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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ. B, 15 mars 2011, n° 09-01543

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ICS (Sarl)

Défendeur :

Lair, Riffard, Assurance Mutuelle Auxiliaire (Sté), Comasud (SA), Domino Industrias Ceramicas (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Deltel

Conseillers :

Mmes Thery, Berthet

Avoués :

SCP Fontaine - Macaluso - Jullien, SCP Tardieu, SCP Curat - Jarricot, SCP Pomies - Richaud - Vajou, SCP Guizard - Servais

Avocats :

Mes Mayran, Rieu, Lecat, Bertin, SCP De Angelis - Depoers - Semidei - Vuillquez - Habart - Melki

TGI Privas, du 6 mars 2009

6 mars 2009

I/ - EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur Jacques Lair a fait réaliser en juin 1998 par Monsieur Franck Riffard, assuré auprès de la Cie l'Auxiliaire des travaux de carrelage à l'extérieur de sa maison d'habitation sise à Viviers (terrasse devant la villa, plage en périphérie de piscine et allée reliant les précédentes).

Le carrelage avait été préalablement acheté par Monsieur Lair auprès de la société Alba Matériaux, devenue la SA Comasud ; la société Alba Matériaux avait elle-même acquis le carrelage auprès de la Sarl ICS, qui s'était fournie auprès de la SA Domino Industrias Ceramicas.

Se plaignant des désordres affectant le carrelage posé apparus au cours de l'année 1999, Monsieur Lair a saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Privas, qui, par ordonnance du 21 novembre 2002 a désigné Monsieur Jean-Louis Sauzet en qualité d'expert ; celui-ci a clôturé le 7 août 2003 son rapport, aux termes duquel il a décrit les désordres constatés, indiqué leur cause et évalué à la somme de 20 729,02 euro le coût des travaux nécessaires pour y remédier.

A la suite de ce rapport, Monsieur Lair a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Privas, par exploits des 23 novembre 2004, 23 décembre 2004, 4 février et 1er juin 2005 :

- Monsieur Franck Riffard,

- la société d'assurance mutuelle l'Auxiliaire,

- la SA Comasud,

- la Sarl ICS,

- la SA Domino Industrias Ceramicas,

pour obtenir leur condamnation in solidum à réparer les désordres subis.

Par jugement du 6 mars 2009, le Tribunal de grande instance de Privas a statué en ces termes :

Constate que Monsieur Jacques Lair est redevable envers Monsieur Franck Riffard de la somme de 458,83 euro,

Condamne in solidum Monsieur Franck Riffard, la Compagnie l'Auxiliaire, la SA Comasud et la Sarl ICS à verser à Monsieur Jacques Lair la somme de 14 966,39 euro au titre des travaux de reprise en périphérie de la piscine et sur l'allée,

Condamne in solidum la SA Comasud et la Sarl ICS à verser à Monsieur Jacques Lair la somme de 5 762,67 euro au titre des travaux de reprise sur la terrasse,

Condamne in solidum Monsieur Franck Riffard, la compagnie l'Auxiliaire, la SA Comasud et la Sarl ICS à verser à Monsieur Jacques Lair la somme de 950 euro en réparation des préjudices immatériels,

Condamne in solidum la SA Comasud et la Sarl ICS à verser à Monsieur Jacques Lair la somme de 550 euro en réparation des préjudices immatériels,

Dit que les indemnités ainsi allouées produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,

Condamne in solidum Monsieur Franck Riffard, la compagnie l'Auxiliaire, la SA Comasud et la Sarl ICS à verser à Monsieur Jacques Lair la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne les sociétés ICS et Comasud à relever et garantir Monsieur Franck Riffard et l'Auxiliaire à concurrence de 50 % de toutes les condamnations prononcées à leur encontre y compris intérêts, indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et dépens,

Condamne la Sarl ICS à relever et garantir la SA Comasud de toutes les condamnations prononcées à son encontre y compris intérêts, indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et dépens,

Déclare irrecevables les prétentions dirigées à l'encontre de la SA Domino Industrias Ceramicas,

Rejette toute prétention plus ample ou contraire des parties,

Condamne Monsieur Franck Riffard, la compagnie l'Auxiliaire, la SA Comasud et la Sarl ICS in solidum aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire pour un montant de 2 842 euro selon ordonnance de taxe du 17 janvier 2004,

Dit qu'ils seront recouvrés au profit des avocats qui en ont fait la demande, dans les conditions prévues par l'article 399 du Code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions.'

