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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 13 mai 2008, n° 07-05625

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Axa France (SA), Valée Satge

Défendeur :

Fagor Brandt (SAS), Compagnie d'Assurances XL Insurance

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Deltel

Conseillers :

M. Blanc-Sylvestre, Mme Bebon

Avocats :

SCP Salvignol - Guilhem, SCP Argellies - Watremet

TGI Carcassonne, du 19 juil. 2007

19 juillet 2007

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 20 août 2003, Madame Valee satge a acheté aux établissements Navio Castellar un sèche linge de marque Brandt.

Le 13 mars 2005, le sèche-linge a pris feu alors qu'il était en fonctionnement à son domicile et l'incendie s'est rapidement propagé jusqu'à la toiture qui a été intégralement détruite.

Après sa déclaration de sinistre effectuée auprès de son assureur Axa Assurances, Madame Valee satge a obtenu, par ordonnance de référé en date du 26 mai 2005, la désignation d'un expert judiciaire.

Les opérations ont été étendues à M Navio et à la société Verges Confort respectivement vendeur et grossiste distributeur du sèche-linge.

L'expert a déposé son rapport le 26 août 2006.

Madame Valee satge et Axa Assurances ont alors fait assigner la Société Brandt Apliances, aux droits de laquelle se trouve actuellement FagorBrandt SAS, ainsi que son assureur la Compagnie XL Insurance devant le Tribunal de grande instance de Carcassonne, afin d'obtenir réparation des conséquences dommageables du sinistre évaluées en principal au montant de 240 731euro.

Par jugement en date du 19 juillet 2007, le Tribunal de grande instance de Carcassonne a rejeté l'intégralité des demandes et condamné la Société Axa Assurances à payer la somme de 600euro aux parties défenderesses sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame Valee satge et la Société Axa Assurances ont relevé appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions en date du 3 mars 2008, Madame Valee satge et la Société Axa Assurances demandent à la Cour de :

- condamner solidairement la Société Fagor Brandt et la Compagnie XL Insurance à leur payer la somme de 240 731euro au titre des travaux de remise en état, outre intérêts,

- les condamner solidairement à leur payer la somme de 15 000euro à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

- les débouter de leurs demandes, et notamment des prétentions infondées injustifiées et exorbitantes élevées au titre de l'abus de procédure et des frais d'article 700 du Code de procédure civile,

- les condamner solidairement à leur payer 6000euro HT sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions en date du 20 décembre 2007, la Société Fagor Brandt et la Compagnie XL Insurance demandent à la Cour de :

- les recevoir en son appel incident et réformer le jugement entrepris,

- déclarer irrecevables les demandes de la Société Axa Assurances et de Madame Valee satge, faute de justifier de leur intérêt à agir,

Subsidiairement,

Vu l'article 1386-1 1, 2°, du Code civil,

-Homologuer le rapport d'expertise judiciaire Donin,

- Dire et juger que l'incendie du sèche-linge est la conséquence d'une intervention sur le sèche-linge postérieurement à sa fabrication, ayant eu pour objet de supprimer le dispositif de sécurité thermique d'origine ;

- Dire et juger que la Société FagorBrandt SAS, venant aux droits de la société Brandt Apliances et son assureur XL Insurance, rapportent la preuve que, compte-tenu des circonstances, le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le sèche-linge litigieux a été mis en circulation, et est né postérieurement ;

- Débouter purement et simplement Madame Valee satge et son assureur Axa-Assurances de l'ensemble de leurs demandes ;

Réformant le Jugement entrepris ;

- Déclarer recevable et bien fondée la demande reconventionnelle de la Société FagorBrandt SAS, venant aux droits de la Société Brandt APLIANCES

- Condamner la Compagnie Axa Assurances et Madame Valee satge à payer à la société FagorBrandt SAS, venant aux droits de la société Brandt Apliances et son assureur XL Insurance la somme de 50.000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Condamner également la Compagnie Axa Assurances et Madame Valee satge à verser à la société FagorBrandt SAS, venant aux droits de la société Brandt Apliances et son assureur XL Insurance la somme de 20.000 euro au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité des demandes

En vertu de l'article L121-12 du Code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé jusqu'à concurrence de cette indemnité dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Les intimés soutiennent que la compagnie Axa Assurances n'a aucun intérêt à agir, faute pour elle de justifier d'une subrogation régulière dans les droits de son assurée.

Or, la Société Axa Assurances produit l'accord de règlement du 16 septembre 2005, selon lequel son assurée a accepté l'indemnisation du sinistre moyennant un règlement 'au titre de l'immédiat' de 240 576euro et 'au titre du différé' valeur à neuf et frais engagés à concurrence de 29 160euro en précisant par avance et sous réserve du paiement effectif subroger son assureur dans tous ses droits et actions en vertu de l'article L.121-12 précité.

En justifiant aux débats des paiements à hauteur de 130 000euro+ 11 577, 28euro à valoir sur l'indemnisation 'au titre de l'immédiat', la compagnie d'assurances se trouve au moins subrogée pour ce montant dans les droits de son assurée, Madame Valée satge conservant un intérêt à agir pour le solde de cette somme ainsi que celle réclamée au titre du préjudice moral qui lui reste personnel.

