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Décisions

CA Pau, 1re ch., 17 août 2011, n° 09-02230

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pons

Conseillers :

Mme Sorondo, M. Augey

TGI Tarbes, du 20 mai 2009

20 mai 2009

La Sarl Pyrénées Carrosserie a vendu le 15 septembre 2005 à M. Lilian X une voiturette de marque Aixam modèle A 540, mise en circulation le 10 novembre 1994, dont le kilométrage était de 61 000, au prix de 4 900 euro.

Le véhicule a été confié le 15 mars 2006 à la SAS Technicentre Automobiles aux fins de révision des 63 000 km.

Courant 2006, alors qu'il totalisait 64 520 km, le véhicule a subi une rupture du longeron du châssis à l'avant droit.

Par acte d'huissier du 23 octobre 2006, Mme Isabelle Marie-Thérèse Y épouse X, agissant en qualité de curatrice de son fils Lilian X, a assigné le vendeur devant le Tribunal de grande instance de Pau en référé expertise.

Par ordonnance du 29 novembre 2006, une expertise a été confiée à M. Jean-Claude M.

Par ordonnance des 14 août et 19 septembre 2007, l'expertise a été déclarée commune à la SA Aixam Mega, fabricant du véhicule, et à la SAS Technicentre Automobiles.

M. M. a déposé son rapport le 12 février 2008.

Il est d'avis que :

- le véhicule a subi une rupture franche et soudaine d'un longeron du châssis,

- le véhicule présente un défaut de conception ; le longeron est de constitution insuffisante pour un usage intense, notamment sur des routes de mauvaise qualité ou avec de nombreux ralentisseurs ;

- la remise en état par remplacement du châssis avant est évaluée à 1 339,52 euro et nécessite 10 jours d'immobilisation ; la location d'un véhicule équivalent pendant cette période revient à 250 euro ;

- la remise en état par renforcement et pose d'un gousset est évaluée à 600 euro ;

- à la date de l'incident, le véhicule était côté 3 300 euro ;

Par acte d'huissier du 18 mars 2008, Mme X, ès qualités, a assigné la Sarl Pyrénées Carrosserie devant le Tribunal de grande instance de Tarbes en résolution de la vente pour vice caché et paiement des sommes de 18 780,49 euro à titre de dommages et intérêts et de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de référé et de l'instance au fond.

Par exploits du 25 avril 2008, la Sarl Pyrénées Carrosserie a appelé en garantie la SA Aixam Mega et la SAS Technicentre Automobiles.

Par jugement du 20 mai 2009, le tribunal a :

- prononcé la résolution de la vente,

- condamné la Sarl Pyrénées Carrosserie à payer à M. X la somme de 4 970 euro au titre de la restitution du prix, celle de 879,72 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamné la Sarl Pyrénées Carrosserie aux dépens,

- débouté la Sarl Pyrénées Carrosserie de son appel en garantie contre la SAS Technicentre Automobiles

- condamné la Sarl Pyrénées Carrosserie à payer à la SAS Technicentre Automobiles la somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens de mise en cause,

- condamné la SA Aixam Mega à garantir et relever indemne la Sarl Pyrénées Carrosserie de toutes les condamnations mises à sa charge et à lui payer une somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

La SA Aixam Mega a formé appel par déclaration reçue au greffe le 22 juin 2009.

M. Lilian X est intervenu volontairement par conclusions déposées au greffe le 25 janvier 2011.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 21 janvier 2011, la SA Aixam Mega demande :

- de prononcer la nullité de l'assignation du 13 mars 2008 et du jugement à défaut de capacité de Mme X à ester en justice ès qualités de curatrice de son fils,

- en principal, d'ordonner sa mise hors de cause et de débouter Mme X et la Sarl Pyrénées Carrosserie de toutes leurs demandes,

- subsidiairement, de dire qu'il n'y a pas vice de conception et de débouter Mme X et la Sarl Pyrénées Carrosserie de toutes leurs demandes,

- plus subsidiairement, de limiter la somme mise à sa charge au coût de la réparation et de l'immobilisation du véhicule de 850 euro et de débouter Mme X et la Sarl Pyrénées Carrosserie de leurs autres demandes,

- en tout état de cause, de rejeter la demande d'indemnité de procédure de la Sarl Pyrénées Carrosserie, et de la condamner à lui payer la somme de 4 000 euro dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP de G.-D. & X.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que le curateur n'a pas la capacité d'agir en justice ; il assiste le majeur mais ne le représente pas.

