CA Riom, 1re ch. civ., 16 juin 2011, n° 10-00292
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
JCB France (SAS)
Défendeur :
VMA 15 (SAS), XL Insurance Company Limited (Sté), Compagnie d'assurances Axa France Iard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudron
Conseillers :
Mme Jacquemin, M. Gautier
Avoués :
Mes Mottet, Rahon, Gutton - Perrin, SCP Goutet - Arnaud, SCP Lecocq
Avocats :
Mes Leclercq - Huet, Herreman-Gautron, Protet - Lemmet, Moins
Vu le jugement rendu le 10 novembre 2009 par le Tribunal de grande instance d'Aurillac qui a, notamment, prononcé la résolution de la vente de l'automoteur télescopique conclue entre l'EARL Bos Girbal, aux droits de laquelle se trouve le Gaec Bos Girbal et Fils et la SAS Berthet, aux droits de laquelle vient la SAS VMA 15 ainsi que celle concernant le même engin, conclue entre cette dernière et la SAS JCB France, condamnant in solidum les vendeurs à restituer le prix d'origine outre 32 726,18 euro à titre de dommages-intérêts, la SAS VMA 15 devant rendre, en sus, sa commission, enjoignant, encore, à la SAS JCB France, sous la garantie partielle de la Sarl XL Insurance Company, d'indemniser la SAS VMA 15 ;
Vu les conclusions signifiées par la SAS JCB France, le 9 mai 2011, reprochant à l'expert d'avoir déposé son rapport sans permettre aux parties de faire valoir leurs observations techniques, estimant que les anomalies incriminées ne sont pas constitutives d'un vice caché et concluant, à titre subsidiaire, à la prise en compte de l'utilisation de la machine dans la détermination du montant à restituer, à un partage de responsabilité avec la SAS VMA 15 qui a manqué à son obligation de préparer et de vérifier l'engin avant livraison, à une suppression ou réduction des préjudices annexes ainsi qu'à la garantie de son assureur, la Sarl XL Insurance Company ;
Vu les conclusions signifiées par la SAS VMA 15, le 8 avril 2011, concluant à l'existence de vices cachés dont la responsabilité incombe au fabricant, la SAS JCB France, justement condamnée en première instance à garantir le revendeur, contestant toute part de responsabilité dans sa mission de préparation et réclamant la garantie de son assureur, la société Axa France, qui a, au moins, manqué à son obligation de conseil, en ne lui faisant pas souscrire une police adéquate ;
Vu les conclusions signifiées par le Gaec Bos Girbal et Fils, le 6 mai 2011, tendant, au principal, à la confirmation de la décision déférée, le premier juge ayant justement rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire et prononcé la résolution de la vente au regard de vices cachés, avec restitution de l'intégralité du prix et indemnisation, à majorer, des préjudices annexes, sollicitant des dommages-intérêts pour résistance abusive et concluant, à titre subsidiaire, sur une éventuelle action estimatoire ou sur la réparation du véhicule dans le cadre de l'obligation contractuelle de garantie ;
Vu les conclusions signifiées par la société Axa France, le 12 novembre 2010, estimant que le premier juge a justement relevé plusieurs clauses d'exclusion de garantie figurant au contrat souscrit par la SAS VMA 15, soulignant que l'expertise a mis en cause la seule et entière responsabilité du fabricant et que le contrat d'assurance exclut les sinistres dont la responsabilité incombe, comme en l'espèce, au constructeur ou à l'importateur ;
Vu les conclusions signifiées par la Sarl XL Insurance Company, le 18 février 2011, soutenant que la police d'assurance souscrite par la SAS JCB France n'a pas vocation à intervenir dans le présent litige, dans la mesure où elle ne couvre qu'une responsabilité civile de droit commun mais que le premier juge, qui a parfaitement interprété les autres clauses, a cependant considéré à tort que le préjudice financier subi par l'acheteur entrait dans le champ contractuel de l'assurance, au regard de l'article 1.6.2 des conventions spéciales ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 17 mai 2011, par le conseiller de la mise en état ;
Vu les conclusions signifiées par la SAS JCB France, le 17 mai 2011 ;
Vu les conclusions d'incident signifiées par le Gaec Bos Girbal et Fils, le 18 mai 2011, tendant au rejet des dernières conclusions de la SAS JCB France, jugées tardives ;
Vu les conclusions d'incident de la Sarl XL Insurance Company, signifiées le 20 mai 2011, tendant au rejet des dernières conclusions de la SAS JCB France, estimées tardives ;
Vu les conclusions d'incident de procédure en réponse signifiées par la SAS JCB France, le 25 mai 2011, soutenant n'avoir fait que répondre à des conclusions précédant de peu la clôture et ne former aucune demande nouvelle ;
LA COUR