La Sarl ICS a relevé appel de ce jugement le 20 mars 2009.

Par conclusions du 7 janvier 2011, l'appelante demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris du 6 mars 2009,

Constater la prescription de l'action de Monsieur Lair sur la base de l'article 1648 du Code civil,

Déclarer la demande irrecevable en tous cas mal fondée,

Condamner Monsieur Lair aux entiers dépens y compris à payer à la Sarl ICS, une somme de 5 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Subsidiairement,

Constater que Monsieur Franck Riffard est seul responsable par la mauvaise qualité de sa pose des dégâts subis par Monsieur Lair,

En conséquence,

Débouter Monsieur Lair de toute demande à l'encontre de la société ICS,

Très subsidiairement,

En cas d'estimation de reconnaissance de responsabilité sur la mauvaise qualité du carrelage,

Ecarter des débats la pièce n° 7 de la société Domino non établie en langue française,

Condamner la société Domino Industrias Ceramicas à garantir la société ICS en toute condamnation en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais et sommes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société Domino Industrias Ceramicas à payer à la société ICS, une somme de 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que la seule origine des dégâts provient du gel en sous-face et non en surface expliquant que le carrelage dit ingélif est traité en surface et jamais en sous-face ; que c'est le carreleur qui a mal posé le carrelage et qui a laissé l'eau s'infiltrer en sous-face, ce qui a provoqué l'effet du gel ; que l'origine des dégâts ne provient pas du carrelage ; que c'est le mortier de pose qui est en cause.

Elle reproche à l'expert d'avoir affirmé que la défectuosité du carrelage était en cause, alors que cette affirmation ne repose sur aucun élément objectif ni analyse chimique.

Elle conclut que l'origine du sinistre est exclusivement causée par la pose.

Elle invoque la prescription de l'action au motif qu'entre l'apparition des problèmes en 1999 et septembre 2002 l'assignation en référé expertise, il s'est écoulé plus de 3 ans depuis la découverte du vice ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise du 7 août 2007, Monsieur Lair a attendu le 23 décembre 2004 pour assigner.

Elle conclut également à l'irrecevabilité de la demande de condamnation in solidum, invoquant la différence de nature des actions de Monsieur Lair, contractuelle contre ses cocontractants et quasi-délictuelle pour les autres parties.

Sur la demande en garantie à l'égard de la société Domino elle conclut que dès lors que le fabricant a reconnu sa responsabilité, le délai de prescription ne peut pas courir, qu'elle n'a jamais accepté l'application du droit portugais à l'instance ; que le carrelage a été livré sur le sol français ; que la législation applicable sur le lieu de livraison est le droit français ; que surtout, il n'est pas justifié que le droit portugais stipulerait une prescription abrégée de 6 mois.

Par conclusions du 23 novembre 2009, Monsieur Lair demande à la cour de :

Confirmer la décision du Tribunal de grande instance de Privas en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts accordés à Monsieur Lair,

En conséquence, condamner in solidum Monsieur Riffard, l'Auxiliaire, la SA Comasud, la Sarl ICS à payer à Monsieur Lair la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts,

Condamner la Sarl ICS à payer à Monsieur Lair pour la procédure devant votre cour une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP M. Tardieu.

Il s'oppose à la prescription de son action soulevée par la Sarl ICS et soutient qu'il a agi rapidement ; que le point de départ de la connaissance du vice se situe au plus tôt le 6 septembre 2001, date d'établissement par son assureur, d'un rapport d'expertise l'informant des causes du dommage qu'il subissait.

Sur la base du rapport d'expertise judiciaire, il conclut que le carrelage ingélif utilisé était défectueux excluant que le dommage subi puisse être entièrement imputable à la pose ; que les carreaux acquis n'étaient pas ingélifs ni dans la partie inférieure ni dans la partie supérieure.

