CA Pau, 1re ch., 8 février 2011, n° 09-01727
PAU
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pons
Conseillers :
Mme Beneix, M. Augey
Avocats :
SCP De Ginestet - Duale - Ligney, SCP Marbot - Crepin, SCP Piault - Lacrampe-Carraze, SCP Longin - Longin-Dupeyron - Mariol
Le 16 juin 1999, M. Laurent G., militaire de carrière âgé de 30 ans a été opéré par le Dr M. pour une cure de hernie inguinale droite. M. G. a souffert par la suite d'une atrophie du testicule droit et de névralgies nécessitant l'ablation du testicule et la mise en place d'une prothèse réalisée le 8 novembre 1999 par le Dr B.
En raison du déplacement de la prothèse, ce médecin a procédé le 20 décembre 1999 au retrait et à son remplacement.
Puis à la suite de l'éclatement de cette prothèse au cours d'une partie de tennis le 04 mars 2000, il a procédé à son retrait total le 17 mars 2000.
Suivant ordonnances des 25 juillet et 13 octobre 2000 du juge des référés du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, le Pr Quinton, hépato-gastro-entérologue a été désigné en qualité d'expert. Il s'est adjoint le Dr P. urologue en qualité de sapiteur.
Par ordonnance du 20 février 2002 les opérations d'expertise ont été déclarées communes au Laboratoire Euro-Silicones, désigné comme le fabricant de la prothèse.
PROCEDURE
Par actes des 10, 11 et 12 juillet 2006 M. et Mme G. ont assigné le Dr M. et son assureur la Mutuelle d'Assurance du Corps de Santé Française (MACSF), le Dr B. et la SA Laboratoire Eurosilicone en responsabilité et réparation de leurs préjudices.
Ils ont mis en cause également la caisse nationale militaire de sécurité sociale et la mutuelle de l'armée de l'air.
Suivant jugement en date du 11 mars 2009, le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan a :
- déclaré le Dr M. responsable d'un manquement à son obligation d'information à l'origine de la perte d'une chance, de la moitié des conséquences dommageables de l'intervention initiale du 16 juin 1999 et des interventions subséquentes,
- déclaré le Dr B. et la SAS Eurosilicone responsables in solidum de la totalité des conséquences dommageables de la défaillance de la seconde prothèse à l'origine de sa rupture survenue le 4 mars 2000,
- condamné in solidum le Dr M. et son assureur la MACSF à verser à :
. M. G. la somme de 21.410 euro en réparation de son préjudice corporel,
. Mme G. la somme de 2.250 euro en réparation de son préjudice par ricochet, l'une et l'autre avec intérêt au taux légal à compter du jugement,
- condamné in solidum le Dr B. et la SAS Eurosilicone à verser à :
. M. G. la somme de 8.410 euro en réparation de son préjudice corporel et ce in solidum avec l'indemnité ci-dessus à hauteur de 4.205 euro,
.Mme G. la somme de 450 euro en réparation de son préjudice par ricochet et ce in solidum avec l'indemnité ci-dessus à hauteur de 225 euro,
- condamné in solidum les Drs M., B., la MACSF et la SAS Eurosilicone à payer aux époux G., la somme de 5.000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile le tout avec exécution provisoire à concurrence de la moitié des indemnités ci-dessus allouées et de l'intégralité des dépens.
Le Dr M. a interjeté appel suivant déclaration au greffe du 13 mai 2009 et il a réitéré cette déclaration avec son assureur la MACSF suivant déclaration du 15 mai 2009. La jonction des procédures a été prononcée par ordonnance du 1er décembre 2009.
MOYENS et PRETENTIONS des PARTIES
Le Dr M. dans ses dernières écritures en date du 19 août 2010 conclut à l'absence de lien de causalité entre le manquement à l'obligation d'information et la réalisation des risques inhérents à l'intervention du 16 juin 1999. Il sollicite donc la réformation du jugement et en conséquence sollicite sa mise hors de cause. A titre subsidiaire il sollicite une expertise judiciaire complémentaire confiée au Pr Quinton. En tout état de cause il conclut la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté toute faute médicale au titre de l'acte opératoire et du suivi postopératoire et sollicite l'allocation de la somme de 2.000 euro par M. G. sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sa responsabilité a été retenue pour manquement à son obligation d'information qui aurait fait perdre une chance à M. G. sinon de refuser l'intervention, du moins la repousser après la naissance d'un premier enfant. Il constate donc que l'expert comme le tribunal a retenu la nécessité de l'intervention. Toutefois le tribunal ne pouvait se déterminer ainsi en l'absence de preuve d'un risque de stérilité inhérent à ce type de chirurgie dont l'expert n'a pas fait état et alors que l'urgence de l'opération était évidente considérant les activités physiques professionnelles de M. G., militaire de carrière. Il soutient également que le défaut d'information n'a jamais été évoqué devant l'expert ce qui justifie sa demande de complément d'expertise.
