CA Pau, 1re ch., 31 mai 2011, n° 10-01957
PAU
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Camping Car Ossau Diffusion (Sarl)
Défendeur :
Louboutin, Caravanas Moncayo (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pons
Conseillers :
Mme Beneix, M. Lesaint
Avoués :
Me Vergez, SCP Rodon, SCP De Ginestet - Duale - Ligney
Avocats :
Mes Bernadet, Bellegarde, Talamon
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 6 juin 2003, M. Christian Louboutin a acquis auprès de la Sarl Camping Car Ossau un véhicule camping car neuf de marque Citroën pour le prix de 45 739 euro.
Ayant constaté que le panneau latéral droit se fissurait à l'angle de la baie arrière droite et ayant refusé la proposition du vendeur de faire réparer le véhicule chez le constructeur, la SA Caravanas Moncayo, M. Louboutin a demandé à un technicien de l'examiner. Celui-ci, M. Lamoulie, expert automobile, a rédigé un compte-rendu le 8 août 2005, par lequel il a confirmé le désordre apparu et fait état d'autres désordres. Il a par ailleurs confirmé la proposition du vendeur de conduire le véhicule chez le constructeur lequel acceptait de procéder aux réparations dans le cadre de sa garantie, un véhicule pouvant en outre lui être prêté.
M. Louboutin, refusant toujours cette solution, a obtenu l'ordonnance d'une expertise judiciaire par décision de référé du 8 février 2006. La SA Camping Car Ossau a appelé la SA Caravanas Moncayo, constructeur, aux opérations d'expertise.
L'expert désigné, M. Michel Berdal, a rédigé son rapport le 7 novembre 2008.
Lors de son premier examen, le constructeur n'étant pas encore présent, il a constaté la fissuration du panneau latéral droit, l'absence d'un vérin sur la porte empêchant son fonctionnement, le mastic de raccordement fissuré entre le pavillon et le panneau latéral gauche et la présence d'humidité dans la cellule. Lors du deuxième examen, le 8 septembre 2006, le constructeur, présent, a renouvelé son offre de faire les réparations et les parties ont demandé à l'expert de suspendre ses opérations en vue d'une transaction. Celle-ci n'est finalement pas intervenue et les opérations ont repris en janvier 2008.
Lors de la réunion tenue le 8 avril 2008, l'expert a constaté que le camping car, qui n'avait pas circulé depuis septembre 2006, avait été stocké à l'extérieur sans protection et était en très mauvais état intérieur et extérieur, la structure et les aménagements étant détruits par les intempéries alors que le véhicule était parfaitement réparable en 2006, au moment des premières réunions.
Il a conclu que la fissuration du panneau latéral droit n'était pas consécutif à un affaissement des rallonges du châssis comme évoqué par le premier technicien consulté par M. Louboutin, mais à un défaut de fabrication du panneau, ce qu'admettait le constructeur. Il a déterminé que la porte ne pouvait fonctionner par déformation après arrachement d'un vérin de soutien, lequel n'entrait pas dans le cadre de la garantie et aurait dû être remplacé. Il a encore conclu que le défaut d'étanchéité entre le pavillon et le panneau latéral gauche et les infiltrations était dû au mastic fissuré dont l'état devait être contrôlé annuellement, l'expert notant que cette prescription n'avait pas été communiquée à M. Louboutin.
Compte tenu de l'aggravation des dommages en deux ans due aux conditions de stockage, le coût de la remise en état a été fixé par l'expert à la date de son rapport à 30 000 euro. L'expert a enfin exprimé son regret de ce que la proposition du constructeur faite en son temps de réparer le véhicule à ses frais n'ait pas été acceptée, le véhicule n'étant plus réparable économiquement.
Muni de ce rapport, M. Christian Louboutin s'est adressé à justice contre le vendeur pour obtenir la résolution de la vente pour vice caché et réparation d'un préjudice de jouissance. La Sarl Camping Car Ossau a appelé le constructeur la SA Caravanas Moncayo en garantie.
Par jugement du 21 avril 2010, le Tribunal de grande instance de Pau a rejeté la fin de non recevoir de la prescription de l'action, a fait droit à la demande sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, en réduisant cependant le prix à restituer à la somme de 20 000 euro compte tenu de la responsabilité de M. Louboutin dans la diminution de la valeur du véhicule, a condamné la SA Camping Car Ossau à payer cette somme ainsi que celle de 12 500 euro en réparation de préjudice de jouissance et celle encore de 1 200 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Le tribunal a aussi condamné la SA Caravanas Moncayo à garantir la Sarl à hauteur de 4 600 euro pour la restitution du prix et de 3 000 euro pour le préjudice de jouissance.
