Cass. crim., 4 novembre 2008, n° 08-80.618
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Farge (conseiller le plus ancien faisant fonction)
Avocats :
SCP Ancel, Couturier-Heller, SCP Boullez, SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'angers, chambre correctionnelle, en date du 17 avril 2007, qui, pour falsification de denrées alimentaires, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 37 500 euro d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 213-3, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation, du règlement communautaire n° 1421/71 du 29 juin 1971 et du règlement communautaire n° 2597/97 du 18 décembre 1997, du décret du 25 mars 1924 portant réglementation d'administration publique pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes, notamment en ce qui concerne le lait, ensembles les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré X coupable d'avoir falsifié ou fait falsifier des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, des boissons ou des produits agricoles ou naturels destinés à être vendus, en l'espèce, en faisant diminuer en violation de la réglementation en vigueur, la teneur en protéines des produits dénommés " laits de consommation " qui étaient fabriqués sous sa direction, et d'avoir fait mettre en vente ou fait vendre des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, des boissons ou des produits agricoles ou naturels, en l'espèce, dénommés " laits de consommation " qu'il savait falsifiés, et, en répression l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à une amende de 37 500 euro, et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs propres que, sur l'action publique: rappel des faits de départ tels que retenus par le tribunal : qu'il résulte de la procédure et des débats que, la direction nationale des enquêtes de la direction des fraudes, après avoir constaté en 1998, dans deux petites usines de production de lait du Centre de la France, la standardisation à la baisse du taux de protéine du lait par ajout de perméat (constitué des composants du lait de faible masse moléculaire, éléments de la phase aqueuse, à très faible teneur en protéines) obtenue par la technique d'ultrafiltration permettant de séparer les constituants du lait, pratique prohibée selon cette administration, par règlement communautaire 1411/71 du conseil des communautés européennes, et sur l'information des responsables de ces unités selon lesquelles cette pratique serait généralisée à l'ensemble des producteurs de lait du territoire français, décidait de procéder au contrôle du groupe Y, deuxième fournisseur européen de lait, tant en ce qui concerne la fabrication et la transformation du lait, et principalement le lait le plus commercialisé, le lait à ultra haute température (UHT), que la facturation de ce produit ; que c'est ainsi que quatre unités de production du groupe Y : la SNC Y de Vitre (35), la SNC Y à Z (Oise), la SNC Y Valmont à Onet-le-Château pratiquant l'ultrafiltration, la SNC Y de Gap ainsi que les établissements commerciaux leur étant rattachés (filiales de la compagnie laitière Y, holding opérationnelle du groupe), étaient contrôlés par des inspecteurs de la DGCCRF ; ces agents ne pouvaient accomplir leur mission sur les seuls documents spontanément fournis ne correspondant qu'aux fabrications du jour ou de la quinzaine, et en raison du mode de facturation entre les usines du groupe, ne portant que sur la quantité de matières grasses et de matière protéique des marchandises ; qu'en l'absence de bilans biologiques, de bons de livraison (détruits le jour même), et de mémoire informatique des établissements visités, dont les responsables se montraient particulièrement taisants appelaient systématiquement le siège administratif de la compagnie à Laval pour instructions, et adoptaient des comportements proches de l'obstruction (le directeur de la SNC Besnier Z, M. A se sauvant même avec un classeur sous le bras, qu'il prétendait n'avoir jamais vu quelques heures plus tard), les contrôleurs ne pouvaient nullement connaître les caractéristiques des produits collectés puis transformés ; qu'ils constataient néanmoins, par vérifications auprès des laboratoires extérieurs, que les taux de protéine des laits collectés étaient supérieurs de plus d'un gramme à l'entrée, à ceux fabriqués sans que le seul procédé de haute température ne puisse expliquer cette différence, et que le lait vendu avait un taux assez uniforme et proche de la réglementation, alors qu'en fonction des saisons et des races de vaches, ce taux est très variable ; qu'ils sollicitaient donc une ouverture d'information contre X du chef de falsifications de denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux et mise en vente de ces denrées, auprès du procureur de Laval qui saisissait le juge d'instruction par réquisitoire du 21 juin 1998 ; que celui-ci délivrait une commission rogatoire au directeur de la gendarmerie nationale avec assistance de la direction nationale des enquêtes de la répression des fraudes et d'un informaticien ; que des subdélégations étaient délivrées aux services régionaux de la gendarmerie d'Amiens, Angers, Grenoble, Paris, Rennes et Montpellier afin de permettre des auditions, perquisitions et saisies sur tous les sites de production et commerciaux, ainsi qu'au siège social de la compagnie laitière Y ; suite des opérations : - falsification et usage: l'analyse des données utiles a permis de retenir qu'il existait bien dans certaines usines du groupe, un système d'ultrafiltration et non simplement de filtration, permettant d'obtenir deux sous produits du lait (le retentat, riche, servant le plus souvent à la fabrication de fromages, et le perméat, plus pauvre, servant lui, aux opérations litigieuses) ; que la comptabilité concernant ces opérations était transmise à la maison mère, en quelque sorte, à Laval, qui donnait toutes directives utiles pour le transport de ces produits dans les unités dépourvues de système d'ultrafiltration ; que les facturations se faisaient en kgs, comme l'explique le prévenu au juge d'instruction, et non en litres, le perméat bénéficiant de différents noms dans ce processus comptable : lait écrémé, écrémé liquide, milieu de culture etc...