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Décisions

CA Nancy, 2e ch. civ., 1 mars 2012, n° 10-00582

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Durand

Défendeur :

Lorraine Vosges VI (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Claude-Mizrahi

Conseillers :

MM Magnin, Martin

Avocats :

SCP Millot - Logier - Fontaine, SCP Leinster - Wisniewski - Mouton, Mes Fort, Gossin Horber, Leinster, Jung

TI Nancy, du 3 nov. 2009

3 novembre 2009

M. Yves Durand a acquis auprès de la SA Lorraine Vosges véhicules Industriels le 16 août 2007, un camion benne de marque Mercedes Bens mis en circulation le 19 août 1992 et affichant 187 000 kilomètres au compteur, pour le prix de 5 500 euro, le bon de commande, signé par l'acquéreur portant la mention " vendu dans l'état, sans garantie, sans contrôle technique ".

Le 20 février 2009, M. Durant a assigné devant le tribunal d'instance de Nancy la SAS Lorraine Vosges VI aux fins de voir prononcer la résolution de la vente dudit véhicule aux torts du vendeur et l'entendre condamner à lui restituer le prix soit 5 500 euro avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 décembre 2008, ainsi qu'à lui payer les sommes de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts et de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il a exposé que l'expertise effectuée contradictoirement le 11 décembre 2007 a révélé que le véhicule était impropre à la circulation. Il a fait valoir par ailleurs que la clause de non garantie figurant sur le bon de commande ne peut jouer dès lors qu'il n'a pas contracté en qualité de marchand, la société de réparation de véhicules qu'il exploitait ayant fait l'objet d'une liquidation le 29 mai 2007 ; qu'en tout état de cause l'exclusion de garantie ne concerne que la garantie contractuelle et non la garantie des vices cachés.

La SAS Lorraine Vosges VI a conclu au rejet de l'ensemble des demandes et sollicité reconventionnellement la condamnation de M. Durand à lui payer les sommes de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts et 2 000 euro du chef des frais irrépétibles.

Elle s'est prévalue de la clause de non garantie, y compris des vices cachés, spécifiée en caractères très apparents sur le bon de commande, opposable à M. Durand en sa qualité de professionnel de l'automobile pour avoir exploité un garage sous l'enseigne " Garage Durand ". Elle a précisé que c'est en cette qualité que le demandeur, avec lequel elle était en relations commerciales puisqu'il bénéficiait d'un compte auprès de ses services après vente et pièces, a procédé à un examen minutieux du camion et a procédé à son essai avant de l'acquérir.

Par jugement en date du 3 novembre 2009, le tribunal, faisant application de la clause de non garantie, parfaitement valable dès lors qu'elle a été insérée dans un contrat conclu entre professionnels ayant la même spécialité, a débouté M. Durand de ses demandes, rejeté la demande de dommages et intérêts de la SAS Lorraine VI, condamné le demandeur aux dépens et au paiement d'une indemnité de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Durand a régulièrement relevé appel de ce jugement dont il a sollicité l'infirmation, reprenant devant la cour les demandes formées en première instance tendant à voir prononcer la résolution de la vente du véhicule aux torts du vendeur et entendre condamner la SAS Lorraine Vosges VI au paiement des sommes de 5 500 euro avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 décembre 2008 au titre de la restitution du prix, de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire et de 2 000 euro du chef des frais irrépétibles.

La SAS Lorraine Vosges VI a conclu à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelant aux dépens et au paiement d'une indemnité de 700 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE :

Vu les dernières écritures déposées le 21 mars 2011 par M. Yves Durand et le 30 novembre 2010 par la SA Lorraine Vosges VI, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Attendu que suivant bon de commande signé le 16 août 2007, M. Durant a acquis auprès de la SA Lorraine Vosges VI, pour le prix de 55 000 euro, un camion benne de marque Mercedes Benz, mis en circulation le 19 août 1992 et affichant 187 000 kilomètres, le bon de commande portant la mention " vendu dans l'état, sans garantie, sans contrôle technique " ; que la facture établie par le vendeur mentionne également que le véhicule est vendu en l'état où il se trouve, sans garantie ni contrôle technique ;

Attendu que M. Durand prétendant que le véhicule présente des vices de fonctionnement le rendant impropre à la circulation ainsi que l'a établi l'expertise diligentée le 11 décembre 2007, sollicite, sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, la résolution de la vente pour vices cachés ;

Attendu qu'il résulte de l'article 1643 du Code civil, que " le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie " ;

Attendu, suivant la jurisprudence constante, que le vendeur professionnel est tenu de connaître les vices affectant la chose vendue ; que cependant, en cas de vente entre professionnels de la même spécialité, la garantie du vendeur ne peut être invoquée lorsqu'une clause de non garantie est insérée dans l'acte ;

Or attendu qu'il est constant, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, que M. Durand a exercé une activité d'entretien et de réparation de véhicules automobiles en qualité d'unique associé et de gérant de l'Eurl Garage Durand, depuis le 1er juin 1995 ;

Que le fait que la dissolution et la liquidation amiable de l'Eurl ait été décidée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 29 mai 2007, soit antérieurement à l'acquisition litigieuse, n'a pas eu pour effet de priver M. Durand - désigné aux fonctions de liquidateur amiable avec pouvoir notamment de continuer l'exploitation sociale en vue de mener à bonne fin les opérations en cours - de ses compétences et de sa qualification professionnelles, permettant de supposer de sa part une réelle capacité de contrôle de la chose vendue ;

Qu'il sera également observé que si M. Durand, ainsi qu'il le fait valoir, a été embauché en qualité de salarié par l'entreprise Hollinger à compter du 1er août 2006, il s'agissait d'un emploi de réparateur et à temps partiel ;

Que dès lors, c'est par une exacte appréciation des éléments de la cause, que le premier juge a retenu la qualité de professionnel de l'automobile de M. Durand, peu important par ailleurs qu'il ait acquis le véhicule non pour un usage professionnel mais pour un usage privé ;

Que la clause de non garantie étant ainsi parfaitement valable dès lors qu'insérée dans un contrat conclu entre professionnels de la même qualité, M. Durand qui l'a acceptée, ne peut prospérer en sa demande tendant à la résolution de la vente pour vices cachés ;

Attendu que l'équité commande que soit allouée à la SA Lorraine Vosges VI une indemnité de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus de l'indemnité allouée par le premier juge du chef des frais irrépétibles exposés en première instance ;

Que M. Durand qui succombe en son appel sera débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et du chef des frais irrépétibles et condamné aux entiers dépens.

Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Reçoit M. Yves Durand en son appel contre le jugement rendu le 3 novembre 2009 par le Tribunal d'instance de Nancy ; Confirme ce jugement en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Déboute M. Durand de l'ensemble de ses demandes ; Condamne M. Durand à payer à la SA Lorraine Vosges VI une indemnité de cinq cents euro (500 euro) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. Durand aux dépens d'appel et autorise la SCP Leinster Wisniewski et Mouton à faire application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.