CA Dijon, 1re ch. civ., 11 janvier 2011, n° 09-01994
DIJON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
John Deere (SAS)
Défendeur :
Des Perrières (EURL), Monory et Fils (SA), Mat Export (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Arnaud
Conseillers :
Mme Vignes, M. Besson
Avocats :
SCP Bourgeon-Boudy, SCP Fontaine-Tranchand & Soulard, Me Gerbay, SCP Avril & Hanssen
La société Matexport, qui avait acheté à la société Monory et Fils un tracteur John Deere modèle 7710, suivant bon de commande du 31 mars 2003 et facture du 9 juillet 2003 stipulant un prix de 62 000 euro, a loué ce tracteur à l'EURL des Perrières entre le 12 juillet et le 12 août 2003, pour les besoins de son exploitation agricole.
C'est à l'occasion de cette location que le véhicule, qui remorquait une presse de marque Heston, a pris feu le 23 juillet 2003.
Sur demande de l'EURL des Perrières et de son assureur Groupama assurances, une expertise judiciaire a alors été instituée par une ordonnance du 24 août 2004 du juge des référés du tribunal de grande instance de Chaumont, confiant à M. Ruiz - auquel a ensuite été substitué M. Grisot - la mission de déterminer les causes de l'incendie.
Après que l'expert eût remis le rapport de ses opérations au mois d'août 2007, la société Monory et Fils a fait citer la compagnie Groupama assurances, l'EURL des Perrières et la société Matexport devant le tribunal de grande instance de Chaumont, par actes d'huissier de justice en date des 6, 8 et 9 mars 2007, afin notamment de voir, sur le fondement des articles 1733 et 1166 du Code civil :
- juger l'EURL des Perrières seule et entièrement responsable de l'incendie survenu le 23 juillet 2003 au tracteur John Deere modèle 7710 appartenant à Matexport, bailleur ;
- et condamner l'EURL des Perrières et la société Groupama à lui payer la somme de 62 000 euro dans la limite du montant de sa créance sur Matexport.
Pour leur part, l'EURL des Perrières et la société Groupama ont appelé en intervention forcée la société John Deere, fabriquant du tracteur, suivant acte d'huissier de justice délivré le 2 octobre 2007, afin de la voir condamner à les garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre.
Par jugement du 29 octobre 2009, le tribunal de Chaumont a, au vu des articles 1166, 1733, 1641, 1644, 1645 et 1648 du Code civil :
- déclaré recevable, sur le fondement de l'article 1166 du Code civil, l'action de la société Monory et Fils à l'encontre de l'EURL des Perrières et de son assureur Groupama ;
- rejeté le moyen de nullité de l'expertise judiciaire soulevé par la société John Deere ;
- constaté l'existence d'un vice de construction affectant le tracteur litigieux et la mise en cause de la responsabilité du fournisseur John Deere, et écarté la responsabilité de l'EURL des Perrières, locataire de Matexport ;
- débouté la société Monory et Fils de ses prétentions formulées à l'encontre de l'EURL des Perrières et de son assureur Groupama assurances ;
- sur la demande reconventionnelle de la société Matexport à l'encontre de la société Monory et Fils :
. constaté que la demande reconventionnelle en résolution de vente pour vices cachés a été intentée dans le bref délai prévu à l'article 1648 du Code civil ;
. prononcé la résolution de la vente conclue entre la société Monory et Fils et la société Matexport portant sur le tracteur John Deere modèle 7710 ;
. condamné en conséquence la société Monory et Fils à payer à la société Matexport :
- 62 000 euro en restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2008 ;
- 51 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de louer le matériel litigieux ;
- condamné la société John Deere à garantir la société Monory et Fils de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision ;
- condamné la société Monory et Fils à verser, d'une part, à l'EURL des Perrières et Groupama assurances une indemnité de 1 500 euro, d'autre part, à la société Matexport une indemnité du même montant sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs plus amples moyens et prétentions ;
- et condamné la société Monory et Fils aux dépens incluant les frais d'expertise.
