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Décisions

Cass. crim., 8 février 2011, n° 10-84.381

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Avocats :

SCP Nicolay, de Lanouvelle, Hannotin

Bordeaux, du 1er juin 2010

1 juin 2010

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par M. X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 1er juin 2010, qui, pour tromperie, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à 2 500 euro d'amende, a ordonné une mesure de publication, a prononcé l'interdiction temporaire de se livrer au démarchage publicitaire et a statué sur les intérêts civils ; Vu les mémoires ampliatif et personnel produits ; Sur la recevabilité du mémoire personnel :

Attendu que ce mémoire, qui ne vise aucun texte de loi et n'offre à juger aucun moyen de droit, ne remplit pas les conditions exigées par l'article 590 du Code de procédure pénale ; qu'il est, dès lors, irrecevable ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1, L. 216-1 et L. 216-3 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a retenu la culpabilité de M. X pour faits de tromperie sur la nature, la qualité substantielle ou l'origine d'une prestation de services commis entre 2005 et 2007 en Gironde et sur le territoire national, le condamnant, sur l'action publique, à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une peine d'amende de 2 500 euro et à la peine complémentaire de publication de la décision dans le journal Sud-Ouest toutes éditions par extraits et dans les limites de l'article 131-35 du Code pénal, ainsi qu'à une interdiction pendant deux ans de se livrer au démarchage publicitaire, et, sur l'action civile, au paiement de dommages-intérêts ainsi que d'indemnités sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

" aux motifs propres que, pour le surplus, en des énonciations suffisantes auxquelles la cour se réfère expressément, le tribunal a fait un exposé complet des faits de la cause ; que, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter et dont le débat d'appel n'a pas modifié la pertinence, il a justement considéré que les éléments constitutifs de l'infraction reprochée étaient réunis à l'encontre du prévenu ; qu'il convient encore d'ajouter qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause les dires des victimes qui indiquent que le prévenu s'est présenté comme agent immobilier et a procédé à l'évaluation de leur bien ce qui s'inscrit dans la continuité de la prestation dont il entendait faire accroire la réalité ; qu'on ne conçoit pas en effet pour quelle raison ces clients auraient accepté de payer un prix dix fois supérieur aux tarifs habituels s'il ne s'était agi que de souscrire à une parution publicitaire ; qu'ainsi sous les réserves portées concernant MM. Y et Z, il sied de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité sauf à dire que l'état de récidive légale relevé d'office par le tribunal n'est pas établi au regard des dates de commission des infractions, de la condamnation du 15 mars 2007 et du délai d'appel de l'article 505 du Code de procédure pénale ; qu'il sied de condamner le prévenu à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis, de confirmer l'amende prononcée par les premiers juges et de condamner M. X à une interdiction professionnelle d'exercer du démarchage publicitaire pendant deux ans ; qu'il sied de confirmer les indemnités allouées par les premiers juges sauf pour ce qui concerne M. Z qui sera débouté de sa demande et Mme A qui sera déboutée de sa demande concernant le remboursement du chèque qui n'a pu être débité faute de provision suffisante, les autres indemnisations étant maintenues ; qu'en cause d'appel il sied d'allouer sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale une indemnité de 500 euro à Mme B, les autres indemnisations étant maintenues ; qu'en cause d'appel il sied d'allouer sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale une indemnité de 500 euro à Mme B et une indemnité de 100 euro aux autres parties civiles ;

