Livv
Décisions

Cass. crim., 19 décembre 2006, n° 06-81.446

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Bordeaux, ch. corr., du 10 janv. 2006

10 janvier 2006

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X, contre l'arrêt de Cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 10 janvier 2006, qui, pour tromperie et usurpation d'appellation d'origine contrôlée, l'a condamné à 1 000 euro d'amende ; Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1 du Code de la consommation, 122-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a reconnu X coupable de tromperie et l'a condamné à une peine d'amende ;

"aux motifs que, partie des eau-de-vie distribuées par le prévenu qui ne méritaient plus que l'appellation générique est sortie de la distillerie sous appellations grande champagne, petite champagne, borderies ; que, X, professionnel de la distillation de longue date, ne pouvait pas ignorer la réglementation applicable depuis 1938 et les conséquences de ses pratiques, au regard, en particulier, des avertissements de l'interprofession sur les conditions d'inscription et de distillation des différents crus et appellations de cognac tout au long de la chaîne de production (arrêt, p.8) ;

"alors que, d'une part, en matière de réglementation économique, le fait de se conformer à un usage local constitue une cause d'irresponsabilité tirée de l'autorisation de la loi ; que, concernant la distillation du cognac, un usage admettait un facteur de dilution important lors de la distillation malgré les prescriptions de l'article 1er du décret du 13 janvier 1938, ce dont attestait l'accord de 1991 aux termes duquel le droit à l'appellation " était conservé à l'issue des opérations de distillation qui mettent en œuvre des matières premières issues de crus différents à la condition, notamment, que les mélanges soient seulement des mélanges de vin d'un cru déterminé et de matières imparfaites d'un autre cru" ; que l'arrêt n'établit pas que cet usage local, exonératoire de toute responsabilité pour usurpation d'AOC et remis en cause par le "relevé de prescriptions " du 20 novembre 2001, lequel avait été invoqué par le prévenu, n'était plus en vigueur au jour des faits qui lui étaient reprochés, commis entre le 1er novembre 2001 et le 22 janvier 2002 ; qu'il est donc privé de base légale ;

"alors que, d'autre part, en l'absence de système d'information légale sur l'évolution des usages locaux en cours, les juges du fond ne peuvent écarter le bénéfice d'un usage constituant une cause d'irresponsabilité sans constater que le prévenu a eu une connaissance effective de sa caducité ; qu'aucune des constatations de l'arrêt n'établissent que le prévenu ait su que l'usage admettant un facteur de dilution lors de la distillation du cognac et l'exonérant de toute responsabilité pour tromperie n'était plus en vigueur ; que l'arrêt attaqué est encore privé de base légale" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 115-16 du Code de la consommation, 122-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a reconnu X coupable d'usurpation d'AOC et l'a condamné à une peine d'amende ;

"aux motifs que, partie des eau-de-vie distribuées par le prévenu, qui ne méritaient plus que l'appellation générique, est sortie de la distillerie sous appellations grande champagne, petite champagne, borderies ; que, X, professionnel de la distillation de longue date, ne pouvait pas ignorer la réglementation applicable depuis 1938 et les conséquences de ses pratiques, au regard en particulier des avertissements de l'interprofession sur les conditions d'inscription et de distillation des différents crus et appellations de cognac tout au long de la chaîne de production (arrêt, p.8) ;

"alors, d'une part, que, en matière de réglementation économique, le fait de se conformer à un usage local constitue une cause d'irresponsabilité tirée de l'autorisation de la loi ; que, concernant la distillation du cognac, un usage admettait un facteur de dilution important lors de la distillation malgré les prescriptions de l'article 1er du décret du 13 janvier 1938, ce dont attestait l'accord de 1991 aux termes duquel le droit à l'appellation "était conservé à l'issue des opérations de distillation qui mettent en œuvre des matières premières issues de crus différents à la condition, notamment, que les mélanges soient seulement des mélanges de vin d'un cru déterminé et de matières imparfaites d'un autre cru" ; que l'arrêt n'établit pas que cet usage local, exonératoire de toute responsabilité pour usurpation d'AOC et remis en cause par le "relevé de prescriptions" du 20 novembre 2001, lequel avait été invoqué par le prévenu, n'était plus en vigueur au jour des faits qui lui étaient reprochés, commis entre le 1er novembre 2001 et le 22 janvier 2002 ; qu'il est donc privé de base légale ;