La MACSF dans ses dernières écritures communes avec le Dr M., en date du 21 août 2009, sollicite sur le fondement de l' article 1147 du Code civil la réformation de la décision en ce qu'elle a retenu une perte de chance pour M. G. en raison d'un défaut d'information et le débouté de l'ensemble des demandes de ce dernier. A titre subsidiaire, elle sollicite un complément d'expertise confié au Pr Quinton, pour évaluer la réalité du lien causal entre le dommage et le défaut éventuel d'information. En tout état de cause, elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté la faute dans l'acte chirurgical et le suivi post opératoire. Elle sollicite l'allocation de la somme de 2000euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le Dr B. dans ses dernières écritures en date du 11 mai 2010 conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé l'absence de faute médicale ou de manquement à son devoir de conseil. Il conclut toutefois à la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamné in solidum avec le fabricant sur le fondement de la responsabilité sans faute. Le caractère défectueux de la prothèse doit justifier la condamnation du seul fabricant sur le fondement de l'article 1386.7 du Code civil. Il sollicite donc l'allocation de la somme de 2.000 euro en application de l' article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses écritures il rappelle que sa responsabilité n'est que subsidiaire c'est-à-dire qu'elle ne peut être engagée que dans l'incertitude de l'identité du producteur ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La SAS Eurosilicone anciennement dénommée SA Laboratoires Eurosilicone dans ses dernières écritures en date du 16 juin 2010 conclut à la réformation du jugement du 11 mars 2009 en ce qu'il a retenu l'opposabilité du rapport d'expertise du Pr Quinton. Et considérant que les conditions de l'éclatement de la prothèse ont été volontairement occultées par M. G., sa responsabilité doit être écartée pour cause de fait extérieur présentant les caractères de la force majeure. Elle sollicite en conséquence la condamnation de M. G. à lui verser la somme de 4.000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. À titre subsidiaire, en cas de condamnation elle estime que la cour devra déterminer avec précision sa part de responsabilité dans la mesure où les conditions de la solidarité ne sont pas réunies en l'espèce. Et en raison de l'inopposabilité du rapport d'expertise, son coût ne pourra être mis à sa charge.
Sur l'opposabilité du rapport d'expertise :
La SAS Eurosilicone soutient qu'elle n'a pas été correctement assignée. L'assignation a en réalité été délivrée à son distributeur, la SARL Eurosilicone dont le siège social est situé à Saint Grégoire alors qu'elle-même est domiciliée à Apt dans le Vaucluse. Les deux sociétés n'ont aucun lien entre elles. L'expert a reconnu son erreur puisque c'est lui qui a donné l'adresse à M. G.. En vertu de l' article 16 du Code de procédure civile le rapport d'expertise ne lui est donc pas opposable.
Elle soutient n'avoir jamais reçu de convocation par lettre recommandée avec accusé de réception comme l'exige l' article 160 du Code de procédure civile ce qui est sanctionné par l'inopposabilité du rapport d'expertise.
Pour décider que le rapport était opposable le tribunal s'est fondé à tort sur un courrier du 22 novembre 2002 par lequel elle a avisé l'expert de la confusion opérée entre les deux sociétés. Or sa connaissance de l'organisation de l'expertise ne signifie pas qu'elle a disposé d'un temps suffisant pour intervenir aux opérations d'expertise. La confusion des adresses n'est pas, comme l'a affirmé le tribunal, une simple erreur de forme sans conséquence, mais au contraire lui cause un grief dès lors qu'elle n'a pas pu orienter l'expertise sur les conditions dans lesquelles est intervenu l'éclatement de la prothèse survenu à l'occasion d'une partie de tennis, la cause pouvant en être un choc ou un coup et non pas une défectuosité du produit de nature à nuire à la sécurité des usagers.
