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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 14 juin 2007, n° 06-02826

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Elkop SRO(Sté), Compagnie d'assurances Union Poistovna

Défendeur :

Generali France Assurances(SA), Viot, Tele-Shopping (SAS), Ram (Sté), Alptis Gestion (SA), Van Rookhuijzen (Sté), Siguret (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourquard

Conseillers :

M. Regimbeau, Mme Calot

Avocats :

Me Ricard, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod, SCP Fievet-Lafon, SCP Lefevre Tardy & Hongre Boyeldieu, Me Treynet

TGI Nanterre, 2e ch., du 10 mars 2006

10 mars 2006

Le 9 avril 2002, M. Pascal Viot a acquis auprès de la société Téléshopping, vendeur par support d'émissions de télévision, une échelle, fabriquée par la société de nationalité Slovaque Elkop SRO, et distribué en France par la société Siguret SA.

Le 27 mai 2002, M. Viot a été blessé à la suite d'une chute, alors qu'il se trouvait sur cette échelle placée en position d'escabeau. Une expertise a été organisée en présence de la société Téléshopping et de son assureur, Generali France, de la société Siguret et de la société Elkop.

Se prévalant de ce que la défectuosité de cette échelle était la cause exclusive de l'accident ayant entraîné ses blessures, M. Viot a, par acte du 10 février 2004 , assigné la société Téléshopping et son assureur, Generali France, devant le tribunal de grande instance de Nanterre, en déclaration de responsabilité sur le fondement de l'article 1386-1 du Code civil , désignation d'un médecin expert afin de déterminer ses séquelles et paiement d'une indemnité provisionnelle et il a attrait la RAM et la Mutuelle Alptis dans la procédure. La compagnie Generali a appelé en la cause la société Siguret qui a elle-même attrait à la procédure la société Elkop et son assureur, la société Union Poistovna.

Par jugement rendu le 10 mars 2006, le tribunal a :

- constaté que la société Siguret avait renoncé à son moyen de nullité de l'assignation,

- constaté le caractère défectueux de l'échelle appelée " échelle duo sécurité " fabriquée par la société Elkop et vendue le 9 avril 2002 à M. Viot par la société Téléshopping,

- constaté la qualité de producteur de la société Siguret,

- constaté la responsabilité de plein droit de la société Elkop et de la société Siguret sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil ,

- constaté la responsabilité de la société Téléshopping sur le fondement des articles 1147 et 1641 du Code civil ,

- en conséquence, condamné la société Elkop et sa compagnie d'assurance, la société Union Poistovna, la société Siguret ainsi que la société Téléshopping et sa compagnie d'assurance, Generali, in solidum à payer à M. Viot, la somme de 94,37 euro en remboursement de l'échelle défectueuse,

- condamné la société Elkop et sa compagnie d'assurance, la société Union Poistovna, la société Siguret à garantir la société Téléshopping et la compagnie Generali de toutes condamnations en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais irrépétibles et dépens qui seraient prononcées à leur encontre, en réparation des dommages causés à M. Viot du fait dudit produit défectueux,

- condamné la société Elkop et sa compagnie d'assurance, la société Union Poistovna, à garantir la société Siguret de toutes condamnations en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais irrépétibles et dépens qui seraient prononcées à leur encontre, en réparation des dommages causés à M. Viot du fait dudit produit défectueux,

- dit que la garantie de la société Union Poistovna est limitée à 1 000 000 SK (couronnes Slovaques),

- condamné la société Elkop et sa compagnie d'assurance, la société Union Poistovna, la société Siguret ainsi que la société Téléshopping et sa compagnie d'assurance, Generali, in solidum à payer à M. Viot la somme de 1.500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- et avant dire droit, ordonné une expertise médicale,

- désigné en qualité d'expert M. le Docteur Gilbert DHUMERELLE - [...] - avec mission de :

. examiner la victime dans le respect du principe du contradictoire,

. se faire communiquer par la victime tous documents relatifs à l'accident du 27 mai 2002, en particulier le certificat médical initial, ainsi que tous documents qui lui paraîtront utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment sur l'état antérieur de la victime,

