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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 18 janvier 2011, n° 10-00892

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

PLSA (SAS)

Défendeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lambrey

Conseillers :

MM Veyre, Rousseau

Avoués :

SCP Latil - Penarroya - Latil - Alligier, SCP Tollinchi - Perret - Vigneron - Baradat - Bujoli - Tollinchi, Me Jauffres

Avocats :

Mes Nosten, Lambert, Czub

TGI Aix-en-Provence, du 26 nov. 2009

26 novembre 2009

Vu le jugement du 26 novembre 2009 du Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence,

Vu la déclaration d'appel formée le 14 janvier 2010 par la société SAS PLSA,

Vu les conclusions régulièrement déposées le 1er juillet 2010 par la société BNP Paribas venant aux droits de la société Cetelem,

Vu les conclusions régulièrement déposées le 12 août 2010 par M. Daniel Sarrasin,

Vu les conclusions régulièrement déposées le 3 septembre 2010 par la société SAS PLSA,

Vu l'acte d'assignation délivré le 15 septembre 2010 à la personne de Me Judith Doutressoule, es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Destinea Atsud Loisir, portant notification des conclusions de la société SAS PLSA,

Vu l'acte d'assignation délivré le 26 novembre 2010 au domicile de Me Judith Doutressoule, es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Destinea Atsud Loisir, portant notification des conclusions de M. Daniel Sarrasin,

MOTIFS DE LA DECISION :

Le 29 janvier 2005, Daniel Sarrasin a acquis auprès de la société Destinea Atsud Loisir, moyennant le versement de la somme de 51 000 euro, un camping-car de marque Mobilvetta, mis en circulation pour le première fois le 23 octobre 2003.

Cet achat a été financé par un contrat de crédit conclu auprès de la société Cetelem, remboursable sur 12 ans.

L'acheteur ayant constaté des anomalies a fait procéder à une expertise amiable le 28 septembre 2005, à laquelle sont intervenus des représentants de la société Destinea Atsud Loisir.

Une expertise judiciaire a été ordonnée par le juge des référés le 28 mars 2006 ; l'expert, M. Edmond Jadot, a déposé son rapport le 12 mars 2007.

Par le jugement susvisé du 26 novembre 2009, le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a prononcé la résolution de la vente entre la société Destinea Atsud Loisir et Daniel Sarrasin, ainsi que l'annulation du contrat de crédit accessoire à cette vente, et dit que la société Destinea Atsud Loisir et la société SAS PLSA seraient tenues in solidum à supporter les conséquences de la résolution de la vente, cette dernière étant condamnée à payer à Daniel Sarrasin la somme de 51 000 euro au titre du remboursement du prix du camping-car, outre 10 000 euro pour préjudice de jouissance et d'agrément et celle de 500 euro au titre des frais d'expertise amiable. La créance de Daniel Sarrasin à l'égard de la société Destinea Atsud Loisir, placée en liquidation judiciaire, était fixée au montant total de 61 500 euro, correspondant à l'indemnisation des préjudices sus énoncés.

Il ressort tant du rapport d'expertise amiable de M. Audouard, que du rapport d'expertise judiciaire de M. Jadot, que le camping-car acquis par Daniel Sarrasin présentait un certain nombre d'anomalies et de désordres, affectant le train avant du véhicule, l'étanchéité des portes latérales, du pare-brise et du coffre arrière ; il était également relevé un décollement de revêtement de sol et un défaut d'étanchéité du bac à douche. En outre l'expert judiciaire relevait que la pesée du véhicule à vide, en ordre de marche était de 3 680 kilos alors que la carte grise faisait état d'un poids à vide de 3 084 kilos. Il en concluait qu'en l'état et avec son équipement d'origine le véhicule était en surcharge à vide de 596 kilos, et se trouverait donc en infraction lors d'un contrôle routier, son immobilisation pouvant alors être prescrite dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3 du Code de la route.

L'expert précisait que le véhicule était atteint de nombreux désordres qui entraient totalement dans le cadre de la garantie constructeur. Il indiquait que s'agissant d'un véhicule d'occasion, les désordres constatés relevaient des vices cachés qui ne pouvaient pas être décelés à l'achat même après un examen attentif de l'acheteur, mais qui sont apparus lors de l'utilisation (fuite du bac à douche, entrée d'air et d'eau par les joints etc...). Il rappelait que le protocole d'accord établi à l'amiable entre les parties engageait le vendeur à reprendre tous les désordres, dans le cadre de la garantie constructeur dont le véhicule bénéficiait toujours.

Selon l'expert judiciaire la remise en état du véhicule devait nécessiter une immobilisation de 10 jours minimum, mais ne modifierait pas son poids à vide qui excède les limites réglementaires, le véhicule demeurant alors impropre à son utilisation.

Sur l'irrecevabilité des demandes de M. Daniel Sarrasin soulevée par la société SAS PLSA :

La société SAS PLSA entend se prévaloir d'un protocole d'accord transactionnel du 28 septembre 2005 prévoyant que M. Daniel Sarrasin s'engageait à déposer son véhicule au garage Destinea, et que celui-ci s'engageait à reprendre l'ensemble des défauts relevés sur le procès-verbal de constatations. Invoquant l'autorité de chose jugée attachée aux transactions, la société SAS PLSA conclut à l'irrecevabilité des demandes de M. Daniel Sarrasin.