Les demandes conjointes présentées par Madame Valée satge et la Société Axa Assurances seront par conséquent déclarées recevables.

Sur les responsabilités

Il n'est pas discuté que le départ de feu soit né de l'embrasement du sèche-linge.

Suivant les dispositions de l'article 1386-1 du Code civil le producteur du produit est responsable d'un défaut de son produit qu'il soit lié ou non par un contrat avec la victime'.

Cet article crée une responsabilité de plein droit en matière de produit défectueux à l'égard du fabricant, à moins que celui -ci ne prouve conformément à l'article 1386-11-2°du Code civil que, 'compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement'.

En l'espèce, il résulte des circonstances de l'achat admises par les parties que le 24 décembre 2002, la société Brandt APLIANCES, aux droits de laquelle se trouve actuellement la société Fagor Brandt, a fourni à la société VERGES CONFORT, grossiste en matériel électro-ménager, un sèche-linge de marque Brandt type LT-121 , qu'entre le 17 avril et le 25 mai 2003, la société Verges Confort a vendu cet appareil à Monsieur José NAVIO, détaillant sous l'enseigne "Etablissement Castelar" à Limoux, lequel a revendu cet appareil à Madame Valee satge le 20 août 2003 et a procédé lui-même à la livraison, à l'installation et au branchement de ce sèche-linge, à côté du lave-linge, dans un local à usage de buanderie situé au premier étage de la maison des époux Valee satge..

Or, lors de l'examen technique du sèche-linge qui a été entièrement démonté dans les locaux du Laboratoire Central des industries Electriques, il est apparu, de façon qualifiée de "surprenante" par l'expert, que le branchement des thermostats ne correspondait pas à celui dans la notice Brandt, qu'une flèche marquée dans la tôle indiquait que l'élément chauffant qui aurait dû être disposé vers le bas avait été inversé en étant curieusement situé dans le haut de sèche-linge, les résistances étant même visibles à côté de l'ouverture du passage du linge du tambour, et qu'enfin le fusible de court-circuit thermique avait été neutralisé par un fil de cuivre brasé sur les pattes du composant. (p36 et 39 de l'expertise ).

Le fusible incriminé remplit une fonction de sécurité en coupant le chauffage, notamment en cas de surchauffe et le fait que la traverse supportant le compartiment chauffage ait été remonté à l'envers constitue un facteur aggravant puisque les thermostats et ce fusible sont désormais placés en dessous et non plus au-dessus des résistances (p42), l'expert concluant, en raison de ces modifications anormales, au lien direct entre le montage à l'envers du bloc chauffage et le fusible shunté et le départ du feu(p43 et p44), étant en outre précisé que M VALLEE avait réenclenché le disjoncteur principal de la maison après un premier court-circuit général, révélateur du dysfonctionnement du sèche-linge dont il ne s'était pas aperçu .(p29)

Ces anomalies démontrent qu'une intervention a eu lieu sur l'appareil après la sortie d'usine de l'appareil, la soudure du fusible ne pouvant se produire sur une chaîne de montage en ce qu'elle suppose une manipulation extérieure et volontaire différente du programme prévu avec un matériel distinct (fil de cuivre), que le caractère grossier de cette manœuvre et le temps passé à cet effet n'aurait pu échapper à l'intervenant suivant sur la chaîne ou aux deux contrôleurs procédant aux vérification de l'appareil avant son conditionnement, et que le démontage avait pour objet de neutraliser volontairement la sécurité thermique, le changement de positionnement de la traverse s'expliquant par le démontage rendu nécessaire pour accéder au thermofusible que l'on a l'intention de shunter. ( P40)

S'il n'a pas été possible à l'expert de déterminer l'auteur de ce bricolage hasardeux en raison de la multiplicité des distributeurs intermédiaires qui se sont succédé, de leurs dénégations non vérifiables, et des travaux sur l'installation électrique de l'immeuble rénové par Monsieur Vallee entrepreneur qui a fait intervenir à plusieurs reprises un électricien (p47) à son domicile, il n'en demeure pas moins qu'est ainsi avérée l'existence d'une réparation de fortune postérieure à la mise en circulation de l'appareil, ce qui exonère Brandt de sa responsabilité de plein droit, aucune faute n'étant par ailleurs imputée ou établie à son encontre.

C'est donc à bon droit, et par les motifs ci-dessus ajoutés, que le premier juge a écarté les demandes de prise en charge du sinistre présentées à l'encontre du constructeur de l'appareil et de son assureur.

Pour autant, le recours en justice par les victimes du sinistre ne peut être qualifié d'abusif et la demande en dommages et intérêts sera rejetée, y compris en cause d'appel.

La décision sera ainsi confirmée en toutes ses dispositions.

Les dépens seront laissés à la charge des appelants, parties perdantes.

Ils seront en outre condamnés à verser la somme supplémentaire de 1 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel par les parties intimées.

Par ces motifs - LA COUR, - Déclare recevables mais non fondées les demandes de la Société Axa Assurances et de Madame Valee satge ; - En conséquence, - Confirme le jugement en toutes ses dispositions; - Rejette le surplus des demandes.