. se faire communiquer le dossier médical complet de la victime, avec l'accord de celle-ci,

. en tant que de besoin, se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales nécessaires à l'expertise avec l'accord de la victime,

. fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la victime, ses conditions d'activités professionnelles, son statut exact,

. à partir des déclarations de la victime et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales,

. indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables à l'accident, si possible, la date de la fin de ceux-ci,

. décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur la nécessité et son imputabilité,

. retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l'évolution,

. prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits,

. recueillir les doléances de la victime en l'interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences,

. décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en ne citant que les antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,

. procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,

. analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité entre l'accident, les lésions initiales et les séquelles invoquées, en se prononçant sur :

- la réalité des lésions initiales

- la réalité de l'état séquellaire

- l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales et en précisant l'incidence éventuelle d'un état antérieur

. déterminer la durée de l'incapacité temporaire totale, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine, directe et exclusive avec les violences, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou, si elle n'en a pas, a dû interrompre totalement ses activités habituelles,

. fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation,

. chiffrer, par référence au <Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun>, le taux éventuel d'incapacité permanente (ou déficit fonctionnel) imputable à l'accident, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions, persistant au moment de la consolidation,

. dire si l'aide d'une tierce personne est indispensable, dans l'affirmative, indiquer la qualification de celle-ci et préciser pour quels actes de la vie courante et pendant quelle durée quotidienne cette aide est indispensable,

. dire en s'entourant le cas échéant de l'avis d'un spécialiste, comment la victime peut être appareillée, décrire les prothèses, orthèses ou aides techniques nécessaires, leur incidence sur la capacité fonctionnelle et éventuellement la fréquence de leur renouvellement,

. dire si des soins postérieurs à la consolidation sont nécessaires, en indiquer la nature, la quantité, la nécessité éventuelle de leur renouvellement, la fréquence de leur renouvellement et sa périodicité,

. lorsque la victime allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles retenues, sans prendre position sur la réalité du préjudice professionnel invoqué,

. décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées du fait des blessures subies, en y incluant les éventuels troubles ou douleurs postérieurs à la consolidation, dans la mesure où ils n'entraînent pas de déficit fonctionnel proprement dit, les évaluer sont l'échelle habituelle de sept degrés,

. donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, l'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit,

. lorsque la victime allègue l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de loisirs, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation,

. conclure en rappelant la date de l'accident, la date de consolidation et la durée de l'incapacité temporaire totale, et en évaluant les trois postes de préjudices suivants : incapacité permanente partielle, souffrances endurées, préjudice esthétique ;

- dit qu'en cas de difficultés relatives à la remise des documents nécessaires à l'expertise, il devra être fait rapport au juge chargé du contrôle des expertises,

- dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du nouveau Code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du tribunal de grande instance de Nanterre, service du contrôle des expertises, Extension du palais de justice - [...], dans le 6 mois de l'avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile auprès du juge du contrôle,

- dit que l'expert devra rendre compte au juge du contrôle des expertises, Exension du palais de justice - [...], des diligences accomplies et qu'il devra l'informer de la carence des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du nouveau Code de procédure civile,

- fixé à la somme de 1.000 euro la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par M. Viot entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal dans un délai de 1 mois à compter de l'avis qui sera donné par le service du contrôle des expertises,

- dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et l'instance poursuivie sauf à ce qu'il soit tiré toute conséquence de l'abstention ou du refus de consigner,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné la société Elkop et sa compagnie d'assurance la société Union Poistovna, la société Siguret ainsi que la société Téléshopping et sa compagnie d'assurances Generali, in solidum, aux dépens.