À la suite de l'appel qu'elle a interjeté de ce jugement, la société John Deere a présenté le 13 octobre 2010 des écritures au terme desquelles elle conclut à la réformation en toutes ses dispositions du jugement déféré, et demande à la Cour :
- de juger irrecevable comme forclose l'action en garantie formée par la société Monory et Fils à son encontre ;
-de juger irrecevable ou mal fondée la demande reconventionnelle de l'EURL des Perrières et de l'en débouter ;
- d'annuler le rapport d'expertise de M. Grisot signé le 27 juillet 2007 ;
- de constater que la société Monory et Fils ne rapporte pas la preuve de l'origine technique de l'incendie du tracteur et de la presse litigieux, et de la débouter, ainsi que toutes autres parties, de toutes les demandes formées à son encontre ;
- et de condamner la société Monory et Fils, la société Matexport, l'EURL des Perrières et la société Groupama assurances à lui payer la somme de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles ;
Au terme de ses écritures récapitulatives en réponse notifiées le 5 novembre 2010, la société Monory et Fils conclut à la réformation partielle du jugement déféré, et demande à la Cour :
- de débouter la société Matexport, la société John Deere, l'EURL des Perrières et la société Groupama de toutes demandes contraires ;
- de constater, au vu des articles 1166 et 1733 du Code civil, le règlement par Matexport, en cours d'instance d'appel, de la créance de la société Monory et Fils afférente au tracteur "7810" ;
- de juger irrecevable ou mal fondée, au vu des articles 1641 et suivants du Code civil, l'action de la société Matexport en résolution de la vente pour vices cachés, et de la débouter de l'intégralité de ses demandes, notamment celles présentées par appel incident sur le quantum de l'indemnisation ;
-de juger irrecevable ou mal fondée la demande reconventionnelle présentée par l'EURL des Perrières ;
- subsidiairement, si la Cour retenait l'existence de vices cachés, de confirmer alors le jugement en ce qu'il a condamné la société John Deere à garantir la société intimée de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre, et de dire que la garantie devra s'appliquer à toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, éventuellement du chef de la demande reconventionnelle de l'EURL des Perrières ;
- en toute hypothèse, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des entiers dépens ;
- de juger que l'EURL des Perrières et la société Groupama, ou qui mieux le devra, doivent être condamnées à lui payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 3 000 euro pour les frais irrépétibles de première instance ;
- et de condamner l'EURL des Perrières et la société Groupama, la société Matexport, la société John Deere, ou qui mieux d'entre elles le devra, à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au terme de ses dernières écritures présentées le 19 octobre 2010, la société Matexport :
- conclut, au vu des articles 1641 et suivants du Code civil, à la confirmation du jugement déféré :
. en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente conclue entre les sociétés Monory et Fils et Matexport sur le tracteur de marque John Deere 7710 ;
. et en ce qu'il a condamné la société Monory et Fils à lui payer la somme de 62 000 euro ht pour prix de vente du tracteur litigieux, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2003 ;
- conclut à l'infirmation du jugement déféré sur le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués, et demande à la Cour de condamner la société Monory et Fils à lui payer :
. 255 000 euro de dommages et intérêts au titre du préjudice financier résultant de la perte des loyers ;
. 5 000 euro pour les frais liés à la vente ;
. 5 000 euro pour les frais liés aux déplacements consécutifs au sinistre ;
- et 6 000 euro au titre de l'article 700 du (nouveau) Code de procédure civile.
- et conclut à la confirmation du jugement déféré pour le surplus, ainsi qu'au débouté des parties de toutes demandes formées à son encontre.