(il est permis de s'interroger sur le sens de ces différentes appellations) ; qu'il serait possible d'en déduire que ces différentes qualifications permettaient plus facilement aux usines "fabriquant" le lait du groupe Y de masquer la pratique de la standardisation du lait de collecte riche en protéines, et très souvent supérieur au taux réglementaire, pour élaborer un autre produit s'appelant "lait", ce qui n'aurait pas été possible sans cela ; que la "manœuvre" en quelque sorte, a été très bien décrite par le tribunal en page 8 § 6 de son jugement : en ajoutant au lait de collecte riche en protéines, le perméat, eau biologique à faible teneur en protéines, obtenu par ultrafiltration ou en incorporant les "pousse à l'eau", soient les eaux blanches obtenues par rinçage des appareils de traitement du lait et des différentes tuyauteries, quelques fois additionnées de perméat en poudre (micro filtré) le transformateur augmentait sa production tout en mettant sur le marché un produit conforme aux définitions européennes du lait alors qu'une partie de cette production (le perméat) ne lui coûtait que 21 centimes au litre, au lieu de 2,20 F le litre payé au producteur ; que le but de l'opération paraît assez évident, mais si le profit économique est bien le but d'une société commerciale, qu'en est-il de la sincérité du produit ainsi élaboré? que le tribunal a relevé qu'un certain nombre de responsables de sites ont reconnu expressément cette pratique de la standardisation, même si certains autres ont persisté à la nier ; que les responsables de Gap et Vitre, notamment, ont reconnu d'une part un ajout sur 4 % du lait de consommation, d'autre part le secret tenu sur cette manière de faire ; qu'outre le fait que des écrits ont été découverts établissant que 10 000 litres de perméat avaient été jetés à l'égout lors du passage de la DGCCRF sur le site de Gap, d'autres éléments ont permis d'établir que les instructions étaient régulièrement données, pour faire disparaître toute trace, matérielle ou scripturale de ces opérations ; que, pour résumer, les documents comptables qui ont pu être découverts ont permis d'établir que sur les sites de Montauban, Gap, Vitre, Z, 37 469 498 litres de perméat liquide ou en poudre additionné d'eaux blanches, avaient été utilisés pour 682 635 000 litres de lait de consommation augmentant ainsi de 5,48 % le volume de lait concerné ; que X a été mis en examen, et a expressément reconnu les faits, concernant la standardisation, l'expression utilisée est sans ambiguïté : "je reconnais avoir recours à la méthode de standardisation à la baisse du lait de consommation, mais cette pratique n'est pas interdite..." ; que, s'il a invoqué la grande taille de son entreprise, il n'a justifié d'aucune délégation de pouvoirs, bien que déclarant être directeur général d'un ensemble de quatre vingt-dix usines réparties en France et dans le monde (D 327) ; qu'avant d'examiner les textes applicables, la cour se référera à quelques notions techniques, notamment celles évoquées par le docteur B dans son expertise (D702), ordonnée par le Juge d'instruction ; éléments techniques : les différents types de lait sont évoqués dont le lait de consommation qui est un produit ayant subi un minimum de traitement et de conditionnement afin d'être destiné à la consommation humaine ; que l'expert rappelle que l'ultrafiltration est une technique développée dans les années 1970 qui permet de par la taille des pores de la membrane d'ultrafiltration de séparer les constituants de faible masse moléculaire (eau, sels minéraux, lactose, acides organiques et peptides : protéines de faible poids moléculaire (association de quelques acides aminés) qui forment le perméat ; que le retentat , lui, est formé de constituants de masse moléculaire plus importante (tels que globules gras et protéines : caséine et protéines solubles ainsi que les microorganismes ; que le perméat est essentiellement composé de lactose et de solutés non protéiques de nature minérale et organique ; qu'il représente une source importante de lactose et un support de fermentation ; qu'il peut aussi être utilisé pour abaisser les taux protéiques des laits de production, par dilution ; que cette dernière remarque de l'expert nous met au coeur du débat ; que le docteur B... examine ensuite la réglementation concernant le lait de consommation ; que l'expert relève les éléments suivants : - selon le "Codex Alimentarius", le lait est la sécrétion mammaire normale d'animaux de traite obtenue à partir d'une ou plusieurs traites, sans rien y ajouter ou en soustraire ; - selon la réglementation européenne (règlement du 18 décembre 1997) : "... il convient de garantir que le taux naturel du lait en protéines n'est en aucun cas diminué..." ; - selon la réglementation française, (l'expert vise l'accord interprofessionnel du 28 octobre 1993) la valeur du taux protéique est fixée à 31,5 gr/litre. (29 gr/I pour la réglementation européenne); que, pour répondre à la question posée, consistant à savoir si la standardisation de la matière protéique du lait constitue ou non une falsification, l'expert répond qu'au terme de la réglementation en vigueur en Europe, pour le lait de consommation, la standardisation de la matière protéique, (même si les teneurs sont supérieures au taux fixé par la profession,) qui tend à en abaisser le taux est interdite ; éléments de textes : concernant le délit de falsification et usage, la prévention vise les années 1996,1997 et 1998, ainsi que l'ensemble du territoire, notamment les sites évoqués; Les textes visés sont les suivants: articles L. 213-1, L. 213-3, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation, le règlement communautaire 1421/71 du 29 juin 1971 et le règlement communautaire 2597/97 du 18 décembre 1997 ; que les articles L. 213-1 et L. 213-3 constituent les textes d'incrimination et de répression concernant la tromperie et les falsifications en matière alimentaire humaine ; que les articles L. 216-2 et L. 216-3 concernent des dispositions annexes (confiscation, publication, etc...) ; qu'outre les textes évoqués ci-dessus, il n'est pas inutile de rappeler que la matière est réglementée de manière similaire depuis fort longtemps ; que le décret du 25 mars 1924 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes notamment en ce qui concerne le lait, est sans ambiguïté. Il précise en son article 4 : "est considérée comme une falsification aux termes de l'article 3 de la loi du 1er août 1905 - l'addition au lait d'une substance quelconque, - est également considérée comme une falsification l'emploi de tout traitement autre que le filtrage ou les procédés thermiques d'assainissement ..." ; que ce texte exclut toute manipulation de nature à porter atteinte au caractère naturel du lait ; et qu'il ne s'agit pas, comme tente de le faire la défense du prévenu, d'assimiler la filtration ordinaire qui consiste simplement à enlever des impuretés, à l'ultra filtration ou à la microfiltration qui sont des techniques différentes, en vue de résultats différents ; que le rapport de l'expert B est explicite sur ce point ; que, en ce qui concerne le règlement communautaire 1421/71, il s'inscrit dans le droit fil de la réglementation française antérieure ; que son article 3 énumère les catégories de lait de consommation, et précise que seule une modification du taux de matière grasse est autorisée, toute autre étant interdite ; que la seule dérogation possible est contenue dans l'article 6, 4e du même texte qui précise que si certains états membres le souhaitent, ils peuvent procéder à l'enrichissement du lait écrémé et demi-écrémé avec des composants de la matière sèche dégraissée du lait c'est à dire de la matière protéique), le lait peut donc être éventuellement enrichi, uniquement avec de la matière protéique, et non appauvri. Ceci à la condition expresse que l'enrichissement soit mentionné sur l'emballage ; qu'il n'est donc pas question de standardisation à la baisse, telle que reprochée au prévenu, et les faits commis en 1996 et 1997 pouvaient valablement être poursuivis ; que, quant au décret du 19 juillet 1977, également évoqué, les termes utilisés établissent que les dispositions de l'article 3 § 1 à 4 du règlement du 29 Juin 1971 constituent des mesures prises pour l'exécution de la loi susvisée du 1er août 1905 ; que l'intitulé du décret en cause tel que figurant dans le Code de la consommation précise bien qu'il est pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 (articles 213-1 et suivants du Code de la consommation) en ce qui concerne la définition et la teneur en matière grasse des laits de consommation ; qu'aucune anomalie ne peut donc être constatée ; que, par ailleurs, en ce qui concerne la discussion instaurée par la défense au sujet de l'article L. 214-3 du Code de la consommation, qui rendrait nécessaire un décret en Conseil d'Etat, pour l'applicabilité aux Etats membres d'un règlement communautaire, elle n'est pas pertinente, ainsi que cela sera exposé plus loin ; que le texte communautaire de 1971 a été modifié, légèrement par un nouveau règlement du 18 décembre 1997 (2597/97) applicable au 1er janvier 1998, prévoyant le maintien de la réglementation d'une part, et l'adaptation du texte précédent d'autre part ; qu'en tout état de cause, ce texte, s'il introduit la possibilité de standardiser à la hausse, le taux de protéines du lait, il l'interdit à la baisse, comme dans le règlement précédent de 1971 ; que ses dispositions préliminaires sont sans ambiguïté sur ce point : "... il convient de garantir que le taux naturel du lait en protéines n'est en aucun cas diminué et de permettre en outre l'enrichissement du lait en protéines..."; que ledit règlement précise en outre dans son article 9 :"le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout Etat membre."; La Cour de cassation, chambre criminelle, dans un arrêt récent du 10 octobre 2006, a d'ailleurs reconnu que les règlements communautaires étaient directement applicables sans mesure portant réception en droit interne ; que le prévenu pouvait donc être valablement poursuivi pour les faits de falsifications et usage, pour l'ensemble de la période visée à la prévention, et ce tout autant sur le fondement des textes nationaux que des dispositions communautaires ; qu'or, il a été exposé plus haut la technique utilisée qui consistait à ajouter du perméat et des eaux blanches aux laits collectés pour augmenter la production alors que cette standardisation à la baisse était prohibée ; que cette manière de faire a été expressément reconnue par X, qui a de toute évidence poursuivi un but de rentabilité ; que sa culpabilité, déjà retenue par le tribunal, sera confirmée, l'infraction étant constituée dans tous ses éléments, légal, matériel et moral ; que ce dernier point (élément moral) est parfaitement caractérisé par les déclarations de X à la côte D327, déjà citée ; que la relaxe partielle pour les faits commis sur le site de Retiers, sera également confirmée, les motifs retenus par le tribunal en page 12 § 5 et 6 de son jugement étant pertinents ; que, en guise de conclusion pour ces faits, la cour relèvera l'avis du service des fraudes (côte D 331);
"aux motifs adoptés qu'il résulte de la procédure et des débats, que la direction nationale des enquêtes de la direction des fraudes, après avoir constaté en 1998, dans deux petites usines de production de lait du Centre de la France, la standardisation à la baisse du taux de protéine du lait par ajout de perméat (constitué des composants du lait de faible masse moléculaire, éléments de la phase aqueuse, à très faible teneur en protéines) obtenue par la technique d'ultrafiltration permettant de séparer les constituants du lait, pratique prohibée selon cette administration par règlement communautaire, 1411/71 du conseil des communautés européennes, et sur l'information des responsables de ces unités selon lesquelles cette pratique serait généralisée à l'ensemble des producteurs de lait du territoire français, décidait de procéder au contrôle du groupe Y, deuxième fournisseur européen de lait, tant en ce qui concerne la fabrication et la transformation du lait, et principalement le