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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 3 janvier 2012, n° 10-00513

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Leleu (Epoux), Société Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutualistes (SA)

Défendeur :

Frans Bonhomme (SAS), Fitt Spa (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hascher

Conseillers :

Mmes Hussenet, Dias Da Silva Jarry

Avoués :

SCP Thoma - Delaveau - Gaudeaux, SCP Delvincourt - Jacquemet - Caulier - Richars, SCP Genet - Braibant

Avocats :

SCP Rahola - Delval - Creusat, Associés, SCP Soulie - Coste - Floret, Me Labeau-Bettinger

TGI Reims, du 26 janv. 2010

26 janvier 2010

M. et Mme Leleu, assurés auprès de la Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutualistes (Matmut) ont confié à la société Phybris l'installation d'une piscine dans le jardin de leur maison d'habitation située à Hermonville.

Les travaux ont été réalisés en avril 2005 et la piscine livrée le 13 juin suivant.

Le couple a encore fait agrandir sa maison en y ajoutant un bâtiment et en aménageant le sous sol en salle de cinéma.

En août 2005, les époux Leleu se sont rendus compte que l'eau de la piscine était verte et nauséabonde et que de la vase s'était déposée dans le fond du bassin. Ils ont également constaté un dégât des eaux, des infiltrations à travers le mur du sous sol ayant occasionné d'importants dommages aux agencements et matériels de la salle de cinéma.

Une expertise amiable a été diligentée par leur assureur la Matmut au cours de laquelle il a été détecté une fuite de la canalisation enterrée du retour d'eau relié à la bouche de l'escalier de la piscine.

M. et Mme Leleu ont sollicité l'organisation d'une expertise judiciaire laquelle a été confiée à M. Texier, aux termes de l'ordonnance de référé rendue le 29 novembre 2006.

Par ordonnances en date des 14 mars et 6 juin 2007 les opérations d'expertise ont été étendues à la société Frans Bonhomme fournisseur des canalisations et à la société de droit italien Fitt Spa, fournisseur de la société Frans Bonhomme.

L'expert a déposé son rapport le 7 avril 2008.

Suivant exploit délivré le 20 août 2008, les époux Leleu ont fait assigner la société Frans Bonhomme en indemnisation de leur préjudice, cette dernière appelant en intervention forcée la société Fitt Spa.

Par jugement rendu le 26 janvier 2010, le Tribunal de grande instance de Reims a :

- dit irrecevable la demande de la Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutualistes tendant à la condamnation de la société Frans Bonhomme à lui payer la somme de 37 391,48 euro,

- retenu la responsabilité de la société Frans Bonhomme,

- débouté la société Frans Bonhomme de sa demande à l'encontre de la société Fitt Spa,

- condamné la société Frans Bonhomme à payer à M. et Mme Leleu la somme de 2 000 euro au titre de leur préjudice de jouissance avec intérêts légaux à compter du jugement,

- condamné la société Frans Bonhomme à payer à la Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutualistes la somme de 8 912,51 euro au titre des frais d'expertise amiable avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la société Frans Bonhomme à payer à la Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutualistes la somme 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Frans Bonhomme à payer à la société Fitt Spa la somme de 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Frans Bonhomme aux dépens de l'instance comprenant les frais d'expertise.

Les époux Leleu et leur assureur la Matmut ont relevé appel de ce jugement le 26 février 2010.

Dans leurs conclusions notifiées le 24 octobre 2011, ils demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en qu'il a déclaré la Matmut irrecevable en sa demande,

- statuant à nouveau de ce chef,

- vu les quittances subrogatives et l'article L. 121-12 du Code des assurances,

- déclarer la Matmut recevable à agir en tant que subrogée dans les droits de ses assurés M. et Mme Leleu,

- condamner la société Frans Bonhomme à payer à la Matmut, subrogée dans les droits de M. et Mme Leleu, la somme de 37 391,48 euro au titre des dommages matériels,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

- condamner la société Frans Bonhomme à payer aux époux Leleu et à la Matmut la somme supplémentaire de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouter la société Frans Bonhomme de ses demandes et la condamner aux dépens d'appel.

Dans leurs conclusions notifiées le 3 mai 2011, ils demandent à la cour de leur donner acte de ce qu'ils se désistent de l'appel régularisé à l'encontre de la société Fitt Spa et qu'ils prendront en charge les dépens d'appel exposés par cette dernière jusqu'au jour des conclusions.

