Livv
Décisions

Cass. crim., 5 avril 2011, n° 10-84.229

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Avocat :

SCP Ortscheidt

Metz, ch. corr., du 12 mai 2010

12 mai 2010

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par M. X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 12 mai 2010, qui, pour tromperie, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 euro d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu les mémoires personnel et ampliatif produits ;

Sur le moyen unique de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles L. 213-1 et L. 216-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;

Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles L. 211-1, L. 213-1 et L. 216-1 du Code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause, 121-3 du Code pénal, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir requalifié les faits visés à la prévention, a déclaré M. X coupable de tromperie sur la qualité de la prestation promise à Mme Y, en assurant faussement à cette dernière qu'il réaliserait lui-même l'opération de transformation des bijoux reçus par lui comme étant en or 18 carats un bracelet en or 18 carats, alors qu'il savait qu'il déléguerait cette tâche à un tiers et qu'il ne serait pas en mesure de suivre de bout en bout la transformation voulue et qu'il a effectivement délégué cette tâche sans suivre de bout en bout ladite transformation et a statué sur les actions publique et civile ;

"aux motifs que le dossier et les débats devant la cour ont fait ressortir qu'il n'était pas, dans cette procédure, de trace de ce que M. X aurait fait usage de quelconques manœuvres ou procédé tendant à modifier frauduleusement la composition, le poids ou le volume des marchandises à lui confiées ; qu'ils ont fait ressortir ensuite, que la tromperie reprochable à M. X ne résidait pas dans l'état des marchandises qui auraient été l'objet d'un contrat conclu entre lui et Mme Y ; que l'objet du contrat n'était en effet pas à proprement parler l'or des bijoux remis, mais la transformation de ces bijoux en un autre bijou ; que la tromperie, dans cette perspective, résidait dans la nature et les qualités substantielles de la prestation promise par M. X, à savoir qu'il réaliserait lui-même la transformation ; que l'enquête a établi en l'espèce que les bijoux remis au prévenu, lequel pourtant utilisait de façon systématique, sur son papier à lettres, sur ses factures et sur le tampon mis en œuvre par lui, la mention de "créateur", ont été, tels quels, confiés par l'intéressé à l'un de ses collègues installé dans une ville voisine, sans qu'il ait mis en place le moindre dispositif propre à en assurer la complète traçabilité, de sorte qu'il n'a plus, après coup, été techniquement possible de déterminer à quoi avait pu correspondre le phénomène de substitution à de l'or 18 carats en un alliage de 14 carats ; qu'il y a lieu, en cet état, de requalifier les faits, selon les termes énoncés dans l'arrêt du 24 février 2010, et de déclarer M. X... coupable de l'infraction qualifiée "tromperie sur la nature, la qualité substantielle ou l'origine d'une prestation de services", ladite infraction étant constituée, tant sur le plan matériel que sur le plan moral, l'intéressé ayant délibérément tu à sa cliente, persuadée qu'il ferait, avec ce qu'elle lui avait remis, tout de ses propres mains, sans le moindre risque de perte de substance, cette circonstance qu'il ne serait en réalité qu'à peine un peu plus qu'un intermédiaire, essentiellement un commerçant, et non un artisan, un tenancier de dépôt de pain, et non un boulanger ;

"1) alors que les contrats d'entreprise portant sur la création d'une œuvre unique n'entrent pas dans le champ d'application des articles L. 211-1 et suivants du Code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause ; que la cour d'appel a constaté que Mme Y et M. X, bijoutier-joaillier avaient conclu un contrat aux termes duquel le second s'était engagé envers la première à transformer les bijoux remis en un bijou unique et original ; que ces faits ne constituaient pas le délit de tromperie sur les qualités substantielles d'une prestation de services ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2) alors que la qualité substantielle d'une prestation de services est celle qui, lors de la conclusion du contrat, a été déterminante pour le consommateur ou celle qu'il pouvait légitimement attendre ; qu'en estimant que la tromperie consistait dans le fait, pour M. X, prestataire, d'avoir tu à sa cliente persuadée qu'il ferait avec ce qu'elle lui avait remis tout de ses propres mains sans le moindre risque de perte de substance, cette circonstance qu'il ne serait en réalité qu'à peine un peu plus qu'un intermédiaire, sans caractériser que lors de la conclusion du contrat, Mme Y... avait tenu pour substantielle l'exécution de la transformation par M. X lui-même, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen ;

"3) alors qu'il n'y a pas de délit sans intention de le commettre ; qu'en déduisant l'élément intentionnel du délit de tromperie sur les qualités substantielles d'une prestation de services de la constatation que M. X, contrairement aux mentions apposées sur son papier à lettres, ses factures et sur le tampon de son papier à lettres, n'avait pas réalisé lui-même la prestation objet du contrat, sans caractériser que lors de la conclusion du contrat, il s'était engagé à réaliser personnellement la prestation convenue, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen" ;

Les moyens étants réunis : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces, de procédure que Mme Y a confié à un bijoutier, M. X, plusieurs bijoux en or en lui demandant de les transformer en un bracelet ; qu'il est apparu que le bracelet restitué à l'issue de l'opération était un alliage d'or à 14 carats, alors que l'alliage des bijoux remis initialement étaient à 18 carats ; que poursuivie pour tromperie sur la marchandise, le prévenu a été déclaré coupablé par les premiers juges ;

Attendu qu'après avoir requalifié la prévention en tromperie sur une prestation de service pour avoir assuré faussement qu'il effectuerait lui-même la transformation des bijoux, l'arrêt a confirmé le jugement pour le surplus ;

Attendu qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que le délit de tromperie sur la marchandise livrée est caractérisé quel que soit le contrat à l'origine de la livraison et qu'il appartenait au prévenu, en sa qualité de professionnel, de s'assurer de la conformité et des qualités substantielles de l'objet ; d'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme.

Rejette le pourvoi.