Sur le fond :
Elle expose que dès lors, la preuve d'un défaut du produit à l'origine exclusive du dommage n'est pas rapportée et ce d'autant que la prothèse n'a pas été conservée. Dans ces conditions l'article 1386.1 du Code civil n'est pas applicable d'autant que l'assignation n'est pas intervenue dans le délai d'un an de l'engagement des poursuites de sorte que l'action contre elle est caduque. Par ailleurs l'imprudence de la victime peut être opposée pour réduire la responsabilité du fabricant.
Enfin, la preuve n'est pas non plus suffisamment rapportée d'un préjudice certain, personnel et direct de la victime par ricochet.
M. et Mme G. dans leurs dernières écritures en date du 26 janvier 2010 concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu une perte de chance du fait d'un défaut d'information de la part du Dr M. et en ce qu'il a déclaré responsable in solidum le Dr B. et la SAS Eurosilicone de l'ensemble des conséquences dommageables de la défaillance de la prothèse.
Ils sollicitent toutefois la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas retenu de faute à l'encontre des Dr M. et Dr B. dans l'acte opératoire et le suivi postopératoire. Ils concluent au débouté des demandes et conclusions adverses et à la condamnation in solidum des requis à leur verser la somme de 3.500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils recherchent la responsabilité du Dr M. :
- au titre du défaut d'information, sur le fondement de l'article 16.3 du Code civil et également sur l'article1147 en raison de l'absence totale d'information concernant les complications connues de récidive, d'atrophie testiculaire et de névralgies résiduelles que l'expert a mis en évidence (page 14 de son rapport) en infraction aux articles L 1111-2 et 4 du Code de la santé publique.
Le préjudice est constitué par la perte de chance de repousser l'intervention jusqu'à la naissance du premier enfant en raison de l'absence d'urgence particulière et les risques non exceptionnels inhérents à la cure chirurgicale. Le chiffrage de la chance perdue à hauteur de 50 % arbitré par le tribunal est conforme à la réalité.
- au titre du défaut de suivi postopératoire, la preuve de la faute résultant de la déclaration du médecin devant l'expert et du défaut de fiches de suivi.
Le Dr M. a laissé à l'initiative du patient et de son médecin, le soin de le contacter en cas de problème ce qui a eu pour conséquence un contrôle insuffisant de la douleur et une absence de soins adéquats. Il n'a été administré que des antalgiques alors qu'il aurait fallu administrer des anti-inflammatoires pour faire disparaître l'oedème. Dès lors les risques inhérents à l'acte chirurgical ont été aggravés par cette attitude qui s'assimile à un abandon du patient.
Sur la responsabilité du Dr B., ils font valoir que le chirurgien est tenu à une obligation de précision renforcée dans la réalisation du geste chirurgical. La faute consiste dans la malposition de la première prothèse et dans l'erreur de choix chirurgical quant à la fixation de la prothèse sur un bourdonnet, en pleine connaissance du risque accru d'infections liées à cette technique.
Sur la responsabilité du laboratoire, ils estiment que le rapport lui est opposable. En effet, par son courrier du 22 novembre 2002 il a démontré qu'il avait eu connaissance de la procédure en référé et de l'expertise et qu'il n'a pas souhaité s'y associer comme l'a relevé le tribunal. Par ailleurs les termes de l'assignation sont univoques quant à la responsabilité recherchée qui était celle du fabricant. Enfin l'erreur d'adresse est dans ce contexte, constitutif d'une irrégularité de forme dont le grief n'est pas rapporté ;
Sa responsabilité sur le fondement des articles 1386.1 et suivants est engagée puisqu'il n'est pas exigé la preuve d'une faute et que l'expert a imputé la rupture à la prothèse. En outre il ne peut être déduit de l'éclatement de la prothèse pendant une partie de tennis, l'imprudence de la victime ou l'existence d'un choc permettant l'exonération de la responsabilité du fabricant ; en matière de prothèses médicales le fabricant et le médecin qui la pose sont tenus d'une obligation de résultat engageant leurs responsabilités in solidum.
M. et Mme G. sollicitent la confirmation du jugement quant au montant arbitré de la réparation des préjudices.
La Mutuelle de l'Armée de l'Air, régulièrement assignée à personne, n'a pas constitué avoué.
La Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale a déclaré une créance de 6740,60euro par courrier du 31 décembre 2009.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2010.
