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Décisions

Cass. crim., 2 octobre 2007, n° 06-87.909

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Farge

Rouen, ch. corr., du 28 sept. 2006

28 septembre 2006

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 28 septembre 2006, qui, pour infraction au Code de la santé publique, tromperie aggravée et usage de faux, l'a condamné à 9 000 euro d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 441-1, 441-10 et 441-11 du Code pénal, L. 5132-1, L. 5132-6, L. 5132-8, L. 5142-1, L. 5142-4, L. 5432-1 du Code de la santé publique, L. 213-1, L. 213-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de motifs et défaut de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Serge X coupable du délit de délivrance de médicaments vétérinaires sans ordonnance, et du délit d'usage de faux et du délit de tromperie et l'a condamné à 9 000 euro d'amende ;

"aux motifs que, s'agissant de Serge X auquel il est reproché d'avoir, courant 1998, délivré des médicaments vétérinaires sans que soient présentées les ordonnances qui doivent s'y attacher et fait usage de faux en remettant aux éleveurs des ordonnances délivrées a posteriori par le vétérinaire prescripteur, puis d'avoir, courant 1998 et jusqu'au 27 décembre 2000, trompé ou tenté de tromper les clients éleveurs, acheteur d'aliments médicamenteux destinés aux animaux, sur les qualités substantielles et la composition des marchandises, ce dernier sollicite sa relaxe de ces chefs de poursuite au motif que les dispositions de l'article L. 5142-1, anciennement 615, du Code de la santé publique instaurent une délégation de pouvoirs obligatoire au profit du vétérinaire personnellement responsable de l'application des dispositions législatives et réglementaires concernant les aliments médicamenteux sans préjudice, le cas échéant, de la responsabilité solidaire de la société, que la responsabilité pénale pèse de droit sur Michel Z délégué obligatoirement à cet effet et que sa responsabilité de dirigeant de la société ne peut être retenue aux côtés de la responsabilité de droit du vétérinaire délégué, les dispositions de l'article 5142-1 du Code de la santé publique n'instaurant la possibilité d'une responsabilité solidaire du vétérinaire qu'avec la société et non ses dirigeants, et au motif qu'il n'avait pas reçu délégation de pouvoirs pour supporter la responsabilité pénale de la société SNDT en matière de fabrication et de distribution d'aliments médicamenteux ; que, ceci étant, durant l'année 1998 et jusqu'au 27 décembre 2000, Serge X exerçait ses fonctions de directeur général de la société A devenue le 8 décembre 1999 la société B, des fonctions de commandement, d'autorité et de représentation qu'il a nécessairement acceptées, eu égard à la durée de leur exercice par ce dernier sans qu'il ne les contestât, et qui s'accompagnent implicitement d'une délégation de pouvoirs de la part de son président, étant observé qu'il fut expressément accordé dans les décisions précitées à Serge X des pouvoirs de direction ainsi qu'en atteste en outre le fait qu'il fut personnellement signataire au nom de la SNDT de la convention passée avec Michel Z pour la surveillance de la fabrication d'aliments médicamenteux et de son renouvellement ; que Serge X a encore reconnu, qu'il était informé de la législation en vigueur en matière d'aliments médicamenteux, qu'il savait que cette législation n'était pas respectée et notamment en 1998 lorsque la société A était encore un site de production placé sous responsabilité et qu'il a convenu que la délivrance par le vétérinaire de l'ordonnance a posteriori n'avait pour vue que de régulariser les commandes et délivrances d'aliments médicamenteux ; que Serge X n'est donc pas fondé à invoquer l'absence d'une délégation expresse de pouvoirs ou encore de compétence pour se soustraire à sa responsabilité pénale ; que Serge X, alors qu'en 1998 les contrôles effectués par la DGCCRF portaient sur une époque où la société A assurait non seulement la commercialisation et la délivrance des aliments médicamenteux, ainsi qu'il en sera sous sa direction jusqu'au 27 décembre 2000, mais encore la production de ses produits, n'est pas davantage fondé, pour se soustraire à sa responsabilité pénale, à prétendre que la responsabilité du vétérinaire instituée par l'article L. 5142-1 du Code de la santé publique (anciennement 615) dans l'application des dispositions législatives et réglementaires applicables aux aliments médicamenteux exclurait toute responsabilité pénale de sa part, ce texte ne faisant pas obstacle à ce que la responsabilité pénale des personnes physiques et en particulier des dirigeants au sein de la société soit engagée en qualité d'auteur, co-auteur ou complice lors de la commission d'infractions à l'occasion de la vente et de la délivrance d'aliments médicamenteux ; que, ceci étant, Serge X, qui ne méconnaissait pas la réglementation applicable en matière d'aliments médicamenteux et n'ignorait pas les pratiques en vigueur dans la société dont il était le directeur général alors qu'il lui incombait de s'assurer de la réglementation en vigueur : - en autorisant en 1998 que la société A délivre aux éleveurs des aliments médicamenteux sans prescription vétérinaire s'est bien rendu coupable du délit prévu et réprimé par l'article L. 5432-1, anciennement article L. 658-8-III, du Code de la santé publique pour avoir omis de respecter les dispositions réglementaires prévues aux articles L. 5132-1, L. 5132-6, L. 5132-8 et L. 5142-4 du Code de la santé publique interdisant la cession d'aliments médicamenteux sans ordonnance vétérinaire ; - en faisant en 1998, parvenir aux éleveurs des ordonnances rédigées a posteriori par le vétérinaire prescripteur, sans examen des animaux et dans le seul but de régulariser la délivrance de ces produits déjà effectuée dans des conditions illicites, s'est bien rendu coupable du délit d'usage de faux prévu et réprimé par les articles 441-1, 441-10 et 441-11 du Code pénal ; - en délivrant, courant 1998 et jusqu'au 27 décembre 2000, à des clients éleveurs des aliments médicamenteux destinés aux animaux, alors qu'il n'ignorait pas que le ou les pré mélange(s) médicamenteux n'avait (ent) pas été prescrit(s) par le vétérinaire, que le recours au mélange d'aliments avec plusieurs pré mélanges médicamenteux était interdit, et que la suralimentation en antibiotiques des animaux n'étant pas sans risque pour la santé de l'animal et de l'homme, a bien trompé ses cocontractants sur les qualités substantielles et la composition des marchandises par eux acquises et s'est ainsi rendu coupable, dans les termes de la prévention, du délit de tromperie prévu et réprimé par les articles L. 213-1, L. 213-2, L. 216-3 et L. 216-8 du Code de la consommation ;