lait le plus commercialisé, le lait à ultra haute température (UHT), que la facturation de ce produit ; que c'est ainsi que quatre unités de production du groupe Y : la SNC Y de Vitre (35), la SNC Y à Z (Oise ), la SNC Y Valmont à Onet Le Château pratiquant l'ultrafiltration, la SNC Y de Gap ainsi que les établissements commerciaux leur étant rattachés ( filiales de la compagnie laitière Y, holding opérationnelle du groupe), étaient contrôlés par des inspecteurs de la DGCCRF ; que ces agents ne pouvaient accomplir leur mission sur les seuls documents spontanément fournis ne correspondant qu'aux fabrications du jour ou de la quinzaine, et en raison du mode de facturation entre les usines du groupe, ne portant que sur la quantité de matières grasses et de matière protéique des marchandises ; qu'en l'absence de bilans biologiques, de bons de livraisons (détruits le jour même), et de mémoire informatique des établissements visités, dont les responsables se montraient particulièrement taisants, appelaient systématiquement le siège administratif de la compagnie à Laval pour instructions, et adoptaient des comportements proches de l'obstruction (le directeur de la SNC Besnier Z, M. A se sauvant même avec un classeur sous le bras, qu'il prétendait n'avoir jamais vu quelques heures plus tard), les contrôleurs ne pouvaient nullement connaître les caractéristiques des produits collectés puis transformés ; qu'ils constataient, néanmoins, par vérifications auprès de laboratoires extérieurs, que le taux de protéine des laits collectés étaient supérieurs de plus d'un gramme à l'entrée de ceux fabriqués sans que le seul procédé de haute température ne puisse expliquer cette différence, et que le lait vendu avait un taux assez uniforme et proche de la réglementation, alors qu'en fonction des saisons et des races de vaches, ce taux est très variable ; qu'ils sollicitaient donc une ouverture d'information contre X du chef de falsifications de denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux et mise en vente de ces denrées, auprès du procureur de Laval qui saisissait le juge d'instruction par réquisitoire du 21 juin 1998 ; que celui-ci délivrait une commission rogatoire au directeur de la gendarmerie nationale avec assistance de la direction nationale des enquêtes de la répression des fraudes et d'un informaticien ; que des subdélégations étaient délivrées aux services régionaux de gendarmerie d'Amiens, Angers, Grenoble, Paris, Rennes et Montpellier afin de permettre des auditions, perquisitions et saisies sur tous les sites de production et commerciaux, ainsi qu'au siège social de la compagnie laitière Y ; que l'analyse des données informatiques et comptables saisies (scéllé n°12 et 15) a permis de démontrer qu'il existait bien une comptabilité par matières des produits obtenus au sein de la SNC Valmont Rodez à Onet le Château, comportant un système d'ultrafiltration (et notamment du perméat et rétentat, les deux sous produits du lait obtenus par cette technique), et que cette comptabilité était transmise quotidiennement au siège administratif de la compagnie laitière Y à Laval qui donnait des instructions à cette usine pour le transport de ces produits dans les autres unités de fabrication du lait dépourvus du système d'ultrafiltration ; que, jusqu'à transformation en produits finis, ces produits obtenus à partir du lait de collecte de la SA compagnie laitière, par le biais de ses établissements locaux lui appartenant, étaient facturés officiellement par celle-ci en kgs de matière grasse et de matière protéique aux usines du groupe, et en ce qui concerne le perméat sous les appellations diverses de lait écrémé, de lait écrémé à teneur faible en protéine, d'ultrafiltré , écrémé liquide sur le site de Y à Z (sous forme liquide ), milieux de culture sur le site Besnier Mayenne ( transformation sur place de perméat ultrafiltré en perméat microfiltré ), lait en poudre écrémé concentré sur le site de GAP fourni par l'usine de Mayenne (perméat en poudre). Le perméat était aussi facturé à certaines unités de fabrication en prestations de service : frais d'écrémage ou séchage ; qu'en comptabilité, le perméat sous forme liquide était appelé PLEL et sous forme solide : Pless ; que ces qualifications multiples du perméat, permettaient aux usines fabriquant le lait de consommation du groupe de masquer la pratique de la standardisation du lait de collecte riche en protéines dans les régions collectées, en particulier l'ouest de la France, très souvent supérieur au taux minimum de 29 mg par litre prévu par la réglementation européenne et de 31,5g par litre selon l'accord interprofessionnel en vigueur en France ; que cette pratique généralisée et tenue secrète permettait de réaliser les objectifs économiques du groupe visant à réduire le coût d'achat, sous l'impulsion, selon M. D, directeur technique du site de Gap par M. E, chef de la division Lactel de la holding Y ; qu'en effet, au dessus du taux de 31,5 g de protéine par litre, le collecteur de lait doit payer le producteur 3,5 c à 4 c le gramme supplémentaire ; qu'en ajoutant au lait de collecte riche en protéines, le perméat, eau biologique obtenue par ultrafiltration à très faible teneur en protéine, ou en incorporant -lespousses l'eau,soit les eaux blanches obtenues par rinçages des appareils de traitement du lait, quelquefois additionnées de perméat en poudre (microfiltré ), le transformateur augmentait sa production tout en mettant sur le marché un produit conforme aux définitions européennes du lait, alors qu'une partie de cette production (le perméat )ne lui coûtait que vingt-et-un centimes le litre au lieu de 2,20 F le litre payé alors en moyenne au producteur ; que, si la plupart des directeurs de sites persistaient à nier cette pratique, allant jusqu'à ignorer la signification des sigles désignant le perméat, malgré la découverte d'annotations de leur main comportant ces désignations (M. F à Y Montauban par exemple), les chefs de fabrication, ou de laboratoire détenant des fiches de standardisation- et les techniciens et comptables (notamment à Gap et Vitre) reconnaissaient l'ajout de perméat dans