Il fait en outre valoir qu'il pouvait exercer une action directe contre son vendeur, mais aussi contre le fabricant et contre tout vendeur intermédiaire ; que la condamnation " in solidum " peut être prononcée entre différents responsables d'un même dommage, que leur responsabilité soit contractuelle ou délictuelle.

Par conclusions du 18 août 2010, la Compagnie d'assurance mutuelle l'Auxiliaire et Monsieur Franck Riffard demandent à la cour de :

Dire et juger que les carreaux fournis à Monsieur et Madame Jacques Lair ne peuvent lutter contre les phénomènes du gel à une température inférieure à moins deux degrés et expliquent l'engagement souscrit par le fabricant d'assurer le remplacement et la pose d'un nouveau carrelage sur le chantier Lair,

Constater d'ailleurs que les mêmes problèmes affectent l'ensemble des carreaux, y compris au niveau de la terrasse où n'existe pas de chape,

Dire et juger que les désordres auxquels ont été confrontés Monsieur et Madame Jacques Lair affectent l'ensemble du carrelage vendu par la société Comasud y compris au niveau de la terrasse sur laquelle Monsieur Riffard n'avait pas posé de chape et ne pouvait donc engager sa responsabilité au titre d'une absence de protection contre les remontés d'humidité,

Dire et juger que le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur Sauzet, non contredit par d'autres avis techniques, retient le caractère gélif du carrelage vendu à une personne profane et qui n'a plus été rapidement commercialisé,

Dire et juger que la société Comasud et la société ICS ont reconnu sans condition ou réserve, la responsabilité du fabricant dans le caractère inapproprié et vicié du carrelage fourni à Monsieur et Madame Lair,

Rejeter par conséquent, l'ensemble des moyens et prétentions formulés par les autres parties au litige à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Privas du 6 mars 2009 ,

Confirmer cette décision en toutes ses dispositions,

Condamner la société ICS et la société Comasud au paiement d'une somme de 2 000 euro au profit de Monsieur Franck Riffard et de l'Auxiliaire sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société ICS et la société Comasud aux entiers dépens distraits au profit de la SCP d'avoués Curat-Jarricot.

Les intimés expliquent que les marchandises acquises par Monsieur Lair devaient être de premier choix et non gélives et que les matériaux livrés n'étaient plus fabriqués par la SA Domino Industrias Ceramicas au moment de la réunion d'expertise.

Ils font état de la reconnaissance de responsabilité du sinistre faite par le fabricant et les sociétés Comasud et ICS.

Ils concluent à la responsabilité du fabricant et à la réalité du vice ; ils font valoir que les défauts de mise en œuvre du carrelage ne sont pas la cause première des désordres.

La SA Comasud exerçant sous l'enseigne Point P a conclu le 28 janvier 2010, demandant à la Cour de :

Vu les articles 1641 et 1147 du Code civil,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Réformer le jugement rendu le 6 mars 2009 par le Tribunal de grande instance de Privas,

Statuant à nouveau,

Prononcer la mise hors de cause de la société Comasud en l'état des malfaçons affectant les travaux réalisés par le constructeur Franck Riffard,

Subsidiairement sur ce point,

Dire et juger Monsieur Franck Riffard responsable à hauteur de 80 % des désordres allégués,

Condamner dans cette proportion in solidum Monsieur Franck Riffard et son assureur la Compagnie l'Auxiliaire à hauteur de 80% du montant des travaux chiffrés par l'expert judiciaire,

A titre subsidiaire,

Au visa des articles 1641 et 1147 du Code civil,

Confirmer le jugement rendu le 6 mars 2009 par le Tribunal de grande instance de Privas,

Condamner en conséquence la Sarl ICS fournisseur du carrelage litigieux, à relever et garantir la société Comasud de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et dépens,

Y ajoutant,

Au visa des articles 1641 et 1382 du Code civil,

Condamner la SA Domino Industrias Ceramicas à relever et garantir intégralement la société Comasud de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre,

Condamner in solidum la société ICS et/ou tout succombant à payer à la société Comasud une somme de 3

000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamner in solidum la société ICS et/ou tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Pomies-Richaud-Vajou, avoués, sous son affirmation de droit.

Elle fait valoir qu'aucune faute ne saurait être démontrée à son encontre, qu'elle a simplement vendu le carrelage.

