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Décisions

CA Dijon, ch. civ. A, 17 avril 2007, n° 06-01074

DIJON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dermatech (SARL)

Défendeur :

Marlien, Estivalet, Axa France IARD (SA), Zurich Ireland Insurance Limited (Sté), Compagnie d'Assurance Axa France IARD (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dufrenne

Conseiller :

Mme Vignes

Avocats :

Me Gerbay, Me Graciano, SCP Bourgeon & Kawala & Boudy, SCP Fontaine-Tranchand & Soulard, SCP Avril & Hanssen, SCP Andre - Gillis

TGI Dijon, du 3 mai 2006

3 mai 2006

Les 19 juillet 2000 et 25 février 2001, Mme Marie Colette Estivalet, restauratrice, a reçu de M. Bernard Marlien, médecin généraliste, des injections d'un produit destiné à effacer les rides profondes du visage. Des complications s'étant manifestées dès le mois d'août 2001, elle a ensuite subi des injections d'autres produits à titre de traitement.

Après avoir obtenu du juge des référés l'organisation d'une expertise qui sera réalisée par M. Jossay, elle a, suivant acte d'huissier des 21, 22 et 30 décembre 2005, formé à l'encontre de M. Marlien, de la SARL Dermatech, fournisseur du produit Dermalive selon elle injecté, et de leurs assureurs une action ayant pour principal objet l'allocation d'une indemnité provisionnelle.

Par jugement du 3 mai 2006, le Tribunal de grande instance de Dijon a :

. dit n'y avoir lieu à renvoyer l'affaire devant le juge de la mise en état,

. déclaré M. Marlien et la société Dermatech responsables des lésions subies par Mme Estivalet,

. mis hors de cause la société Axa France en sa qualité d'assureur de M. Marlien,

. mis hors de cause la société Axa France en sa qualité d'assureur de la société Dermatech,

. mis hors de cause la société Zurich en sa qualité d'assureur de la société Dermatech,

. condamné in solidum M. Marlien et la société Dermatech à payer à Mme Estivalet la somme non provisionnelle de 17 000,00 euro à titre de dommages et intérêts,

. dit que la charge de cette condamnation sera supportée par moitié entre M. Marlien et la société Dermatech

. débouté M. Marlien de sa demande indemnitaire,

. dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision,

. condamné M. Marlien et la société Dermatech à payer à Mme Estivalet la somme de 3 000,00 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

. dit que la charge de cette condamnation sera supportée par moitié entre M. Marlien et la société Dermatech,

. débouté M. Marlien de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles,

. débouté la société Dermatech de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles,

. condamné la société Dermatech à payer à la société Axa France la somme de 800,00 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

. condamné la société Dermatech à payer à la société Zurich Ireland la somme de 800,00 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

. condamné M. Marlien et la société Dermatech in solidum aux dépens comprenant les frais d'expertise avec distraction,

. dit que la charge des dépens sera supportée par moitié entre M. Marlien et la société Dermatech.

La société Dermatech a formé appel de cette décision par déclaration qui a été remise le 8 juin 2006 et qui désigne en qualité d'intimés Mme Estivalet, Axa France IARD (assureur de la société Dermatech), Zurich Insurance Ireland Limited (anciennement dénommée Zurich International) et M. Marlien.

Par déclaration remise le 28 septembre 2006, M. Marlien a formé à l'encontre de la compagnie Axa France IARD un appel incident provoqué.

Ces deux recours ont été joints par ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 octobre 2006.