le lait UHT (4% du lait de consommation à Vitré selon l'agent de production Hoguet) et le secret tenu sur cette technique ; qu'il était, par ailleurs, découvert à Gap, un écrit attestant de la mise à l'égout de 10 000 litres de perméat lors du passage des inspecteurs de la DGCRF sur ordre du directeur du site, et un courrier de demandes d'instructions de ce directeur à la direction juridique de Y à Laval ; que, de même, à Onet le Château, était saisi un écrit de M. G, directeur de la SNC Valmont Rodez ordonnant de -vidanger tous les documents de livraison pour 97 et 98, après le premier contrôle ; que néanmoins, les documents comptables découverts ont permis aux enquêteurs d'établir que sur la totalité des sites de Montauban, Gap, Vitre, Z, 37 469 498 litres de perméat liquide ou en poudres additionnées d'eaux blanches, avaient été utilisés pour diminuer le taux de protéines de 682 635 000 litres de lait de consommation (UHT), ce qui correspond à une augmentation artificielle de volume de lait de 5,48 %. Le lait d'appellation" bio " n'était pas concerné par cette technique, utilisée aussi mais de manière licite dans les boissons lactées dérivées du lait ; que ces investigations entraînaient le 1er juillet 1999 la mise en examen du chef de falsifications de denrées servant à l'alimentation de l'homme et pour faux et usage de faux en matière de facturation, en vertu d'un réquisitoire supplétif du 23 novembre 1998 de X celui-ci, représentant durant la période visée à la prévention, la SA Claudel, administrateur de la financière SA Y et occupant les fonctions de président du directoire de la SA Y, holding opérationnelle du groupe ayant pour objet l'élaboration de produits finis après collecte du lait, et l'achat et la vente de tous produits laitiers ; que X a été supplétivement mis en examen, le 1er décembre 1999, pour publicités mensongères en raison de la parution de diverses publicités concernant des laits commercialisés par le groupe ; que, si durant l'instruction, X a sans réserve admis la pratique de la standardisation au sein du groupe, expliquant qu'elle serait légale, il a soutenu qu'il ne pouvait en être personnellement responsable, ne pouvant connaître ou contrôler les modes de fabrication des unités de production du groupe, et en particulier celles de la division lait ayant un directeur à sa tête ; que cet argument non repris à l'audience, ne peut qu'être écarté compte tenu de la structure juridique particulière de ces unités de production, en l'espèce des SNC dont le gérant était systématiquement un directeur de filiale de la SA Y chargée de la vente ; que l'ensemble de l'enquête sur les sites de production concernés et le mode de facturation par le siège administratif du groupe à Laval démontre le contrôle hiérarchique, au sein de la SA, et l'absence de délégation de pouvoir ; que la responsabilité de X pour les faits commis au sein de la SA et de ses filiales est donc totale ; que sur l'absence d'élément légal de l'infraction de falsification de denrées servant à l'alimentation de l'homme et de mise en vente de ces produits, s'agissant de laits de consommation UHT : les articles L. 213-1 et L. 213-3 du Code de la consommation, qui constituent les textes d'incrimination et de répression en matières de tromperie et falsifications de denrées servant à l'alimentation humaine, visés à la prévention, sont inclus dans le chapitre II livre II de ce Code concernant la conformité des produits et des services, qui prévoit en son chapitre IV les mesures d'application de ces textes ; que l'article L. 214-3 dispose en particulier que lorsqu'un règlement de la communauté économique européenne contient des dispositions entrant dans le champ d'application notamment du chapitre II, un décret en conseil d'Etat constate que ces dispositions, ainsi que celles des règlements communautaires qui les modifieraient ou qui seraient pris pour leur application, constituent les mesures d'exécution prévues aux articles L. 214-1, L. 215-1, dernier alinéa et L. 215-4 concernant notamment la fabrication, la définition des produits et leur composition ; qu'en l'espèce, le premier règlement communautaire visé à la prévention est le règlement 1441/71, du 29 juin 1971 applicable jusqu'au 31 décembre 1997 qui définit les laits de consommation "destinés à être livrés en l'état au consommateur " ; que le décret du 19 juillet 1977 pris en conseil d'Etat prévoit que les dispositions de l'article 3 (paragraphe 1 à 4 ), à l'exclusion des dispositions concernant le lait entier non normalisé, ainsi que les dispositions de l'article 6 de ce règlement modifié par règlement 566/76 du conseil des communautés européennes constituent des mesures prises pour l'application des articles L. 213-1 à L. 213-6 du Code de la consommation ; qu'or ce texte communautaire d'application immédiate en droit interne a été modifié par un nouveau règlement du conseil du 18 décembre 1997, applicable au premier janvier 1998, prévoyant le maintien de la réglementation et à certaines adaptations du précédent texte concernant le lait, notamment afin, selon ses rédacteurs, de répondre aux désirs des consommateurs qui attachent une importance croissante aux aspects nutritionnels des protéines du lait ; qu'en application de l'article L. 214-3 prévoyant les modifications des règlements communautaires concernant la définition et la conformité des produits, ce nouveau règlement peut servir de base à la poursuite des faits à partir de janvier 1998, étant observé que s'il introduit la possibilité de standardiser le taux de protéine du lait à la hausse, il l'interdit à la baisse, ce qui était déjà le cas dans le règlement précédent ; qu'en effet, contrairement à ce que fait soutenir X, le règlement de 1971 n'avait pas seulement pour objet de réglementer les techniques de modification de la teneur en matière grasse mais dans le cadre de la définition du lait de consommation, précisait en son article 3-4, qu'aucune autre modification de la composition du lait n'était autorisée, ce qui interdisait nécessairement la standardisation à la hausse ou à la baisse du taux de protéines ; que la pratique de la standardisation