Cass. crim., 1 avril 2008, n° 07-84.349
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Farge (conseiller le plus ancien faisant fonction)
Avocats :
Me Le Prado, SCP Didier, Pinet
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 24 mai 2007, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de tromperie, a, sur renvoi après cassation, prononcé sur les intérêts civils ; Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Louis X, relaxé du chef de tromperie, responsable du préjudice subi par Didier Y et l'a condamné à payer à ce dernier une somme de 9 695,76 euro en réparation de son préjudice ;
"aux motifs qu'il résulte par ailleurs, du rapport établi par M. Z, expert mandaté par la compagnie d'assurances de Didier Y, que plusieurs équipements prévus sur le modèle MV6 de série faisaient défaut dans le véhicule livré à la partie civile ; que M. Z a ainsi constaté l'absence des équipements suivants :
- régulateur de vitesse,
- ordinateur de bord,
- système anti-patinage électronique,
- lave vitre électrique,
- toit ouvrant électrique,
- différentiel à glissement limité,
- correcteur automatique d'assiette ;
que certes cette expertise n'a pas été diligentée contradictoirement mais ses conclusions n'ont à aucun moment été remises en cause par Louis X qui n'a pas demandé en cours d'information une nouvelle expertise ; que dans ces conditions, la cour considère que Louis X a acquiescé à la teneur de ces conclusions ;
"alors que l'acquiescement ne se présume pas et implique une volonté certaine et non équivoque de reconnaître le bien-fondé des prétentions adverses ; qu'en retenant, pour considérer que Louis X a acquiescé aux conclusions de l'expertise non contradictoire, qu'il ne les a pas remises en cause et n'a pas demandé en cours d'information une nouvelle expertise quand de telles circonstances ne démontrent pas de façon évidente et sans équivoque son intention d'accepter le sens des conclusions en cause, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1 du Code de la consommation, 1382 du Code civil, 5, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Louis X, relaxé du chef de tromperie, responsable du préjudice subi par Didier Y et l'a condamné à payer à ce dernier une somme de 9 695,76 euro en réparation de son préjudice ;
"aux motifs que les manquements constatés par l'expert concernent, pour certain, des éléments techniques touchant aux performances et à la sécurité du véhicule et ne peuvent, en conséquence, être assimilés à des différences d'habillage ; qu'il ressort des constatations effectuées par M. Z que le véhicule livré à Didier Y est un modèle de base de type GL ne correspondant pas au haut de gamme qu'il avait commandé ; que c'est en vain que Louis X soutient qu'il n'a pas eu l'intention de tromper Didier Y et qu'il était lui-même convaincu qu'il s'agissait d'un véhicule de type MV6 ; que certes, comme il le fait observer, plusieurs éléments étaient susceptibles d'induire en erreur un béotien ; qu'ainsi, la facture de la société Regency Car à la société Espace Automobile mentionne un véhicule Opel Omega MV6 2,5 turbo diesel ; que la demande de conformité, le certificat d'immatriculation provisoire et la carte grise font tous état d'un véhicule de type MV6 ; que le monogramme MV6 était apposé sur la carrosserie du véhicule ; que cependant en sa qualité de gérant de la société Espace Automobile et donc en tant que professionnel de l'automobile, Louis X ne pouvait se contenter des indications données par son fournisseur espagnol ; qu'il avait l'obligation de vérifier la conformité du véhicule aux caractéristiques essentielles de la commande de son mandant ce que, manifestement, il a omis de faire ; que sa mauvaise foi se déduit de cette absence de vérification qui lui incombait ; qu'elle caractérise l'élément intentionnel de l'infraction de tromperie ; que Didier Y est donc fondé à lui demander réparation de son préjudice ; que si, conformément à sa commande initiale, Didier Y... avait reçu livraison d'un véhicule de type MV6, il se serait retrouvé propriétaire d'un véhicule dont la valeur sur le marché français s'élevait, selon les indications non contestées données par l'expert Z, à la somme de 239 500 F ; qu'en recevant un véhicule de type GL dont la valeur était estimée à 175 900 F la partie civile a subi un préjudice équivalent à la différence entre ces deux montants soit 63 600 F ou encore 9 695,76 euro ; qu'il importe peu de relever qu'elle a payé en définitive une somme moins élevée (facture d'un montant de 205 365 F) dans la mesure où il est établi que la partie civile a contracté avec la société Espace Automobile pour bénéficier d'un prix moins élevé que celui pratiqué sur le marché automobile français ;
"1) alors que la tromperie implique une manœuvre ou un mensonge destiné induire en erreur le cocontractant ; que Louis X n'a à aucun moment menti à Didier Y dans le but de le tromper sur les qualités substantielles du véhicule livré et de faire passer une voiture Opel de type GL en Opel de type MV6 ; qu'en condamnant Louis X à réparer le préjudice subi par son cocontractant au seul motif qu'il n'aurait pas vérifié la conformité du véhicule aux caractéristiques essentielles de la commande, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2) alors que le juge est tenu de répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que Louis X a fait valoir (concl. p. 7 § 1 et suivants) que la demande de dommages-intérêts de Didier Y était irrecevable, en vertu de l'article 5 du Code de procédure pénale, dès lors qu'il avait déclaré sa créance auprès du liquidateur de la société Espace Automobile ; qu'en omettant de répondre à ce moyen qui était de nature à remettre en cause la solution retenue, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif ;
"3) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que le préjudice subi par Didier Y est limité à la somme de 4 110,79 euro correspondant à la différence entre le prix qu'il a acquitté, soit 31 307,69 euro, et le prix d'un véhicule Opel type GL option cuir, soit 26 815,78 euro déduction faite des frais de mise en route et d'immatriculation ; qu'en condamnant Louis X à payer une somme de 9 695,76 euro correspondant à la différence entre le prix en France d'une Opel de type MV6 et le prix d'un modèle de base GL, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe susvisés" ;
Les moyens étant réunis : - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé l'existence de tous les éléments du délit de tromperie, et a ainsi justifié l'allocation à la charge de Louis X et au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme.
Rejette le pourvoi.