Attendu qu'il convient d'écarter des débats les conclusions signifiées par la SAS JCB France le jour même de l'ordonnance de clôture, observation faite, du propre aveu de la concluante, qu'elles ne contiennent aucune nouvelle demande et qu'il s'agit d'un troisième jeu, en sorte qu'elle a déjà été largement à même de faire valoir sa position dans des écritures d'une particulière ampleur (20 pages) ; que le jugement entrepris étant en date du 10 novembre 2009 et la vente litigieuse du 19 août 2005, on est en droit de penser que tous les moyens et arguments envisageables ont pu être échangés, sans qu'il soit besoin de conclusions présentées in extremis ; que s'il est exact que le Gaec Bos Girbal et Fils a déposé le 6 mai 2011 des conclusions, il s'agit de conclusions de confirmation, qui ont déjà été précédées de conclusions voisines, déposées en septembre 2010 ;
Attendu qu'il est acquis que, le 19 avril 2005, la SAS VMA 15, concessionnaire de la SAS JCB France, a vendu un matériel agricole de démonstration, présentant environ dix heures de fonctionnement, au prix de 68 052,40 euro TTC, elle-même l'ayant acquis au prix de 62 276,72 euro ; qu'à la suite de plusieurs pannes et tentatives de réparation, dans le cadre de la garantie, une expertise, amiable et contradictoire, est intervenue, expertise à laquelle étaient conviés tous les intervenants mais où la SAS JCB France n'a pas cru devoir paraître de quelque façon, ni même devoir s'excuser ; que cette expertise a conclu à un désalignement flagrant des trajectoires entre le pont avant et le pont arrière, anomalie importante remontant à la fabrication de l'engin, l'expert soulignant une qualité de fabrication incompatible avec la nature du matériel et la notoriété de la marque ;
Attendu qu'en suite de cette première expertise, un expert judiciaire a été nommé par ordonnance de référé ; qu'en un rapport circonstancié, étayé par de nombreuses photos venant au soutien de ses constatations, ce dernier a estimé qu'existaient des problèmes d'origine, préalables à la vente, notamment lors du montage du pont avant, le matériel présentant un caractère de dangerosité ; qu'il a également incriminé une mauvaise préparation du matériel avant la vente, mauvaise préparation qui relève de la responsabilité de la SAS JCB France qui, vendant à son concessionnaire un matériel de démonstration déjà utilisé, était censée avoir procédé à la mise en route dans les règles de l'art, ce qui n'a pas été le cas ;
Attendu, dès lors, que le premier juge a justement considéré qu'existait un vice caché, antérieur à la vente initiale au concessionnaire et qui relevait de la responsabilité entière et totale de la SAS JCB France ; que le vice était occulte, pour un acheteur profane mais aussi, selon l'expert, pour un professionnel, sans une vérification complète du matériel ; qu'on ne peut reprocher à la SAS VMA 15 de n'avoir pas procédé à une telle vérification, compte tenu des règles de confiance qui doivent exister entre un diffuseur et son concessionnaire ; que les conclusions de l'expert judiciaire corroborent entièrement celles de l'expertise amiable ; que la gravité des vices a été objectivée par l'expertise, qui note un caractère de dangerosité au niveau du pont avant et envisage une somme supérieure à 24 000 euro, à rapprocher de la valeur d'acquisition du bien, pour une remise en état complète ; qu'il est acquis que l'expert a procédé contradictoirement à ses opérations, que la mission qui lui avait été confiée ne prévoyait aucune obligation de déposer un pré-rapport, ni d'informer les parties de ses conclusions et que l'expert a indiqué, de surcroît, en son rapport, sans que le caractère erroné de cette affirmation soit démontré, avoir laissé aux parties un délai d'un mois pour présenter des dires, sans que cette possibilité ait été utilisée ;
Attendu qu'en considération de ces éléments, c'est à juste titre que le tribunal a prononcé la résolution des ventes successives et considéré que le vendeur devait restitution à l'acquéreur de l'intégralité du prix de vente ; que l'effet rétroactif de la résolution d'une vente oblige l'acquéreur à indemniser le vendeur de la dépréciation subie par la chose à raison de l'utilisation qu'il en a faite, à l'exclusion de celle due à la vétusté et qu'il incombe au vendeur de rapporter la preuve de l'existence et de l'étendue de cette dépréciation ; qu'en l'espèce, aucune preuve de ce type n'est rapportée au dossier de la SAS JCB France qui ne peut se retrancher derrière l'appréciation expertale, jugée encore trop généreuse, fixant à 45.000 euro la valeur actuelle d'un tel matériel, dans la mesure où cette estimation est justement basée sur une vétusté classique ; qu'en conséquence, c'est à juste titre que la SAS JCB France et la SAS VMA 15 ont été condamnées in solidum à régler au Gaec Bos Girbal et Fils le prix initial, la SAS JCB France ne pouvant restituer une somme supérieure au prix qui lui a été versé mais la SAS VMA 15 devant l'intégralité, à l'acquéreur, de la somme de 68 052,40 euro ;