Au terme de leurs écritures notifiées le 26 octobre 2010, l'EURL des Perrières et la société Groupama :
- concluent, au vu des dispositions des articles 1166 et suivants, 1641 et suivants, 1730 et suivants du Code civil, à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a :
. rejeté le moyen de nullité de l'expertise judiciaire soulevé par la société John Deere ;
. constaté l'existence d'un vice de construction affectant le tracteur litigieux et, mettant en cause la responsabilité du fournisseur, écarté la responsabilité de l'EURL des Perrières, locataire de Matexport, débouté la société Monory et Fils de ses prétentions formulées contre l'EURL et son assureur Groupama, et condamné la société Monory et Fils à leur verser une indemnité de 1 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- et demandent à la Cour de condamner la société Monory et Fils Monory et la société John Deere à payer :
. à l'EURL des Perrières une somme de 11 776,75 euro à titre de dommages et intérêts ;
. à l'EURL des Perrières et à la société Groupama une somme supplémentaire de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 novembre 2010.
La société John Deere a représenté de nouvelles conclusions le même jour, dont la société Matexport a demandé, dans des écritures déposées le 16 novembre 2010, qu'elles soient écartées des débats comme étant tardives.
La cour d'appel se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, à la décision déférée ainsi qu'aux écritures d'appel évoquées ci-dessus.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la recevabilité des conclusions et pièce remises le 15 novembre 2010 :
Attendu que les ultimes écritures et pièce émanant de la société John Deere ont été communiquées le 15 novembre 2010 ;
Attendu que la notification de ces conclusions et pièce (n°9), ayant ainsi eu lieu le jour même de la clôture de l'instruction de l'affaire, et la veille de l'audience des plaidoiries, a mis les sociétés intimées dans l'impossibilité de prendre connaissance suffisante de la pièce produite et de répliquer de façon utile à l'argumentation plus ample développée par l'appelante dans ces nouvelles écritures, pour la réfuter ;
Qu'il s'ensuit qu'il y a lieu, afin d'assurer le strict respect du principe de la contradiction, de faire droit à l'exception soulevée par la société Matexport, et de déclarer irrecevables les conclusions et pièce présentées le 15 novembre 2010 par la société John Deere ;
Sur l'origine du sinistre et les responsabilités encourues :
Attendu, en premier lieu, que l'étude du rapport d'expertise judiciaire de M. Yves Grisot enseigne que l'expert, ainsi que l'a relevé le Tribunal, et contrairement à la critique que lui fait la société John Deere, a procédé personnellement à la mission qui lui avait été confiée ;
Que M. Grisot a en effet pu examiner sur pièces, aussi bien le tracteur sinistré que la presse Heston qui y était attelée, et constater ainsi de visu :
-s'agissant tout d'abord du tracteur, que "l'incendie a endommagé fortement la partie arrière et la partie centrale où se situe[nt] l'habitacle et le compartiment moteur", que "la face avant n'a subi que très peu de dommages" et que "la calandre avant, les contrepoids et l'essieu avant sont pratiquement intacts" ;
- s'agissant ensuite de la presse, qu'elle présentait "en particulier des dommages sur la flèche de la fixation au tracteur et sur la face", tandis que sa "partie basse...où se trouve tout le mécanisme de ramassage de la paille, c'est-à-dire le volant à inertie, son frein droit, le système d'embrayage...ne comporte pas d'indices pouvant être à l'origine de l'incendie" ;
Attendu que l'expert, ayant également conclu, à partir de ces constatations faites sur les matériels sinistrés et susceptibles d'être à l'origine de l'incendie, qu'étaient ainsi corroborées les déclarations de M. Blot, conducteur du tracteur, selon lesquelles le feu s'était déclaré "au niveau de la partie arrière du tracteur" avant de se propager sur la flèche et la partie avant de la presse, a déduit de façon pertinente, après avoir encore noté qu'il n'avait "pas constaté de surchauffe anormale" des "éléments mécaniques les plus vulnérables" se trouvant dans la partie basse de la presse, qu'en l'absence par ailleurs de tout élément permettant de suspecter une cause extérieure telle qu'une quelconque imprudence du conducteur, la cause du sinistre ne pouvait "provenir que du tracteur" et, le plus probablement, de ses câbles électriques dont il a constaté qu'ils présentaient "quelques indices de fusion notamment sur des connexions se trouvant à proximité des réserves à carburant...[ayant] été complètement détruit[e]s" ;
