CA Bourges, ch. civ., 4 février 2011, n° 10-00994
BOURGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Toyota France (SAS)
Défendeur :
Rossi, Garage Fruchet (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Richard
Conseillers :
M. Lachal, M. Tallon
Avoués :
Mes Le Roy Des Barres, Rahon
Avocats :
SCP Villate, Liere, Junjaud & Lefranc, Mes Dufournier, Rahon, Guillaumin, Troutot
Vu le jugement, frappé du présent appel, rendu le 20 avril 2010 par le Tribunal de grande instance de Châteauroux qui a :
Condamné in solidum la SARL Garage Fruchet et la SAS Toyota France à payer à Claude Rossi et Jacqueline Pinson épouse Rossi la somme de 8 995 euro en réduction du prix de vente, au titre de la garantie des vices cachés ;
Dit que la SAS Toyota France devra garantir la SARL Garage Fruchet des condamnations prononcées à son encontre ;
Condamné la SAS Toyota France aux entiers dépens (en ce compris ceux de référé ainsi que les frais d'honoraires de l'expert judiciaire) ;
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 4 janvier 2011 par la SAS Toyota France, appelante, tendant à :
Infirmer le jugement déféré ;
à titre principal, dire que la SARL Fruchet a commis une faute pour n'avoir jamais remplacé le liquide de refroidissement du véhicule de M. et Mme Rossi et dire que cette faute est à l'origine de la panne du véhicule ;
Débouter M. et Mme Rossi de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la SAS Toyota France ;
Débouter le Garage Fruchet de sa demande de garantie à l'encontre de la SAS Toyota France ;
à titre subsidiaire, constater que M. et Mme Rossi ne justifient pas de leurs demandes relatives à la réparation de leurs préjudices et les débouter de ces demandes ;
en tout état de cause, condamner solidairement les époux Rossi et le Garage Fruchet à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 23 décembre 2010 par M. Claude Rossi et Mme Jacqueline Pinson épouse Rossi, intimés, tendant à :
confirmer le jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum de leur créance et condamner alors solidairement le Garage Fruchet et Toyota France à leur payer les sommes complémentaires de 200 euro au titre du préjudice de jouissance, 3 000 euro pour préjudice moral outre 5 559,10 euro exposés au titre des frais irrécupérables ;
Condamner solidairement le Garage Fruchet et Toyota France à leur payer une somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 6 janvier 2001 par la SARL Garage Fruchet, intimée, tendant à :
infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL Garage Fruchet in solidum avec la SAS Toyota France à régler la somme de 8 995 euro aux époux Rossi ;
Constater qu'un défaut de l'alliage de la culasse, soit un défaut de conception, est à l'origine des désordres ayant affecté le véhicule des époux Rossi ;
Constater que le Garage Fruchet a entretenu le véhicule des époux Rossi conformément aux préconisations du constructeur ;
En conséquence, débouter les époux Rossi de leurs demandes ;
à titre subsidiaire, ramener les demandes financières des époux Rossi à de plus justes proportions ; à tout le moins, dire la SARL Garage Fruchet recevable et bien fondée en son action en garantie à l'encontre de la SAS Toyota France et condamner cette dernière à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ; condamner la SAS Toyota France à payer à la SARL Garage Fruchet la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Sur quoi, LA COUR
Attendu que le 27 février 1997, M. Claude Rossi et Mme Jacqueline Pinson épouse Rossi ont acheté auprès de la SARL Garage Fruchet un véhicule Toyota land cruiser pour un prix de 200 990 francs TTC ; qu'en mai et juin 2006, des dysfonctionnements du moteur sont apparus ; que le 30 juin 2006, la SARL Garage Fruchet a procédé à la réparation pour un montant de 8 995 euro ; que faute de règlement amiable avec le constructeur automobile et son concessionnaire, M. Claude Rossi et Mme Jacqueline Pinson épouse Rossi ont obtenu en référé le 21 février 2007 la désignation d'un expert judiciaire qui a déposé son rapport définitif le 31 juillet 2007 ; que le jugement déféré a statué sur l'action en responsabilité et en indemnisation introduite par les acquéreurs ;