Attendu que les deux vendeurs professionnels, présumés avoir eu connaissance du vice affectant le bien vendu, ont été justement tenus, en première instance, à réparer l'entier préjudice connexe du Gaec Bos Girbal et Fils, constitué de frais de location d'un engin de remplacement, à hauteur de 28 775,76 euro selon les pièces produites, de frais d'huile de 552,99 euro, du remboursement des intérêts du prêt ayant servi à acheter l'engin ainsi que des primes d'assurance le concernant, l'ensemble pour 2 789,99 euro et 607,44 euro soit, au total 32 726,18 euro ; que le premier juge a procédé à une analyse minutieuse, un par un, des différents chefs de préjudice, les validant à hauteur des pièces justificatives produites ; qu'opérant la même démarche intellectuelle, la Cour aboutit, au vu des documents soumis, à des résultats identiques, la seule légère rectification concernant les frais d'huile, arrêtés à la somme de 552,99 euro mais observation faite qu'il s'agit d'une somme hors taxes, le montant TTC s'élevant à 661,38 euro ; que preuve n'est pas rapportée d'un préjudice particulier lié à une résistance abusive mais que les multiples frais de procédure que le Gaec Bos Girbal et Fils a dû subir seront indemnisés à hauteur du nombre et de la complexité des procédures qu'il a dû exposer pour obtenir une juste indemnisation ;
Attendu que la garantie de la société Axa France comprend, dans sa définition, la couverture, en tant que vendeur, pour vice caché ; que, cependant, l'article 3.2.2 du contrat exclut " la responsabilité incombant au constructeur ou à l'importateur ", en sorte que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes formées à son encontre, dans la mesure où la responsabilité intégrale, au titre de la garantie du vice caché, a été imputée à la SAS JCB France ; que le manquement à l'obligation de conseil ne saurait se présumer et résulter d'une simple absence de couverture systématique de l'assureur ; qu'aucune pièce caractérisant un tel manquement n'est produite au dossier ;
Attendu que la SAS JCB France ne conteste pas l'absence de prise en charge par son assureur, la Sarl XL Insurance Company, de la valeur du matériel, dans le cadre de la résolution de la vente de celui-ci mais soutient, ce qu'a retenu le tribunal, que les préjudices annexes restent soumis à garantie ; qu'il est établi que le contrat d'assurance souscrit couvre une responsabilité civile de droit commun ; que l'article 1.3 exclut les dommages immatériels résultant de la livraison de produits, de travaux ou d'ouvrages non conformes ; que, d'une part, la directive européenne du 25 mai 1999 fusionne la garantie des vices cachés et le défaut de conformité et que, d'autre part, il y aurait une incohérence totale à exclure l'indemnisation principale mais à garantir les indemnisations complémentaires ; qu'il y a donc lieu à réformation sur ce seul point et à rejeter l'ensemble des demandes portées à l'encontre de la Sarl XL Insurance Company ;
Attendu que sous réserve des deux observations faites ci-dessus, entraînant une réformation ponctuelle et, dans un cas, des plus mineures, il apparaît à la cour que par la décision déférée et par des motifs pertinents qu'elle adopte en tant que de besoin, le premier juge a procédé à une juste appréciation des éléments de fait de la cause et en a exactement déduit les conséquences juridiques qui s'imposaient ;
Attendu que l'équité commande de mettre à la charge de la SAS JCB France, au titre des frais non taxables exposés par ses adversaires en cause d'appel, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, des indemnités proportionnées à la complexité du litige, à l'ampleur des écritures, à la multiplicité des moyens et des recours et d'allouer, ainsi, au Gaec Bos Girbal et Fils 5 000 euro, à la SAS VMA 15 3 000 euro, à la Sarl XL Insurance Company 2 500 euro ; que la même équité commande d'allouer à la société Axa France 1 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, somme qui sera mise à la charge de son assurée, la SAS VMA 15.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme la décision déférée sauf à rejeter l'ensemble des demandes portées à l'encontre de la Sarl XL Insurance Company et à porter le préjudice annexe concernant les frais d'huile à 661,38 euro TTC ; Ajoutant, Dit n'y avoir lieu à dommages-intérêts ; Condamne la SAS JCB France à verser, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile : - 5 000 euro au Gaec Bos Girbal et Fils, - 3 000 euro à la SAS VMA 15, - 2 500 euro à la Sarl XL Insurance Company ; Condamne la SAS VMA 15 à verser à la société Axa France 1 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SAS JCB France aux dépens d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.