Appelantes de cette décision, la société Elkop SRO et la société Union Poistovna, son assureur, concluent à son infirmation et demandent, au visa des articles 1382, 1386-9 et 1386-13, 1147, 1383 du Code civil, de :

- dire que le défaut allégué n'est pas établi,

- dire que M. Viot a commis une faute dans l'utilisation de l'échelle à l'origine du dommage,

- dire que la société Téléshopping a commis une faute en présentant l'échelle de façon totalement contradictoire avec la notice du fabricant, approuvée par le laboratoire national d'essai, et ce sans son consentement et hors de son contrôle,

- dire que la société Siguret a commis une faute en ne respectant pas et en ne faisant pas respecter par son cocontractant, la société Téléshopping, les normes de sécurité édictées par le constructeur,

- condamner la société Téléshopping et sa compagnie d'assurance Generali France IARD et la société Siguret à les garantir de toutes condamnations en principal, dommages et intérêts, frais irrépétibles et dépens qui seraient prononcées à leur encontre,

- A titre subsidiaire,

- dire, au visa de l'article 1386-13 du Code civil , que le dommage a été causé conjointement par un défaut du produit et par une faute de M. Viot,

- déclarer que la responsabilité de la société Elkop n'est pas engagée,

- Plus subsidiairement,

- dire que les sommes réclamées par M. Viot sont manifestement excessives,

- dire que la société Union Postovna ne saurait être tenue au-delà de la limite contractuelle de sa garantie soit la somme de 1000 000 SK (couronnes slovaques)

- débouter M. Viot de l'ensemble de ses prétentions quant au préjudice qu'il allègue,

- condamner conjointement et solidairement la société Téléshopping et sa compagnie d'assurance, Generali France IARD, et la société Siguret et M. Viot à leur payer à chacune une indemnité de 1.500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Siguret conclut à la réformation du jugement étant constaté, au visa de l'article 1386-7 dans sa rédaction issue de la loi du 9 décembre 2004 , que sa responsabilité sans faute ne peut être mise en œuvre que si le fabriquant est inconnu et qu'en l'espèce il est identifié et partie à la procédure ; elle demande, en tout état de cause, au visa des article 1386 et suivants, 1641 du Code civil et du rapport d'expertise de M. TraversE du 12 août 2003, de :

- constater que M. Viot ne rapporte pas la preuve d'un défaut du produit ni d'un lien de causalité entre ce défaut et le dommage,

- constater que l'accident a pour origine une utilisation anormale du produit par la victime qui n'a pas respecté les consignes de sécurité et non un vice de fabrication ; de la débouter de toutes ses demandes formées à son encontre,

- de prononcer sa mise hors de cause tant sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux que sur la garantie des vices cachés,

- A titre subsidiaire,

- constater que la faute de la victime a participé à la survenance de l'accident et subsidiairement, réduire la responsabilité de la société Siguret,

- en tout état de cause, constater que la société Elkop est le fabriquant de l'échelle litigieuse et confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Elkop et sa compagnie d'assurance, la société Union Poistovna, à garantir la société Siguret des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais irrépétibles et le confirmer en ce qu'il a fixé la provision à 5.000 euro,

- condamner in solidum la société Elkop SRO et la société Union Poistovna, son assureur, et subsidiairement tout succombant à lui verser la somme de 4.000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Tele-Shopping conclut à la réformation du jugement et demande :

- au visa de l'article 1386-7 du Code civil, de déclarer M. Viot irrecevable et infondée en son action dirigée à son encontre,

- au visa de l'article 1386-1 du Code civil , de dire que sa responsabilité ne saurait être retenue relativement au dommage allégué par M. Viot,

- A titre subsidiaire,

- dire que les sommes réclamées par M. Viot sont manifestement excessives et le débouter de l'ensemble de ses prétentions en ce qu'elles tendent à la réparation du préjudice qu'il allègue et le condamner à lui payer 1.500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- En tout état de cause,

- vu le contrat signé entre elle et la société Siguret le 6 octobre 1997,

- vu la police d'assurance la liant à Generali France Assurances aux droits de laquelle vient Generali France IARD,

- condamner la société Siguret à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre et son assureur, Generali France IARD, à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre.

