Livv
Décisions

CA Amiens, 1re ch. sect. 1, 15 septembre 2011, n° 10-01413

AMIENS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SCEA de Maast, Caisse Régionale d'Assurances Mutuelle Agricole du Nord-Est

Défendeur :

Société coopérative agricole Ax'ion, Neo Fog (SA), Jost Jean Paul (SA) , Lefort (ès qual.), Swingtec GMBH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Belfort

Conseillers :

Mmes Piet, Lorphelin Eres

Avoués :

SCP Le Roy, SCP Selosse Bouvet-Andre, SCP Millon-Plateau, SCP Tetelin-Marguet, de Surirey, Me Caussain

Avocats :

Mes Deveyer, Bachy, Constantinho-Devriendt, Martin, Grasset, Baum Runge & Cie

TGI Soissons, du 18 fév. 2010

18 février 2010

DEVISIONS :

Vu les conclusions déposées le 20 octobre 2010 par la société coopérative Ax'ion ;

Vu les conclusions déposées le 10 février 2011 par M. Jean-Marie Lefort en sa qualité de liquidateur de la Sarl Lefort ;

Vu les conclusions déposées le 19 avril 2011 par la SA Jean-Paul Fost ;

Vu les conclusions déposées le 3 mai par la SCEA de Maast et la compagnie Groupama ;

Vu les conclusions déposées le 3 mai par la SA Neo Fog ;

Vu les conclusions déposées le 4 mai 2011 par la société Swingtec ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 18 mai 2011 ;

Le 3 octobre 2001, la SA Neo Fog a vendu à la SCEA de Maast un appareil de thermonébulisation Swing SN50 permettant de diffuser un produit anti germinatif sur des pommes de terre. Cet appareil fabriqué par la société allemande Swingtec est importé par la société Jost. Sa mise en route et la formation à son utilisation ont été effectuées par la Sarl Lefort. La SCEA de Maast s'était fournie en produit anti germinatif auprès de la société coopérative Ax'ion.

Lors d'une opération de thermonébulisation conduite par M. Leroux, gérant de la SCEA de Maast , le 19 octobre 2001, un incendie endommageait 700 tonnes de pommes de terre, ainsi que le bâtiment agricole où elles étaient entreposées appartenant à M. Leroux.

A la demande de la SCEA de Maast et de la compagnie Groupama, le juge des référés a ordonné le le 31 octobre 2001 une mesure d'expertise à laquelle ont été associés, la SA Neo Fog, puis ultérieurement la Sarl Lefort, la SA Jost et la société Ax'ion.

La SCEA de Maast et son assureur la compagnie Groupama ont assigné la SA Neo Fog et la société Ax'ion en responsabilité, lesquelles ont appelé en garantie le fournisseur et l'installateur, puis le fabricant.

Par un jugement en date du 18 février 2010, le Tribunal de grande instance de Soissons a :

- jugé inopposable à la société Swingtec l'expertise judiciaire,

- déclaré recevables les demandes d'indemnisation de la SCEA de Maast et de la compagnie Groupama en retenant l'existence d'un bail rural entre la SCEA de Maast et M. Leroux,

- a débouté la SCEA de Maast et la compagnie Groupama de l'ensemble de leurs prétentions,

- les a condamnées à payer à la SA Neo Fog la somme de 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-rejeté les demandes des autres parties.

Le tribunal a notamment considéré que la venderesse avait rempli son obligation d'information et de conseil quant à l'utilisation du matériel vendu, que la SCEA de Maast avait utilisé un produit chimique qui n'était pas celui recommandé par le fabricant, le vendeur et le formateur, alors qu'elle avait été mise en garde contre le risque élevé d'incendie, et qu'elle a ainsi commis une faute à l'origine du dommage.

Le 24 mars 2010 la SCEA de Maast et la compagnie Groupama ont interjeté appel de ce jugement dont elles sollicitent l'infirmation.

Sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil, la SCEA de Maast demande la condamnation in solidum de la SA Neo Fog avec la société Ax'ion à lui payer la somme de 25 688,23 euro préjudice non indemnisé par l'assureur augmentée des "intérêts judiciaires, à titre compensatoire, à compter de la date du sinistre", outre le montant de la franchise contractuelle, ainsi que l'indexation de ces sommes sur l'évolution de l'indice BT 01 depuis l'expertise.

Invoquant les mêmes fondements textuels, ainsi que sa subrogation dans les droits de ses assurés, la compagnie Groupama demande la condamnation in solidum de la SA Neo Fog et de la société Ax'ion au paiement de la somme de 192 125,62 euro(indemnité payée à la SCEA de Maast 117 103,71 euro et 75 021,91 euro indemnité payée à M. Luc Leroux) augmentée "des intérêts judiciaires, à titre compensatoire, à compter de la date des quittances subrogatives", outre l'indexation de cette somme sur l'évolution de l'indice BT 01 depuis l'expertise.

Les appelantes demandent de plus à la cour d'ordonner la capitalisation des intérêts, ainsi que la condamnation in solidum de la SA Neo Fog et de la société Ax'ion au paiement de la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SA Neo Fog conteste le bail rural conclu entre la SCEA de Maast dont M. Luc Leroux est le gérant et M. Luc Leroux à l'époque de l'incendie, ainsi que la qualité d'exploitante agricole de la SCEA de Maast et sa qualité d'exploitante du bâtiment incendié, pour en déduire que les demandes dirigées contre elle sont irrecevables.

Elle conteste également la défectuosité de l'appareil vendu par elle au motif qu'il n' a pas été détruit dans l'incendie, et prétend avoir dispensé son obligation de conseil par l'intermédiaire de la Sarl Lefort qui a donné une formation sur l'usage de l'appareil et remis une documentation technique aux deux salariés de la SCEA de Maast, formation à laquelle M. Luc Leroux n'a pas participé.

La SA Neo Fog fait grief à M. Luc Leroux de ne pas avoir surveillé l'appareil pendant toute l'application contrairement aux consignes, d'avoir utilisé un produit inadéquat le "Xedamat" au lieu du "Neoconserviet huileux" préconisé par le fabricant et le vendeur, de ne pas avoir participé à la formation, et d'avoir omis d'arrêter immédiatement les ventilateurs pour arrêter l'incendie.

À titre principal, la SA Neo Fog conclut donc à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les appelantes de leurs demandes.

À titre subsidiaire, dans l'hypothèse de sa condamnation, elle conteste l'indemnité allouée à M. Luc Leroux qui n'a jamais été partie au procès, et demande à la cour de fixer à la date de son arrêt le point de départ des intérêts.

Par ailleurs, invoquant les articles 1383, 1134,1147 et 1386-1 et suivants du Code civil, elle sollicite la condamnation in solidum à être garantie de toute condamnation prononcée contre elle, par la société coopérative Ax'ion : qui a vendu "Xedamat" sans préciser qu'il ne pouvait être utilisé qu'avec Electrofog, par son fournisseur, la SA Jost, par M. Lefort en sa qualité de liquidateur de la Sarl Lefort qui a fourni une formation et une information insuffisantes, et enfin par la société Swingtec, fabricante d'un produit défectueux.

Elle demande également la condamnation in solidum de toutes les parties à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre principal, la SA Jost conclut aussi à la confirmation du jugement critiqué et au rejet de toutes les demandes dirigées contre elle.

Elle souligne les mises en garde contre les risques d'incendie indiquées dans la notice du fabricant, dont la SCEA de Maast n'aurait pas tenu compte, notamment en laissant l'appareil sans surveillance, et en utilisant le produit "Xedamat" au lieu de "Neoconserviet" préconisé exclusivement par le fabricant, ces fautes étant à l'origine du dommage dont elle demande réparation.