Que les désordres constatés ne peuvent être imputés à la qualité du carrelage vendu, affectant le support réalisé par le constructeur.

Que ce sont les travaux réalisés par Monsieur Riffard qui ne sont pas conformes aux règles de l'art ni au DTU 52-1.

Elle conteste le partage des responsabilités opéré et indique que les travaux préconisés ne sont pas induits par les désordres, qui affecteraient le carrelage lui-même, mais par le non-respect des règles de l'art par le maçon.

Que quelle que soit la qualité du carrelage vendu, les ouvrages réalisés ne pouvaient être qu'affectés de désordres compte tenu des malfaçons affectant l'ouvrage réalisé par le carreleur.

Subsidiairement, elle conclut à la garantie des sociétés ICS, avec laquelle elle est contractuellement liée et Domino Industrias Ceramicas.

A l'égard de cette dernière, elle soutient que le droit portugais n'est pas applicable et qu'en toute hypothèse, la SA Domino Industrias Ceramicas a renoncé à invoquer ce moyen de prescription qu'elle n'a invoqué à aucun moment au cours des opérations d'expertise ; elle fait état de la proposition de la SA Domino Industrias Ceramicas, dans un cadre amiable, de fournir un nouveau carrelage et de le faire poser par sa propre équipe de carreleurs.

Elle considère qu'il ne s'agit pas d'une offre commerciale sans reconnaissance de responsabilité, mais bien d'une véritable reconnaissance de responsabilité.

Elle conclut sur le préjudice de Monsieur Lair, estimant qu'aucun préjudice de jouissance ne peut être mis à sa charge.

Par conclusions du 21 décembre 2010, la SA Domino Industrias Ceramicas demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les prétentions formulées contre la SA Domino Industrias Ceramicas, sauf à juger irrecevable ou mal fondée l'action intentée par Monsieur Jacques Lair,

En tout état de cause,

Rejeter toutes les prétentions formulées contre la SA Domino Industrias Ceramicas comme étant irrecevables et en toute hypothèse mal fondées,

Condamner solidairement les sociétés ICS et Comasud à payer à la SA Domino Industrias Ceramicas la somme de 10 000 euro pour appel abusif outre la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Guizard Servais, avoués, sur leur affirmation de droit, pour les dépens d'appel.

Elle conclut au rejet de la demande principale de Monsieur Lair au motif d'une part qu'elle est forclose compte tenu du délai entre l'apparition du dommage et l'assignation en référé, d'autre part de l'inexistence d'un vice caché.

Elle fait valoir que les carreaux qu'elle produit sont de premier choix et ingélifs ; que la qualité des carreaux n'a pas fait l'objet d'un contrôle ou analyse en laboratoire par l'expert.

Elle précise qu'un grès ingélif ne peut résister au gel que s'il est posé conformément aux règles de l'art afin d'éviter toute migration d'eau sous le dallage.

Sur les appels en garantie, elle soutient que les recours des sociétés ICS et Comasud à son encontre sont irrecevables.

Elle considère que le droit portugais est applicable dans les relations Domino Industrias Ceramicas / ICS en application de la clause de distribution conclue entre les parties le 2 février 2001 et au delà par renvoi de la convention de Rome.

Qu'au regard du droit portugais, les demandes faites à son encontre sont forcloses.

Elle conteste une quelconque reconnaissance de responsabilité à l'égard de la société ICS et soutient qu'elle s'est bornée à faire une offre commerciale à Monsieur Lair et non d'ailleurs à la société ICS.

Sur le recours de Comasud, elle soutient qu'elle peut opposer à l'acheteur et aux vendeurs intermédiaires le droit portugais ;

Elle conteste également une quelconque renonciation à l'application de la loi portugaise.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 7 janvier 2011.

La SA Domino Industrias Ceramicas a été autorisée par le Président à faire parvenir en délibéré les textes légaux portugais applicables.

II/ - MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la procédure

Attendu que conformément à l'autorisation qui lui a été donnée à l'audience l'avoué de la SA Domino Industrias Ceramicas a adressé par courriers des 24 et 27 janvier 2011 les dispositions du Code civil portugais avec leur traduction française, accompagnée de l'apostille ; que ces dispositions étaient invoquées par la SA Domino Industrias Ceramicas ; qu'elles sont acquises aux débats ; qu'il n'y a pas lieu à réouverture des débats.