Par conclusions déposées le 13 février 2007, la société Dermatech demande à la cour, au visa des articles 1386-1 et suivants du Code civil, 564 du nouveau Code de procédure civile et du contrat numéro 07020577 M souscrit auprès de Zurich International, de

À titre principal,

Infirmer le jugement en ce qu'il dit que le produit DERMALIVE a bien été injecté sur le visage de Mme Estivalet,

En conséquence,

. rejeter l'ensemble des demandes de Mme Estivalet,

À titre subsidiaire,

. infirmer le jugement en ce qu'il la condamne au titre des dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil et rejette sa demande de garantie à l'encontre de M. Marlien et de la société Zurich Insurance Ireland Limited,

En conséquence,

. rejeter l'ensemble des demandes de Mme Estivalet,

. condamner la société Zurich Insurance Ireland Limited et M. Marlien à la garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre,

. rejeter les demandes de M. Marlien et de la société Zurich Insurance Ireland Limited,

. condamner M. Marlien ou qui mieux le devra au paiement de la somme de 5 000,00 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 7 mars 2007, Mme Estivalet sollicite pour sa part

. la confirmation du jugement sur le principe des responsabilités (page 4 de ses écritures),

. l'organisation d'une nouvelle expertise médicale afin de déterminer et chiffrer les nouveaux préjudices résultant de l'aggravation de son état et le cas échéant préciser si une thérapie serait susceptible de réduire ces préjudices,

. condamner in solidum M. Marlien et la société Dermatech ou qui mieux d'entre eux les devra à lui payer les sommes de

*13 000,00 euro de provision au titre de l'opération réparatrice,

*23 300,00 euro au titre de ses préjudices actuels sous réserve des demandes complémentaires qui pourront être formées compte tenu de l'aggravation de son état,

* 6 000,00 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

. condamner in solidum M. Marlien et la société Dermatech ou qui mieux d'entre eux les devra aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions responsives et récapitulatives numéro 2 déposées le 2 mars 2007, M. Marlien demande à la cour,

À titre principal,

Vu les dispositions de 1386 et suivants du Code civil,

. Constater l'absence de mise en garde par le laboratoire Dermatech de la survenance possible de granulomes non résorbables,

. Constater la défectuosité du produit DERMALIVE et l'absence de cause exonératoire énumérée sous l'article 1386-11 du Code civil,

. Constater l'inefficience du traitement médical préconisé par le laboratoire Dermatech en cas de survenance de granulome,

. Juger que la défectuosité du Dermalive est la cause directe et exclusive du préjudice de Mme Estivalet,

En conséquence,

. Condamner la société Dermatech à prendre en charge l'intégralité du préjudice de Mme Estivalet,

Vu l'article 1386-14 du Code civil,

. Débouter la société Dermatech de l'ensemble de ses demandes à son encontre, la responsabilité du producteur ne pouvant être réduite par le fait d'un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage,

À titre subsidiaire,

. confirmer la décision en ce qu'elle caractérise comme partiel son manquement au devoir d'information lui incombant,

. juger qu'il n'est pas certain que même informée du risque de granulome non résorbable par voie cortico sensible Mme Estivalet aurait renoncé à l'injection du Dermalive,

. limiter en tout état de cause sa responsabilité à la seule probabilité de perte de chance due aux injections de Dermalive mais l'exclure quant à la nocivité du produit et quant aux conséquences de l'application du protocole thérapeutique préconisé par Dermatech,

Sur l'appel provoqué à l'égard d'Axa,

Vu l'article L 512-1 du Code des assurances,

. constater qu'Axa lui a proposé un contrat d'assurance présentant des garanties et des informations relatives aux activités du médecin moindres que celles prévues par le contrat UAP (activité de nutritionniste),

. Juger que l'assureur a manqué à son devoir de conseil et d'information lors de la souscription de la police,

. condamner Axa à le garantir ou à lui payer à titre de dommages et intérêts les sommes auxquelles il serait éventuellement condamné,

. Condamner la société Dermatech à lui payer la somme de 5 000,00 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

. La condamner aux entiers dépens de l'instance de référé, aux frais d'expertise et aux dépens d'appel.