MOTIVATION
Les actes médicaux litigieux ayant été réalisés en 1999, la responsabilité des Dr M. et Dr B. doit être examinée au regard des dispositions législatives et des développements jurisprudentiels antérieures à la loi du 04 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé. C'est ainsi que comme l'a parfaitement relevé le premier juge, l'analyse de la cause doit être faite au regard des dispositions de l'article 1147 du Code civil.
En vertu de ce texte la responsabilité du médecin est fondée sur la faute dont la charge de la preuve repose sur le patient.
Le médecin est tenu d'une obligation de moyens quant aux soins qu'il prodigue, depuis le diagnostic jusqu'au suivi du traitement, ce qui comprend également les investigations ou mesures préalables et le traitement. La violation même involontaire de cette obligation engage sa responsabilité. La preuve ne peut se déduire du seul échec des soins pas plus que de la seule anormalité du dommage ni de sa gravité exceptionnelle. Seul l'aléa thérapeutique qui se comprend comme un risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé, ne peut engager la responsabilité du médecin.
En particulier, il pèse sur le chirurgien, une obligation de précision du geste chirurgical l'obligeant à limiter les atteintes qu'il porte à son patient, à celles qui sont strictement nécessaires à la réalisation de l'intervention. En conséquence, une maladresse ou une erreur commise lors d'une intervention qui n'impliquait pas l'atteinte à la personne du patient mais qui s'est tout de même produite, engage sa responsabilité et est exclusive de la notion de risque inhérent à un acte médical, dès lors par ailleurs qu'aucune anomalie, liée à une particularité de l'anatomie spécifique du patient ou aucune circonstance ne rendait l'atteinte inévitable.
En outre le médecin est tenu d'une obligation de sécurité résultat quant aux choses qu'il utilise ce qui s'entend d'une prothèse.
Enfin, l'article 16-3 du Code civil consacre un droit personnel du patient à être informé des risques fréquents ou graves normalement prévisibles que l'acte médical lui fait encourir. Ce droit doit être sanctionné en tant que tel, à partir du seul constat de son atteinte. Il est donc indépendant des dommages corporels éventuellement subis à l'occasion d'un accident médical. Il appartient au médecin qui engage dans ce cas, sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil , de rapporter la preuve qu'il a correctement exécuté cette obligation d'information.
Sur la responsabilité du Dr M. :
Le Pr Quinton a exclu toute faute médicale de la part du Dr M. à l'occasion de l'intervention du 16 juin 1999 :
- l'indication opératoire c'est à dire le diagnostic a été correctement posé au regard de la hernie inguinale douloureuse présentée par M. G.,
- l'acte chirurgical était attentif, diligent et conforme aux données acquises de la science,
- les suites opératoires immédiates comme à distance ont certes été minimales mais en tout cas suffisantes selon l'expert, en ce qu'elles n'ont entraîné aucune perte de chance,
- les séquelles constituées par l'atrophie testiculaire et les névralgies relèvent de l'aléa thérapeutique.
M. G. n'apporte aucun contredit médical à ces affirmations et constatations notamment quant au rôle causal entre les complications ou séquelles et l'absence de prise d'anti inflammatoires, le contrôle insuffisant de la douleur, la tenue insuffisante des fiches post opératoires qui ne visent pas la visite (contestée au demeurant) du Dr P. voire le suivi à l'initiative du patient ou son médecin traitant.
L'expert n'a pas évoqué la question de l'information préalable due au patient avant tout acte médical. Toutefois d'une part, l'avis d'un technicien n'est pas indispensable pour vérifier non pas le contenu de l'information délivrée mais sa délivrance ce qui est en débat en l'espèce. D'autre part, le Dr M. ne conteste pas l'absence totale d'information du patient sur les conséquences de l'acte envisagé. Il conteste seulement le lien causal entre le préjudice constitué par la perte de chance d'éviter les complications telle que retenue par le tribunal et le manquement au droit à l'information. Or s'agissant d'un droit personnel détaché des atteintes corporelles, accessoire au droit à l'intégrité physique, la lésion de ce droit subjectif entraîne un préjudice moral, résultant d'un défaut de préparation psychologique aux risques encourus et du ressentiment éprouvé à l'idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité corporelle.