Dans ses conclusions notifiées le 30 mars 2011, la société Frans Bonhomme demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ses seules dispositions lui faisant grief,

- statuant à nouveau de ces seuls chefs,

- juger que les époux Leleu ne sont pas fondés à agir sur le fondement de l'article 1641 du Code civil à son encontre,

- juger que la Matmut n'est pas fondée à exercer son recours subrogatoire à son encontre pour obtenir le remboursement de l'indemnité versée à ses assurés,

- débouter en conséquence la Matmut de toutes ses demandes dirigées contre elle et la décharger des condamnations prononcées à son encontre,

- juger en tout état de cause que la preuve de l'imputabilité de la société Frans Bonhomme dans le préjudice n'est pas rapportée,

- juger que les fautes des époux Leleu ont été, en tout état de cause, la cause exclusive de leur dommage,

- débouter en conséquence les époux Leleu et la Matmut de l'intégralité de leurs demandes,

- en tout état de cause:

- juger que les époux Leleu ne justifient d'aucun préjudice de jouissance et les débouter de leur demande à ce titre,

- condamner in solidum les époux Leleu et la Matmut à lui payer la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 21 octobre 2011, la société Fitt Spa demande à la cour de :

- lui donner acte qu'elle accepte le désistement d'appel des époux Leleu et de la Matmut à son égard,

- condamner in solidum les époux Leleu et la Matmut à lui verser la somme de 12 000 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens,

- concernant la société Frans Bonhomme, juger que cette dernière a acquiescé au jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande à l'encontre de la société Fitt Spa.

Sur ce, LA COUR,

Attendu qu'il convient à titre liminaire de donner acte aux époux Leleu et à la Matmut de leur désistement d'appel à l'encontre de la société Fitt Spa et de ce qu'ils prendront à leur charge les dépens d'appel exposés par cette dernière ;

Que la société Fitt Spa ne prouvant pas l'existence d'un préjudice causé par les appelants elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ; que par ailleurs l'équité commande de laisser à sa charge les frais irrépétibles exposés par elle ; qu'elle sera donc également déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que les époux Leleu et la Matmut critiquent le jugement en ce qu'il a indiqué que l'assureur n'était pas recevable à agir faute de rapporter la preuve du paiement aux assurés de la somme réclamée au titre des dommages matériels subis par eux expliquant que les quittances subrogatives versées aux débats attestent de ce paiement et de la subrogation ;

Attendu que l'article L. 121-12 du Code des assurances dispose que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ;

Attendu qu'en l'espèce les appelants produisent aux débats une pièce n° 20 qui est l'"acceptation d'indemnité dommages matériels du 1er juillet 2006" aux termes de laquelle M. Leleu reconnaît expressément avoir reçu de la Matmut la somme de 35 315,39 euro au titre des dommages consécutifs au sinistre dont s'agit ; qu'ils versent encore une pièce n°45 intitulée " dommages matériels- acceptation d'indemnité " qui constitue la seconde quittance subrogative signée par M. Leleu datée du 26 août 2009 pour un montant de 2 076,09 euro ;

Que par suite la Matmut est bien subrogée dans les droits de ses assurés en application de l'article L. 121-12 précité de sorte qu'elle est recevable à agir en paiement contre la société Frans Bonhomme ; que le jugement sera infirmé en ce sens ;

Attendu qu'en application des dispositions prévues par l'article 1641 du Code civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ;

Qu'en vertu de ces dispositions le maître de l'ouvrage dispose contre le fabricant ou le fournisseur du matériau litigieux d'une action contractuelle directe ;

Attendu qu'en l'espèce il ressort de l'expertise judiciaire que les investigations menées ont pu retenir une défectuosité intrinsèque d'une canalisation d'un diamètre de 50 m/50 m sans qu'il soit mis en évidence une cause étrangère et que la rupture millimétrique de cette canalisation sous pression a entraîné une vidange intempestive d'un volume entre 5 et 10 m3 d'eau de la piscine contre la maçonnerie enterrée de l'extension, pourtant revêtu par un traitement d'enduit d'étanchéité contre l'humidité en provenance du sol mais non prévue pour constituer une véritable retenue d'autant d'eau ;

Que l'expert a pu préciser que quelle que soit la configuration de la canalisation (enterrée ou à l'air libre), celle-ci présente le même désordre à savoir des fissures répétitives de quelques millimètres et des fuites ; que le désordre est une microfissuration de la gaine plastique armée, avec section de la fibre spirale censée armer la tubulure mais que ces fissurations ne sont pas présentes systématiquement aux emplacements où la canalisation présente un écrasement ou un pincement ;