Par conclusions déposées le 13 décembre 2006, Axa France IARD requiert la cour, au visa des articles 1134 et suivants du Code civil, de

. Constater qu'elle ne doit pas sa garantie à M. Marlien,

En conséquence,

. Confirmer le jugement dans toutes des dispositions,

. La mettre hors de cause,

À titre subsidiaire,

. Condamner la société Dermatech à la garantir de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre,

. Condamner M. Marlien à lui payer la somme de 3 000,00 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

. Le condamner aux dépens.

Par conclusions déposées le 9 février 2007, la société Axa France demande à la cour de

. Constater qu'aucune demande n'est formulée à son encontre en cause d'appel (en sa qualité d'assureur de la société Dermatech),

. Confirmer le jugement en ce qu'il la met hors de cause ès-qualités d'assureur de la société Dermatech,

En tout état de cause,

. Constater que les dommages sont survenus hors de la période de validité du contrat numéro 375036161365 C,

. Condamner tout succombant à lui payer ès-qualités d'assureur de la société Dermatech la somme de 3 000,00 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

. Condamner tout succombant aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 29 janvier 2007, la compagnie ZURCIH Ireland Insurance Limited sollicite, au visa de la police numéro 07020577 M à effet du 1er janvier 2001, de

. Lui donner acte de ce qu'elle s'associe à l'argumentation de la société Dermatech concernant tant l'absence d'identification formelle du produit injecté que l'absence de démonstration du lien de causalité entre ce produit et les dommages évoqués par Mme Estivalet,

. Juger que les garantis souscrites auprès d'elle par la société Dermatech ne sont pas mobilisables,

En conséquence,

. Confirmer le jugement en ce qu'il la met hors de cause en sa qualité d'assureur de la société Dermatech,

. Condamner tout succombant à lui payer la somme de 4 000,00 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties à la décision déférée et aux conclusions échangées en appel et plus haut visées.

DISCUSSION

Sur la responsabilité de la société Dermatech à l'égard de Mme Estivalet

Attendu que la société Dermatech conteste le bien-fondé de la demande de Mme Estivalet fondée sur les dispositions des articles 1386-1, 1386-2, 1386-4 et 1386-9 du Code civil ;

Attendu que la société Dermatech fait valoir

- qu'aucun élément ne permet de justifier la nature du produit injecté sur le visage de Mme Estivalet le 25 février 2001,

- que le produit Dermalive qu'elle commercialise ne peut être qualifié de défectueux,

- que le lien de causalité entre la prétendue défectuosité de ce produit et les dommages invoqués n'est pas établi ;

Attendu, s'agissant des textes servant de fondement à l'action de Mme Estivalet à l'encontre de la société Dermatech, que la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 a créé dans le Code civil le titre IV bis intitulé " de la responsabilité du fait des produits défectueux " ;

qu'aux termes de l'article 1386-1 de ce Code, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ;

que selon les deux premiers alinéas de l'article 1386-4, un produit est défectueux au sens du titre IV bis lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, notion qui doit s'apprécier en tenant compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ;

Qu'aux termes de l'article 1386-9, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ;

Attendu, s'agissant du produit utilisé, que la société Dermatech invoque l'absence d'étiquette permettant d'assurer la traçabilité de trois des quatre injections réalisées par M. Marlien ;

Mais attendu d'abord qu'il ressort du questionnaire médical, de la déclaration manuscrite et du formulaire de déclaration d'incident rédigés par M. Marlien (pièces référencées sous les numéros 34, 42 et 43 du bordereau de Mme Estivalet) que ce médecin n'a injecté que deux ampoules le 19 juillet 2000 et une ampoule le 25 février 2001 ;

Attendu ensuite qu'il résulte du bon de livraison 07/00-1664, de la facture 07/00-1791 et de l'une des trois étiquettes apposées sur le document intitulé 'Marie-Colette Estivalet - n° lots injectés' constitué par M. Marlien que le 19 juillet 2000, celui-ci a reçu livraison de dix seringues Dermalive de 0,8 ml du lot L 00F21 fabriqué au cours de ce mois et qu'à la même date, il a injecté à Mme Estivalet au moins une ampoule de ce lot ;