Au fond, elle soutient que le berceau moteur avant a été remplacé puisqu'il n'était pas gravé du numéro de série du véhicule et qu'il n'est pas établi que la pièce montée en remplacement est une pièce d'origine Aixam. Elle conteste l'existence d'un vice de fabrication. L'avis de l'expert n'est pas étayé par des documents techniques ; elle n'a pas été destinataire des documents résultant de recherches effectuées auprès d'experts ou d'un site internet. L'usage intense n'est pas un usage normal du véhicule. L'ancienneté du véhicule et le kilométrage parcourus établissent l'absence de vice. Elle considère que le constructeur ne peut être tenu des obligations du vendeur, de sorte que l'appel en garantie doit être rejeté, ou, à tout le moins accueilli dans la limite du coût de la réparation et de l'immobilisation du véhicule.

Par conclusions déposées au greffe le 15 février 2011, M. X et sa curatrice demandent :

- de donner acte à M. X de son intervention volontaire, et de la déclarer recevable,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente,

- de débouter les adversaires de leurs demandes,

- de condamner la Sarl Pyrénées Carrosserie et la SA Aixam Mega in solidum à lui payer la somme de 4 970 euro au titre de la restitution du prix de vente, celle de 18 780,49 euro en réparation du préjudice subi et celle de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de référé et de l'instance au fond, avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP P.-X-C.

Ils excipent de l'irrecevabilité de l'exception de nullité de l'assignation et du jugement pour ne pas avoir été présentée in limine litis et concluent à son rejet au motif que la régularisation résultant de l'intervention de M. X.

Au fond, ils invoquent l'existence d'un vice caché et considèrent que l'expert a respecté le principe du contradictoire. Il a communiqué les pièces à l'ensemble des parties et a accédé à la demande de la SA Aixam Mega d'examen du véhicule sur un pont élévateur et de tests de vitesse à l'issue desquels il a conclu que "la fatigue moléculaire supputée se trouve renforcée". Un usage du véhicule sur des routes de mauvaise qualité ou avec de nombreux ralentisseurs ne peut être qualifié d'anormal.

Le vice étant établi, la résolution de la vente est encourue. La Sarl Pyrénées Carrosserie, professionnelle, est tenue de réparer le préjudice subi, tenant à l'immobilisation du véhicule de juin 2006 jusqu'à l'arrêt à intervenir. Sur la base de 25 euro par jour, au 30 mars 2008, l'immobilisation est de 640 jours, soit un préjudice de 16 000 euro. S'y ajoutent les frais de révision du 15 mars 2006 de 118,85 euro, ceux d'assurance pour 2007 et 2008 de 376,15 euros, ceux de remorquage de 84,72 euro, ceux d'expertise amiable de 50 euro et ceux d'expertise judiciaire de 2 150,77 euro.

Par conclusions déposées au greffe le 22 février 2010, la Sarl Pyrénées Carrosserie demande de débouter Mme X de son appel incident et de son action, subsidiairement de confirmer le jugement entrepris et de débouter la SA Aixam de son appel principal, et de condamner la partie succombante à lui payer une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Elle conteste l'existence d'un vice caché lors de la vente, aux motifs que la SAS Technicentre Automobiles, intervenue peu avant l'avarie, n'avait rien décelé, et que le véhicule avait 11 ans d'âge lors de la vente. Dans l'hypothèse où l'existence d'un vice serait retenue, elle soutient que l'acheteur ne peut prétendre tout à la fois à la résolution de la vente et à une indemnité d'immobilisation et que, soit la SA Aixam Mega, fabricant du véhicule, soit la SAS Technicentre Automobiles, est tenue de la garantir.