Subsidiairement, si elle devait être condamnée, la SA Jost demande à être garantie des condamnations prononcées contre elle par la société Swingtec, sans indiquer le moindre fondement juridique à l'appui de cette prétention, se bornant à indiquer qu'un ingénieur du fabricant aurait participé aux opérations d'expertise.

Elle sollicite la condamnation de toute partie succombante à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Swingtec conclut à la confirmation du jugement, et soutient que l'action récursoire de la SA Neo Fog à son encontre, introduite 4 ans après le dépôt du rapport d'expertise et fondée sur l'article 1386-1 du Code civil est irrecevable car prescrite puisqu'elle disposait d'une année suivant sa citation en justice pour agir.

Elle ajoute que cette action est mal fondée car elle suppose que, conformément à l'article 1386-7 du même Code, l'utilisateur victime du matériel défectueux ait agi sur le même fondement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

L'intimée prétend également que l'expertise judiciaire, à laquelle elle n'a pas été attraite et dont le rapport ne lui a pas été spontanément communiqué lui est inopposable et critiquable d'un point de vue technique, et ne peut en aucun asseoir une condamnation à son égard, à défaut d'autres éléments de preuve.

Elle soutient également que les fautes commises dans l'utilisation du Swingfog SN 50 au mépris des recommandations de son manuel d'utilisation, conduisent au rejet des demandes d'indemnisation de la SCEA de Maast et de la compagnie Groupama.

En tout état de cause, la société Swingtec demande la condamnation in solidum de la SA Jost et de la SA Neo Fog et de toute partie succombante à lui payer la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Lefort en sa qualité de liquidateur de la Sarl Lefort conclut également à la confirmation du jugement, affirmant avoir délivré des informations complètes sur l'utilisation du Swingfog SN 50 et avoir notamment recommandé à la SCEA de Maast d'utiliser exclusivement le produit "Neoconserviet" préconisé par le fabricant.

Il conclut au rejet de toutes les demandes dirigées contre lui et sollicite la condamnation de toutes les parties succombantes à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Enfin, la société coopérative Ax'ion fait valoir qu'elle a vendu à M. Luc Leroux, consommateur averti, qui ne lui a pas précisé l'appareil qu'il comptait utiliser, le produit "Xedamat" dans son emballage d'origine, et souligne que la notice d'utilisation du Swingfog SN 50 n'interdit pas l'utilisation d'un produit à base d'eau comme le "Xedamat", comme le confirme l'expert, cependant que M. Luc Leroux a commis plusieurs fautes dans l'utilisation de cet appareil dangereux.

A titre principal, la société coopérative Ax'ion conclut à la confirmation du jugement et au rejet de toutes les demandes formées contre elle.

À titre subsidiaire, elle demande à être garantie par la SA Neo Fog et la société Jost des condamnations prononcées contre elle en vertu des articles 1147, 1382 et 1383 du Code civil.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation in solidum des appelantes ou de toute autre partie à l'instance à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Toutes les intimées opposent aux appelantes l'inertie dont elles ont fait preuve après le dépôt du rapport d'expertise pour conclure au rejet des intérêts "compensatoires" demandés par elles à compter du sinistre ou de la quittance subrogative.

Les intimées prétendent également que les appelantes ne peuvent à la fois solliciter ces intérêts et l'indexation des indemnités sur l'évolution de l'indice BT 01.

Motifs de la décision

À titre liminaire, par application de l'article 16 du Code de procédure civile, la cour ordonne le rejet des débats des conclusions déposées tardivement le 13 mai 2011 par la société Swingtec, ces écritures n'ayant pu être examinées utilement par les autres parties avant l'ordonnance de clôture intervenue le 18 mai 2011.

La thermonébulisation consiste à mélanger un produit anti-germinatif à l'air chauffé à haute température afin de provoquer un brouillard chaud, qui diffusé dans le bâtiment y transporte les agents germicides.