Attendu enfin qu'il ressort des correspondances que les responsables qualité de la société Dermatech ont adressées à M. Marlien les 11 février 2002 et 15 avril 2004 ainsi que du rapport d'expertise dressé par M. Michel Jossay, dermatologue qualifié compétent en immuno-allergologie clinique, le 11 juillet 2005, que le laboratoire Dermatech a transmis à M. Marlien un protocole de traitement des granulomes séquellaires aux injections de Dermalive sans mettre en doute l'utilisation de ce produit qu'elle fabrique et commercialise ;

que la société Dermatech n'est pas fondée à soutenir que M. Marlien a utilisé un produit distinct du Dermalive dont elle est le producteur au sens des dispositions de l'article 1386-6 du Code civil ;

Attendu, s'agissant du caractère défectueux du produit Dermalive, qu'il est tout d'abord justifié que la lettre du 12 octobre 1998 informant les médecins de la mise sur le marché du nouvel implant Dermalive et la brochure publicitaire l'accompagnant énoncent notamment, la première, que Dermalive " est

- fabriqué par Dermatech,

- un nouvel implant destiné au comblement durable de la ride par voie injectable,

- composé de fragments souples d'un hydrogel acrylique non résorbable, dispersés dans un gel d'acide hyaluronique faiblement réticulé,

- facile à injecter,

- d'origine non animale,

- ne nécessite pas de test préalable,

- offre des résultats durables, les fragment souples étant non résorbables et d'une taille suffisante pour ne pas migrer... ",

et, la seconde, que Dermalive présente pour particularité 'une tolérance remarquable, si remarquable qu'aucun test d'allergie n'est nécessaire, qu'il ne provoque nulle rougeur disgracieuse... et qu'il " satisfait à toutes les exigences de sécurité, de fiabilité et d'efficacité édictées par les normes européennes et est agréé par la CEE " ;

Attendu ensuite que l'excellente tolérance de Dermalive à court et moyen terme de même que l'absence d'observation de cas d'allergie ou de granulome sont affirmés dans une lettre d'information destinée aux médecins le 25 janvier 1999 ;

Attendu enfin que les notices d'utilisation qui sont communiquées par la société Dermatech et portent les références (D.04.02.F) et (D.04.02.G) dont la signification n'est pas explicitée - ce qui ne permet pas à la cour de vérifier si elles ont bien été établies aux dates de visa figurant sur leur dernière page (soit les 4 mai et 8 septembre 2000) - indiquent seulement au paragraphe " Effets indésirables " :

" le praticien doit informer le patient qu'il existe des effets secondaires potentiels liés à l'implantation de ce dispositif survenant immédiatement ou de façon retardée. Parmi ceux-ci : (liste non exhaustive)

. Des réactions inflammatoires (rougeur, oedème), pouvant être associées à des démangeaisons, des douleurs à la pression peuvent survenir après l'injection. Ces réactions peuvent persister une semaine ;

. Induration du point d'injection ;

. Coloration de la zone d'injection ;

. Faible efficacité ou faible effet de comblement suite à une injection de Dermalive non conforme dans le derme ;

. Quelques cas de granulomes inflammatoires ont été reportés. Ils peuvent être d'apparition retardée et sont corticosensibles... ";

Attendu qu'en l'état des renseignements portés sur la présentation du produit Dermalive vantant sa parfaite tolérance et les notices d'utilisation invoquées, à les supposer même rédigées aux dates alléguées (et contraires à la reconnaissance dont il sera fait état ci-dessous), affirmant le caractère corticosensible des granulomes susceptibles d'apparaître, il convient de retenir que les utilisateurs du Dermalive étaient en droit d'attendre une parfaite sécurité de ce produit ;

Or attendu qu'il ressort du rapport de l'expert judiciaire (pages 5 et 10) et des autres rapports d'expertise médicale produits par Mme Estivalet