Sur la prescription de l'action de Monsieur Lair

Attendu que le sous-acquéreur est recevable à exercer l'action en garantie des vices cachés contre son vendeur mais également contre le vendeur originaire, le fabricant ou le vendeur intermédiaire ; que l'action directe dont il dispose contre le fabricant ou les vendeurs intermédiaires est nécessairement de nature contractuelle et doit être en conséquence intentée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2005 applicable en l'espèce, le contrat ayant été conclu antérieurement à la date de son entrée en vigueur.

Attendu que Monsieur Lair agit en garantie des vices cachés à l'encontre de son vendeur, la société Comasud, et à l'encontre du vendeur originaire et des vendeurs intermédiaires.

Attendu que le point de départ du délai prévu par l'article 1648 du Code civil ne court que du jour de la découverte du vice par l'acheteur.

Attendu que si Monsieur Lair a constaté dès l'année 1999 que des désordres affectaient le carrelage, cette seule constatation n'impliquait pas la connaissance du vice du matériau, lequel n'a été formellement et techniquement révélé que par l'expertise effectuée par la Macif, assureur de Monsieur Lair, qui a donné lieu au rapport du 6 septembre 2001.

Attendu qu'eu égard à la nature du vice, à la circonstance que Monsieur Lair n'est pas un professionnel, il y a lieu de considérer que le point de départ du bref délai de l'article 1648 du Code civil n'a commencé à courir qu'à compter du 6 septembre 2001 ; que l'assignation en référé délivrée le 2 juillet 2002 soit un peu plus de neuf mois plus tard, a été faite à bref délai et dès lors les dispositions de l'article 1648 n'ont plus lieu de trouver application et c'est la prescription de droit commun qui commence à courir, à compter de la conclusion de la vente.

Attendu en conséquence que c'est à bon droit que le premier juge a considéré que l'action de Monsieur Lair à l'encontre des sociétés Comasud et ICS, exploits des 23 novembre et 23 décembre 2004 n'était pas prescrite.

Attendu qu'en ce qui concerne la société Domino Industrias Ceramicas, société portugaise, il convient de rappeler que les actions engagées contre les vendeurs médians sont de nature contractuelle ; qu'en matière contractuelle, c'est la loi du contrat qui s'applique ; que la clause du contrat de distribution liant la Sarl ICS à la société Domino Industrias Ceramicas, soumettant leur lien contractuel à la loi portugaise, est licite et opposable aux sous-acquéreurs qui se prévalent de ce lien contractuel pour agir directement contre le fabricant et fournisseur portugais ; que c'est à bon droit que le premier juge a fait application de la loi portugaise et qu'au vu de l'article 916 du Code civil portugais, qui dispose que la dénonciation du vice doit être faite dans les 30 jours suivant sa découverte et dans les six mois de la livraison de la chose, il a exactement considéré que Monsieur Lair, n'ayant pas respecté ces délais, était irrecevable à agir à l'encontre de la société Domino Industrias Ceramicas.

Attendu que pour les mêmes motifs, c'est par une exacte appréciation des éléments de droit et de fait que le tribunal a déclaré irrecevable, par application du Code civil portugais, l'action en garantie exercée par les sociétés Comasud et ICS à l'encontre du fabricant la SA Domino Industrias Ceramicas, action prescrite pour n'avoir pas été exercée dans les six mois de la livraison de la chose et dans les 30 jours de la découverte du vice, étant rappelé qu'elles ont participé à l'expertise judiciaire du 7 août 2009.

Attendu que la proposition de remplacement du carrelage faite par la société Domino Industrias Ceramicas ne peut suffire, en l'absence d'autres éléments, à caractériser de manière non équivoque une quelconque reconnaissance de responsabilité de sa part de nature à faire échec à la prescription ; que notamment sa participation à l'expertise, qui se situe exclusivement sur un plan technique sans exciper l'acquisition d'une prescription ne peut y suffire ; qu'il n'est pas davantage établi une quelconque renonciation de la part de cette société à l'application du droit portugais.