Que l'expert indique encore qu'il n'a pas été mis en évidence de détérioration de la canalisation par une intervention de chantier ; qu'il a pu établir que la canalisation s'est trouvée fragilisée par le débit d'eau, que le défaut s'est révélé postérieurement à la pose et à l'annonce d'une défaillance de ce type de canalisation qui a bien été vendue par la société Frans Bonhomme;

Qu'il doit être déduit de ce qui précède que les défauts de la chose vendue par la société Frans Bonhomme la rendent impropre à l'usage auquel elle est destinée de sorte que le vendeur doit garantir les acheteurs et leur assureur sur le fondement de l'article 1641 du Code civil ;

Attendu que c'est vainement que la société Frans Bonhomme invoque les dispositions de l'article 1646 du Code précité soutenant qu'elle ne peut être tenue de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur dans la mesure où elle n'aurait pas été informée des défauts affectant les produits commercialisés par ses soins ; qu'en effet la société Phybris a indiqué au cours des opérations d'expertise qu'entre 10 et 15 de ses clients ont été confrontés à des fuites sur canalisations de cette gamme acquise chez Frans Bonhomme dans le courant de l'année 2004 et de la première moitié de l'année 2005, soit antérieurement à l'exécution des travaux au domicile des époux Leleu ; qu'elle a indiqué que par courrier en date du 27 octobre 2005 elle a informé son fournisseur des 'problèmes de fuite sur des tuyaux de votre fourniture' ;

Que la société Frans Bonhomme doit dès lors être condamnée à indemniser intégralement les époux Leleu et leur assureur du préjudice subi du fait des canalisations affectées d'un vice caché;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il retient la responsabilité de la société Frans Bonhomme dans le sinistre subi par les époux Leleu ;

Attendu que le préjudice subi par ces derniers résulte d'une part des frais de remise en état des lieux et du fait qu'ils ont été privés de la jouissance de leur piscine durant le déroulement de l'expertise et pendant les travaux de réfection ;

Que les travaux de remise en état ont été réalisés pour un coût de 37 391,48 euro tels que chiffrés dans le cadre de l'expertise amiable contradictoire réalisée par M. Henricot à laquelle la société Frans Bonhomme a participé, un procès verbal de constatation relatif à l'évaluation des dommages ayant été signé le 26 août 2005 par Mme Leleu et les experts des assureurs des sociétés en cause ; que la Matmut ayant réglé cette somme à ses assurés elle est bien fondée à en réclamer le remboursement à la société Frans Bonhomme dont la responsabilité est seule retenue dans le cadre du sinistre dont s'agit ; que le jugement sera donc infirmé en ce sens et la société Frans Bonhomme condamnée à payer à la Matmut la somme de 37 391,48 euro ;

Attendu que les premiers juges ont justement évalué le préjudice de jouissance subi par les époux Leleu à la somme de 2 000 euro compte tenu notamment de la durée des travaux de reprise ; qu'il a également à bon droit mis à la charge de la société Frans Bonhomme les frais engagés par la Matmut pour tenter de trouver une solution au litige par une expertise amiable ;

Attendu de plus que la société Frans Bonhomme ne critique pas les dispositions de la décision attaquée relativement au débouté de ses demandes dirigées contre la société Fitt Spa ; que le jugement sera confirmé sur ces points ;

Attendu que la société Frans Bonhomme succombe ; qu'elle sera condamnée aux dépens d'appel et ne peut prétendre à l'indemnité qu'elle sollicite sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que l'équité commande de la condamner à payer aux époux Leleu et à leur assureur la Matmut une indemnité de 2 000 euro au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Donne acte aux époux Leleu et à la Matmut de leur désistement d'appel à l'encontre de la société Fitt Spa, Confirme le jugement rendu le 26 janvier 2010 par le tribunal de grande instance de Reims sauf en ce qu'il a dit irrecevable la demande de la Matmut tendant à la condamnation de la société Frans Bonhomme à lui payer la somme de 37 391,48 euro, Statuant à nouveau : Déclare recevable la demande en paiement de la Matmut formée contre la société Frans Bonhomme, Condamne la société Frans Bonhomme à payer à la Matmut subrogée dans les droits des époux Leleu la somme de 37 391,48 euro, Condamne la société Frans Bonhomme à payer aux époux Leleu et à la Matmut la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société Fitt Spa de sa demande de dommages et intérêts et de celle fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société Frans Bonhomme de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne les époux Leleu et la Matmut aux dépens d'appel exposés par la société Fitt Spa et admet la SCP Genet & Braibant avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Frans Bonhomme aux dépens d'appel autres que ceux exposés par la société Fitt Spa et admet la SCP Thoma Gaudeaux, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.