Que les effets secondaires à type de granulomes inflammatoires sont prévisibles car toute implantation dans le derme humain d'un produit non résorbable entraîne inexorablement chez certains patients l'apparition retardée de ces granulomes,

Que M. Marlien a suivi le protocole d'injection du Dermalive tel qu'il était conseillé par le laboratoire commercialisant le produit,

Que la société Dermatech a reconnu qu'à l'époque des injections effectuées sur une patiente, le 16 décembre 2000, les risques de granulomes n'étaient pas connus (pièce numéro 61 de Mme Estivalet),

Que ces granulomes ne sont pas corticosensibles ;

Qu'il en résulte que le produit Dermalive doit être qualifié de défectueux au sens des dispositions de l'article 1386-4 du Code civil, et ce, peu important les certificats SGS et certificat de libre vente qui sont invoqués par la société Dermatech et qui, soit ne font pas mention du produit Dermalive, soit ne concernent que des périodes postérieures aux faits ;

Attendu, s'agissant du lien de causalité, qu'il ressort du rapport d'expertise de M. JOSSAY qu'à l'exception de l'état couperosique et d'une lésion bleutée (liés au traitement appliqué en exécution du protocole défini par la société Dermatech) les lésions séquellaires présentées par Mme Estivalet et décrites en pages 4 et 5 de ce rapport sont en rapport direct avec les injections de Dermalive ;

Que Mme Estivalet est fondée en sa demande tendant à voir établir la responsabilité de la société Dermatech en application des dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil ;

Sur la demande en garantie de la société Dermatech à l'encontre de M. Marlien

Attendu que la société Dermatech invoque à l'appui de sa demande en garantie le manquement apporté par M. Marlien à son devoir d'information et de conseil ;

Mais attendu d'une part qu'il résulte des dispositions des articles 1386-11 et 1386-14 du Code civil que la faute d'un tiers ne constitue ni une cause d'exonération ni une cause de réduction de la responsabilité du producteur ;

Attendu d'autre part que la société Dermatech ne démontre et ne prétend au demeurant pas que la faute qu'elle reproche à M. Marlien et consiste dans une absence de prise de connaissance de la notice d'utilisation du produit constitue la cause exclusive du dommage subi par Mme Estivalet ;

Qu'elle doit être déboutée de sa demande en garantie à l'encontre de M. Marlien ;

Sur les demandes de Mme Estivalet

Attendu que Mme Estivalet sollicite le paiement de la somme de 23 300,00 euro à titre de réparation de ses préjudices actuels, l'organisation d'une mesure d'expertise afin de déterminer et chiffrer les nouveaux préjudices résultant de l'aggravation de son état et de préciser le cas échéant si une thérapie serait susceptible de réduire lesdits préjudices ainsi que le paiement de la somme de 13 000,00 euro à titre de provision au titre de l'opération réparatrice ;

Attendu, s'agissant de la demande d'expertise, que l'expert judiciaire a examiné Mme Estivalet le 24 juin 2005 ;

que les certificats délivrés les 21 septembre 2005, 15 juin 2006 et 8 mars 2007 par Mme Catherine Bergeret-Galley et MM. Pascal Horay et Pierre Bensa, chirurgiens spécialisés en chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, de même que celui établi le 9 mars 2007 par M. Patrick Marion, médecin généraliste, ne contiennent aucun élément de nature à caractériser une aggravation de l'état de Mme Estivalet depuis le mois de juin 2005 ;

Qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle mesure d'instruction ;

Attendu, s'agissant des demandes en paiement, que selon les dispositions du premier alinéa de l'article 1386-2 du Code civil, les dommages ouvrant droit à réparation sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux sont ceux résultant d'une atteinte à la personne ;

Attendu, en ce qui concerne les dommages à réparer, que la société Dermatech soutient qu'aucun élément ne permet de justifier notamment les séquelles psychologiques et le préjudice d'agrément retenus par les premiers juges ;