La SA Generali France Assurances conclut à la réformation du jugement et au débouté de l'ensemble des prétentions de M. Viot ; elle demande de :

- à titre principal, au visa des articles 1386-1 et suivants et de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 ,

- constater que l'identité du fabriquant du produit litigieux est connue et partie à la présente procédure,

- dire en conséquence que la demande de M. Viot à son encontre en qualité d'assureur de Téléshopping, prise en qualité de vendeur du produit litigieux, est irrecevable et mal fondée,

- A titre subsidiaire,

- constater la faute de M. Viot dans l'utilisation de l'échelle litigieuse et l'absence de faute de la société Tele Shopping et prononcer sa mise hors de cause,

- A titre plus subsidiaire,

- condamner in solidum la société Siguret, distributeur du produit litigieux, la société Elkop, fabricant de celui-ci ainsi que son assureur, la société Union, à la relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

- A titre infiniment subsidiaire,

- prendre acte de ses protestations et réserves sur la mesure d'expertise judiciaire et constater que les sommes réclamées par la victime sont manifestement excessives et les réduire à de plus justes proportions,

- en toutes hypothèses, condamner tout succombant à lui payer une indemnité de 3.000 euro sur le fonde ment de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Viot conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a condamné la société Elkop et sa compagnie d'assurance, la société Union Poistovna, la société Siguret ainsi que la société Téléshopping et sa compagnie d'assurance Generali in solidum à lui payer la somme de 5.000 euro à valoir sur l'indemnisation de son préjudice et demande de voir porter cette somme à 15.000 euro.

Il sollicite au besoin par substitution de motifs la confirmation du jugement pour le surplus et le débouté de la société Elkop et sa compagnie d'assurance, la société Union Poistovna, la société Siguret ainsi que la société Téléshopping et sa compagnie d'assurance Generali France Assurances, de toutes leurs demandes, fins et conclusions et leur condamnation in solidum à lui payer une indemnité de 1.500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Assignées selon actes des 30 novembre et 5 décembre 2006, la Ram SAS, la société Alptis Gestion, la société Van Rookuijzen n'ont pas constitué avoué.

MOTIFS ET DECISION

- Sur les circonstances et l'origine du sinistre

Considérant qu'il est constant que M. Viot a pris possession de l'échelle litigieuse suivant bon de livraison du 23 avril 2002, qu'il a été blessé, le 27 mai suivant, en faisant une chute alors qu'il utilisait cette échelle placée en position d'escabeau, le long de la pergola couvrant sa piscine extérieur pour examiner la couverture, et qu'il se trouvait sur la quatrième barreau de cette engin, l'appui sur lequel il était ayant cédé ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la victime a basculé sur l'arrière et sur le coté et que l'utilisation de l'échelle en position d'escabeau correspond à un de ses usages normalement prévu ;

Qu'il s'agit en effet d'une échelle à la fois double et coulissante comprenant une partie mobile dotée de quatre barreaux permettant de modifier sa hauteur après blocage des coulisses sur la partie fixe par des goupilles introduites par des percements sur les montants latéraux pénétrant à l'intérieur des échelons ; que placée en position d'escabeau (30 degrés, V à l'envers), cette échelle a une hauteur de 1 mètre 90, son quatrième barreau se situant à une hauteur de 0, 95 mètre ;

Qu'il n'est pas contesté que la chute de M. Viot soit survenue à la suite d'une défaillance du système de blocage qui a cédé ;

Que l'huissier requis par celui-ci a, selon procès-verbal de constat du 4 juin 2002, constaté que l'échelle de marque " Siguret SA " était faussée sur les deux parties, que les systèmes de blocage avaient lâché et que les marches de l'échelle n'étaient pas parallèles ;

Considérant que l'échelle litigieuse a été examinée le 24 octobre 2002 au cours d'une expertise réunissant le cabinet Equad, représentant Generali, assureur de Téléshopping, le cabinet SERI ACCEL pour la société Elkop, Ace Europe, assureur de Siguret et M. Travers expert de la MACIF, assureur de la victime ;

Que le cabinet Equad met certes en avant une mauvaise utilisation de l'échelle résultant en particulier du mauvais serrage des deux sécurités verrouillant le réglage de la hauteur de jambe ainsi qu'un serrage insuffisant du crantage de réglage de l'ouverture de l'échelle, mais qu'il relève la difficulté de mise en œuvre des sécurités soulevées par la mise résultant d'un vice de fabrication qui effectivement tend à gêner sans l'empêcher, la mise en place des sécurités ;