Sur le fond

Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise de Monsieur Sauzet que l'ensemble du carrelage présente des désordres ; qu'en effet, les carreaux sont très fortement dégradés en surface par le gel, dégradation confirmée par les photographies annexées au rapport d'expertise ; que le décollement du carrelage a également été constaté, en particulier sur les parties en périphérie de la piscine, sur l'allée et l'accès à l'abri, les carreaux sont descellés du support.

Attendu que le caractère généralisé des désordres affectant en surface l'ensemble du carrelage, tant celui posé sur la forme en béton déjà existante (pose à la colle) que celui posé sur la forme réalisée par le carreleur (pose au mortier), démontre le vice affectant le carrelage lui-même, qui ne résiste pas au gel alors qu'il s'agit d'un carrelage de premier choix qualifié ingélif, vice dont les vendeurs successifs doivent garantie.

Attendu que l'expert a en outre relevé de la part du carreleur un défaut de mise en œuvre, du fait de l'absence de protection contre les remontées d'humidité, ce qui est en partie dans l'origine de la dégradation du mortier de pose, défaut d'exécution relevant de la responsabilité contractuelle du carreleur.

Attendu qu'en l'état de ces constatations matérielles et objectives, dont la société ICS ne fait pas la démonstration technique qu'elles sont erronées, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que Monsieur Lair était fondé à rechercher la responsabilité des vendeurs successifs du carrelage et du carreleur et obtenir leur condamnation in solidum à la réparation du préjudice subi, dès lors qu'ils ont contribué par leurs manquements respectifs à leurs obligations contractuelles à la réalisation du dommage.

Attendu qu'à cet égard, le tribunal a pris le soin de procéder à une répartition entre les travaux afférents à la reprise du carrelage sur la terrasse, pour lesquels seul le vice du matériau était en cause et les travaux afférents à la reprise du carrelage en périphérie de la piscine et sur l'allée, pour lesquels, outre le vice du matériau, le défaut d'exécution de Monsieur Riffard était en cause.

Et attendu que le tribunal a, dans les rapports entre le poseur et les vendeurs, au regard du vice du matériau et de la faute d'exécution commise par Monsieur Riffard, évalué à son exacte mesure la part de responsabilité de ce dernier à concurrence de 50 %.

Attendu que la SA Comasud, vendeur intermédiaire, qui a elle-même acquis auprès de la Sarl ICS le carrelage défectueux qu'elle a revendu à Monsieur Lair, est fondée à exercer son recours à l'encontre de son propre vendeur ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a condamné la Sarl ICS à relever et garantir la société Comasud de toutes les condamnations prononcées à son encontre.

Attendu que l'évaluation des travaux de reprise faite par l'expert judiciaire n'est pas critiquée et a été à juste titre retenue par le tribunal, qui a également estimé à son exacte mesure le préjudice de jouissance subi par Monsieur Lair en allouant la somme totale de 1 500 euro.

Attendu qu'en conséquence le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions.

Sur la demande en dommages et intérêts pour appel abusif présentée par la société Domino Industrias Ceramicas

Attendu que si l'appel ne s'avère pas fondé, la SA Domino Industrias Ceramicas ne caractérise pas l'abus qu'aurait commis la Sarl ICS dans l'exercice des voies de recours ; qu'elle doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour appel abusif.

Sur les frais et dépens de la procédure

Attendu que la Sarl ICS, qui succombe en son appel, doit en supporter les dépens et que pour défendre sur cet appel, Monsieur Lair a été dans l'obligation d'exposer des frais hors dépens au titre desquels il y a lieu de lui allouer la somme complémentaire de 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Attendu que de même, l'équité commande d'allouer à la société Comasud, à la société Domino Industrias Ceramicas, à Monsieur Franck Riffard et son assureur la compagnie l'Auxiliaire, à chacun la somme de 800 euro en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré. Y ajoutant : Déboute la SA Domino Industrias Ceramicas de sa demande en dommages et intérêts. Condamne la Sarl ICS à payer en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : - à Monsieur Jacques Lair la somme complémentaire de 1 500 euro, - à la SA Comasud la somme de 800 euro, - à la SA Domino Industrias Ceramicas la somme de 800 euro, - à Monsieur Franck Riffard et à la société d'assurance mutuelle l'Auxiliaire la somme de 800 euro.