- Sur la recevabilité des demandes formées par la SCEA de Maast et la compagnie Groupama :

L'article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme le moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel notamment le défaut de qualité ou le défaut d'intérêt.

La SA Neo Fog soulève l'irrecevabilité des demandes formées contre elle par la compagnie Groupama et la SCEA de Maast au motif que celles-ci ne justifient pas d'un intérêt ou d'une qualité pour agir, dès lors qu'elles ne démontrent pas l'existence du bail rural qui liait la SCEA de Maast à M. Luc Leroux, propriétaire du bâtiment dans lequel étaient stockées les pommes de terre, au moment de l'incendie, ni même la qualité d'exploitante du bâtiment sinistré de la SCEA de Maast, observant à juste titre que les deux pièces justificatives produites par celle-ci sont postérieures au sinistre, l'acte authentique de bail datant du 5 décembre 2002, et l'échéance de fermage datant de janvier 2002.

Cependant, cette discussion sur la qualité de preneur à bail rural ou d'"exploitante du bâtiment" de la SCEA de Maast, reprise par le premier juge, ne présente aucun intérêt, dès lors que l'appareil dont l'utilisation est à l'origine du sinistre a été vendu par la SA Neo Fog à la SCEA de Maast, ainsi que l'établit la facture du 3 octobre 2001 émise à l'ordre de la SCEA de Maast.La SCEA de Maast et son assureur, subrogé dans ses droits et dans ceux de M. Luc Leroux, à hauteur des indemnités versées à la suite du sinistre, justifient de leur intérêt et de leur qualité pour agir, puisqu'ils demandent réparation des dommages provoqués par l'utilisation du matériel vendu par la SA Neo Fog, la première en sa qualité de cocontractant de la SA Neo Fog, et l'assureur parce qu'il est subrogé dans les droits de ses assurés dont il a indemnisé les dommages.

La fin de non-recevoir opposée par la SA Neo Fog aux demandes de la SCEA de Maast et de compagnie Groupama n'est donc pas fondée et sera rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point, la cour substituant ses motifs à ceux du premier juge.

- sur les responsabilités :

- de la société NEO FOG :

Dès lors que la compagnie Groupama, subrogée dans les droits de ses assurés à hauteur des indemnités versées par elle, fonde ses demandes en paiement à l'égard de la SA Neo Fog exclusivement sur les articles 1134 et 1147 du Code civil, sa demande en paiement de l'indemnité de 75 021,91 euro versée à M. Luc Leroux, en sa qualité de propriétaire du bâtiment endommagé, sera rejetée, en l'absence de tout lien contractuel entre celui-ci et la SA Neo Fog.

Il résulte des opérations d'expertise que l'incendie est la conséquence de l'inflammation de vésicules de gasoil, utilisé pour rincer l'appareil Swingfog SN 50 selon les préconisations du fabricant, qui ont été projetées à haute température sur l'isolant polyuréthanne, dont M. Luc Leroux avait entouré le tube métallique entourant lui-même le canon de l'appareil introduit par la fenêtre du bâtiment.

L'expert explique que le produit anti germinatif utilisé par M. Luc Leroux, du "Xedamat Aerosol 88" contient de l'eau, alors que le gasoil n'est pas soluble dans l'eau, et qu'il nécessite un chauffage plus important à 500° que le "Neoconserviet huileux" à base de solvant organique, préconisé par le fabricant, la société Swingtec, qui doit être chauffé à 350°.

La cour relève cependant avec l'expert, que selon le manuel d'instructions du fabricant (p.11 mélange à nébuliser) le Swingfog SN 50 permet la thermonébulisation des solvants organiques comme des produits à base d'eau, tel que le "Xedamat", comme l'expert en a fait d'ailleurs l'expérience pendant les opérations d'expertise.