" et aux motifs adoptés que le 30 mars 2007, M. X se présentait à M. C, propriétaire du restaurant Le Luma, pour lui demander si son commerce était à vendre ; qu'il se disait publiciste et intermédiaire dans la vente de commerces ; que le jour même était conclu un contrat prévoyant que M. X devait diffuser, via la revue et le site internet de Dice, une annonce concernant la vente du restaurant Le Luma estimé à 500 000 euro ; que M. C versait à M. X un chèque de 911, 65 euro en paiement de cette parution, chèque qui ne devait être encaissé qu'à la vente du bien ; qu'en consultant ses comptes, le lendemain de la signature, il constatait que son chèque avait été présenté à l'encaissement ; qu'il faisait donc opposition avec l'accord de son banquier ; que le 5 avril 2007, M. C portait plainte contre M. X pour tentative d'escroquerie ; que M. X niait les faits qui lui étaient reprochés, se réservant même la possibilité de porter plainte contre M. C qui, en faisant opposition à son chèque ne lui a pas permis d'être rémunéré de la prestation qu'il avait effectuée ; que le 17 mai 2007 paraissait dans le journal Sud Ouest un article indiquant que plusieurs commerçants avaient été démarchés par une personne qui se présentait comme étant agent immobilier et qui leur avait fait signer un contrat pour un montant de 911, 65 euro ; que les commerçants mentionnés dans l'article étaient entendus par les gendarmes ; qu'ils mettaient tous en cause M. X et décrivaient un mode opératoire parfaitement similaire : que M. X se présentait à eux comme agent immobilier, intermédiaire de vente et vendeur de fonds de commerce ; qu'il les démarchait directement dans leur commerce ou par téléphone, en reprenant une annonce parue dans un journal ; qu'il leur indiquait connaître des acheteurs éventuels, et précisait même que la vente serait très rapide ; qu'il soulignait pouvoir financer, en partie, l'éventuel acheteur ; qu'il procédait parfois à une évaluation des fonds de commerce, sans même regarder le montant du chiffre d'affaires, et aboutissait toujours à une surévaluation de ceux-ci ; qu'après avoir développé tous ces arguments, un contrat de prestation de service portant sur la parution d'annonces sur le site Internet et dans la revue Dice était signé pour un montant de 911, 65 euro ; que M. X insistait sur le fait que ce chèque ne serait encaissé qu'au jour de la vente en question ; que ces commerçants soutenaient n'avoir jamais rencontré d'acheteur grâce à lui, aucune vente n'a été effectuée ; qu'ils ajoutaient que leur chèque de 911, 65 euro était systématiquement encaissé dans les jours suivant la conclusion du contrat ; qu'il ressortait de l'enquête que la revue " Dice ", tirée à trois cents exemplaires par trimestres, était transmise uniquement aux demandeurs, et seulement en Aquitaine ; que, de plus, en trois ans, M. X aurait ainsi réussi à faire signer deux cents quatre-vingt contrats pour un montant global de 255 262, 62 euro ; que M. X considérait n'avoir commis aucune tromperie ; qu'inscrit au RCS comme diffuseur d'annonces de vente de fonds de commerce depuis 1989, il niait s'être présenté comme agent immobilier ou intermédiaire de vente et expliquait que ses clients n'avaient qu'à lire le verso de leur contrat pour s'en convaincre ; que, s'il reconnaissait un encaissement rapide des chèques, cela correspondait, selon lui, à ce qui avait été prévu, car " si le chèque ne devait être déposé qu'à la vente, cela ne correspondait pas à mes fonctions, je ne suis pas agent immobilier " ; qu'il précisait ne plus répondre à ses clients une fois le chèque encaissé, car il était trop occupé ; qu'en outre, il expliquait que son site Internet n'était pas confidentiel puisqu'il se targuait de recenser près de cent cinquante connexions par jour, sans pour autant indiquer si ces connexions étaient ou non suivies d'effets ; qu'interrogé par la DGGCRF sur sa fonction d'intermédiaire financier, M. X considérait avoir uniquement proposé à ses clients de mettre en relation l'éventuel acheteur avec un organisme de financement, comme la BNP ; qu'après enquête, il s'avérait que les seules démarches effectuées par le prévenu consistaient à donner les coordonnées d'une conseillère de la BNP avec qui il n'était pas lié contractuellement ; que, par ailleurs, seul trois clients en trois ans se sont présentés sur les recommandations de M. X, aucun d'eux n'a obtenu de prêt car ils étaient tous trop endettés ; motivations et qualifications : que M. X a trompé ses clients sur la nature et les qualités substantielles de la prestation qu'il prétendait pouvoir leur offrir en : se présentant comme un agent immobilier ou un vendeur de commerces alors qu'il est annonceur de ventes de fonds de commerce, d'entreprise et de locaux commerciaux, comme l'indique son inscription au RCS ; leur faisant croire à l'existence d'un portefeuille d'acheteurs potentiels dans le secteur d'activité concerné, et à des moyens publicitaires importants permettant aux vendeurs de réaliser sans difficulté la vente de leur fonds de commerce, alors que la chance réelle pour un vendeur d'être contacté par un acheteur est quasiment nulle au vu de la confidentialité de la revue Dice et de son site internet ; leur affirmant qu'il pouvait financer les acheteurs potentiels, ce qui a pour but de sécuriser le vendeur, alors qu'il ne peut fournir qu'un contact auprès d'une banque ; qu'insistant sur le paiement effectif de sa prestation uniquement à la réalisation de la vente, alors que les chèques étaient encaissés juste après la conclusion du contrat ; qu'en conséquence, il s'agit en réalité d'une tromperie sur les qualités substantielles de la prestation de service en ce que : il s'est proposé de vendre un fonds de commerce alors qu'il est uniquement annonceur de ventes de fonds de commerce, d'entreprises et de locaux commerciaux, comme l'indique son inscription au RCS, ainsi que son site internet ; qu'il leur a fait croire qu'il allait démarcher les clients et leur amener ; qu'il a prétendu disposer de moyens publicitaires importants leur permettant de réaliser sans difficultés la vente de leur fonds de commerce, alors que leur chance réelle d'être contactés par un acheteur était quasiment nulle au vu de la confidentialité de la revue Dice et de son site Internet ; qu'il leur a affirmé qu'il vendrait leurs fonds de commerce pour un prix supérieur à celui que les époux D prévoyaient notamment ; qu'il a insisté sur le paiement effectif de sa prestation uniquement à la réalisation de la vente, alors que le chèque était encaissé juste après la conclusion du contrat ; que le prévenu sera déclaré coupable des faits sous cette qualification ;