"alors, de première part, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires de conclusions dont les juges du fond sont régulièrement saisis par les parties ; que l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; que le président du conseil d'administration ne peut déléguer ses pouvoirs à plusieurs directeurs généraux pour l'exécution d'un même travail, un tel cumul étant de nature à restreindre l'autorité et à entraver les initiatives des prétendus délégataires ; que, dans ses conclusions d'appel, Serge X faisait valoir qu'il a été nommé conjointement directeur général avec M. Y et que les pouvoirs étaient partagés entre eux ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

"alors, de deuxième part, que l'indétermination de l'étendue des pouvoirs délégués exclut le transfert de responsabilité pénale ; que, dans ses conclusions d'appel, Serge X faisait valoir que la délégation de pouvoirs issue du procès-verbal de délibération du conseil d'administration du 7 mars 1997 ne définissait pas quelle responsabilité pénale lui aurait été dévolue ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

"alors, de troisième part que le juge ne peut retenir la délégation de pouvoirs sans constater que le prétendu délégué ait été pourvu de l'autorité, de la compétence et des moyens nécessaires à l'accomplissement de sa tâche ; qu'en s'abstenant de rechercher si le prétendu titulaire de la délégation de pouvoirs était bien investi des moyens propres à l'accomplissement de sa tâche, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, de quatrième part, en tout état de cause s'agissant de l'infraction de délivrance d'aliments médicamenteux sans prescription vétérinaire, que l'article L. 5142-1 du Code de la santé publique instaure une délégation de pouvoirs obligatoire au profit du vétérinaire personnellement responsable de l'application des dispositions législatives et réglementaires concernant les aliments médicamenteux, sans préjudice, le cas échéant, de la responsabilité de la société ; que la responsabilité pénale ne peut être retenue cumulativement à l'encontre de plusieurs délégataires pour inobservation des dispositions législatives et réglementaires concernant les aliments médicamenteux, ni cumulativement à l'encontre du délégant et du délégataire ; qu'en énonçant, pour retenir que Serge X ne pouvait se soustraire à sa responsabilité pénale, que l'article L. 5142-1 ne ferait pas obstacle à ce que la responsabilité pénale des personnes physiques en particulier des dirigeants au sein de la société soit engagée en qualité d'auteur, co-auteur ou complice lors de la commission d'infractions à l'occasion de la vente et de la délivrance d'aliment médicamenteux, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 441-1, 441-10 et 441-11 du Code pénal, L. 5132-1, L. 5132-6, L. 5132-8, L. 5142-1, L. 5142-4, L. 5432-1 du Code de la santé publique, L. 213-1, L. 213-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de délivrance de médicaments vétérinaires sans ordonnance, du délit d'usage de faux et du délit de tromperie et l'a condamné à 9 000 euro d'amende ;

"aux motifs que, lors de son audition le 5 septembre 2001, Serge X reconnaissait qu'il était informé de la législation en vigueur en matière d'aliments médicamenteux et en particulier concernant les pré mélanges médicamenteux, indiquant notamment savoir que le recours au mélange de plusieurs pré mélanges médicamenteux était interdit ; qu'il admettait que cette législation n'était pas respectée et que sa société proposait aux éleveurs une gamme de produits comportant des mélanges de pré mélanges médicamenteux, estimant indispensable d'y recourir pour constituer l'aliment médicamenteux proposé aux éleveurs ; qu'il disait être conscient des risques sanitaires que pouvait occasionner la suralimentation des animaux en