Le 17 mai 2010, la Sarl Camping Car Ossau a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme qui ne sont pas critiquées et qui, au vu des pièces dont dispose la cour, sont recevables.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Dans ses dernières conclusions déposées le 2 juillet 2010, la Sarl Camping Car Ossau Diffusion, appelante, fait valoir que :
* l'action rédhibitoire est irrecevable en application de l'article 1648 du Code civil. Les vices cachés, fissuration du panneau latéral, ont été constatés par M. Louboutin dès 2005 et ont fait l'objet d'un rapport le 8 août 2005, sans qu'il ait été nécessaire d'attendre les conclusions de l'expertise judiciaire. Si l'on considère que l'ordonnance de référé interrompt le délai de prescription, celle-ci a été rendue le 11 avril 2006, l'assignation n'ayant été délivrée que le 17 février 2009, au delà du délai de deux ans.
* sur le fond, l'action en résolution de la vente est mal fondée au regard de la dégradation volontaire du véhicule par M. Louboutin constatée par l'expert, alors que les réparations initiales se montaient à la somme de 4 600 euro au lieu de 30 000 euro actuellement. Par ailleurs, il n'est pas établi que le manuel d'utilisation n'ait pas été donné à l'acquéreur.
* subsidiairement, en cas de résolution de la vente, s'agissant d'une chaîne de contrat, seule la responsabilité du constructeur doit être retenue.
Elle demande :
- la réformation de la décision déférée ;
- la constatation de ce que l'action est prescrite ;
- sur le fond, le rejet des demandes de M. Louboutin et le paiement par lui de la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- à titre subsidiaire, la reconnaissance de la responsabilité de la SA Caravanas Moncayo, sa condamnation à la relever de toutes les sommes prononcées contre elle et le paiement par elle de la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 9 novembre 2010, la SA Caravanas Moncayo, intimée et appelante incidente, fait valoir à son tour que :
* sur les trois désordres énoncés : fissuration du panneau, non-fonctionnement de la porte et infiltrations, les deux derniers sont imputables à la Sarl Camping Car Ossau, à qui le manuel d'utilisation a été remis, et à M. Louboutin, qui a refusé les tentatives de réparation et transaction offertes, n'a pas convenablement entretenu le véhicule et utilisait le camping car, destiné à un usage temporaire ou saisonnier, comme résidence habituelle avec deux chiens-loups.
* si le vice caché devait être retenu, le comportement fautif de M. Louboutin a grandement concouru à l'aggravation des désordres et à la réalisation de son préjudice, impliquant une importante diminution du prix de restitution et limitant son obligation à la somme de 4 600 euro, montant du devis de réparation d'alors. En tout état de cause, ayant vendu le véhicule à la Sarl au prix de 32 204 euro, elle ne peut être tenue au-delà de ce qu'elle a reçu.
* le préjudice de jouissance n'est pas établi. Il n'a pas été évalué par l'expert et la motivation du tribunal ne peut être reprise puisqu'il s'agit d'un véhicule de loisir à usage temporaire ou saisonnier et non pas permanent.
Elle demande :
- la réformation de la décision entreprise ;
- le rejet des demandes de M. Louboutin et, par voie de conséquence, de celles de la Sarl Camping Car Ossau ;
- subsidiairement, en cas de reconnaissance d'un vice caché, de dire qu'elle n'est tenue que pour la seule réparation du panneau droit pour la somme de 4 600 euro, confirmant en cela la décision rendue ;
- la réduction au moins de moitié du prix de vente en raison de ce que M. Louboutin a participé à l'aggravation des désordres et à la réalisation de son préjudice, elle-même n'étant tenue que pour 4 600 euro ;
- la limitation en tout cas de sa garantie au prix reçu de 32 204 euro ;
- le paiement par la Sarl Camping Car Ossau de la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 4 janvier 2011, M. Christian Louboutin, intimé et appelant incident, réplique que :
* son action n'est pas prescrite. Compte tenu de la date du contrat en 2003, l'ancienne rédaction de l'article 1648 du Code civil est applicable. L'assignation en référé a interrompu le bref délai et lui a substitué la prescription de droit commun. Au demeurant, même en considérant le nouveau texte, la prescription est suspendue durant l'exécution de la mesure d'instruction, ce qui lui laissait un délai de six mois après le rapport d'expertise qu'il a respecté.
