application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sa faveur.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SA Micro Channel Hardware tout ou partie des frais qu'elle a dû engager dans la présente instance et qui ne sont pas compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer une somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré. Et, y ajoutant, Condamne Monsieur Philippe Eymery à payer à la SA Micro Channel Hardware la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Rejette toutes les autres demandes. Condamne M. Jean-Yves aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.