antibiotiques mais précisait que face à la concurrence, l' " aliment blanc " (sans médicament) ne satisfaisait pas les éleveurs ; que Serge X, selon lequel il était matériellement impossible d'organiser des visites systématiques des élevages par un vétérinaire, reconnaissait que sa société disposait d'un logiciel contenant des modèles au nom de Michel Z ; que, dès qu'une commande était passée par le client, " l'ordonnance était déclenchée ", faxée au vétérinaire pour signature et ensuite transmise à l'éleveur par la société ; que, ceci étant, durant l'année 1998 et jusqu'au 27 décembre 2000, Serge X exerçait ses fonctions de directeur général de la société A devenue le 8 décembre 1999 la société B, fonctions de commandement, d'autorité et de représentation qu'il a nécessairement acceptées, eu égard à la durée de leur exercice par ce dernier sans qu'il ne les contestât, et qui s'accompagnent implicitement d'une délégation de pouvoirs de la part de son président, étant observé qu'il fut expressément accordé dans les décision précitées à Serge X des pouvoirs de direction ainsi qu'en atteste en outre le fait qu'il fut personnellement signataire au nom de la SNDT de la convention passée avec Michel Z pour la surveillance de la fabrication d'aliments médicamenteux et de son renouvellement ; que Serge X a encore reconnu, qu'il était informé de la législation en vigueur en matière d'aliments médicamenteux, qu'il savait que cette législation n'était pas respectée et notamment en 1998 lorsque la société A était encore un site de production placé sous responsabilité et qu'il a convenu que la délivrance par le vétérinaire de l'ordonnance a posteriori n'avait pour vue que de régulariser les commandes et délivrances d'aliments médicamenteux ; que Serge X n'est donc pas fondé à invoquer l'absence d'une délégation expresse de pouvoirs ou encore de compétence pour se soustraire à sa responsabilité pénale ; et que ceci étant, Serge X, qui ne méconnaissait pas la réglementation applicable en matière d'aliments médicamenteux et n'ignorait pas les pratiques en vigueur dans la société dont il était le directeur général alors qu'il lui incombait de s'assurer de la réglementation en vigueur : - en autorisant en 1998 que la société A délivre aux éleveurs des aliments médicamenteux sans prescription vétérinaire s'est bien rendu coupable du délit prévu et réprimé par l'article L. 5432-1 anciennement article L. 658-8-III du Code de la santé publique pour avoir omis de respecter les dispositions réglementaires prévues aux articles L. 5132-1, L. 5132-6, L. 5132-8 et L. 5142-4 du Code de la santé publique interdisant la cession d'aliments médicamenteux sans ordonnance vétérinaire ; - en faisant en 1998, parvenir aux éleveurs des ordonnances rédigées a posteriori par le vétérinaire prescripteur, sans examen des animaux et dans le seul but de régulariser la délivrance de ces produits déjà effectuée dans des conditions illicites, s'est bien rendu coupable du délit d'usage de faux prévu et réprimé par les articles 441-1, 441-10 et 441-11 du Code pénal ; - en délivrant courant 1998 et jusqu'au 27 décembre 2000 à des clients éleveurs des aliments médicamenteux destinés aux animaux, alors qu'il n'ignorait pas que le ou les prémélange(s) médicamenteux n'avait (ent) pas été prescrit(s) par le vétérinaire, que le recours au mélange d'aliments avec plusieurs prémélanges médicamenteux était interdit, et que la suralimentation en antibiotiques des animaux n'étant pas sans risque pour la santé de l'animal et de l'homme a bien trompé ses cocontractants sur les qualités substantielles et la composition des marchandises par eux acquises et s'est ainsi rendu coupable, dans les termes de la prévention, du délit de tromperie prévu et réprimé par les articles L. 213-1, L. 213-2, L. 216-3 et L. 216-8 du Code de la consommation ;

"alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires de conclusions dont les juges du fond sont régulièrement saisis par les parties ; que l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, le prévenu faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'il n'avait reçu aucune formation particulière lui conférant une compétence dans le domaine de la législation des aliments médicamenteux ; que, pour caractériser l'élément intentionnel des infractions qui lui sont reprochées, la cour d'appel s'est bornée à avancer que Serge X était informé de la législation en vigueur, sans répondre au moyen péremptoire tiré de l'absence de compétence particulière dans ce domaine, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que Serge X, directeur général d'une société fabriquant et commercialisant des produits destinés à l'alimentation animale, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour avoir, au mépris des dispositions de l'article L. 617 du Code de la santé publique devenu l'article L. 5142-4 du même Code, délivré, sans prescription vétérinaire, des aliments médicamenteux à des éleveurs et fait usage d'ordonnances établies a posteriori, ainsi que pour avoir trompé les acheteurs sur les qualités substantielles des aliments médicamenteux livrés, lesquels contenaient, notamment, des produits non conformes à la réglementation en vigueur ou des substances prohibées de nature à rendre leur utilisation dangereuse pour les animaux ;

Attendu que, pour rejeter l'argumentation du prévenu, qui soutenait qu'aucune délégation expresse de pouvoir ne lui avait été donnée et que l'article L. 615 devenu L. 5142-1 du Code de la santé publique, attribue une délégation de pouvoir de plein droit au vétérinaire, personnellement responsable de l'application des dispositions législatives et réglementaires concernant les aliments médicamenteux, l'arrêt retient que les délibérations ayant nommé Serge X aux fonctions de directeur général de la société lui ont accordé une délégation de pouvoir et qu'il a effectivement exercé des fonctions de commandement, d'autorité et de représentation ; que les juges ajoutent que le prévenu, qui n'ignorait pas la réglementation en vigueur, a autorisé la délivrance d'aliments médicamenteux sans ordonnance, a fait parvenir aux éleveurs des ordonnances établies a posteriori sans examen des animaux et a livré, en connaissance de cause, des aliments médicamenteux comportant des mélanges interdits, pouvant nuire à la santé des animaux ; qu'enfin, les juges énoncent que l'article L. 5142-1 du Code de la santé publique ne fait pas obstacle à ce que soit engagée la responsabilité pénale des dirigeants d'une personne morale, lorsqu'ils ont commis une infraction en matière d'aliments médicamenteux ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui caractérisent une participation personnelle du prévenu à chacune des infractions dont il a été déclaré coupable, la cour d'appel, qui a répondu sans insuffisance aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme.

Rejette le pourvoi.