Sur l'action civile : qu'il y a lieu de déclarer recevable en la forme la constitution de partie civile de Mmes E, F, A, M. G, Mmes H, I, J, M. Z, R, K, L, M, S, Mme N : que Mmes E, F, M. G, Mmes H, I, J, MM. O K, L, M, S, N sollicitent chacun, en réparation des différents préjudices qu'ils ont subi les sommes suivantes : 911,65 euro en réparation du préjudice matériel ; 1 000 euro en réparation du préjudice moral ; qu'au vu des éléments du dossier, il convient d'accorder à chacun : 911,65 euro en réparation du préjudice matériel ; 100 euro en réparation du préjudice moral ; que Mmes E, F, M. G, Mmes H, I, J, MM. O, K, L, M, S, Mme N sollicitent chacun la somme de 500 euro en vertu de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des parties civiles les sommes exposées par elles et non comprises dans les frais ; qu'en conséquence, il convient de leur allouer à chacun la somme de 100 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; qu'il y a lieu de déclarer recevable en la forme la constitution de partie civile de M. P ; que M. P sollicite en réparation des différents préjudices qu'il a subis les sommes suivantes : 911,65 euro en réparation du préjudice matériel ; 1 000 euro en réparation du préjudice moral ; 1 467,95 euro en réparation du préjudice financier ; qu'au vu des éléments du dossier, il convient d'accorder : 911,65 euro en réparation du préjudice matériel ; 100 euro en réparation du préjudice moral ; que M. P sollicite la somme de 500 euro en vertu de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie civile les sommes exposées par elle et non comprises dans les frais ; qu'en conséquence, il convient de lui allouer la somme de 100 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; qu'il y a lieu de déclarer recevable en la forme la constitution de partie civile de Mme Q ; que Mme Q sollicite, en réparation des différents préjudices qu'elle a subis, les sommes suivantes : 911,65 euro en réparation du préjudice matériel ; 200 euro en réparation du préjudice moral ; qu'au vu des éléments du dossier, il convient d'accorder : 911,65 euro en réparation du préjudice matériel ; 100 euro en réparation du préjudice moral ; qu'il y a lieu de déclarer recevable en la forme la constitution de partie civile de Mme B ; que Mme B sollicite, en réparation des différents préjudices qu'elle a subis, les sommes suivantes : 911,65 euro en réparation du préjudice matériel ; 1 500 euro en réparation du préjudice moral ; qu'au vu des éléments du dossier, il convient d'accorder : 911,65 euro en réparation du préjudice matériel ; 150 euro en réparation du préjudice moral ; que Mme B sollicite la somme de 1 500 euro en vertu de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie civile les sommes exposées par elle et non comprises dans les frais ; qu'en conséquence, il convient de lui allouer la somme de 500 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