Mais attendu d'une part que l'expert a conclu de l'examen auquel il a procédé en présence du responsable qualité et du conseil de la société Dermatech et d'un médecin mandaté par la société Zurich Assurances que :

- seules les injections dans les granulomes séquellaires de Diprostène par voie intradermique paraissent avoir un intérêt à l'exclusion des autres traitements proposés (dans le protocole établi par le médecin conseil de la société Dermatech et appliqué par M. Marlien du mois de septembre 2001 au mois de novembre 2003) dont la toxicité et les effets secondaires ne paraissent pas anodins,

- aucun effet bénéfique ne peut être rapporté dans les suites de ces séances d'injections itératives de Diprostène et de 5FU,

- deux effets secondaires sont survenus, une coloration bleutée à la suite du 5FU et un état couperosique à la suite du Diprostène,

- l'état cutané séquellaire de Mme Estivalet née le 1er février 1950 pouvait être considéré comme consolidé à la date du 24 juin 2005,

- toutes les injections subies entre 2001 et 2003 ont été douloureuses et entraîné un pretium doloris de léger à moyen, c'est à dire 2,5/7,

- toutes les séquelles cutanées sont dyschromiques, présentant des troubles du relief et des déformations visibles à trois mètres, très affligeantes chez une femme élégante dont la profession de restauratrice est d'être en contact permanent avec la clientèle et entraînant un préjudice esthétique moyen c'est çà dire de 4/7 englobant aussi les séquelles psychologiques inhérentes à cet état,

- consécutivement à cet état séquellaire inesthétique Mme Estivalet présente un état de stress post traumatique réactionnel notable (certificat de M. Yves Beauvalot, psychiatre, du 2 juin 2005) et un état dépressif objectivé dans son comportement pendant la séance d'expertise,

- il existe un préjudice d'agrément en raison de l'interdiction définitive des expositions solaires du fait de l'état rosacéique et couperosique du visage provoqué directement par les nombreuses injections de corticoïdes sur son visage ;

Attendu d'autre part que les clichés photographiques communiqués par Mme Estivalet permettent à la cour de s'assurer que celle-ci fréquentait les plages, agrément qui lui est désormais interdit, et qu'elle ne peut qu'être profondément affectée par les effets indésirables apparus à la suite de l'injection d'un produit dont elle n'espérait retirer que des avantages ;

Que la société Dermatech n'est pas fondée à discuter la réalité des préjudices retenus par l'expert judiciaire ;

Attendu, en ce qui concerne l'indemnité provisionnelle réclamée, qu'il ne résulte pas des devis et certificat produits par Mme Estivalet que l'opération 'réparatrice' envisagée par celle-ci est de nature à faire définitivement disparaître les granulomes apparus ;

Que Mme Estivalet n'est pas fondée à solliciter la prise en charge de frais liés à une intervention dont le succès n'est qu'éventuel ;

Attendu, en ce qui concerne la réparation du pretium doloris et du préjudice d'agrément, que les premiers juges ont exactement évalué ces deux postes de préjudice (soit 2 300,00 euro et 7 000,00 euro) ;

Attendu, en ce qui concerne la réparation du préjudice esthétique, que l'indemnisation de ce poste de préjudice mérite d'être portée à 10 000,00 euro ;

Sur la mise hors de cause de la société Axa France en sa qualité d'assureur de la société Dermatech

Attendu que la société Axa France fait justement observer qu'aucune demande n'est présentée à son encontre en cause d'appel ;

qu'en l'absence de critique formulée à l'encontre des dispositions du jugement mettant hors de cause cette société, prise en sa qualité d'assureur de la société Dermatech, il convient de confirmer le jugement de ce chef ;

Sur la demande en garantie de la société Dermatech à l'encontre de la société Zurich Ireland Insurance Limited

Attendu que la société Dermatech fonde sa demande sur les dispositions de l'article 4.2 du contrat d'assurance responsabilité civile conclu avec la société Zurich International aux droits de laquelle se trouve la société Zurich Ireland Insurance Limited (la société Zurich) le 26 octobre 2000 (police numéro 07 020 577 M) ;