Attendu qu'il apparaît ainsi que M. Grisot, dont il n'est pas contesté qu'il a certes repris par ailleurs dans son rapport des conclusions déjà émises par M. Pascal Oudet, expert du laboratoire Lavoué qui avait été missionné par l'assureur Groupama, a livré une analyse personnelle des causes du sinistre qui, rejoignant ces conclusions mais aussi l'analyse faite au contradictoire de la société John Deere par la S.A.R.L. C.E.C.A. qui a pareillement conclu que, "à part la négligence d'un rejet de mégot de cigarette" - qu'aucun élément du dossier ne permet d'accréditer- "l'origine de l'incendie a débuté au niveau du circuit électrique" du tracteur, ne saurait être de surcroît suspectée au seul prétexte qu'elle émane d'un expert automobile, et non d'un expert en incendie, dont il n'apparaît pas que l'appelante, d'une part, a contesté la nomination, d'autre part, démontre d'une quelconque façon que sa compétence en la cause peut être mise en doute ;
Et attendu, à cet égard, que l'analyse des causes du sinistre faite par M. Kirk Ney, ingénieur de la société John Deere, à partir uniquement du rapport d'expertise de M. Oudet, au moyen d'hypothèses et de déductions ne reposant sur aucune constatation matérielle personnelle, et de statistiques qui ne peuvent servir de loi, ne contredit pas de façon judicieuse, selon la Cour, les analyses parfaitement convergentes livrées par M. Grisot et la S.A.R.L. C.E.C.A., qui n'ont décelé, en particulier, aucune cause de sinistre imputable au "baler" incriminé par M. Kirk Ney ;
Qu'il résulte ainsi des présomptions graves, précises et concordantes ressortant de l'ensemble de ces éléments que :
- ainsi que l'a jugé à bon escient le Tribunal, à partir de l'expertise judiciaire de M. Grisot qui n'a pas lieu d'être annulée et dont les conclusions pertinentes doivent être approuvées,
- l'incendie qui a gravement endommagé le tracteur John Deere et la presse Heston a eu pour cause un vice de fabrication de ce tracteur neuf, n'ayant alors que quelques dizaines d'heures d'utilisation et dont il n'est pas allégué un défaut d'entretien, en sorte que l'EURL des Perrières se trouve exonérée de la responsabilité présumée que l'article 1733 du Code civil fait peser sur elle, et que les prétentions émises par la société Monory et Fils sur le fondement de ce texte contre elle et son assureur Groupama doivent être rejetées ;
Et attendu, en second lieu, qu'il ressort des conclusions expertales de M. Grisot que le vice de fabrication affectant le tracteur, d'une part, n'était pas visible, d'autre part, préexistait à la vente dès lors que le véhicule sinistré était encore neuf ;
Qu'il résulte par conséquent de ceci que la société Matexport est fondée à exercer, pour autant qu'elle l'a engagée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige, l'action en résolution de la vente que lui a consentie la société Monory et Fils, dès lors que le vice de la chose vendue a rendu celle-ci inutilisable, et donc nécessairement impropre à l'usage auquel elle était destinée ;
Et attendu que l'on doit constater que la société Matexport, qui n'a pas été partie aux opérations d'expertises non judiciaires C.E.C.A. et Oudet, n'a eu connaissance de l'existence du vice, au plus tôt, que lors de la remise par M. Grisot de son pré-rapport d'expertise, fin avril 2007, ce qui constitue ainsi le point de départ du bref délai de son action rédhibitoire, en sorte qu'il y a lieu de juger qu'elle a, en formulant sa demande reconventionnelle visant à la résolution de la vente au terme de conclusions signifiées le 31 juillet 2008, agi dans le bref délai que la loi lui impartissait ;
