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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 27 juin 2012, n° 09-22589

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Car Evolution (EURL), Honda France (Sté)

Défendeur :

Midi Auto (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

Mme Luc, M. Vert

Avocats :

SCP Naboudet-Hatet, Mes Peyremorte, Bernabe, Dumont Vayssade, Ingold, Landault

T. com. Meaux, du 22 sept. 2009

22 septembre 2009

Vu le jugement en date du 22 septembre 2009 par lequel le Tribunal de commerce de Meaux a condamné solidairement les sociétés Honda Motor Europe South et Car Evolution à payer à la société Midi Auto la somme de 78 277,58 euro à titre de dommages-intérêts, pour non-reprise fautive de ses salariés à la reprise de la concession exploitée par la société Midi Auto, avec intérêts au taux légal, à compter du 26 avril 2007, date de la mise en demeure, et celle de 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 13 novembre 2009 par la société Honda Motor Europe South et ses conclusions enregistrées le 23 avril 2010 tendant à faire :

- infirmer ce jugement,

- condamner la société Midi Auto à lui payer la somme de 10 000 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 6 novembre 2009 par la société Car Evolution et ses conclusions enregistrées le 12 janvier 2012 tendant à faire :

- infirmer le jugement entrepris,

- condamner la société Midi Auto à lui payer la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions déposées le 29 décembre 2011 par la société Midi Auto dans lesquelles elle sollicite la confirmation du jugement entrepris sur le principe et son infirmation quant au quantum de l'indemnité mise à la charge des appelantes, et, demande à la cour, statuant à nouveau, leur condamnation à lui payer la somme de 163 068,11 euro, avec intérêts à compter du 26 avril 2007 et celle de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Honda Motor Europe South (ci-après Honda) est l'importateur exclusif en France de véhicules de la marque Honda, qu'elle distribue par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs exclusifs.

La société Midi Auto bénéficiait, de 1993 à 2005, d'un contrat de concession exclusive octroyé par la société Honda sur le territoire de Toulon. Le 26 avril 2005, la société Honda a mis un terme à ce contrat avec préavis de deux ans et a choisi un nouveau concessionnaire, la société Car Evolution, gérée par M. Borras.

La société Midi Auto a adressé, le 12 mars 2007, à la société Honda et à M. Borras un courrier aux termes duquel elle demandait à M. Borras, en sa qualité de "futur concessionnaire de la marque Honda à compter du mois de mai 2007 sur le territoire de Toulon", de reprendre l'intégralité de ses salariés, conformément aux dispositions de l'article 122-12 du Code du travail, devenu l'article 1224-1 du Code du travail.

Le 21 mars 2007, la société Honda informait la société Midi Auto qu'aucun accord n'avait été signé avec un nouveau concessionnaire sur la ville de Toulon. De son côté, M. Borras lui confirmait le 28 mars 2007 qu'il n'avait, à ce jour, conclu aucun contrat avec la société Honda. En mai 2007, la société Midi Auto a procédé au licenciement de l'intégralité de ses salariés. C'est en remboursement des indemnités mises à sa charge, soit 163 068,11 euro, qu'elle a, par actes des 12 et 16 novembre 2007, assigné les sociétés Honda et Car Evolution devant le Tribunal de commerce de Meaux, estimant ces deux sociétés responsables d'une collusion fautive l'ayant empêchée de pouvoir reclasser ses salariés.

Par le jugement entrepris, le tribunal a partiellement fait droit à ses demandes, estimant que les deux sociétés avaient "commis une faute en retardant au maximum volontairement l'information de la date d'ouverture du nouveau distributeur" et, s'agissant de la société Car Evolution, en attendant le mois de mai, soit une date postérieure à l'expiration du préavis, pour proposer une reprise du personnel. Il a toutefois retenu, à la charge de la société Midi Auto un "manque de réactivité", un "laxisme de gestion" qui aurait concouru au dommage, avec la faute des deux sociétés et il a condamné celles-ci, conjointement et solidairement, à payer à la société Midi Auto la somme de 78 277,58 euro.

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1224-1 du Code du travail (ancien article L. 122-12), "s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise" ;

Considérant que, par courrier du 7 juin 2007, la société Sogefi, futur associée de la société Car Evolution, a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception à la société Midi Auto l'aboutissement des pourparlers avec la société Honda en vue de conclure une concession sur Toulon et a sollicité les coordonnées de ses salariés ; que la société ayant été constituée le 16 juin 2007, la société Sogefi a notifié le 4 juillet 2007 à chacun des salariés une proposition de reprise de leurs contrats de travail ; que le 3 août 2007, la société Car Evolution a signé avec la société Honda un contrat de concession et a débuté son activité le 1er septembre 2007 ; que le 16 août 2007, trois anciens salariés de la société Midi Auto ont accepté de travailler avec la société Car Evolution et ont été embauchés ; qu'il résulte de la chronologie des faits qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société Car Evolution dans la mise en œuvre de l'article 1224-1 du Code du travail ; que le fait que la proposition de reprise des salariés soit intervenue postérieurement aux licenciements n'a aucune incidence sur le respect dudit article, dès lors que celui-ci n'impose aucun délai au nouvel employeur quant à son obligation de proposer aux anciens salariés la reprise de leurs contrats de travail ;

Considérant par ailleurs que les sociétés Car Evolution et Honda ne sauraient être soupçonnées d'une quelconque collusion frauduleuse ayant eu pour objet de déjouer l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail, au préjudice de l'ancien concessionnaire ; qu'en effet, les allégations de la société Midi Auto selon laquelle la société Honda et la société Car Evolution auraient volontairement dissimulé leur projet de concession ne sont étayées d'aucun commencement de preuves ; qu'aucune concession n'avait été envisagée entre les parties dès février 2007, mais seulement l'ouverture d'un garage de réparation de véhicules ; qu'interrogées par la société Midi Auto, les sociétés Honda et Car Evolution n'ont jamais caché ni contesté leur éventuelle future collaboration, rappelant simplement, en mars 2007, que les discussions étaient encore en cours et n'avaient pas abouti, ce qui sera confirmé par la signature du contrat de concession seulement le 3 août 2007 ; qu'aucun indice ne permet même de supposer l'existence d'une réticence dolosive de la part des deux sociétés, dont on voit d'ailleurs mal l'intérêt ; que la société Honda a proposé à la société Midi Auto la poursuite de leurs relations commerciales dans le cadre d'un contrat Centre Service et Réparations, dans son courrier du 21 mars 2007 ; qu'aucune mauvaise foi n'est imputable aux deux sociétés appelantes, à quelque titre que ce soit ; qu'enfin, si la société Midi Auto a licencié son personnel avant la fin du préavis, la responsabilité en incombe à elle seule ;

Considérant que le jugement entrepris sera donc infirmé et la société Midi Auto déboutée de toutes ses demandes ;

Par ces motifs : Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau, Dit qu'aucune faute n'est imputable aux sociétés Car Evolution et Honda Motor Europe South, Déboute la société Midi Auto de l'ensemble de ses demandes, y ajoutant, Condamne la société Midi Auto aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, La condamne à payer à chacune des sociétés Car Evolution et Honda Motor Europe South la somme de 2 000 euro.