* les parties ne discutent pas les termes du rapport établissant l'existence du vice caché.
* le jugement sera réformé en ce qu'il a diminué le prix de restitution : le vendeur ne lui a pas donné les informations quant à la maintenance impérative, un camping car est un véhicule qui a vocation à rester à l'extérieur et dans ces conditions la Sarl Camping Car Ossau doit supporter les conséquences d'une expertise qui a duré quatre ans.
Il conclut :
- à la confirmation du jugement entrepris, sauf à fixer le prix de restitution à la somme de 45 739 euro ;
- au paiement par la Sarl Camping Car Ossau de la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée le 15 février 2011.
DISCUSSION :
Quelle que soit la rédaction considérée de l'article 1648 du Code civil quant au bref délai ou un délai de deux ans, à supposer le vice répondant aux conditions de l'article 1641 du Code civil connu dès 2005, l'action engagée par M. Louboutin sur ce fondement n'était pas prescrite à la date de son assignation le 17 février 2009, compte tenu de l'interruption du délai opérée par l'assignation en référé le 6 décembre 2005 qui a donné lieu à ordonnance du 8 février 2006 et de la date de la rédaction du rapport d'expertise au 7 novembre 2008.
Il résulte de la lecture du rapport d'expertise que dès l'année 2006, lors de son premier examen, alors que le véhicule était dans un état qualifié de " moyen " par l'expert et avait parcouru 49 803 km, parmi les trois désordres relevés, celui affectant le panneau latéral droit (et non gauche comme indiqué par erreur page 25 du rapport) fissuré était dû à un défaut de fabrication, vice caché dont l'acheteur ne pouvait se rendre compte au moment de l'achat.
Cette cause du désordre n'est pas contestée par le constructeur la SA Caravanas Moncayo, ni par le distributeur la Sarl Camping Car Ossau. Ce défaut de fabrication est obligatoirement antérieur à la vente.
S'agissant de fissuration qui a pour conséquence de ne plus rendre étanche le véhicule destinée à l'habitation de loisir, ce vice rend le véhicule impropre à sa destination.
Dès lors, sur ce seul désordre, M. Louboutin est justifié à fonder sa demande sur l'article 1641 du Code civil.
Dans sa demande, il fait le choix, qui lui appartient, non d'une réduction du prix mais de la résolution de la vente.
Celle-ci doit être prononcée et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
En contrepartie de la résolution, le vendeur doit restitution du prix.
L'expertise montre que deux autres désordres ont contribué à la dégradation de l'état du véhicule, le défaut de fonctionnement de la porte latérale due à l'arrachement d'un vérin qui a provoqué un défaut d'équerrage et l'endommagement du mastic de raccordement entre le pavillon et le panneau latéral gauche, qui aurait dû être détecté et remplacé lors de visites annuelles d'entretien.
Ces deux désordres, survenus au cours de l'utilisation du véhicule et postérieurs à la vente, auraient dus être réparés par l'utilisateur, M. Louboutin.
L'expert indique, concernant la dégradation du mastic d'étanchéité que les conseils appropriés de visite d'entretien n'ont pas été donnés à l'acquéreur.
Si ce défaut d'information et de conseil ne peut être reproché à la SA Caravanas Moncayo, le constructeur, sans lien contractuel direct avec M. Louboutin, il peut l'être par contre à la Sarl Camping Car Ossau, le vendeur, qui ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle a effectivement délivré cette information.
Le rapport d'expertise indique surtout que l'état du véhicule s'est considérablement détérioré pendant les deux années au cours desquelles des offres de transaction étaient en cours et ont échoué, au point que la réparation par le constructeur du vice caché pour la somme de 4 600 euro, possible lors de son premier examen, n'était plus suffisante à la date de son rapport, où une somme de 30 000 euro était nécessaire pour remettre le véhicule en état.
Il apparaît que cette détérioration est le fait principal de M. Louboutin.
L'expert indique que l'offre du constructeur de réparer le vice à ses frais et celle du vendeur de prêter un véhicule permettant de circuler, faites dès août 2005, comme cela ressort du premier examen du véhicule, répétées lors des opérations d'expertise, ont été refusées par M. Louboutin pour la raison principale de ce qu'il habitait le véhicule en permanence.