Mais attendu d'une part qu'il est justifié que les dispositions générales et particulières du contrat " responsabilité civile produits " prévoient que la garantie s'applique aux réclamations formulées à l'assuré et/ou l'assureur à la date d'effet du contrat (soit le 1er janvier 2001) et antérieurement à sa résiliation et se rattachant à des dommages survenus tant pendant cette période qu'antérieurement à la date d'effet du contrat à l'exclusion des faits dommageables susceptibles d'affecter les garanties du contrat, connus de l'assuré antérieurement à sa prise d'effet et des réclamations liées à des produits livrés avant la prise d'effet du contrat' ;

Attendu d'autre part qu'il résulte des écritures mêmes de M. Marlien que celui-ci n'a utilisé que des ampoules livrées en 2000 ;

Qu'en l'état de l'argumentation développée par la société Dermatech, les premiers juges ont justement débouté cette assurée de sa demande en garantie à l'encontre de la société Zurich ;

Sur les demandes de Mme Estivalet à l'encontre de M. Marlien

Attendu que Mme Estivalet reproche à M. Marlien d'avoir omis de l'informer des risques que tout praticien doit connaître lorsqu'ils sont liés à l'injection dans le derme d'un produit susceptible de provoquer des réactions analogues à celles dont elle a été victime et d'avoir même ignoré les risques de réaction au produit injecté ; qu'elle l'estime en conséquence responsable non seulement des conséquences directes des injections mais aussi de celles de la tentative de réparation ;

Attendu que M. Marlien conteste le bien-fondé des prétentions de Mme Estivalet ; qu'il soutient à cet effet que cette patiente a reçu une information orale ainsi que celle contenue dans le document intitulé " devis estimatif " remis le 19 juillet 2000, qu'il ne pouvait en tout état de cause pas l'informer de la survenance possible de granulomes non résorbables par voie corticoïdes et qu'il n'est pas exclu qu'elle n'aurait pas recouru aux injections tant son souci d'apparence physique est une problématique personnelle sur laquelle elle s'est largement expliquée lors de l'expertise ;

Attendu, s'agissant de l'obligation incombant à M. Marlien, qu'en matière de risques médicaux et chirurgicaux à visée esthétique, l'information doit porter non seulement sur les risques graves d'une intervention mais aussi sur tous les inconvénients pouvant en résulter ;

Attendu en l'espèce que M. Marlien ne rapporte pas la preuve, dont il a la charge, de la remise, avant les premières injections, du document dont il se prévaut ; qu'il a au surplus admis devant l'expert judiciaire qu'il ne prenait plus connaissance des notices légales se trouvant dans les boîtes de Dermalive ;

Qu'il doit être tenu de réparer le dommage résultant de son manquement à son devoir d'information ;

Attendu, s'agissant de l'indemnisation due à Mme Estivalet, que la violation d'une obligation d'information ne peut être sanctionnée qu'au titre de la perte de chance subie par le patient d'échapper, par une décision mieux éclairée, au risque qui s'est finalement réalisé ;

Attendu en l'espèce qu'en n'informant pas Mme Estivalet des risques prévisibles liés à l'implantation dans le derme d'un produit non résorbable, M. Marlien a fait perdre à sa patiente la possibilité de renoncer aux injections de produit Dermalive et d'échapper au risque, qui s'est réalisé, de l'apparition de granulomes non résorbables ;

Que le préjudice né de cette perte de chance, distinct de celui résultant des atteintes corporelles provenant des injections et fixé ci-dessus à 19 300,00 euro, doit être évalué à 2 500,00 euro ;

Sur les demandes de M. Marlien à l'encontre de la société Axa France

Attendu que M. Marlien maintient que la société Axa ne peut dénier sa garantie dès lors que