Qu'il s'ensuit, ainsi que l'a jugé le Tribunal, que sont réunies les conditions d'application de la garantie due par le vendeur à raison des défauts cachés de la chose vendue, en sorte que la société Matexport se trouve fondée à voir prononcer la résolution de le vente et à réclamer à la société Monory et Fils la restitution du prix de 62 000 euro hors taxes payé pour le tracteur, en application de l'article 1644 du Code civil ;
Sur la réparation des préjudices complémentaires de la société Matexport :
Attendu que la société Matexport est fondée à invoquer à l'égard de la société Monory et Fils, vendeur professionnel de la marque John Deere et réputée comme tel avoir eu connaissance du vice, les dispositions de l'article 1645 du Code civil prévoyant que le vendeur averti des vices de la chose "est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur" ;
Attendu, d'abord, qu'il doit lui être alloué à ce titre les intérêts au taux légal sur la somme de 62 000 euro que doit lui restituer la société Monory et Fils, à compter du 31 juillet 2008, date à laquelle l'intimée a fait signifier par voie de conclusions sa demande en résolution de la vente ;
Attendu, ensuite, qu'elle réclame au même titre l'indemnisation, d'une part, du préjudice ayant résulté pour elle des pertes de loyers subies entre le mois de juillet 2003 et le mois de juillet 2008 du fait de la destruction du tracteur, d'autre part, des frais d'enlèvement du tracteur auprès de la société Monory et Fils et de livraison à l'EURL des Perrières, et de déplacements depuis son siège social situé en Belgique jusqu'à la propriété de l'EURL pour les besoins du présent litige ;
Mais attendu, d'abord, ainsi que l'a jugé à bon droit le Tribunal, que le préjudice allégué de pertes de loyers s'analyse, en l'absence de certitude de ce que la société Matexport aurait été en mesure de relouer de façon pérenne et permanente le matériel sinistré, en une perte de chance de gains locatifs;
Et attendu que le Tribunal, en fixant à 51 000 euro l'indemnisation due de ce chef, a fait une juste appréciation, qu'il y a lieu de confirmer, de la mesure de cette perte de chance ;
Et attendu, ensuite, que le Tribunal, ayant constaté que la société Matexport ne justifiait - pas plus d'ailleurs qu'en cause d'appel - ni des frais d'enlèvement puis de livraison du tracteur, ni davantage des frais allégués de ses déplacements, doit être confirmé en sa décision de rejet des demandes afférentes ;
Sur la demande de dommages-intérêts présentée par l'EURL des Perrières :
Attendu que l'EURL des Perrières demande à la Cour de condamner la société Monory et Fils et la société John Deere à lui payer la somme de 11 776,75 euro représentant le montant total du préjudice qu'elle indique avoir subi à la suite de la destruction du tracteur que lui avait loué la société Matexport;
Que la société Monory et Fils et la société John Deere concluent, par application de l'article 564 du Code de procédure civile, à l'irrecevabilité de cette demande dont elles affirment qu'elle est une prétention nouvelle ;
Attendu d'abord que cette demande, présentée pour la première fois, à hauteur d'appel, est bien une demande nouvelle ;
Et attendu, ensuite, que la société Monory et Fils ayant exercé l'action oblique à l'égard de l'EURL des Perrières, en se prévalant uniquement des droits et actions de la société Matexport, et la société John Deere n'ayant formé aucune demande à l'encontre de l'EURL autre qu'en frais irrépétibles, il en résulte que la demande de cette dernière n'est pas, à l'égard de ces sociétés, une demande reconventionnelle se rattachant par un lien suffisant aux prétentions originaires, seule de nature à lui permettre de bénéficier des dispositions de l'article 567 du Code de procédure civile dont elle réclame l'application ;
Qu'il s'ensuit que cette demande est irrecevable ;
Sur l'action récursoire en garantie dirigée par la société Monory et Fils contre la société John Deere :
Attendu, d'abord, que la société Monory et Fils, qui n'a été exposée à l'action en garantie des vices cachés de la société Matexport qu'à compter du 31 juillet 2008, et qui a engagé son action récursoire à l'encontre de la société John Deere, à tout le moins par conclusions notifiées le 19 janvier 2009, a agi à bref délai au sens de l'article 1648 du Code civil ;