Mais l'expert ajoute que la notice d'utilisation est insuffisante puisqu'elle omet de préciser que "si le solvant du germicide est de l'eau additive, comme c'est le cas du Xedamat Aerosol 88, l'utilisation du gasoil, du mazout ou de l'huile végétale est au contraire à proscrire car il n'y a pas miscibilité de ces solvants avec l'eau", indiquant que M. Luc Leroux, qui n'est pas chimiste, ne pouvait deviner le danger en effectuant le rinçage au gasoil, puisque ces précisions techniques ne figurent pas dans la notice.

Par conséquent, c'est à tort que le premier juge, suivant en cela l'argumentation de tous les intimés, a débouté la SCEA de Maast et la compagnie Groupama de leurs demandes au motif que la première avait utilisé du "Xedamat" au lieu d'utiliser le "Neoconserviet" recommandé par la notice d'utilisation.

En application de l'article 1147 du Code civil, parce qu'elle a failli à son obligation d'information et de sécurité, la responsabilité de la société Neo Fog est engagée dans l'incendie litigieux.

- de la société Ax'ion :

Dès lors qu'il est établi que le Swingfog SN 50 permettait de thermonébuliser le produit "Xedamat" vendu par la société coopérative agricole Ax'ion, et que la SCEA de Maast ne prétend même pas avoir informée celle-ci qu'elle utilisait un appareil Swingfog SN 50, aucune faute contractuelle n'est susceptible d'être imputée à la société Ax'ion, de sorte que les demandes dirigées contre elle seront rejetées.

Les appels en garantie de la société coopérative Ax'ion à l'égard de la SA Neo Fog et de la SA Jost sont donc sans objet.

- de la SCEA de Maast :

La SA Neo Fog et la SA Jost reprochent à M. Luc Leroux, gérant de la SCEA d'avoir laissé l'appareil sans surveillance alors que le manuel d'instructions du fabricant insiste sur le risque d'incendie et sur la nécessité de rester à proximité de l'appareil pendant son utilisation.

Toutefois, il ne peut être reproché à M. Luc Leroux de s'être absenté le temps de faire le tour du bâtiment afin de s'assurer du bon déroulement de l'opération de thermonébulisation, et, comme le lui reproche la venderesse, d'avoir omis d'arrêter les ventilateurs avant d'appeler les pompiers et après avoir utilisé l'extincteur recommandé par la notice, alors que l'arrêt des ventilateurs n'est pas préconisé par le fabricant.

En revanche, M. Luc Leroux a commis une faute ayant contribué au dommage, en entourant le tube métallique dans lequel il avait introduit le canon de l'appareil de mousse polyuréthane inflammable, l'expert expliquant que "l'embrasement devenait inéluctable, dès lors que le gasoil enflammé tombait sur l'isolant polyuréthane", alors que la notice d'utilisation et le manuel d'instructions insistent sur le danger d'incendie, l'appareil chauffant les produits chimiques à de très hautes températures.

Par conséquent, ces fautes du gérant de la SCEA de Maast qui ont contribué à la réalisation de son propre dommage, réduisent de moitié le droit à indemnisation de la société.

- sur la réparation des préjudices :

La société Neo Fog sera donc condamnée à payer à la SCEA de Maast la somme de 12 844,12 euro (la moitié du préjudice de 25 688,23 euro resté à sa charge), et à la compagnie Groupama, subrogée dans les droits de la SCEA de Maast la somme de 58 551,86 euro (la moitié de l'indemnité de 117 103,71euro), le montant des dommages ayant fait l'objet d'un chiffrage contradictoire à l'occasion de l'expertise.

La SCEA de Maast sera déboutée de sa demande de condamnation au paiement d'une franchise contractuelle dont elle n'indique pas le montant.