Que le représentant du fabricant n'émet aucun avis circonstancié sur l'éventuelle défectuosité de l'échelle et impute la survenance du sinistre à une utilisation de celle-ci non conforme à la notice (perte d'une chaussure révélant l'absence de port chaussures adaptées, introduction incorrecte des taquets dans les orifices) ;

Que le représentant de l'assureur de la société Siguret s'il ne reconnaît pas le défaut de soudure de l'un des barreaux, fait valoir que si celui-ci existe, il s'agit d'un vice apparent que la victime ne devait pas manquer de noter et qu'elle aurait dû s'apercevoir du positionnement incorrect de la goupille de sécurité ;

Considérant que M. Travers relève pour sa part, un défaut de fabrication de l'échelle résultant d'un défaut d'alignement du vide d'un échelon et de l'orifice sur le montant latéral interdisant d'un côté l'introduction parfaite de la goupille à l'intérieur du barreau, qu'il observe que ce vice de fabrication n'a été remarqué par un expert présent qu'après plus d'une heure d'examen de l'échelle notamment par quatre experts pour en déduire une absence d'évidence du caractère apparent du vice ajoutant en conclusion que le décalage préalable entre les orifices du quatrième barreau et du montant de la partie haute de l'échelle pourrait être prouvée par " la présence de peinture sur l'âme de l'anneau du barreau " ;

Considérant que l'ensemble de ces éléments démontrent de façon concrète et objective l'existence d'une défectuosité du produit résultant d'un défaut de fabrication de cette échelle, que dès lors qu'ils ne sont contredits par aucun autre constat, il convient d'estimer que la preuve du défaut de fabrication de l'échelle litigieuse est rapportée ;

Considérant qu'il ne peut être contesté que ce défaut de fabrication, par le décalage qu'il induisait, a eu pour effet d'empêcher le positionnement correct de l'échelle par introduction de la goupille dans l'échelon ; que les experts ont admis unanimement que le défaut d'introduction d'une goupille latérale comme cause possible de la rupture d'un appui de l'échelle (page 5 conclusions du rapport Travers) ; qu'il résulte de la version de la reconstitution du sinistre proposée par le cabinet Equad et retenue par les experts, "qu'après avoir mis son échelle en place en s'assurant d'un angle suffisant entre les deux montants, M. Viot a réglé la hauteur de chaque montant et cru remettre la sécurité de ce réglage, qu'il est ensuite monté sur l'échelle et, que rapidement, la sécurité mal engagée a permis à un des montants de glisser jusqu'à l'accroche d'une sécurité latérale" ;

Que trois des experts déduisent de ces circonstances un comportement fautif de la victime, que l'expert de l'assureur de M. Viot relève que si celui-ci aurait dû vérifier que la goupille était correctement engagée dans l'orifice avant l'utilisation de l'escabeau, cette observation n'était pas évidente du fait de la conception du système de blocage semi-automatique, étant préalablement observé que le vice de fabrication n'était pas évident à remarquer ;

Considérant que le comportement éventuellement imprudent et fautif de M. Viot doit s'apprécier au regard de la notice d'utilisation jointe au produit mais également de la conduite habituellement attendue d'un usager non professionnel normalement avisé d'un produit présentant les caractéristiques d'un échelle transformable en escabeau ; que ce comportement implique une certaine prudence sans toutefois imposer des mesures de sécurité d'une particulière rigueur ;

Qu'il ne saurait lui être imputé à faute, tant à l'examen de la notice d'utilisation particulièrement sommaire, qu'au regard de la conduite habituelle à laquelle il convient de se référer, de ne pas s'être muni d'un casque, équipement inhabituel pour un simple particulier, étant au demeurant observé qu'il n'existe aucun lien entre le siège des séquelles corporelles qu'il subi et l'absence de port de casque ; qu'il ne peut lui être reproché d'avoir omis de porter des chaussures de sécurité, étant relevé que la notice ne fait pas explicitement référence à des chaussures de ce type ; que si toutefois, l'usage d'une échelle implique habituellement le port de chaussures qui assurent la stabilité du pied en le chaussant correctement, rien ne démontre que M. Viot n'ait pas porté de telles chaussures, le seul fait d'avoir perdu une chaussure lors de sa chute ne permettant pas de déduire que les chaussures qu'il portait étaient nécessairement inadaptées ;