En l'espèce l'étendue des conséquences de l'atteinte à ce droit à l'information fixée par le premier juge à la moitié du montant des préjudices corporels subis, correspond à la juste indemnisation de ce préjudice au regard, d'une part, de la gravité de l'acte chirurgical, des conséquences physiques mais également psychologiques ressenties par M. G., des complications connues qui se sont réalisées et d'autre part de la nécessité de l'intervention au regard des douleurs importantes et récurrentes ressenties par lui. Ainsi les indemnisations arbitrées par le premier juge seront adoptées.
Sur la responsabilité du Dr B. :
L'acte médical du 08 novembre 1999 consistant en une orchidectomie et pose d'une prothèse et celui du 20 décembre 1999 consistant en un changement de prothèse sont indemnes de toute critique médicale aux termes des conclusions de l'expert que ce soit en per ou en post opératoire.
Il précise en effet que l'orchidectomie et la pose d'une prothèse réalisées le 08 novembre 1999, se justifiaient par la complication névralgique et l'ischémie testiculaire ; le geste chirurgical était conforme aux données acquises de la science au vu du compte rendu opératoire ; et la prothèse pleine en élastomère de silicone mise en place, correspondait aux recommandations impératives de l' arrêté du 28 mai 1999 bien que ce type de prothèse ait été connu pour être dure, quelquefois mal supportée et comportant un risque de déplacement, risque qui s'est finalement réalisé pour M. G. En se déplaçant la prothèse a entraîné une réaction inflammatoire.
La deuxième intervention du 20 décembre 1999 était donc justifiée et ce d'autant que les douleurs persistaient. Le geste chirurgical a été accompli avec l'assistance d'un chirurgien plastique. Il a été mis en place une prothèse souple pré remplie de sérum physiologique, sur un bourdonnet c'est à dire "un dispositif permettant de réaliser une traction de la prothèse par l'intermédiaire d'un fil traversant le scrotum" mais qui comporte un risque d'infection à partir de l'ouverture sur la surface de la peau et dans une moindre mesure un risque de migration. Pourtant ce choix chirurgical n'est pas critiquable selon l'expert au regard de la précédente migration de prothèse. Et ce d'autant que le risque de migration ne s'est pas réalisé ; il est seulement apparue une "petite collection suputée" dans les suites immédiates de l'intervention mais qui a été rapidement enrayée à la suite d'une intervention le 28 décembre 1999 sous anesthésie locale.
L'expert précise que les actes chirurgicaux ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science La faute médicale reprochée par M. G. consistant dans la malposition de la première prothèse et dans l'erreur de choix chirurgical quant à la fixation de la prothèse sur un bourdonnet, n'est donc pas rapportée.
Et il n'est reproché aucune faute médicale à l'occasion de la troisième intervention du 17 mars 2000 pour l'ablation de la prothèse perforée.
La responsabilité du Dr B. ne peut donc être recherchée sur le terrain de la faute médicale.
En revanche tenu d'une obligation de résultat quant aux choses qu'il utilise dans la pratique de son art, le seul fait de l'éclatement de la prothèse le 04 mars 2002 à l'occasion d'un sport qui n'est pas défini comme dangereux ou comportant des risques d'atteinte physiques anormaux ou encore dont la pratique était déconseillée pour les porteurs d'une telle prothèse, suffit à engager sa responsabilité en l'absence de preuve d'une cause d'exonération ayant les caractéristiques de la force majeure.
La responsabilité du Dr B. étant engagée sur le fondement de l' article 1147 du Code civil et non sur le fondement de l'article 1386-7 du même Code, sa responsabilité n'est pas subsidiaire à défaut d'identification du producteur.
Dans ces conditions le jugement du tribunal de grande instance de Mont de Marsan sera confirmé quant aux responsabilités médicales encourues dans les parts et proportions arbitrées en ce qu'elles ne font l'objet d'aucune critique sérieuse et justifiée.
Sur la responsabilité de la SAS Eurosilicone :
La responsabilité de la SAS Eurosilicone, fabricant de la prothèse, est recherchée par M. et Mme G. en leur qualité de victimes. Or, seul le recours du fournisseur contre le producteur est encadré dans un délai d'un an à compter de sa mise en cause en vertu de l' article 1386-7 du Code civil. L'action de M. et Mme G. contre la SAS Eurosilicone en sa qualité de fabricant, est donc recevable.
En vertu de l' article 16 du Code de procédure civile il appartient au juge de respecter et faire respecter le principe de la contradiction.