par ajout de perméat liquide ou de poudre de perméat additionnée d'eaux blanches était donc avant et après 1998 et est encore à ce jour prohibée par la réglementation communautaire laquelle doit primer sur un texte de droit interne qui pourrait lui être contraire ; qu'en tout état de cause, le décret du 25 mars 1924 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes, disposant en son article 4 qu'est considérée comme une falsification l'emploi de tout traitement autre ou les procédés thermiques d'assainissement susceptible de modifier la composition physique ou chimique du lait lorsque ce traitement n'est pas autorisé par arrêté, n'est en aucun cas contraire aux textes réglementaires susvisées, dès lors que le filtrage, procédé destiné à enlever les impuretés sans modifier la composition du lait, ne peut être assimilé à l'ultrafiltration, définie par le professeur H de l'INRA comme par l'expert I comme une opération technologique, réalisant une séparation sélective, par utilisation d'un appareillage spécifique (tamisage par Membrane), des molécules du lait entre celles de masse moléculaire importante donnant le rétentat (globules gras, caséines, protéines solubles) utilisé dans la fabrication de fromages et celles de faible masse moléculaire donnant le perméat (lactose, eau, protéines de faible masse moléculaire) ; qu'en l'espèce, l'utilisation de cette technique n'est pas poursuivie mais seulement l'ajout de perméat au lait collecté pour en augmenter la production ; X ne peut déduire non plus de l'adoption en juillet 1999, par la commission du Codex Alimentarius, organisme rattaché à l'ONU, d'une norme générale pour l'utilisation des termes de laiterie, prévoyant que le lait ajusté en protéines peut être appelé lait, dès lors que le même texte impose la condition qu'il ne soit vendu que dans un pays où un tel ajustement est autorisé ; qu'or, il résulte des dispositions communautaires susvisées que l'ajustement à la baisse du taux de protéines au sein de l'Union européenne est prohibée, ce qui exclut l'application du Codex sur le territoire de la communauté ; que le fait que l'administration par un avis de 1993 du Directeur départemental de la DGCCRF du Morbihan, publié au BID le 18 juin 1993, ait indiqué que l'addition de perméat d'ultrafiltration de lait pasteurisé était un moyen acceptable pour diminuer le taux de protéine ne peut légaliser cette pratique, ni l'excuser dès lors que dès le mois de septembre 1993, la DGCCRF a informé le président de Syndilait du rappel de la commission des autorités européennes aux autorités françaises de l'illécéité de cette pratique ; que la FNIL l'avait également indiqué à ses adhérents dès le 30 juillet 1993, selon les pièces versées aux débats ; qu'enfin, le fait que l'accord interprofessionnel des producteurs de lait de consommation du 28 octobre 1993, homologué par arrêté ministériel du 23 novembre 1993, fixe en France le taux minimum de matière protéique des laits de consommation à 31,5g/l, taux supérieur à la valeur minimale européenne, et que l'ensemble des fabricants serait très proche de ce taux alors que, à certaines époques et pour certaines races de vache, il peut atteindre jusqu'à 34g/L ne valide en rien la pratique de la standardisation ; qu'il est tout aussi indifférent pour la constitution de l'infraction que l'administration des douanes ait autorisé l'utilisation des mêmes nomenclatures pour l'exportation de lait standardisé que pour du lait non standardisé ; que sur l'élément matériel et moral de la falsification et de la tromperie en ce oui concerne le lait de consommation : le caractère prohibé de la pratique de la standardisation à la baisse du lait de consommation résulte des deux règlements communautaires successivement applicables entre 96 et 98, interdisant toute autre manipulation que celles autorisées ; que l'ajout de perméat et d'eaux blanches aux laits collectés pour en augmenter la production, est aussi de nature à altérer une des qualités substantielles de ce produit de grande consommation, base alimentaire pour les jeunes enfants ; que le consommateur dont le règlement communautaire de 1997 rappelle l'attachement aux aspects nutritionnels des protéines du lait, et la nécessité de lui garantir que le taux naturel de protéine du lait n'est en aucun cas diminué, a été trompé par cette pratique contraire à la livraison en l'état des laits de collecte ; que le fait qu'après mélange des laits collectés et de perméat : produit issu du lait (mais n'en constituant pas pour autant, en la quasi absence de protéines), l'analyse du produit transformé corresponde à la définition et à la composition chimique du lait dans ses éléments constitutifs réglementés (notamment la teneur minimum en protéines), et ne nuise pas à la santé du consommateur, n'empêche pas pour autant la constitution des infractions de falsification et tromperie ; que X doit être déclaré en conséquence coupable de ces délits mais pour les seuls sites au sein desquels étaient fabriqués ou mis en vente des laits de consommation, seuls visés à la prévention, en ayant sciemment laissé vendre le lait ainsi falsifié, par stratégie commerciale d'un groupe qu'il dirigeait de 96 à 98 ; que compte tenu de ses responsabilités de dirigeant d'un des plus grands groupes européens de fabrication de produits laitiers, de ses responsabilités syndicales au sein des producteurs de lait, des pressions des producteurs français auprès des instances de l'Union Européenne, en vue de modifier la réglementation et faire accepter la standardisation à la baisse du taux de protéines du lait, il ne peut sérieusement soutenir qu'il ignorait celle-ci ; qu'il sera donc déclaré coupable de ces délits, pour l'ensemble des sites visés à la prévention, à l'exclusion de l'usine de Retiers, qui a seulement pour objet la fabrication de produits industriels laitiers, ou d'aliments de bétails, à l'exclusion du lait de consommation ; que le tribunal constatera en outre que si dans les motifs de l'ordonnance de renvoi, il est mentionné l'adjonction d'eau oxygénée dans du lait sur le site de Retiers, le renvoi devant le tribunal se limite à la falsification par baisse du taux de protéines du lait UHT, et qu'en tout état de cause, cette usine ne fabrique pas du lait de consommation seul visé dans sa saisine ;