- au moment de la fusion UAP/Axa, l'agence Cornudet-Dalla Barba-Herambourg lui a proposé en janvier 2001 de souscrire un contrat Axa qui ne précise pas les particularités de son activité à visée esthétique et ne reprend même pas l'activité de nutritionniste pour laquelle il était précédemment assuré,

- son agent était d'autant plus conscient de son manquement aux obligations de conseil et d'information prévues à l'article L. 520-1 du Code des assurances qu'il a, lors de la survenance de la procédure, réglé les notes d'honoraires de son précédent conseil et assuré ainsi la direction du procès ;

Qu'il sollicite en conséquence la garantie de cet assureur ou à tout le moins le paiement de dommages intérêts correspondant aux sommes auxquelles il serait éventuellement condamné ;

Mais attendu d'abord qu'il résulte des conditions particulières du contrat n° 0000001436150604 que le 6 janvier 2001, M. Marlien a souscrit à effet du 22 du même mois un contrat responsabilité civile médicale garantissant une activité de 'médecin généraliste sans pratique d'accouchement sauf urgence, ni d'anesthésie générale' en certifiant avoir reçu un exemplaire des conditions générales 220018A qui excluent expressément les conséquences résultant d'un acte médical à finalité purement esthétique ;

Attendu ensuite que le contrat n° 321770414632 M antérieurement conclu avec l'UAP le 11 février 1997 de même que quatre des cinq pièces rédigées sur papier à en-tête de M. Marlien ne font pas mention de pratiques dans le domaine esthétique ;

Que ce médecin ne peut donc déduire de la seule présence, dans sa salle d'attente, d'affiches et de prospectus se rapportant au traitement des rides, la connaissance, par l'agent d'assurance lui ayant présenté le contrat Axa, de ses activités à visée esthétique et de l'obligation lui incombant d'attirer son attention sur l'intérêt de souscrire une assurance garantissant ses actes dans ce domaine ;

Attendu enfin que la prise en charge, par l'agence Cornudet-Dalla Barba-Herambourg, des frais du conseil assistant M. Marlien ne peut suffire à démontrer que la société Axa a pris la direction du procès ; qu'il convient en effet de relever que les sommes de 837,20 euro et 1 449,00 euro dont fait état M. Marlien ont été payées au cours des mois de mars et août 2005, soit avant l'introduction de l'instance au fond et qu'au cours des opérations d'expertise M. Marlien et la société Axa prise en sa qualité d'assureur de ce médecin n'étaient pas assistés par le même avocat ;

Que M. Marlien sera débouté de ses demandes en garantie et paiement de dommages intérêts à l'encontre de la société Axa ;

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Attendu qu'il convient d'octroyer à Mme Estivalet une somme globale de 4 000,00 euro qui sera mise à la charge de la société Dermatech ;

Qu'il n'y a par contre pas lieu de majorer les indemnités initialement allouées aux assureurs ;

Par ces motifs - LA COUR - Statuant dans la limite des appels, -Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Dijon du du 3 mai 2006 en ce qu'il met hors de cause la société Axa France en sa qualité d'assureur de M. Marlien, - Met hors de cause la société Axa France en sa qualité d'assureur de la société Dermatech, - Met hors de cause la société Zurich en sa qualité d'assureur de la société Dermatech, - Déboute M. Marlien de sa demande indemnitaire, - Déboute M. Marlien de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles, - Déboute la société Dermatech de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles, - L'infirmant pour le surplus et ajoutant, - Condamne la société Dermatech à payer à Mme Estivalet la somme de 19 300,00 euro au titre de la réparation de son préjudice personnel (soit 2 300,00 euro au titre du pretium doloris, 10 000,00 euro au titre du préjudice esthétique et 7 000,00 euro au titre du préjudice d'agrément), - Condamne M. Marlien à payer à Mme Estivalet la somme de 2 500,00 euro à titre de réparation du préjudice résultant de la perte de chance subie d'éviter. - Déboute les parties de leurs autres demandes.