En l'espèce la SAS Eurosilicone soutient l'inopposabilité du rapport d'expertise au motif qu'elle n'a pas été invitée à participer à la procédure en référé. En effet tous les actes ont été signifiés au distributeur, la SARL Eurosilicone, domiciliée à Saint Grégoire en Bretagne alors que son siège social est situé à Apt dans le Vaucluse : l'assignation, la signification de l'ordonnance de référé, les convocations de l'expert. Voire la convocation aux opérations d'expertise n'a pas été délivrée par lettre recommandée avec accusé de réception.
Or, il ressort de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Mont de Marsan en date du 20 février 2002 que la responsabilité des "'laboratoires Euro Silicone'" était recherchée en sa qualité de fabricant ; que la confusion résulte de l'homonymie parfaite entre le fabricant et le distributeur que seule la dénomination sociale distingue : SAS Eurosilicone (anciennement dénommée SA Laboratoires Eurosilicone au vu de l'extrait KBis levé en 2002) pour le fabricant et SARL Eurosilicone pour le distributeur ; qu'au vu du courrier de l'une et l'autre en date des 22 et 27 novembre 2002, destinés tous deux à l'expert, il apparaît qu'elles ont parfaitement compris que seul le fabricant était concerné par la procédure ; que dans son courrier du 22 novembre 2002 le conseil de la SAS Eurosilicone, reconnaît expressément avoir connaissance de l'instance en cours mais également de l'expertise ; que l'expert a respecté le formalisme légal en convoquant les parties par lettres recommandées avec accusé de réception le 03 décembre 2002 ; que le rapport n'ayant été rendu que cinq mois plus tard le 19 mai 2003, la SAS Eurosilicone, avait donc le temps de participer aux opérations d'expertise et de faire valoir ses arguments en défense.
Ainsi il est évident que l'ensemble des actes lui ont été communiqués, que la SAS Eurosilicone en sa qualité de fabricant, en avait une parfaite connaissance ainsi que des causes du litige et que ses droits n'ont pas été ignorés.
Elle a fait le choix conscient de ne pas participer aux opérations d'expertise, en ne se considérant pas régulièrement attraite en la cause, et s'est s'exonérée de son obligation de loyauté. Elle s'est ainsi privée volontairement et en toute connaissance de cause, de ses droits à la contradiction.
Le rapport de Pr Quinton est donc opposable à la SAS Eurosilicone en sa qualité de fabricant.
Celle-ci n'oppose pas de moyens techniques médicaux aux conclusions de l'expert qui a invoqué la rupture spontanée de la prothèse sans lien avec les chirurgies du Dr B.. Elle soutient seulement que les circonstances de l'éclatement au cours d'une partie de tennis sont demeurées inconnues. Or à défaut de preuve de précautions particulières que la victime, régulièrement informée n'aurait pas respectées, elle ne peut voir sa responsabilité limitée ou exclue en application des article 1386-1 et suivants du Code civil. Dans ces conditions en application de l' article 1386-4 du Code civil , il apparaît que cette prothèse n'offrait pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
Dès lors la responsabilité de la SAS Eurosilicone est engagée in solidum avec le Dr B. à parts égales. Le jugement sera donc confirmé.
Sur les indemnisations :
Le montant des indemnisations allouées à M. G. par le tribunal dans son jugement du 11 mars 2009 ne sont pas contestées.
Le préjudice subi par Mme G. victime par ricochet a été justement défini, démontré et apprécié dans son quantum par le tribunal comme constitutif d'un préjudice moral d'affection de voir souffrir son époux et d'un préjudice extra patrimonial résultant des répercussions dans la vie commune, comprenant le préjudice sexuel évident, certain et en lien direct avec les faits. Les critiques de la SAS Eurosilicone ne sont corroborées par aucun élément objectif probant. La décision sera en conséquence confirmée de ce chef.
Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme G. la totalité des frais exposés pour agir en justice et non compris dans les dépens, ce qui commande l'octroi de la somme de 3.500 euro sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : - LA COUR, - Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort ; - Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan en date du 11 mars 2009 en toutes ses dispositions ; - Y ajoutant, - Dit que dans leurs rapports entre eux le Dr B. et la SAS Eurosilicone anciennement dénommée SA Laboratoires Eurosilicone, seront tenus à parts égales.