Par ailleurs, cette détérioration, alors que les désordres relevés ne rendaient plus le véhicule étanche, ce dont M. Louboutin avait parfaitement connaissance, au moins depuis 2006, après le premier examen de l'expert, comme il avait dès ce moment connaissance de la nécessité de remplacer le mastic fissuré dans le cadre de l'entretien de son véhicule qui lui incombait, est essentiellement due au fait que le véhicule, qui ne circulait pratiquement plus, a été laissé à l'extérieur sans aucune protection.
Elle est donc à l'évidence due au comportement de M. Louboutin qui ne peut s'exonérer de sa responsabilité sur ce point en faisant simplement valoir qu'un tel véhicule de loisir est destiné à rester à l'extérieur. Il lui appartenait, alors même que des offres de transaction lui étaient faites, d'assurer une situation de conservation du véhicule en bon père de famille, à tout le moins en essayant de le préserver des infiltrations provoquées par les intempéries.
Dans ces conditions, compte tenu du défaut d'information initiale dans l'entretien du véhicule, mais aussi de la négligence et la carence de M. Louboutin dans la conservation du véhicule, le prix que doit lui restituer la Sarl Camping Car Ossau sera réduit dans une proportion plus importante que celle décidée par le premier juge et sera fixé à la somme de 12 000 euro.
Le camping car est un véhicule dont la destination normale est une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisir. Contrairement à l'appréciation du premier juge, le fait pour M. Louboutin d'en avoir fait son habitation principale et permanente, ce qui ne correspond pas à la destination normale du véhicule, ne saurait augmenter son préjudice de jouissance.
Par ailleurs, il faut relever que dès août 2005, moins de deux ans après l'acquisition, tant le constructeur que le vendeur ont proposé de remédier à leurs frais au vice dont M. Louboutin se plaignait. En refusant cette proposition et en réitérant ce refus tout au long des opérations d'expertise, M. Louboutin a largement contribué à la persistance de ce préjudice dans la part qui peut être imputée au vendeur et constructeur.
Pour ces raisons, l'indemnisation du préjudice de jouissance auquel peut prétendre M. Louboutin doit être fixée à la somme de 1 500 euro dont est redevable la Sarl Camping Car Ossau à son égard.
La Sarl demande la garantie du constructeur. Le vice caché résidant dans le défaut de panneau de fabrication d'un panneau, cette garantie est effectivement due mais doit être limitée, dans la restitution du prix à la somme du devis de réparation, soit 4.600 euro, et à la somme de 1 000 euro dans la réparation du préjudice de jouissance.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile pour aucune des parties.
Si M. Louboutin obtient gain de cause dans son action en résolution de la vente, il échoue partiellement dans sa demande de restitution de prix. En outre, M. Louboutin a refusé sans raison justifiée aux débats les offres de réparation satisfactoires faites dès avant l'expertise judiciaire et répétées au cours des opérations. Pour ces motifs, il y a lieu de partager les dépens de la procédure, dans l'instance de référé, y compris les frais de l'expertise, et de première instance, par tiers entre M. Louboutin, la Sarl Camping Car Ossau et la SA Caravanas Moncayo.
En revanche, les appels, principal de la Sarl Camping Car Ossau et incident de la SA Caravanas Moncayo, sont partiellement fondés. Les dépens d'appel seront à la charge de M. Christian Louboutin.
Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Dit les appels, principal de la Sarl Camping Car Ossau Diffusion et incident de la SA Caravanas Moncayo, partiellement fondés ; Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau pour le tout : Rejette la fin de non recevoir et dit l'action, fondée sur le vice rédhibitoire, recevable ; Prononce la résolution de la vente en date du 6 juin 2003 du camping car à M. Christian Louboutin par la Sarl Camping Car Ossau Diffusion ; Dit que du fait de la résolution de la vente, concomitamment : - M. Christian Louboutin devra restituer le véhicule à la Sarl Camping Car Ossau Diffusion ; - la Sarl Camping Car Ossau Diffusion devra restituer le prix de 12 000 euro (douze mille euro) ; Condamne la Sarl Camping Car Ossau Diffusion à payer à M. Christian Louboutin la somme de 1 500 euro (mille cinq cents euro) en réparation de son préjudice de jouissance ; Dit que la SA Caravanas Moncayo devra garantir la Sarl Camping Car Ossau Diffusion des sommes qu'elle aura à payer à M. Christian Louboutin à hauteur de : - 4 600 euro (quatre mille six cents euro) pour la restitution du prix ; - 1 000 euro (mille euro) pour le préjudice de jouissance ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.