"1°) alors que le délit de falsification n'est constitué qu'autant que la modification de la composition physique d'un produit alimentaire méconnaît sa définition légale ou réglementaire ; qu'il résulte des constatations auxquelles les juges du fond ont procédé, tant par motifs propres qu'adoptés, que l'analyse du produit transformé correspond à la définition et à la composition chimique du lait dans ses éléments constitutifs réglementés (notamment la teneur minimum en protéines) et ne nuit pas à la santé du consommateur ; qu'en retenant que la standardisation du taux de protéines du lait, par le procédé de l'ultrafiltration, constitue une falsification, bien que la diminution du taux de protéine du lait de consommation ne modifie pas la composition physico-chimique du lait de consommation, ni la teneur minimale fixée par les réglementations françaises et européennes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ; qu'ainsi, elle a violé les dispositions précitées ;
"2°) alors que la falsification d'un produit est constituée par le recours à un traitement illicite et non conforme à la réglementation en vigueur de nature à en altérer la substance ; que X faisait valoir, dans ses conclusions, que la pratique de la standardisation, par la technique de l'ultrafiltration, n'avait pas altéré les qualités substantielles du lait commercialisé, dès lors que la composition du lait n'avait pas été affectée par la standardisation de la matière protéique qui n'en avait jamais fait descendre la teneur en deçà des minimums fixés en droit communautaire à 28 g/l de matière azotée totale, soit 27g/l de matière protéique ou, en droit interne, par les usages professionnels à 31,5 g/l de matière protéique, soit 33 g/l de matière azotée totale (conclusions, pp. 14, 15, 16 et 17) ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la pratique de la standardisation, par la technique de l'ultrafiltration, n'avait pas altéré les qualités substantielles du lait commercialisé, après avoir retenu, par motifs propres et adoptés, que la standardisation de la matière protéique ne modifie pas la composition physicochimique du lait de consommation, ni la teneur minimale fixée par les réglementations françaises et européennes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions précitées" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 213-3, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation, du règlement communautaire n° 1421/71 du 29 juin 1971 et du règlement communautaire n° 2597/97 du 18 décembre 1997, du décret du 25 mars 1924 portant réglementation d'administration publique pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes, notamment en ce qui concerne le lait, de la loi des 16-24 août 1790, de l'article 2 de la loi n°82-847 du 6 octobre 1982 relative à la création d'offices d'intervention dans le secteur agricole et à l'organisation des marché, de l'article 162 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, ensembles les articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a, statuant sur les intérêts civils, condamné X à payer à l'Office nationale interprofessionnel du lait et des produits laitiers, la somme de 688 482,46 euro, en remboursement des restitutions versées ;
"aux motifs propres que, le tribunal, en page 17 de son jugement, a fort bien exposé la situation ; qu'il a rappelé que cet établissement public industriel et commercial a, notamment, pour mission dans le cadre de la PAC, de verser des aides communautaires aux entreprises françaises sous forme de restitutions, pour les exportations qu'elles réalisent hors Union Européenne ; que cet organisme a donc effectué des versements pour l'exportation de lait falsifié ; que les restitutions ont été justifiées pour 1997 et les trois premiers mois de 1998 et le mode de calcul pour évaluer le coût inutile en fonction de la quantité de lait falsifiée n'est pas critiquable ; que la cour confirmera donc tout autant les dommages fixés que les frais irrépétibles, Onilait n'étant d'ailleurs pas appelant ;
"aux motifs adoptés que, " l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (Onilait), établissement public industriel et commercial créé par la loi du 6 octobre 1982 est chargé dans le secteur du lait et des produits laitiers d'appliquer la politique communautaire et dans le cadre de la PAC de verser des aides communautaires aux entreprises françaises sous forme de restitutions au titre des exportations qu'elles réalisent en dehors de la communauté européenne ; qu'elle est donc parfaitement recevable à se constituer partie civile en raison du préjudice directement subi par la violation de la réglementation communautaire et le versement de restitutions à une société qui a violé cette réglementation ; que ces restitutions ayant pour objet de compenser la baisse de prix nécessaire à l'exportation vers des pays tiers en raison de la concurrence mondiale des mêmes produits dénués des qualités exigées par la communauté, le respect de la réglementation est donc une exigence liée à ces aides, reconnu par la Cour de Justice da CE par arrêt Claus W. J : Haupptzommamt du 9 octobre 1973 (décision préjudicielle) ; que le règlement 1258/1999 du conseil des communautés remplaçant le règlement du 21 avril 1970 prévoyant que les États membres sont compétents à poursuivre les irrégularités et récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités, l'Onilait, compte tenu de son objet et de sa mission est fondée à demander des dommages et intérêts à X pénalement responsable de la fraude en raison des restitutions indûment versées pour les laits exportés non conformes dans leur composition à la réglementation, et ce même si les aides ont été versées à la société dont il était dirigeant ; que cet indu constitue en effet le montant du préjudice de l'Onilait, agissant par représentation ; que l'Onilait justifiant des restitutions versées sur l'année 1997 et les trois premiers mois de l'année 1998, pour le nombre de litres exportés par le groupe Y, et ayant appliqué le coefficient de pourcentage du lait falsifié (54 %) par rapport au lait globalement produit chaque année, il convient de condamner X à lui verser la somme de 688 482,46 euro , correspondant à 54 % des restitutions versées " ;