"alors, d'autre part, que, en l'absence de système d'information légale sur l'évolution des usages locaux en cours, les juges du fond ne peuvent écarter le bénéfice d'un usage constituant une cause d'irresponsabilité sans constater que le prévenu a eu une connaissance effective de sa caducité ; qu'aucune des constatations de l'arrêt n'établissent que le prévenu ait su que l'usage admettant un facteur de dilution lors de la distillation du cognac et l'exonérant de toute responsabilité pour usurpation d'AOC n'était plus en vigueur ; que l'arrêt attaqué est encore privé de base légale" ;

Les moyens étant réunis : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un contrôle effectué le 21 février 2002 par les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a révélé que des eau-de-vie de cognac produites et mises en vente, sous les appellations d'origine grande champagne, petite champagne et borderies, par la société Distillerie Charlemagne, dirigée par X, ne provenaient pas exclusivement du territoire délimité réservé à chacune de ces appellations ; qu' X, cité pour des délits, commis entre le 1er novembre 2001 et le 21 février 2002, de tromperie et d'usurpation d'appellation d'origine contrôlée, a été relaxé par le tribunal correctionnel au motif qu'un accord datant de 1991 permettait le maintien de l'appellation d'origine en cas d'adjonction d'"imparfaits" d'un cru différent à un cru d'origine, de sorte qu'il n'avait pas violé intentionnellement la réglementation en vigueur ;

Attendu qu'intimé devant la cour d'appel par le ministère public, le prévenu n'a pas contesté la matérialité des faits mais a soutenu que les prescriptions découlant d'un accord établi, pour la campagne 2001-2002, par la DGCCRF, l'Institut national des appellations d'origine et le bureau interprofessionnel du cognac, qui avaient remis en cause un usage local immémorial consistant à incorporer des flegmes ou imparfaits d'un cru sur l'autre, n'avaient été transmises aux professionnels que le 1er octobre 2003 ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation, l'arrêt infirmatif retient que le "relevé de prescriptions devant servir de base à la codification des usages professionnels", résultant de l'accord précité, qui prohibe le mélange de vins et d'eaux-de-vie de vins différents y compris lors de l'incorporation des flegmes, a été adressé, dès le 20 novembre 2001, aux adhérents du syndicat des distillateurs de cognac, accompagné d'un courrier recommandant son respect scrupuleux sous peine d'infraction au décret du 13 janvier 1938 fixant les conditions de production et délimitant les aires des différentes appellations d'origine de la région délimitée de Cognac ; que les juges ajoutent qu'X, professionnel de longue date, ne pouvait ignorer la réglementation applicable depuis 1938 et les conséquences de ses pratiques au regard des avertissements de "l'interprofession" ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, et dès lors que l'usage local invoqué ne pouvait avoir de portée à l'encontre de la réglementation en vigueur, la cour d'appel, qui a caractérisé l'élément intentionnel des infractions poursuivies, a justifié sa décision ; que, dès lors, les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de la règle "non bis in idem", des articles L. 115-16, L. 213-1 du Code de la consommation, et 591 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a reconnu coupable X à la fois de tromperie et d'usurpation d'AOC et l'a condamné à une peine d'amende ;

"aux motifs que, partie des eau-de-vie distribuées par le prévenu qui ne méritaient plus que l'appellation générique est sortie de la distillerie sous appellations grande champagne, petite champagne, borderies ; que, X, professionnel de la distillation de longue date, ne pouvait pas ignorer la réglementation applicable depuis 1938 et les conséquences de ses pratiques, au regard, en particulier, des avertissements de l'interprofession sur les conditions d'inscription et de distillation des différents crus et appellations de cognac tout au long de la chaîne de production ; que les éléments constitutifs des infractions étant suffisamment caractérisés, la décision déférée sera infirmée (arrêt, p.8) ;

"alors que, pour qu'un fait unique constituant un cumul idéal d'infractions puisse recevoir plusieurs qualifications pénales différentes, il est nécessaire que ces infractions poursuivent la protection d'intérêts distincts ; que, X a été poursuivi pour avoir mis en circulation, en connaissance de cause, les appellations d'origine grande champagne, petite champagne, borderies, auxquelles les produits ne pouvaient prétendre et qu'il a été condamné à ce titre pour tromperie et usurpation d'AOC, bien que ces deux infractions protègent un intérêt identique, en l'occurrence la défense des consommateurs ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait procéder à une double reconnaissance de culpabilité" ;

Attendu que le demandeur est sans intérêt à reprocher à la cour d'appel de l'avoir déclaré coupable des mêmes faits sous plusieurs qualifications pénales, dès lors que, conformément à l'article 132-3 du Code pénal, une seule peine a été prononcée ; qu'ainsi, ce moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme.

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.