Alors que l'expert judiciaire avait déposé son rapport le 18 juin 2002, la SCEA de Maast et la compagnie Groupama ont attendu le mois de juin 2005 pour assigner au fond de sorte que rien ne justifie de fixer, "à titre compensatoire" le point de départ des intérêts de la créance indemnitaire de la SCEA de Maast à la date du sinistre, et de la créance indemnitaire de la compagnie Groupama à la date de la quittance subrogative, comme elles le demandent sans invoquer le moindre fondement à l'appui de cette demande.

Il n'y a pas lieu non plus lieu à indexation de ces sommes sur l'évolution de l'indice BT 01 dès lors que la compagnie Groupama réclame le remboursement d'une indemnité qu'elle a effectivement payée et qui a permis à la SCEA de Maast de procéder aux réparations nécessaires.

Dès lors, par application de l'article 1153-1 alinéa 2 du Code civil, la cour fixe à la date du jugement, le point de départ des intérêts au taux légal.

- sur les appels en garantie de la SA Neo Fog à l'égard de ses cocontractants et du fabricant :

Dans l'hypothèse où il est démontré que l'incendie est la conséquence de consignes d'utilisation incomplètes et erronées, la SA Neo Fog demande à être garantie sur le fondement de "l'article 1134 du Code civil" par la société Lefort.

Mais dès lors que la SA Neo Fog reproche à la Sarl Lefort de ne pas avoir exécuté la prestation pour laquelle elle la rémunérait, à savoir dispenser une formation à l'acquéreur de l'appareil vendu par elle, il lui appartient de démontrer le contenu de la prestation de formation contractuellement convenue, et notamment que cette prestation allait au-delà des consignes d'utilisation du fabricant, ce qu'elle ne fait pas, se bornant à produire une facture établie par la Sarl Lefort le 30 septembre 2001.

La SA Neo Fog demande également à être garantie des condamnations prononcées contre elle par la SA Jost en vertu de "l'article 1134 du Code civil" au motif que celle-ci a failli à son obligation de conseil, puisque les instructions d'utilisation sont incomplètes, la SA Jost s'abstenant de répondre sur cette demande de condamnation formée par son cocontractant et se bornant à conclure au débouté de toutes les demandes dirigées contre elle, au motif que les conclusions de l'expert ne sont pas pertinentes.

Mais dans la mesure où, à l'égard de l'acheteur professionnel, l'obligation d'information du vendeur n'existe que dans la mesure où la compétence de l'acheteur ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques de l'appareil vendu, la cour ne peut que constater que la SA Neo Fog spécialisée dans la vente de matériels agricoles ne démontre pas, ni même n'allègue que ses compétences techniques seraient inférieures à celles de son fournisseur.

Les demandes de la SA Neo Fog à l'égard de la SA Jost seront donc rejetées, de sorte que l'appel en garantie de celle-ci dirigé contre la société Swingtec devient sans objet.

Cependant la SA Neo Fog demande également à être garantie par la société Swingtec des condamnations prononcées contre elle, invoquant "l'article 1134 du Code civil", ainsi que les articles 1386-1 et suivants du Code civil.

La société Swingtec répond qu'elle n'a pas été associée aux opérations d'expertise, qu'elle a été attraite en la cause seulement le 16 janvier 2006 par la SA Neo Fog, soit 4 ans après le dépôt du rapport d'expertise, et qu'elle n'a obtenu la communication du rapport d'expertise qu'en juillet 2008, et encore sur injonction du juge de la mise en état, le rapport étant incomplet.

Elle objecte avec raison à la SA Neo Fog que son action à son encontre fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux prévue par les articles 1386 et suivants du Code civil est irrecevable dès lors que, en vertu de l'article 1386-7 alinéa 2 du Code civil, elle disposait, en sa qualité de fournisseur d'un délai d'une année à compter de sa citation en justice pour agir à son encontre.

En effet, alors qu'elle avait été assignée au fond par un acte délivré par la SCEA de Maast et la compagnie Groupama le 22 juillet 2005, la SA Neo Fog a appelé en garantie la société Swintec par des conclusions notifiées le 2 mai 2007.