Considérant que M. Viot a précisé qu'il utilisait cette échelle pour la première fois depuis son acquisition, que cette assertion n'est démentie par aucun élément objectif justifiant qu'il se soit servi antérieurement de celle-ci ; qu'il est constant que M. Viot a utilisé cette échelle en escabeau et non en tant que simple échelle, que cette utilisation imposait, comme indiqué sur la notice, de mettre en place des goupilles de sécurité de façon à éviter toute rupture d'appui sous le poids de l'utilisateur ; qu'il convient d'estimer que la conduite habituelle d'un usager non professionnel normalement avisé devait dans ce cas consister, certes à veiller à mettre en place les goupilles de sécurité, mais également et ce d'autant qu'il s'agissait d'une première utilisation, à vérifier que leur insertion dans l'orifice prévu à cet effet était correcte avant d'utiliser l'escabeau ; qu'en s'abstenant de procéder à cette vérification élémentaire M. Viot a manifestement manqué de prudence, que cette imprudence fautive a concouru, dans une proportion que la cour estime à un tiers, à la réalisation du dommage qu'il a subi ;

- Sur la responsabilité encourue par les différents intervenants à la fabrication distribution et à la vente de l'échelle

1) à l'égard de M. Viot

De la société Elkop

Considérant que la société Elkop, producteur de l'échelle litigieuse et responsable en tant que telle, par application de l'article 1386-1 du Code civil , du dommage causé par le défaut avéré du produit, qu'en application de l'article 1386-9 du Code civil et compte tenu de la participation fautive de la victime à la réalisation de son propre dommage, la part de responsabilité qui incombe à cette société doit être fixée à hauteur de 70 % des conséquences dommageables du sinistre ;

De la société Téléshopping

Considérant que la société Téléshopping et son assureur font grief à la décision déférée d'avoir retenu la responsabilité de la société Téléshopping en tant que vendeur du produit sur le fondement des articles 1147 et 1641 du Code civil ; qu'ils font valoir qu'en application de l'article 1386-7 issu de la rédaction de la loi du 9 décembre 2004 , l'action contre le vendeur n'est possible que lorsque l'identité du producteur est inconnu ; que le tribunal, qui a retenu la responsabilité du producteur, ne pouvait, dans la même chaîne contractuelle faire cumulativement application de plusieurs fondements juridiques différents ;

Qu'ils ajoutent que s'il résulte des dispositions de l'article 1386-18 du Code civil que " les dispositions du présent titre ne portent pas atteinte aux droits de la victime d'un dommage de se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité ", qu'ils estiment que cette disposition doit être interprétée au regard de la décision rendue par la cour de justice des communautés européennes, le 25 avril 2002, dont il résulte que le demandeur à l'action n'est pas obligé de se placer sur les articles 1386-1 et suivants pour obtenir réparation de son préjudice mais lorsqu'il le fait, il ne peut soutenir cumulativement les mêmes demandes sur d'autres fondements ;

Que M. Viot conteste cette interprétation et estime que la CJCE a uniquement exclu la possibilité pour la victime à se prévaloir d'un régime de responsabilité du producteur reposant sur le même fondement que celui mis en place par la directive et qu'il en résulte que toutes les obligations pesant sur un vendeur en application du droit national ont vocation à s'appliquer ; qu'il fait valoir, qu'à tout le moins, la société Téléshopping, en présentant l'utilisation de l'échelle comme enfantine, a manqué à son devoir d'information et de conseils et engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ; qu'en tant que de besoin, il sollicite la condamnation de cette société au visa des articles 1603 et 1641 du Code civil ;

Considérant que les dispositions de l'article 29-1 de la loi du 9 décembre 2004 , intervenues en suite d'une condamnation de l'Etat français par la CJCE, le 25 avril 2002, pour transposition incorrecte de la directive 85/375, sont applicables aux produits dont la mise en œuvre est postérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux même s'ils ont fait l'objet, comme en l'espèce, d'un contrat antérieur ;