Il convient de relever que le vice essentiel rendant impropre le véhicule à sa destination est constitué par le poids de celui-ci, qui est non conforme à la réglementation. Ce surpoids n'avait pas été décelé lors de l'expertise amiable qui a eu lieu en septembre 2005, mais a été révélé au cours de l'expertise judiciaire. Il ne faisait donc pas l'objet de l'accord de réparation de septembre 2005. La fin de non-recevoir soulevée par la société SAS PLSA sera donc écartée.

Sur la demande de résolution de la vente :

Contrairement à ce qu'avance la société SAS PLSA, les désordres affectant l'assiette du véhicule et son étanchéité n'étaient pas, selon l'expert judiciaire, décelables lors de l'achat, même après un examen attentif de l'acheteur, mais sont apparus lors de son utilisation. En outre il ressort tant des déclarations de l'acheteur que du vendeur au cours du premier accedit de l'expertise judiciaire, que ce dernier est intervenu à plusieurs reprises pour remédier aux problèmes d'étanchéité, ce qui est resté sans résultat. En tout état de cause ne pouvait être détecté par l'acheteur le surpoids du véhicule, celui-ci rendant le camping-car définitivement impropre à sa destination, ledit véhicule étant censé pouvoir circuler réglementairement. Ceci justifie la résolution la vente.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire (page 17), et plus spécialement des courriers adressés les 26 juillet 2006 et 9 mars 2007 à l'expert judiciaire par Me Bonnemain, avocat, qu'il a été demandé en juillet 2006 à M. Jadot, de surseoir à ses opérations jusqu'au mois de septembre suivant afin que la société SEA SPA, constructeur du camping-car de marque Mobilvetta, intervienne volontairement à l'expertise. Dans le dire du 9 mars 2007 adressé à l'expert, il était confirmé que la société de droit italien SEA SPA, acceptait d'intervenir volontairement à l'expertise bien qu'elle ne fut pas initialement partie à l'ordonnance de référé désignant M. Jadot.

Il apparaît d'ailleurs en page 17 du rapport d'expertise qu'un conseiller technique de la société SEA, en la personne de M. Frédéric Heuin, est intervenu volontairement pour le constructeur.

Me Bonnemain faisait d'ailleurs savoir dans son dire, que du point de vue de ses clientes, la question du poids du camping-car ne rentrait pas dans la mission confiée à l'expert. Il faisait également valoir que ni le constructeur ni le vendeur n'était responsable du poids total en charge du véhicule, lequel ne dépendait que du seul conducteur et du niveau d'équipement dont il voulait charger son véhicule.

Comme l'a répondu d'ailleurs lui-même l'expert dans son rapport, celui-ci était chargé, selon les termes de la mission qui lui était confiée, " d'examiner le véhicule en cause, énumérer et décrire les anomalies et désordres en cause ", il pouvait donc dans le cadre de cette mission relever le poids non réglementaire du véhicule.

Il résulte des mentions figurant dans le rapport de l'expert judiciaire, que lors de l'accedit du 10 mai 2006, il a été procédé, sur une bascule homologuée, à la pesée du véhicule à vide, en ordre de marche, les pleins faits et avec son équipement d'origine. Par ailleurs il y a lieu de constater que le conseil de la société venderesse fait état d'une nouvelle pesée du véhicule réalisée au contradictoire des parties le 20 décembre 2006, et qu'il n'a été sollicité aucune autre pesée par les parties.

Les conclusions du rapport d'expertise judiciaire sont donc opposables tant à la société venderesse qu'au constructeur. Le vice constitué par le surpoids du camping-car, résultant de la structure même du véhicule, était nécessairement présent lors de la vente initiale par le constructeur. Ce dernier, vendeur initial, sera tenu in solidum avec la société Destinea Atsud Loisir à restituer au sous-acquéreur, le prix de vente.

S'agissant de vendeurs professionnels, la société Destinea Atsud Loisir et la société SAS PLSA (représentant en France le constructeur, la société SEA SPA) sont tenues d'indemniser M. Daniel Sarrasin des préjudices qu'il a subis à la suite de cette vente. Le juge a fixé exactement à 10 000 euro le préjudice de jouissance et d'agrément subi par M. Daniel Sarrasin en relevant que celui-ci n'a pu circuler avec le camping-car depuis mars 2007, date du rapport d'expertise révélant le surpoids du véhicule, mais qu'il avait cependant effectué 16 277 km depuis son achat et qu'il ne justifiait pas n'avoir pu l'habiter.

En outre M. Daniel Sarrasin doit être indemnisé des frais d'expertise amiable qu'il a exposés à hauteur de 500 euro.

Sur la demande d'annulation du contrat de crédit accessoire à la vente :

Comme l'a relevé le premier juge, aux termes de l'article L. 311-21 du Code de la consommation, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

En l'état de la résolution du contrat de vente, le contrat de crédit ayant permis de financer l'acquisition du camping-car est lui-même résolu de plein droit. En conséquence Daniel Sarrasin devra reverser à la société BNP Paribas le montant du prix de vente qui lui sera restituée sous déduction des échéances qu'il a réglées.

L'équité impose qu'il soit fait application de l'article 700 du Code de procédure civile au seul profit de l'acquéreur du véhicule. Il lui sera alloué pour les frais irrépétibles qu'il a exposés en cause d'appel, la somme de 2 000 euro, en sus celle déjà allouée par le premier juge.

Par ces motifs, LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, publiquement, par arrêt réputé contradictoire, Reçoit l'appel, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Et y ajoutant, Dit que M. Daniel Sarrasin devra reverser à la société BNP Paribas le montant du prix de vente qui lui sera restitué sous déduction des échéances qu'il a réglées, Condamne la société SAS PLSA à payer à M. Daniel Sarrasin la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.