Attendu, ensuite, qu'il est jugé au présent arrêt que le tracteur sinistré qui a été détruit dans l'incendie du 23 juillet 2007 était atteint d'un vice de fabrication caché, antérieur à la vente, qui l'a rendu impropre à son usage ;
Qu'il résulte par conséquent de ceci que la société Monory et Fils est recevable et fondée en son action récursoire en garantie des vices cachés exercée contre le vendeur-fabricant de la chose défectueuse, en l'occurrence la société John Deere qui, en sa qualité de professionnel réputé avoir eu connaissance du défaut de la chose vendue, est tenue de tous les dommages-intérêts envers l'acquéreur ;
Qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de confirmer la décision déférée qui a condamné la société John Deere à rembourser à la société Monory et Fils le montant de toutes condamnations prononcées, ou susceptibles de l'être, à son encontre ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable, au vu des éléments de la cause :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Monory et Fils à payer une somme 1 500 euro à l'EURL des Perrières et à la société Groupama sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de l'infirmer en ce qu'il a limité à 1 500 euro l'indemnité due par la société Monory et Fils à la société Matexport en application de ce texte, qu'il convient de porter à 3 000 euro ;
- de confirmer, pour le surplus, le jugement en ce qu'il a rejeté les autres demandes formées sur le fondement de ce texte ;
- de mettre à la charge solidaire de la société John Deere et de la société Monory et Fils, à hauteur de 1 500 euro, une part des frais irrépétibles exposés par l'EURL des Perrières et la société Groupama pour les besoins de la procédure d'appel ;
- de mettre à la charge de la société John Deere Fils, à hauteur de 4 000 euro, une part des frais irrépétibles exposés par la société Monory et Fils pour les besoins de la procédure d'appel ;
- et de rejeter toute autre demande formée en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Sur les dépens :
Attendu qu'il convient de laisser à la société John Deere, qui échoue en ses prétentions, la charge des dépens d'appel ;
Par ces motifs : - LA COUR - Confirme le jugement déféré en ses dispositions ayant : - rejeté le moyen de nullité de l'expertise judiciaire soulevé par la société John Deere ; -constaté l'existence d'un vice de construction affectant le tracteur litigieux et la mise en cause de la responsabilité du fournisseur John Deere, et écarté la responsabilité de l'EURL des Perrières, locataire de la société Matexport ; - débouté la société Monory et Fils de ses prétentions formulées à l'encontre de l'EURL des Perrières et de son assureur Groupama ; - constaté que la demande reconventionnelle en résolution de vente pour vices cachés formée par la société Matexport à l'encontre de la société Monory et Fils a été intentée dans le bref délai prévu à l'article 1648 du Code civil ; - prononcé la résolution de la vente conclue entre la société Monory et Fils et la société Matexport portant sur le tracteur John Deere modèle 7710 ; - condamné en conséquence la société Monory et Fils à payer à la société Matexport : . 62 000 euro en restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2008 ; . et 51 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de louer le matériel litigieux ; - débouté la société Matexport de ses autres demandes de dommages-intérêts dirigées contre la société Monory et Fils ; - condamné la société Monory et Fils à payer une somme de 1 500 euro à l'EURL des Perrières et à la société Groupama sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - - et condamné la société John Deere à garantir la société Monory de toutes les condamnations prononcées à son encontre ; - Ajoutant : - Déclare irrecevables les conclusions et la pièce n°9 communiquées le 15 novembre 2010 par la société John Deere ; - Déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par l'EURL des Perrières à l'encontre de la société Monory et Fils et de la société John Deere.