1°) " alors que les qualités substantielles sont toutes les qualités qu'un acheteur a pu avoir en vue au moment de la vente ; qu'il n'y a pas tromperie sur les qualités substantielles lorsque l'indication d'une propriété, d'un état ou d'un fait sont exacts ; qu'au cas présent, ainsi que le faisait valoir le demandeur dans ses conclusions d'appel, le contrat proposé par M. X était expressément qualifié de contrat de diffusion et mentionnait en toutes lettres, d'une part, que les ordres étaient payables à la confirmation de la commande, soit en espèces, soit par chèques bancaires à l'ordre de Dice, un ordre confirmé ne pouvant être annulé ou remboursé, d'autre part, que la Dice n'était pas une agence immobilière, ni courtier en immobilier, et qu'elle s'interdisait toute participation directe ou indirecte dans les transactions visées par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ; que, dès lors, en se bornant à s'en référer, pour confirmer la culpabilité de M. X, aux motifs des premiers juges affirmant que le demandeur avait trompé ses clients sur les qualités substantielles de la prestation de service en ce que : il s'est proposé de vendre un fonds de commerce alors qu'il est uniquement annonceur de ventes de fonds de commerce, d'entreprises et de locaux commerciaux, comme l'indique son inscription au RCS, ainsi que son site interne ; qu'il leur a fait croire qu'il allait démarcher les clients et leur amener ; qu'il a prétendu disposer de moyens publicitaires importants leur permettant de réaliser sans difficultés la vente de leur fonds de commerce, alors que leur chance réelle d'être contacté par un acheteur était quasiment nulle au vu de la confidentialité de la revue Dice et de son site internet ; il leur a affirmé qu'il vendrait leurs fonds de commerce pour un prix supérieur à celui que les époux D prévoyaient notamment ; il a insisté sur le paiement effectif de sa prestation uniquement à la réalisation de la vente, alors que le chèque était encaissé juste après la conclusion du contrat, ce qui résultait des seules déclarations verbales des parties civiles, sans même examiner, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel du demandeur, et ne serait-ce que pour les écarter, les mentions figurant sur les contrats de diffusion signés par les prétendues victimes, dont les mentions, claires et dépourvues d'ambiguïté, démentaient ces allégations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés par le moyen ;

2°) " alors que le fait de vendre une marchandise à un prix supérieur à sa valeur réelle n'est pas en lui-même constitutif du délit de tromperie prévu par l'article L. 213-1 du Code de la consommation ; qu'il n'y a pas de tromperie sur le prix dès lors que l'acquéreur a été exactement informé du prix global qu'il aurait à payer et qu'il n'a pas été induit en erreur sur les prestations couvertes par ce prix ; qu'au cas présent où il ressort expressément et sans aucune ambiguïté de la lecture du contrat de diffusion souscrit par les plaignants que le prix payé de 911,66 euro correspondait seulement à la rémunération de l'ordre de diffusion à l'exclusion de toute activité immobilière, il n'appartenait pas à la cour d'appel de s'interroger sur les raisons pour lesquelles, les clients, parfaitement informés de la nature de la prestation souscrite, auraient accepté de payer ce prix ; qu'en s'en référant ainsi à des considérations abstraites, totalement inopérantes, elle a privé sa décision de base légale au regard des textes visés par le moyen ;

3°) " alors que il n'y a pas de délit sans intention de le commettre ; qu'en particulier, l'intention frauduleuse est un élément constitutif du délit de tromperie ; qu'au cas présent où la cour d'appel a retenu M. X dans les liens de la prévention sans établir dans ses motifs en quoi celui-ci aurait été animé de mauvaise foi, et, partant, sans caractériser l'intention frauduleuse dont il aurait été animé, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'infraction de tromperie poursuivie en tous ses éléments, en particulier s'agissant de l'élément intentionnel, a privé sa décision de base légale au regard des textes visés par le moyen " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme.

Rejette le pourvoi.