Par conclusions déposées au greffe le 12 octobre 2010, la SAS Technicentre Automobiles demande :

- de constater qu'il n'est formulé aucune demande à son encontre,

- de dire qu'aucune demande ne peut être présentée à son encontre par Mme X en application de l'article 564 du Code de procédure civile,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Sarl Pyrénées Carrosserie de son appel en garantie à son encontre et l'a condamnée à lui payer la somme de 1 200 euro,

- de condamner la SA Aixam Mega à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et d'autoriser Maître Michel V à en poursuivre le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle s'estime hors de cause. A toutes fins utiles, elle fait valoir que l'intervention du 15 mars 2006, consistant en une vidange moteur, le remplacement des filtres à huile et air, ne pouvait lui permettre de déceler le vice.

SUR QUOI :

Sur l'intervention volontaire de M. Lilian X

M. X, acheteur du véhicule, a un intérêt à intervenir à l'instance. En application de l'article 554 du Code de procédure civile, son intervention doit donc être déclarée recevable.

Sur l'exception de nullité de l'assignation et du jugement

En application de l'article 118 du Code de procédure civile, l'exception de nullité fondée sur l'inobservation d'une règle de fond peut être proposée en tout état de cause. Dès lors, la fin ne non-recevoir tirée de la tardiveté de l'exception de nullité de l'assignation à défaut de capacité de Mme X à ester seule en justice, ès qualités de curatrice de son fils, doit être rejetée.

Suivant l'article 121 du Code de procédure civile, lorsqu'elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. En l'espèce, la nullité de l'assignation a été régularisée par suite de l'intervention volontaire de M. X. L'exception de nullité de l'assignation sera en conséquence rejetée.

Sur l'action en garantie des vices cachés formée par M. X contre le vendeur et le fabricant

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

La garantie des vices cachés, née du contrat passé entre un vendeur et un acheteur, se transmet avec la chose au sous-acquéreur. Ainsi, M. X peut agir contre son vendeur mais également contre un vendeur antérieur, donc y compris contre la SA Aixam Mega, fabricant et vendeur initial.

En l'espèce, il a été constaté par l'expert une rupture franche du longeron du châssis laissant à penser qu'elle résultait d'une fatigue moléculaire et donc d'une faiblesse structurelle, hypothèse qui a été confirmée par l'examen du véhicule sur un pont élévateur qui a permis de constater que l'intérieur du tube rompu n'avait pas reçu de traitement de surface et que son épaisseur était très limitée.

Il a en outre été indiqué par le garage Labachot, concessionnaire de la marque, que le constructeur conseillait la mise en place d'un renfort par une cornière sous le longeron en cas d'utilisation sur des routes de mauvaise qualité, et relevé sur un site internet spécialisé un nombre significatif d'incidents similaires sur des véhicules de ce modèle, étant observé à cet égard qu'il ne peut être argué de manquement au principe du contradictoire alors que lors de la réunion du 17 janvier 2008, l'expert a présenté aux parties le résultat de ses recherches, à savoir diverses photographies de véhicules qui ont connu un incident comparable. Il a par ailleurs été observé que le véhicule ne présentait aucune trace de modification ni de remise en état hors des règles de l'art, et, s'il a certes été constaté que le tirant tubulaire entre l'amortisseur et le châssis ne comportait pas de numéro de série, il n'est pour autant pas caractérisé que tel devrait être le cas suivant le processus de fabrication et que la pièce en cause n'est pas une pièce Aixam. Un véhicule doit être apte à être utilisé sur l'ensemble du réseau routier et il ne saurait être admis qu'une utilisation sur des routes de mauvaise qualité ou équipées de nombreux ralentisseurs est un usage anormal. Il résulte de ces éléments que le véhicule présente un vice caché tenant à une faiblesse structurelle du longeron de nature à le rendre inapte à un usage en zone de montagne ou en ville sur des voies équipées de ralentisseurs. C'est donc à bon droit que le tribunal a accueilli l'action en garantie de l'acheteur.

En application de l'article 1644 du Code civil, l'acheteur dispose à son choix des deux actions rédhibitoire et estimatoire. En outre, en l'espèce, si le vice est certes réparable, il s'est révélé quelques mois seulement après la vente, et il est grave en ce qu'il affecte un élément essentiel du véhicule, de sorte que l'acheteur est légitime à poursuivre la résolution, qui sera en conséquence confirmée.