"1°) alors que l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, office d'intervention créé en application de la loi du 6 octobre 1982, est un établissement public qui, bien que présentant un caractère industriel et commercial, peut aussi se voir confier des missions à caractère administratif liées à l'exercice de ses attributions ; qu'ainsi, il a notamment pour mission de verser des aides communautaires aux entreprises sous forme de restitutions, pour les exportations qu'elles réalisent hors Union Européenne, ce qui implique une activité purement administrative ; qu'il s'ensuit que les litiges relatifs à l'attribution des aides instituées par la réglementation communautaire versées par l'Onilait relèvent de la seule compétence des juridictions de l'ordre administratif ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;
"2°) alors que les personnes publiques sont irrecevables à demander au juge, le prononcé de mesures qu'elles ont le pouvoir de prendre, dans l'exercice d'une activité purement administrative ; qu'il s'ensuit qu'Onilait est tenu d'émettre un état exécutoire en vue d'obtenir le remboursement des aides à l'exportation qu'il estime avoir irrégulièrement versées pour le compte de la communauté européenne aux producteurs de lait, sans qu'il soit recevable à en demander le remboursement aux juridictions de l'ordre judiciaire, par la voie d'une action civile ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;
"3°) alors que X faisait valoir dans ses conclusions, que les produits laitiers, même standardisés, étaient éligibles aux restitutions communautaires à l'exportation, quelle que soit leur classification dans la nomenclature douanière, qu'ils soient considérés comme du lait ou, si tel n'est pas le cas, comme des mélanges liquides (conclusions, p. 9 et 10) ; qu'en affirmant que l'exportation de lait standardisé n'ouvrait pas droit aux aides communautaires à l'exportation sous forme de restitutions, sans répondre aux conclusions de X, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;
Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 411-11 du Code du travail, ensemble les articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné X à payer à la confédération paysanne, des dommages-intérêts d'un montant de 50 000 euro ;
"aux motifs propres que le tribunal a exposé en page 15 de son jugement les raisons de la recevabilité de cette constitution de partie civile, et a fixé son préjudice ; que ses motifs sont pertinents ; que la cour relève d'ailleurs, même si ce n'est pas déterminant pour la juridiction de jugement, que la constitution de partie civile de cet organisme professionnel avait été déclarée recevable par ordonnance du 5 décembre 2000, confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction du 18 avril 2001 ; qu'il est clair que la confédération paysanne défend des intérêts professionnels collectifs qui ont été atteints par les infractions dont le prévenu a été déclaré coupable ; que non seulement l'image même du lait a été atteinte, mais encore, compte-tenu des quantités "travaillées", il y a eu nécessairement et corrélativement un manque à gagner pour la profession ; qu'en ce qui concerne le montant des indemnités fixées, aucun élément nouveau en cause d'appel n'en permet une appréciation différente ;
"aux motifs adoptés que la confédération paysanne dont l'objet est la défense des intérêts nationaux et européens des agriculteurs et dont ses membres sont composés d'éleveurs et de producteurs, et qui lutte en particulier pour la baisse des quotas laitiers et pour l'élévation des prix de la production laitière, est fondée à faire valoir le préjudice moral subi par l'intérêt collectif de ses membres, concernés nécessairement par la qualité du lait, denrée alimentaire symbolique, et sur l'atteinte à l'image de ce produit et de la profession par sa falsification par un industriel ayant une part de marché très importante en Europe et qui se montre très exigeant sur le lait collecté alors même qu'il n'a pas hésité à institutionnaliser une pratique illicite de nature à modifier le taux de protéine du lait livré ; que, par ailleurs, si les agriculteurs livreurs de la société Y ont été payés en fonction du taux de protéine réel, l'ensemble de la profession représenté par la confédération paysanne subit un préjudice du fait de l'augmentation artificielle du volume de lait générant un bénéfice important pour l'industriel, alors que la même quantité aurait pu leur être achetée, ce qui s'analyse en une perte de chance de gains, qu'ils sont soumis à des quotas rigoureux, et que le syndicat promeut la production de produits sains et naturels ; que la confédération paysanne ne peut en revanche invoquer un préjudice en ce qui concerne le lait biologique dont il n'est pas établi qu'il ait été falsifié ;
"alors qu'un syndicat professionnel n'est recevable à se porter partie civile que pour la défense des intérêts collectifs de la profession qu'il représente ; qu'en retenant que chacun des éleveurs et producteurs aurait subi un préjudice du fait de l'augmentation artificielle du volume de lait générant un bénéfice important pour l'industriel, tandis que la même quantité aurait pu leur être achetée, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à établir que la confédération paysanne avait subi un préjudice commercial distinct du préjudice personnel subi par ses membres qui l'autoriserait à agir" ;
Attendu que, pour déclarer recevable la constitution de partie civile du syndicat professionnel cité au moyen, la cour d'appel prononce par les motifs qui y sont repris ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait une exacte application de l'article L. 411-11 du Code du travail, qui autorise les syndicats et organismes professionnels ou interprofessionnels à exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme.
Rejette le pourvoi.