Par conséquent, son action à l'égard de la société Swingtec fondée sur la responsabilité du fait du produit défectueux est irrecevable car prescrite.

Invoquant le caractère incomplet du manuel d'instructions d'utilisation du fabricant, qui aurait ainsi failli à son obligation d'information, la SA Neo Fog demande la condamnation de la société Swingtec à la garantir des condamnations qui lui sont infligées.

Toutefois, c'est à bon droit que le fabricant fait valoir le caractère inopposable à son égard des opérations d'expertise judiciaire auxquelles il n'a pas été appelé, ni représenté en qualité de partie, conformément à l'article 16 alinéa 2 du Code de procédure civile, peu important que le rapport d'expertise lui ait été communiqué tardivement devant le juge du fond.

Dès lors que le rapport d'expertise est inopposable à la société Swingtec, et que la SA Neo Fog ne produit pas d'éléments de preuve autres que ce rapport, celle-ci n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle du fabricant et sera par conséquent déboutée de toutes ses demandes à l'égard de la société Swingtec.

Le jugement étant infirmé en toutes ses dispositions, la SA Neo Fog sera condamnée à payer à la SCEA de Maast et à la compagnie Groupama la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et la SCEA de Maast et la compagnie Groupama seront condamnées à payer à la société coopérative Ax'ion la somme de 1 200 euro, les autres demandes fondées sur ce texte étant rejetées.

La société Neo Fog est également condamnée aux dépens tant de première instance que d'appel.

Par ces motifs : Statuant après débats publics, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort et mis à disposition du public au greffe, Ordonne le rejet des débats des conclusions déposées le 13 mai 2011 par la société Swingtec, Confirme le jugement rendu entre les mêmes parties par le Tribunal de grande instance de Soissons le 18 février 2010 en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la SCEA de Maast et de la compagnie Groupama formées à l'encontre de la SA Neo Fog et l'infirme pour le surplus, et statuant de nouveau, Déboute la compagnie Groupama de sa demande en paiement de l'indemnité versée à M. Luc Leroux, Déboute la SCEA de Maast et la compagnie Groupama de leurs demandes dirigées contre la société coopérative agricole Ax'ion, Dit que l'appel en garantie de la société coopérative Ax'ion à l'égard de la SA Neo Fog et de la SA Jost est sans objet, Dit que l'appel en garantie de la SA Jost à l'égard de la société Swingtec est sans objet, Condamne in solidum la SCEA de Maast et la compagnie Groupama à payer à la société coopérative Ax'ion la somme de 1 200 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que la SCEA de Maast a commis une faute à l'origine des dommages dont elle demande réparation, réduisant de moitié son droit à indemnisation, Condamne la SA Neo Fog à payer à la SCEA de Maast la somme de 12 844,12 euro avec intérêts au taux légal à compter du jugement, Condamne la SA Neo Fog à payer à la compagnie Groupama subrogée dans les droits de la SCEA de Maast la somme de 58 551,86 euro avec intérêts au taux légal à compter du jugement, Déboute la SCEA de Maast de sa demande au titre d'une franchise contractuelle, Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil, Déclare irrecevable comme prescrite la demande en garantie de la SA Neo Fog à l'encontre de la société Swingtec fondée sur l'article 1386-1 du Code civil, Déclare inopposable à la société Swingtec le rapport d'expertise judiciaire, Déboute la SA Neo Fog de sa demande en responsabilité contractuelle dirigée contre la société Swingtec, Déboute la SA Neo Fog de ses demandes en garantie dirigées contre M.Lefort en sa qualité de liquidateur de la sarl Lefort et contre la SA Jost, Condamne la SA Neo Fog à payer à la SCEA de Maast et à la compagnie Groupama la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette les demandes des autres parties fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SA Neo Fog aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP Le Roy pour ceux dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire et les dépens exposés en référé.