Que les dispositions de l'article 1386-7 du Code civil dans sa nouvelle rédaction excluent la responsabilité notamment du vendeur pour défaut de sécurité du produit lorsque le producteur est, comme en l'espèce, identifié ;

Considérant que par arrêt du 25 avril 2002 (aff. C-183/00 Gonzalez/Medicina Asturia), la cour de justice des communautés européennes a précisé que " la référence à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive (') n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements juridiques différents tels que la garantie des vices cachés ou la faute " ;

Que le juge communautaire explicite la référence que fait l'article 13 à la possibilité pour la victime d'invoquer " un régime spécial de responsabilité existant au moment de la notification de la directive ", devant s'entendre comme " visant un régime propre limité à un secteur déterminé ", que la CJCE conclut à ce que l'article 13 de la directive doit être interprété en ce sens que les droits conférés par la législation d'un Etat membre aux victimes d'un dommage causé par un produit défectueux, au titre d'un régime général ayant le même fondement que celui mis en place par ladite circulaire se trouve limité ou restreint à la suite de la transposition de celle-ci dans l'ordre interne dudit Etat " ;

Qu'il s'en déduit que l'action fondée sur l'obligation de sécurité instituée par la jurisprudence française sur le fondement de l'article 1147 du Code civil doit être considérée comme " relevant d'un régime général ayant le même fondement " ; que dès lors le premier juge ne pouvait retenir la responsabilité de la société Téléshopping en estimant qu'elle avait failli à son obligation de sécurité et de résultat ; que pour les mêmes motifs, la responsabilité de cette société ne saurait être retenue au titre de l'article 1603 du Code civil ;

Que s'agissant de la recherche de la responsabilité de la société Téléshopping au titre des vices cachés, il convient de l'estimer infondée, qu'en effet une simple vérification par M. Viot de l'enclenchement correct de la goupille de verrouillage avant utilisation de l'échelle lui aurait permis de se rendre compte de l'existence du défaut de fabrication résultant du décalage apparent entre les orifices du quatrième barreau et du montant de la partie haute de l'échelle empêchant un positionnement correct du mécanisme ;

Que M. Viot ne justifie pas que la société Téléshopping ait failli à son devoir d'information et de conseils dans la présentation de l'échelle litigieuse à la vente ; qu'en effet, il ne démontre pas que l'utilisation, au demeurant relativement simple, d'une telle échelle, présente pour un particulier ayant un comportement normalement prudent et avisé, d'emblée un risque de danger imposant une mise en garde particulière ou en tout cas la fourniture d'éléments d'information spécifiques et autres que ceux habituellement connus par tout acquéreur potentiel d'un matériel du même type quant aux précautions habituelles à prendre et à la prudence élémentaire dont il convient de faire preuve lors de son utilisation ;

Que M. Viot doit en conséquence être déboutée de ses prétentions à l'égard de cette société et de son assureur ;

De la société Siguret

Considérant que la société Siguret se fonde sur la rédaction de l'article 1386-7 du Code civil issue de la loi du 9 décembre 2004 pour estimer qu'en tant que fournisseur/distributeur du produit fabriqué par la société Elkop, sa responsabilité sans faute ne pouvait être mise en cause qu'à la condition que le fabricant n'ait pas été identifié, qu'elle estime que dès lors que la société Elkop, fabricant de l'échelle est identifié et partie à la procédure, elle doit être mise hors de cause ;

Mais considérant que le premier juge a exactement relevé qu'en vertu de l'article 1386-6 du Code civil dont les dispositions n'ont pas été modifiées par la loi du 9 décembre 2004 , " a la qualité de producteur toute personne agissant à titre professionnel qui se présente en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ou qui importe un produit dans la communauté européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou tout autre forme de distribution " ; qu'étant observé que la société Siguret était importateur d'un produit en provenance d'un pays qui, à la date du contrat ne faisait pas partie de la communauté européenne et étant ajouté qu'il est établi que la société Siguret avait apposé son nom et sa marque sur l'échelle litigieuse, il en a exactement déduit que cette société avait la qualité de producteur et engagé à ce titre sa responsabilité à l'égard de M. Viot sur le fondement de l'article 1386-1 du Code civil et qu'elle disposait d'un recours en garantie à l'encontre de la société Elkop et de son assureur ;