Suivant l'article 1645 du Code civil, le vendeur professionnel, tenu de connaître les vices affectant la chose vendue, doit réparer l'intégralité du préjudice en résultant. En l'espèce, M. X est fondé à prétendre au remboursement des frais de remorquage, de 84,72 euro, d'assurance du véhicule en 2007 et 2008, de 376,15 euro, d'expertise amiable, de 50 euro. En revanche, s'il peut prétendre à être indemnisé de l'indisponibilité du véhicule durant le délai nécessaire à son remplacement, qui sera raisonnablement apprécié à un mois, soit une indemnité de 750 euro (25 X 30), il ne peut invoquer un tel préjudice jusqu'au présent arrêt alors que son action ne tend pas à la conservation du véhicule. En conséquence, le dommage subi sera arrêté à la somme de 1 260,87 euro.

Tous les vendeurs professionnels ou de mauvaise foi sont tenus in solidum envers l'acheteur de la réparation du préjudice subi. En revanche, plusieurs vendeurs ne peuvent être condamnés in solidum à la restitution du prix, qui a pour contrepartie la remise de la chose, laquelle ne peut être effectuée qu'entre les mains d'un seul. Dès lors, la Sarl Pyrénées Carrosserie et la SA Aixam seront condamnées in solidum au paiement de la somme de 1 260,87 euro, et la Sarl Pyrénées Carrosserie sera seule condamnée au paiement de la somme de 4 970 euro au titre de la restitution du prix.

Sur les appels en garantie de la Sarl Pyrénées Carrosserie

L'existence d'un vice existant dès la fabrication du véhicule est avérée, de sorte que la Sarl Pyrénées Carrosserie, revendeur, dispose, sur le même fondement de l'action en garantie des vices cachés, d'une action récursoire contre la SA Aixam, dont la condamnation à la garantir et relever indemne de toutes les condamnations mises à sa charge, sera en conséquence confirmée.

La Sarl Pyrénées Carrosserie ne dispose pas d'action en garantie des vices cachés contre la SAS Technicentre Automobiles, qui n'est pas intervenue dans la chaîne des ventes. Elle n'est par ailleurs pas fondée à invoquer sa responsabilité pour faute quasi-délictuelle.

En effet, il a été relevé que la rupture est survenue de façon inattendue sans signes avant-coureur et la société Technicentre Automobiles n'a été chargée, dans le cadre d'une révision courante, que de procéder à une vidange et au remplacement des filtres à huile et à air, lesquels ne nécessitaient pas l'examen du véhicule sur un pont élévateur qui seul aurait pu permettre la découverte du vice. C'est ainsi à bon droit que la Sarl Pyrénées Carrosserie a été déboutée de son appel en garantie et condamnée au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles et aux dépens de l'appel en garantie.

Sur les demandes accessoires

La Sarl Pyrénées Carrosserie sera condamnée aux dépens d'appel et au paiement à M. X d'une indemnité complémentaire de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SA Aixam Mega sera condamnée à payer à la Sarl Pyrénées Carrosserie une indemnité complémentaire de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il n'est pas justifié de faire droit à la demande d'indemnité pour frais irrépétibles de la SAS Technicentre Automobiles contre la SA Aixam Mega.

Par ces motifs, LA COUR, Aprés en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, Reçoit l'intervention volontaire de M. Lilian X, Rejette l'exception de nullité de l'assignation et du jugement, Infirme le jugement rendu le 20 mai 2009 par le Tribunal de grande instance de Pau en ce qu'il a condamné la Sarl Pyrénées Carrosserie à payer à M. X la somme de 879,72 euro (huit cent soixante dix neuf euros et soixante douze centimes) à titre de dommages et intérêts, et statuant de nouveau de ce chef, condamne la Sarl Pyrénées Carrosserie et la SA Aixam Mega in solidum à payer à M. X la somme de 1 260,87 euro (mille deux cent soixante euros et quatre vingt sept centimes) à titre de dommages et intérêts, Confirme le jugement rendu le 20 mai 2009 par le Tribunal de grande instance de Pau en toutes ses autres dispositions, Y ajoutant, Rejette la demande présentée par la SAS Technicentre Automobiles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la Sarl Pyrénées Carrosserie à payer à M. Lilian X une somme de 1.200 euro (mille deux cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SA Aixam à payer à la Sarl Pyrénées Carrosserie une somme de 1 200 euro (mille deux cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.