Attendu que la SAS Toyota France reproche au premier juge de ne pas avoir répondu à ses conclusions, de ne pas avoir démontré la réalité d'un vice préexistant à la vente intervenue neuf années auparavant, de ne pas avoir retenu la faute inexcusable de la SARL Garage Fruchet, à l'origine exclusive de la panne, ce professionnel s'étant abstenu de remplacer le liquide de refroidissement conformément aux préconisations du constructeur ;
Attendu que M. Vinchon, expert judiciaire, a constaté qu'il n'y avait pas d'anomalie au niveau du radiateur de refroidissement du moteur, que le joint de culasse n'avait aucune trace d'usure ou de chauffe et que la planéité de la culasse ne présentait pas de déformation, ce qui démontrait que le moteur n'avait pas chauffé avant l'avarie ; qu'ainsi, l'absence de remplacement du liquide de refroidissement n'est pas la cause des dysfonctionnements du moteur ; qu'ensuite, l'expert judiciaire, au cours de ses opérations et lors d'une expertise contradictoire chez un spécialiste qui a mis sous pression d'air les circuits, a relevé que la culasse présentait des fissures entre les soupapes et aussi entre la chambre de précombustion et une soupape ; que ces désordres proviennent de la culasse qui s'est fissurée à la suite d'un défaut d'alliage qui, dans le temps, a provoqué des fissurations de celle-ci et la détérioration du moteur ; qu'il s'agit donc d'un vice, lié à un défaut de conception de la pièce, qui était présent à la livraison du véhicule ; que ce défaut caché rendait le véhicule impropre à l'usage auquel on le destinait ; qu'en vertu des articles 1641 et 1644 du Code civil, les acheteurs ont fait le choix de se faire rendre une partie du prix, égal au coût de la remise en état, dont l'expert judiciaire souligne qu'elle a été effectuée dans les règles de l'art tant sur la méthode que sur le coût ; qu'en conséquence, le premier juge en a exactement déduit que le vendeur, la SARL Garage Fruchet, était tenu de la garantie à raison des défauts cachés du véhicule vendu ; que cependant, ce vice caché est dû à un défaut de conception uniquement imputable au constructeur automobile ; qu'ainsi la condamnation in solidum du vendeur et du constructeur à indemniser l'acquéreur est justifiée ; que de même, le constructeur automobile doit garantir le vendeur des condamnations prononcées contre ce dernier ; que le jugement déféré sera confirmé sur ces points ;
Attendu que M. Claude Rossi et Mme Jacqueline Pinson épouse Rossi sollicitent des indemnités accessoires au titre du préjudice de jouissance, du préjudice moral et de frais irrécupérables ; que la SARL Garage Fruchet, vendeur professionnel, et son garant, la SAS Toyota France, sont tenus in solidum, outre la restitution du prix, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur, et ce, en vertu de l'article 1645 du Code civil ; qu'il y a lieu d'accorder aux acquéreurs, qui ont souffert d'un préjudice de jouissance lors des incidents successifs et de la réparation du véhicule, une somme de 200 euro ; que par contre, le préjudice moral sollicité n'est pas justifié ; que les frais qualifiés de frais irrécupérables en cause d'appel ont été analysés, exactement et conformément à la demande en justice, comme une demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, dont le montant a été justement apprécié par le premier juge ; que le jugement déféré sera réformé en ce sens ;
Attendu qu'aux termes de l'article 696 du Code de procédure civile, la SAS Toyota France, partie perdante, sera condamnée aux dépens ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à M. Claude Rossi et Mme Jacqueline Pinson épouse Rossi la charge des frais exposés par eux non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de condamner la SAS Toyota France à leur verser une somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; que de même, il y a lieu de condamner la SAS Toyota France à verser à la SARL Garage Fruchet une somme de 1 000 euro sur ce fondement ;
Par ces motifs : - LA COUR ; - Confirme le jugement déféré sauf sur le préjudice jouissance ;- Statuant à nouveau sur ce point ; - Condamne in solidum la SARL Garage Fruchet et la SAS Toyota France à payer à M. Claude Rossi et Mme Jacqueline Pinson épouse Rossi une somme de 200 euro au titre du préjudice de jouissance, la SAS Toyota France devant garantir la SARL Garage Fruchet de cette condamnation.