2) Dans les rapports entre les différents intervenants à la fabrication distribution et à la vente de l'échelle entre eux

Considérant que la société Elkop et son assureur reprochent à la société Téléshopping d'avoir fait une présentation publicitaire de l'échelle non conforme aux recommandations de la notice jointe au produit qui, présentée sous forme de schéma, recommande clairement le port de chaussures rigides et à lacets et d'un casque et préconise à l'utilisateur de vérifier que les taquets de sécurité sont correctement introduits dans les orifices avant toute utilisation de l'échelle ; qu'elle estime qu'elle a, de plus, failli à son obligation de conseil qui pesait sur elle en tant que vendeur ;

Mais considérant qu'il ne peut être déduit du simple schéma figurant sur la notice que le port de chaussures de sécurité et d'un casque s'imposent à l'utilisateur d'une échelle destinée à un grand public et non à des professionnels, que la société Elkop ne démontre pas que le vendeur a manqué à ses obligations en ne faisant pas respecté les normes édictées par elle ;

Que la société Elkop reproche à la société Siguret de ne pas s'être opposée à la présentation publicitaire de l'échelle faite par Téléshopping ; que ce reproche est infondée dès lors que l'attitude fautive de Téléshopping n'est pas démontrée et ce d'autant que la société Elkop ne justifie pas avoir sollicité une présentation particulière de son produit à l'usager notamment en termes de conseils de sécurité ;

Considérant que la société Siguret est fondée à demander à être relevée et garantie de toutes les condamnations prononcées à son encontre par la société Elkop responsable de plein droit au titre du dommage causé par le défaut de son produit ;

- Sur le préjudice subi par M. Viot

Considérant qu'au vu de l'ensemble des pièces versées aux débats et compte tenu de la part prise par M. Viot dans la réalisation de son préjudice, il convient d'estimer que l'indemnité provisionnelle qui lui a été allouée à hauteur de la somme de 5.000 euro à valoir sur la réparation de son préjudice doit être maintenue à hauteur de cette somme et qu'il n'y a pas lieu d'en augmenter le montant ;

- Sur les autres demandes

Considérant que la société Union Poistovnia, assureur de la société Elkop doit, comme elle le demande, être déclarée tenue solidairement tenue avec son assurée dans les limites de sa garantie contractuelle (1 000 000 Sk) ;

Que l'équité commande d'allouer à M. Viot une indemnité complémentaire de 1.000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes formées par tout autre partie sur ce même fondement ; que les sociétés Elkop, Union Poistovnia et Siguret doivent être condamnées in solidum aux dépens ;

Par ces motifs - LA COUR statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, - Infirme le jugement rendu le 10 mars 2006 par le Tribunal de grande instance de Nanterre en ce qu'i a exclu le comportement fautif de la victime M. Pascal Emile Viot dans la réalisation des conséquences du sinistre survenu le 27 mai 2002 et constaté la responsabilité de la société Téléshopping sur le fondement des articles 1147 et 1641 du Code civil , - Statuant à nouveau, - Constate le caractère défectueux de l'échelle dite " échelle duo sécurité " fabriquée par la société Elkop et vendue le 9 avril 2002 à M. Viot par la société Téléshopping, - Constate la qualité de producteur de la société Elkop SRO et de la société Siguret SA et constate que leur responsabilité est engagée de plein droit, - Dit que la faute commise par M. Viot a participé à la réalisation des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime à hauteur de 30 %, - Fixe à 70 % la part de responsabilité de la société Elkop SRO et de la société Siguret SA, - Déboute M. Viot de toutes ses demandes formées à l'encontre de cause la société Téléshopping et de son assureur la société Generali France SA, - Condamne in solidum la société Elkop SRO, son assureur, la société Union Poistovna, et la société Siguret à payer à M. Viot la somme de 66,05 euro en remboursement de l'échelle défectueuse, - Condamne in solidum la société Elkop SRO, son assureur, la société Union Poistovna, et la société Siguret à payer à M. Viot la somme de 5.000 euro à titre d'indemnité provisionnelle, - Confirme pour le surplus le jugement déféré.